Bioy, le roman noir, très noir du latino-américain Diego Trelles Paz dans le Pérou du sentier lumineux
Ce roman est un sacré choc, il éveille les consciences aux années terribles vécues par le Pérou dans les années 80. Le décor de ce roman, ce sont les combats du sentier lumineux contre l’état en place, la violence, puis la contre plongée dans les ripostes sanglantes des militaires au pouvoir, et en parallèle, vingt ans plus tard, toujours la violence, celle des caïds de la cocaïne, des voyous sans peur mais souvent drogués et alcoolisés au dernier degré, des durs qui n’hésitent ni à violer ni à tuer. C’est l’histoire tragique de Marcos, un jeune homme particulièrement étrange qui veut venger sa mère, c’est celle de Macarra, un policer infiltré qui transpire la peur et qui devient peut être pire que les truands qu’il surveille, c’est surtout celle de Bioy, ancien militaire dont on comprend vite qu’il est passé depuis longtemps de l’autre côté du miroir, du côté de la cruauté brute et sans faille.
L’écriture est étonnante car elle fait appel à tous les genres, récit, roman noir, blog, descriptions cinématographiques, dépositions à la police. J’ai eu l’impression que les descriptions scénographiques étaient d’ailleurs faites à des moments où le récit seul serait insoutenable, l’éloignement que provoquent ces descriptions d’une scène vue à travers la caméra rend les violences à peine supportables.
L’auteur parle de toutes les périodes avec une très relative alternance, mais sans réelle chronologie, même si certains chapitres s’ouvrent sur des dates précises, heureusement pour le lecteur. Sur la première partie, j’avoue on s’y perd un peu, mais le puzzle se met en place petit à petit, les personnages se révèlent, les intrications prennent forme, les buts avoués ou inavoués se confirment, les vengeances se précisent.
Voyeur passif et contraint de toute cette violence, j’ai découvert l’histoire d’une révolte dont j’avais vaguement entendu parler, en particulier à propos du sentier lumineux. Mais il me semble que l’auteur montre surtout que les implications et les conséquences dans la vie et dans le futur de ceux qui ont été touchés, qu’ils aient été complices ou victimes, va bien au-delà de l’imaginable. Un roman difficile, mais que je ne regrette certainement pas d’avoir lu, bien au contraire.
Lima, années 80. Alors que l’état et la guérilla du Sentier Lumineux se livrent une guerre sans merci, Elsa, une jeune militante communiste, est soumise aux viols et à la torture des militaires. Parmi eux, Bioy, jeune caporal tétanisé par ce déchaînement de violence. Lima, années 2000. Bioy est désormais à la tête d’un des gangs les plus violents de la ville, au service des cartels de la drogue et du crime organisé. Ses anciens collègues de l’armée sont en prison ou en fuite aux États-Unis. Vingt ans se sont écoulés qui ont plongé le Pérou dans l’abîme, et c’est le récit de cette chute que ce roman nous livre à travers les destins croisés de Bioy, d’Elsa, d’un flic infiltré et d’un étrange garçon assoiffé de vengeance. Intrigue tentaculaire, récit à la chronologie chaotique qui mêle le passé au présent et emprunte à des formes aussi diverses que l’écriture cinématographique ou le blog, Bioy forme un puzzle romanesque qui déploie toutes les facettes de la violence, de l’horreur et la déchéance humaine et tente sans relâche de répondre à cette question : l’idée même de rédemption a-t-elle encore un sens ?
En plaçant la violence et la question de la banalisation du mal au cœur de son livre, Trelles Paz s’affirme comme l’une des voix latino-américaine les plus prometteuses du roman noir.
Date de parution : 12/03/2015 / Format : 14 x 20,5 cm, 352 p. / 21,00 EUR€ / ISBN 978-2-283-02785-1
Quand le mystère s’épaissit, une BD d’anticipation humaniste
Dans ce deuxième tome, Erwan est encore au pays des larmes d’abeilles alors que Pauline en est déjà repartie. Étrangement d’ailleurs, presque au détour d’un virage.
Quand Erwan regagne son monde, il constate qu’il est parti deux ans, pendant tout ce temps le monde a changé, Maitre Cristo est mort, tout ce qui lui appartenait a disparu. Erwan tente de retrouver Pauline, il débarque de sa belle Bretagne comme un extraterrestre coupé des réalités et découvre un Paris envahi par la misère, les maladies, la pollution, une société dans laquelle la mondialisation a fait des ravages, le chômage est partout présent.
La recherche de Pauline est propice à décrire une situation apocalyptique, à évoquer le pire, une terre que les humains n’ont pas su protéger. Jusqu’au rebondissement final. On a envie de connaître déjà la suite, c’est sûr. Le graphisme me plait énormément, les situations sont intéressantes, présentant de nouveaux personnages, orchestrant les situations pour de nouveaux épisodes à venir.
Pour Loisel, co-scénariste avec Djian, et pour Vincent Mallié, le fantastique est toujours le meilleur moyen de découvrir de belles vérités humanistes.
Après avoir rempli la première partie de leur mission, Erwan et les prêtresses réalisent que Pauline, sur qui l’effet des larmes d’abeilles a cessé, a disparu. De retour dans la réalité, il découvre que Cristo est mort et que ses grimoires ont été éparpillés. Son ami Jérôme, qui gardait sa maison en son absence, lui apprend qu’une certaine Pauline est passée ; celle-ci avait un comportement étrange et vomissait régulièrement. Avant de rentrer chez elle à Paris, elle lui a laissé une lettre. Impatient mais inquiet, Erwan prend le train pour la retrouver. Une fois devant l’immeuble de Pauline, la concierge lui annonce que cette dernière a déménagé. Il parvient à soutirer ses nouvelles coordonnées, mais tout semble aller de mal en pis. De sombres perspectives obscurcissent désormais la gigantesque ville, et pour retrouver cette fille qui, il y a peu, lui était étrangère, Erwan va ricocher d’adresse en adresse, de surprise en surprise, de mystère en mystère…
Après le grand succès de la série Peter Pan, Régis Loisel est cette fois scénariste, et prête son talent de raconteur d’histoires au doué Vincent Mallié.
Quelle claque ce livre. J’y découvre un auteur qui parle en mots choisis, dans un texte bref et incisif, de l’essai Gerboise Verte, le quatrième test nucléaire réalisé par la France, en 1961.
C’est aussi le dernier essai effectué dans l’atmosphère au Sahara, alors encore pour peu de temps terre française.Tout le roman se déroule sur plusieurs époques, le passé, 1961, dans la lumière intense du Sahara, l’entre deux, retour à la civilisation, puis le présent beaucoup plus sombre. Le narrateur est l’un de ces jeunes soldats qui se retrouve là tout à fait par hasard, ne sachant ni pourquoi il est choisi, ni où il va, ni surtout ce qu’il risque.
À Reggane, une bombe est fixée sur une tour de 50 mètres, cachés dans un souterrain, les soldats devront sortir à l’air libre après l’explosion. Ils avancent dans l’air irréel vers le point zéro, lentement, vers l’inconnu, dans la tension extrême, la peur de ce qui est ou qui sera. Aucun ne sait, mais tous ont compris, compris que ce qu’ils vivent est exceptionnel, compris que ce qu’ils expérimentent est grave. Peur, pas peur, ils sont au-delà, ils savent qu’on leur cache le principal, ils savent qu’ils ne seront plus jamais les mêmes.
Ce livre est court, très court, mais tellement intense qu’il vous marque, forcément. L’auteur a une économie de mots incroyable, chacun semble choisi avec une extrême concision, une musicalité qui lui est propre, pour marquer profondément, pour éblouir, pour se souvenir. Il pose aussi quelques questions, que peut-on s’autoriser lorsque l’on fait des expérimentations, quel devrait être le suivi post action, quel suivi médical, quel est le niveau de connaissance des différents acteurs. Il n’y répond pas, moi non plus. Mais j’ai particulièrement aimé ce livre.
« Je suis sorti de la tranchée et tout de suite ses yeux m’ont fixé : deux prunelles de cendre. C’était une chèvre, une pauvre chèvre que nous n’avions pas vue, enchaînée sur la plaine, face au pylône et à la bombe. Un chevreau semblait s’abriter derrière elle, sur ses pattes tremblantes. Tous deux étaient comme cuits. J’ai abandonné mon compteur, et la chèvre s’est mise à hurler. Le chevreau était tombé sous elle. Il y avait ce cri, mécanique, sans être, un cri à nous rendre fous. Pour ce cri, j’aurais renoncé à la France. »
Avril 1961, dans le désert algérien. A trois kilomètres de ce point inconnu, une tour de cinquante mètres porte une bombe atomique. Le jeune soldat qui parle, accompagné d’une petite patrouille, participe à une expérience. Il est un cobaye.
C’est cette zone d’intensité extrême que nous livre Christophe Bataille. Face à l’histoire et à la mort, il reste les mots, les sensations, la douceur du grand départ puis la lumière.
Parution : 14/01/2015 / Pages : 88 Format : 118 x 188 mm / Prix : 12.00 € / EAN 9782246811640
En quatrième de couverture, il est écrit : « Redonnet, tout le monde s’en fout ». C’est étrange, non ? Mais au départ c’est bien ce que j’ai pensé, oui, Redonnet, tout le monde s’en fout, alors pourquoi prend-il la peine d’écrire une autobiographie.
Car c’est une biographie que je viens de lire, en étant très sceptique pendant les premières pages. Mais au final, quel livre étonnant !
Si j’ai eu beaucoup de mal à le commencer (simplement parce que la police de caractère est un peu petite et donc inconfortable) et si j’ai dû le lâcher quelques jours à regret par manque de temps, j’avais vraiment eu hâte d’y revenir.
Roman ou autobiographie ? L’auteur se raconte dans ce livre, mais il raconte avant tout la vie en France à une époque pas si lointaine qui semble disparue depuis longtemps. J’ai trouvé dans ses souvenirs de vie une époque révolue, celle de mes grands-parents, arrière grands parents, dans la campagne du sud-ouest. Pas la même que celle de l’auteur, bien sûr, dans mes souvenirs se mêlent plusieurs enfances, celle de mon père, la mienne, tous ces souvenirs ont été ravivés par les lignes magnifiquement écrites par cet auteur. le lecteur le suit au long des pages de son enfance, lui qui est parti loin de chez lui, Loin des siens aussi, n’ayant pas revu ses frères, sa région, mais toutes les émotions, les colères, les parfums, les lumières lui reviennent et il sait les transmettre avec une écriture musicale, colorée, gracieuse presque. J’ai vraiment apprécié le style de cet auteur que je découvrais avec ce roman.
Il nous parle de son enfance, de sa vie, et en parallèle nous le rencontrons enfant, alors qu’un homme arrive à la ferme et qu’il l’aborde sans que cet enfant ne comprenne bien pourquoi. Et ne comptez pas sur moi pour vous le dire. Ces deux « instants » se déroulent en alternance dans le récit. Il n’y a pas beaucoup d’animation, d’intrigue, mais il y a la vie, une famille, une mère à la personnalité singulière qui ne peut pas coller aux stéréotypes de son époque, tout ce qui fait sans doute que l’auteur est lui-même quelque peu singulier. Il y a une mélodie dans ces mots, celle de l’enfance, de la famille, du regret ou du plaisir, des interrogations, il y a la vie en somme. C’est superbement écrit, on plonge dans l’époque, dans les souvenirs, comme s’ils nous appartenaient. Par moments j’ai regretté qu’il n’y ait pas vraiment d’intrigue, que ce ne soit pas simplement un vrai roman, car je suis sure qu’il y avait de la matière dans cette vie pour en faire un roman. Mais malgré ces très courts moments j’ai largement apprécié, c’est une bien étrange et intéressante découverte.
Merci Bug édition de m’avoir fait découvrir cet auteur.
Dans cette autobiographie impure, puisqu’elle mêle imaginaire et réalité, le narrateur, en exil volontaire sur la frontière orientale de la Pologne, se retourne et regarde les pas laissés derrière lui… L’évocation de son voyage se fait tantôt tendre, tantôt sarcastique, tantôt tout empreint de colère… Les premières années marquées par l’absence paternelle, la révolte, la fuite du temps et la vanité permanente des illusions, sont au centre de son récit
Mon reportage au salon du Lire pour le site lecteurs.com, dernier jour
10h, j’arrive sur le salon. Je réalise que c’est un véritable marathon pour les auteurs. Avant le salon du livre, s’ils ne sont pas déjà en promotion de leurs romans, ils sont au calme dans leur bulle créatrice. Pendant le salon du livre, ils doivent sortir de cette bulle pour dédicacer, parler, sourire, échanger, poser pour les innombrables photos qui seront prises en quelques heures, être prêt à lire tous les tweets, tous les posts échangés qui porteront leur nom. C’est la rançon de la gloire. Je trouve toujours un peu étrange et déstabilisant de passer à côté d’auteurs esseulés, une pile de livres posée devant eux, qui me parlent fort gentiment et avec passion de leur roman, alors qu’à quelques mètres, une file gigantesque se constitue, avec des fans imperturbables, prêts à toutes les attentes, à tous les efforts pour obtenir La dédicace, Le dessin, de leur auteur favori.
Je pense à tous ces auteurs pour lesquels les files d’attentes se comptaient en heures : Marc Levy, Tatiana de Rosnay, Gilles Legardinier, Marc Lavoine, Michel Bussi, Jean D’Ormesson, Amélie Nothomb et ses chapeaux, Ken Follet, pour les principaux, sans compter les auteurs et surtout dessinateurs de BD, là il faut s’armer de courage pour y aller, c’est très long.
Le salon ce sont aussi tous les élus qui se doivent de passer par là, plus ou moins intéressés, au pas de course pour certains, un mot par ci par là pour d’autres. Entourés d’une foule toujours, étonnée, intéressée, flattée.
15h30, pour clore les rencontres sur le stand de lecteurs.com, Claire Fercak parle de son roman Histoires naturelles de l’oubli aux éditions Verticales.
Dans ce roman nous allons découvrir deux personnages étranges, un soigneur dans une ménagerie, que l’on retrouve sans connaissance, il a perdu ses souvenirs et est à la recherche de la mémoire. Il essaie de se créer une nouvelle vie. Puis Suzanne, une femme qui essaie de continuer sa vie comme si un événement n’était jamais arrivé. Apparemment, ces deux personnages sont dans l’impossibilité de vivre sereinement avec le monde social, avec les contraintes humaines. Étonnant, Claire Frecak nous explique qu’elle ne savait pas à l’avance où son récit allait la conduire. Elle a écrit les deux personnages en parallèle, puis l’un et l’autre. L’auteur aime avoir des thèmes différents à explorer, emmener le lecteur là où elle souhaite. Son roman aborde de nombreux les thèmes, coma, folie, blessure de l’amour, le commencement et la mort, le tout dans une dimension poétique qui emporte le lecteur dans une atmosphère très particulière.
Claire Fercak est éditée chez Verticales, la même maison d’édition que Maylis de Kerangal, prix Orange du livre 2014. L’éditeur, ici, c’est en fait deux personnes, un homme et une femme. S’ils ont beaucoup d’affinités, celles-ci passent par des chemins différents, ils ont forcément un regard différent sur les romans, ayant des vies différentes, des parcours différents, l’un d’eux est auteur, l’autre lecteur. Ils pensent donc que si le texte leur parle à tous les deux, il devrait parler également aux lecteurs. Je trouve l’idée de ce binôme particulièrement intéressante. Ils disent avoir suivi avec beaucoup de joie ce livre qui a mûri sous la plume de l’auteur.
Quand ils valident un livre, ils se rencontrent à deux, travaillent à deux, discutent et relisent à deux, c’est un collectif à deux en quelques sorte. Bien sûr ils ont des options, des goûts, des usages, des parcours différents, mais la discussion peut les faire changer d’avis, ils ne savent jamais d’avance où ça va finir. Ainsi ils ont perçu différemment le fait qu’un personnage parle au présent et l’autre au passé, et ce niveau de lecture différent fait avancer l’écrivain. Verticale, c’est l’éclectisme du catalogue, la fidélité et l’accompagnement d’auteurs très différents les uns des autres. Comme un cabinet de curiosité qui présente une diversité d’auteurs qui inventent la forme de ce qu’ils écrivent. L’éditeur fini en nous expliquant qu’à son avis, être cultivé c’est aimer les différences, alors que si on aime un seul livre on est un fanatique ! Et bien j’aime de nombreux livres, et ici sur le site de lecteurs.com, nous nous régalons des différences.
18h, les allées du salon se vident peu à peu. Il y a encore quelques acheteurs au square cuisine, ce sont les amateurs des polars de Michelle Barrière qui vient de cuisiner une recette de quelques grand chef du 19e ou 18e siècle que l’on peut retrouver dans ses romans. Au rayon BD, il ne reste quasiment plus de tome 1 pour les principales séries. En parcourant les allées, je constate avec plaisir que les piles de livres ont bien baissé, enfin il y en avait tant qu’il est difficile de tout acheter.
Les promeneurs s’en vont, bras chargés de nombreuses lectures à venir, des souvenirs de rencontres. Hier, nous avons eu la surprise de voir défiler dans les allées bondées de monde, au rythme de maracas, près de 200 auteurs qui manifestaient contre le piratage du livre, la hausse de la TVA sur le livre numérique, en scandant de sonores « pas d’auteurs, pas de livres ». Il y avait du monde au salon, le livre n’est pas mort mais il faut continuer à le faire vivre.
Il est temps de se quitter. Quelle belle expérience, vous entrainer avec moi dans les allées du salon du livre de Paris 2015 et sur le stand de lecteurs.com.
Sur ce site, les lecteurs partagent des idées de lectures, suivent avec attention les délibérations du jury du prix Orange du livre, et j’y mets en ligne mes avis sur quelques-uns des 30 livres sélectionnés, en attendant, belles lectures.
Mon reportage au salon du Lire pour le site lecteurs.com
10h, lorsque j’arrive sur le salon, malgré le froid il y a un monde fou à l’extérieur. Le calme règne dans les allées, ça ne va pas durer.
11h, les libraires partenaires de pagesdeslibraires.fr sont sur le stand pour donner des conseils de lecture, pour parler de tous ces livres auxquels on ne pense jamais. Aujourd’hui j’ai retenu le livre d’Annie Lebrun « de l’éperdu » qui nous est présenté comme un livre qui aide à mieux lire. C’est une idée géniale, non, de lire non pas pour aimer le livre mais pour ce qu’il nous apporte.
11h30, rencontre club de lecture ados. Ils sont arrivés en avance et écoutent attentivement nos libraires passionnés. Puis tour à tour ils présentent leur coup de cœur. J’en retiens quelques verbatim, tout d’abord leurs conseils : « Je le conseille parce qu’il fait réfléchir et en même temps c’est très drôle ». « Un livre hyper poignant parce qu’il est bien écrit ». « Quand j’ai fini ce livre j’ai pris une grande respiration, parce que dans ce livre, les gens ne respirent pas ». « Les pages ne sont pas droites, c’est désordonné et c’est de super histoires ». « C’est original, on suit plusieurs histoires, le héros n’a pas tout, quelque chose lui a été retiré et j’aime ce concept (le héros à un handicap physique) »
Ils ont passionnants, comment choisissent-ils leurs lectures, qu’y cherchent-ils, voici quelques-unes de leurs réponses : « Sur les conseil du libraire qui commence à me connaître, grâce au club de lecture, cela m’a permis d’aller vers d’autre styles de lectures ». « J’ai des habitudes, j’aime les récits de vie qui font pleurer, sentir les sentiments. Le club de lecture c’est bien, tu peux y trouver des livres passionnants ». « Des romans historiques, pour connaitre des lieux qu’on n’a pas regardé, des choses qu’on ne vivra jamais parce qu’elle se passent dans les temps anciens, mais pas au moyen âge quand même ». « C’est le titre qui me donne envie ». « Il faut que ça s’approche de la réalité ». « Je ne veux pas lire de livres qui parlent de la vie parce que ça on peut le vivre, ça peut arriver. Je lis plutôt des choses irréelles. Je choisi parfois pour le titre et la couverture ».
Quelle est leur relation à la littérature étudiée en cours, est-elle adaptée à leurs goûts, s’ y retrouvent-ils ? : « Il y a énormément de classiques, de théâtre, mais il faut les lire pour mieux apprécier les autres lectures et c’est important pour le bac français ». « On se reconnaît plus dans les romans d’aujourd’hui mais c’est bien de sortir de ce qu’on aime Tout dépend du classique, les misérables c’est très différent du petit prince ».
La libraire animatrice d’un des clubs de lecture nous dit qu’elle est très surprise car ils présentent aussi des livres qui les ont ennuyés, des classiques qu’ils doivent lire à l’école et même des livres dont ils pensent qu’ils auraient pu les aimer mais qu’ils trouvent mal écrit. C’est important de comprendre que chaque livre fait avancer dans ses choix, ses avis, son parcours de lecteur, il faut donc lire aussi ce que l’on n’aime pas.
Ce qu’ils aiment le plus ? Les livres pour la jeunesse, y compris pour bien plus jeunes qu’eux, mais aussi pour adultes. Ils piochent dans tous les genres, polar, science-fiction, classique, etc. C’est manifestement un vrai plaisir pour les libraires qui animent ces clubs de lecture. J’écoute des passionné, surprise de leur niveau d’appréciation, de synthése Cela m’a rappelé le livre du prix Clara 2014 édité chez Héloïse d`Ormesson, j’avais été étonnée du niveau de ces écrivains en herbe.
15h30, rencontre avec Émilie Frèche, lauréate du prix orange en 2013 pour deux étrangers chez Actes sud.
Émilie est un écrivain multiple, elle vient de terminer un roman et a co-écrit en parallèle un scénario pour un film. L’an dernier elle faisait partie du jury du prix Orange du livre et a contribué à l’élection de Maylis de Kerangal. Même s’il n’est pas toujours aisé d’avoir un œil critique sur d’autres romans et sur ses pairs, au final, choisir un livre ce n’est pas renoncer à d’autres. Elle ne porte pas un jugement, elle parle simplement du livre qui l’a emportée ou pas. Pour elle, « réparer les vivants » est réellement un très grand livre.
Elle a réellement mesuré l’exploit d’avoir eu le prix un an après, lorsqu’elle en est devenue jurée. Elle a aimé la liberté d’amener au jury les titres que l’on aime, en plus de tous ceux qui sont sélectionnés. Puis il faut en garder 30 et enfin 5. C’est alors qu’on prend la mesure de la difficulté. Il y a de la bagarre, de la passion, c’est un sujet sérieux, important. Les non professionnels sont presque les plus passionnés, ce sont des lecteurs assidus, avertis. D’où l’importance de ce prix.
Pour Émilie Frèche, l’écriture est une colère, presque une perversion, elle aime se contorsionner, la manipulation psychologique lui plait. Il est nécessaire de modifier la réalité, de la travailler pour qu’elle entre dans le roman. Et même si elle se base sur des personnes réelles pour leur créer une autre vie, l’écriture est l’endroit du fantasme, c’est le moyen d’avoir le père et la mère qu’on n’a jamais eu. Et forcément les livres qu’on écrit se répercutent dans votre propre vie, dans votre réalité. Elle n’imagine pourtant pas qu’elle pourrait écrire sans être publiée. La publication c’est un peu le nœud sur le cadeau. En fait un livre pourrait ne jamais être terminé. Elle écrit avec son oreille, tout est réécrit, peaufiné, pour obtenir la musicalité souhaitée. En cela elle rejoint quelques autres auteurs qui sont venus parler de leur travail sur le salon ou que j’ai pu entendre lors de tables rondes. Pour tous, la musicalité des phrases est essentielle à l’aboutissement du roman. J’aime lorsqu’elle nous dit qu’elle a longtemps pensé avoir besoin d’un cadre (un bureau, un espace) pour écrire, « En fait je suis chez moi dans l’écriture ».
Émilie Frèche confesse l’angoisse que tout s’arrête, alors qu’elle a déjà publié douze livres. Elle considère comme une chance inouïe d’arriver au bout d’un roman, cela lui prend en moyenne deux ans d’écriture. C’est un « truc » qui est là mais qui peut s’arrêter à tout moment, car elle n’a pas de plan prédéfini. Elle se lance et les idées viennent en écrivant. Si elle ne publie pas, elle n’existe pas. Écrire tient du marathon. Il faut une réelle force pour écrire, elle évoque la puissance physique d’un Hemingway, car c’est difficile de travailler à partir de rien.
Son prochain roman Un homme dangereux sera publié en août chez stock. Elle s’avoue un peu déprimée quand c’est fini, même si c’est une sorte de délivrance. Que peut-on sacrifier pour écrire un livre ? Quelque part, écrire, c’est l’histoire d’une descente aux enfers. Il faut se mettre en condition de « colère » pour se remettre à écrire. La réalité influe sur les textes et les textes changent à leur tour son rapport aux autres. Écrire, c’est un chemin, c’est peut-être ce qui fait qu’à chaque fois on écrit un autre livre. J’ai découvert une femme formidablement agréable, sincère, lumineuse, solaire, qui dégage une force et un enthousiasme communicatif et qui m’a donné envie de lire ses romans.
Dans l’après-midi je pars en voyage. Je fais une incursion au pavillon Cracovie et Wroclaw pour y écouter le débat sur la poésie polonaise, en particulier les poètes de la Nouvelle Vague. Qu’est-ce qui les caractérise le mieux, résistance, opposition politique, conflit générationnel, je ne sais qu’en penser. Puis je vais du côté de la littérature des Outre-Mer. Quelques illustrateurs de livres pour enfants réalisent une belle fresque colorée sur le stand de l’Ile de la Réunion. Cela me donne des envies de nouveaux horizons.
17h30, rencontre avec Miguel Bonnefoy, auteur du roman « le voyage d’Octavio », sélectionné pour le prix Orange 2015. Un auteur sympathique, agréable, dynamique, et qui prend le temps de dédicacer son livre pour l’équipe de lecteurs.com.
19h30, je quitte le salon du livre en passant devant un café brésilien caché dans un coin, une jeune femme chante accompagnée à la guitare. C’est un instant magique.
Mon reportage au salon du Lire pour le site lecteurs.com
10h, je viens d’arriver sur le salon et j’ai l’impression d’aller retrouver des amis. Au SDL il y a de nombreux espaces consacrés au voyage, guides de voyage, outremer, pays invité, villes invitées, je passe de stand en stand pour humer l’air, lire quelques mots, écouter les auteurs.
Sur le stand aquitaine, j’évoque avec Christophe Berliocchi son guide du pays Basque aux éditions Atlantica. Le guide idéal pour touristes et autochtones, décalé et original, très personnalisé, écrit par quelqu’un qui a adopté la région. Il cherche avant tout à montrer comment réussir un séjour en allant au-delà des clichés : mais non, au pays basque il ne pleut pas tous les jours, mais oui, par contre il y a des vagues.
11h sur le stand lecteurs.com les libraires présentent leur coup de cœur poche. Une libraire parle d’Antigone d’Henri Bauchaud comme d’un roman éternel « une fois qu’on a lu, on ne l’oublie jamais ». Pour elle c’est un grand écrivain qui sait combiner la fiction et la pensée. Une autre parle d’un roman dans lequel l’auteur et le narrateur entremêlent la pensée pour se jouer du lecteur. Ces libraires sont tellement passionnés qu’ils me donnent envie de découvrir ces romans. D’ailleurs, je demande parfois quelques idées de lecture et j’avoue que l’on me conseille souvent des pépites. Ensuite, je pars sur le salon à la découverte des villes invitées, Cracovie et Wroclaw, je constate rapidement que je suis totalement néophyte en littérature polonaise.
13h30, Tête de lecture vient lire nos pages coups de cœur à voix haute. C’est une belle émotion d’entendre « réparer les vivants » de Maylis de Kerangal, prix orange du livre 2014.
14h mon âme d’exploratrice de polar me conduit sur le stand du CNL assister à la table ronde sur le thème « peur sur la ville » avec Ingrid Astier et Dominique Manotti, deux dames du polar français et Paulo Lins et Edyr Augusto, deux auteurs Brésiliens. Pour Ingrid Astier le Brésil évoque la nature, le vert majestueux et triomphant. Les auteurs brésiliens eux, mêlent histoire, mythologie et imaginaire, mais également la tradition du foot et la tragédie politique, en particulier lorsqu’ils abordent la « décennie perdue ».
Quel est le lectorat du roman noir au Brésil ? La littérature brésilienne est en plein renouveau depuis 10 à 15 ans, de nouveaux auteurs émergent, des femmes expriment un éveil de sensibilité de manière simple, directe. Tous ces auteurs sont lus aux USA, en Europe et en Amérique du Sud. Les romans de Edyr Augusto, en particulier Belem et Moscow sont écrits en phrases courtes, nerveuses, segmentées, crépitantes, pas du tout étouffantes ni tropicales comme une forêt de lianes. Il vit en Amazonie, la plus grande forêt du monde, dans un ville portuaire qui pourrait ressembler à Marseille. Tout ce qui s’y passe est largement médiatisé. Malgré tout l’auteur à l’impression de vivre entouré d’une forêt verte d’un côté et d’une forêt de béton de l’autre.
Paulo Lins quant à lui explique que le Brésil n’a pas vraiment de tradition d’écriture de polar. Il existe quelques auteurs, pour une littérature de périphérie qui parle de banlieue, mais comme la banlieue est très violente, la littérature l’est aussi. Malgré leurs différences évidentes, ces quatre écrivains ont des sensibilités similaires. Avec toujours en idée sous-jacente qu’il n’est pas besoin d’inventer puisque le réel suffi à créer l’histoire. Si le niveau de violence semble très inférieur en France, les mécanismes des écrivains sont les mêmes, partir de la réalité pour construire l’intrigue. L’auteur doit être à l’écoute de la violence, de ce qui est tapis quelque part, sournois, noir, de tout ce qui fait la vie en somme. Le lecteur ne doit pas rester passif, l’auteur doit le tenir en éveil pour qu’il participe, qu’il y ait prise de conscience.
15h30, Karine Papillaud reçoit le premier lauréat du prix Orange en 2009, Fabrice Humbert, pour parler de son dernier livre Eden utopie chez Gallimard. Même s’il en est à son sixième roman, il reste très attaché à ce prix car il a rencontré des personnes qui suivent les auteurs, qui les accompagnent sur plusieurs années. Et l’évolution de la communauté de lecteurs (200 000) est très enrichissante, y compris pour les auteurs.
Pour son dernier roman, Fabrice Humbert a pris le parti prix d’écrire une natation romanesque, seulement la vérité sur une famille, à partir d’entretiens et de souvenirs réels. Son récit s’interroge sur la classe sociale, sommes-nous marqués par nos origines, par notre éducation, et qu’est ce qui soude une famille. Il nous présente la bande annonce du livre. Il est peu commun de créer un film sur le livre.
17h30, Fanny Chiarello présente son dernier roman Dans sa propre vie aux Éditions l’olivier, sélectionné pour le prix Orange du livre. Fanny Chiarello parle de la difficulté d’être soi-même, de trouver sa place. Chacun de ses romans doit être pris séparément, elle essaie de changer d’univers à chaque fois pour ne pas ennuyer le lecteur et expérimenter des approches différentes. L’histoire n’est pas toujours ce qui est le plus important, au contraire, c’est la façon de la raconter qui compte. C’est la musique des mots qui parle au lecteur, qu’il va ressentir. Elle passe des heures sur une phrase tant qu’elle n’a pas la musicalité qu’elle souhaite, pour trouver des phrases dont les mots n’ont encore jamais mis dans cet ordre-là. C’est une perfectionniste de l’écriture qui cherche la précision, le poids du mot ressenti, qui veut emporter le lecteur à un certain niveau du récit.
C’est également l’occasion de parler du travail des éditeurs. Lorsqu’un journaliste reçoit un livre des éditions de l’Olivier, il est attentif car il sait que le contenu sera à hauteur de ses attentes. Cela implique un gros travail des éditeurs. Avant c’était un parcours du combattant, y compris avec du talent, pour se faire éditer, aujourd’hui au contraire, il est plus difficile de se faire lire. Comme la critique est assez conformiste, elle se penche généralement vers les même auteurs, il est difficile de se faire connaître. Reste la communication, les lecteurs, les blogs, etc
18h. Sur le stand, les lecteurs se rencontrent pour la première fois. Quel moment sympathique et chaleureux. S’inscrire sur des sites de lecture, c’est partager une passion. Vous connaissez des passionnés de lecture autour de vous ? Moi assez peu, là je peux échanger avec des lecteurs qui me ressemblent et qui me comprennent. Chacun se présente, lecteur, explorateur, amateur, explique ce qu’il aime et ce qu’il cherche sur le site, conseille un livre coup de cœur aux autres lecteurs. Nouveautés, classiques, tout est proposé, Karine évoque la collection vintage chez Belfond. Les lecteurs fous de lecture ont répondu présent.
Il ressort de ces échanges que lorsque les lecteurs se rencontrent, ils ont déjà l’impression de se connaître, il y a de vrais moments de connivence, de partage, un même appétit de lecture. La nourriture évoquée ici est culturelle, littéraire et partagée.
Mon reportage au salon du Lire pour le site lecteurs.com
Vendredi 20 mars, 8h, départ de ma tranquille banlieue parisienne, j’ai hâte d’arriver Porte de Versailles au salon du livre 2015.
10h, à peine arrivée, je plonge immédiatement dans l’arène. Moment d’émotion lorsque je passe devant le stand des éditions la Martinière qui rendent un bel hommage à Georges Wolinski. Quel foisonnement, quel monde. J’ai découvert le salon du livre en 2014 et pour rien au monde je n’aurai manqué ce rendez-vous. J’ai prévu tout un programme mais avant tout je rejoins le stand de lecteurs.com.
11h, trois libraires de parislibrairies.fr présentent leur coup de cœur poche. Karine Papillaud filme et mène les entretiens que nous retrouverons sur le site lecteurs.com, puis anime la table ronde. Leur passion est communicative et j’ai déjà envie de suivre ces nouvelles idées de lecture, encore quelques livres à ajouter à ma PAL.
American desperado de Jon Roberts & Evan Wright : un roman noir indispensable, La leçon d’allemand, de Seigried Lenz, un livre étonnant qui parle de nature et de création « un des plus beaux livres que j’ai lu » nous dit cette libraire, et des lecteurs qui s’arrêtent sur le stand en sont absolument convaincus. Puis Le Quinquonce, de Charles Palisser. J’ai lu le premier tome, et il y en a cinq. C’est simple. Quand j’écoute ces libraires, j’ai envie de tout lire. Dès demain, nous serons nombreux à ce rendez-vous avec des professionnels passionnés par leur métier et par les livres.
Je fais un tour sur le salon et je tombe sous le charme des couvertures colorées des éditions Zulma. Inspirées des tapisseries anglaises du 19e, dessinées par un graphiste anglais, Zulma publie sous ces couvertures graphiques aussi bien des auteurs français qu’étrangers, avec une ouverture vers la littérature africaine francophone et Haïti. J’avais d’ailleurs lu avec intérêt les critiques sur L’île du Point Némo, le roman de Jean-Marie Blas de Robles, et lu Rosa Candida de Audur Ava Olafsdottir.
13h30 : je découvre sur le stand de lecteurs.com Yves Heck, qui est notre Tête de lecture. J’avoue que c’est une véritable découverte, j’aime énormément. Comme un lecteur lit dans sa tête, dire les mots à haute voix leur donne une autre dimension. Cela me fait penser au roman le liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent , vous savez, celui qui lit chaque matin dans son RER. C’est sur demain, je serai au rendez-vous de ce moment privilégié, et qui sait, peut-être avec un texte à lire ?
15h30, rencontres avec les jurés du prix Orange du livre. Un incontournable de mon programme. Je ne sais pas vous, mais moi, j’aurai adoré compter au nombre de ces 7 jurés lecteurs, le plaisir et la richesse des échanges avec des professionnels, les rencontres humaines, les idées qui fourmillent, mieux comprendre, entendre ces auteurs qui me font rêver avec leurs mots et leurs idées. C’est la rencontre de deux jurées lectrices et de deux jurés écrivains. Sandy a déjà l’habitude des prix, elle a été jurée du prix des lectrices de Elle, du Prix du livre de poche et du Prix du meilleur roman Point, c’est une bloggeuse avertie. Charlotte, également bloggeuse, a déjà été jurée pour le prix du Maine libre. Karine Papillaud leur demande si elles ont déjà été tentées par le passage vers l’écriture, elles avouent se poser la question, mais écrire pour soi-même dans un premier temps, le passage vers le « faire lire ses écrits » par un autre est difficile
Alors oui, faire partie de ce jury du Prix Orange du livre, c’est avant tout partager, découvrir, lire un livre vers lequel on ne serait pas allé de soi-même, et se laisser convaincre par un autre lecteur. C’est une véritable réunion de lecteurs, de bloggeurs et de professionnels, tous passionnés de lecture.
Michelle Fitoussi est également jurée du prix de Flore, mais elle découvre avec le prix Orange du livre le bonheur des rencontres avec des jurés et des livres, avec des auteurs qu’elle ne connaissait pas. Elle avoue également un plaisir à découvrir le niveau fabuleux de critique des lecteurs, c’est un étonnement positif et passionné.
Le même bonheur d’échanger est évoqué par Serge Joncour. Recevoir 50 à 80 livres en 3 semaines, c’est un peu comme passer de l’autre côté du miroir, surtout pour un écrivain qui est en général celui qui envoie ses livres. Ça peut faire peur et il y a une sorte de responsabilité morale à définir non pas le meilleur livre mais en fait celui qui parle le plus au juré, comme lorsqu’on rencontre quelqu’un et qu’on sait déjà qu’on a plein de choses à ses dire. Serge et Michelle sont surpris de voir ce que les bloggeurs sont capable d’écrire sur un roman et comment ils sont capables d’en extraire la quintessence.
Serge Joncour écrit son prochain roman et il est juré en même temps. C’est comme mener une vie parallèle, il faut déjà aller d’une vie à l’autre avec ses personnages, là il faut également lire les autres, c’est une autre expérience. Et quel bonheur, quelle surprise, de se dire qu’il y a une telle diversité d’écrits, d’époques, tous tellement différents et en même temps tout en nuances et teintes déstabilisantes pour un auteur qui cherche ses propres nuances. Il est intéressant de savoir que d’autres savent créer des univers qui nous perdent et nous dont rêver, mais aussi de lire ce que l’on n’aime pas, car quelque part ça fait du bien de se rassurer avec des écrits moyens. En fait dans un jury, le défi, c’est d’arriver à donner aux autres l’envie de lire le livre que l’on a aimé. Et cela permet de découvrir des pépites et des éditeurs.
Chacun parle des cinq livres qu’il avait choisi lors de la première réunion du jury avec un tel enthousiasme qu’ils me donnent envie de tous les lire. Dommage, je n’y arriverai certainement pas. La suite ? Le jury va se réunir le 5 mai pour la « foire d’empoigne » en éliminant d’abord certains livres, puis en choisissant au final cinq romans. Tous les internautes peuvent alors voter en ligne sur le site lecteurs.com, le finaliste sera désigné le 3 juin.
Après ces tables rondes, je pars faire un tour dans les allées du SDL, les grands noms de l’édition sont présents, ceux que j’aime déjà et tous ceux qu’il me reste à découvrir.
20h, les allées du salon se vident peu à peu, c’est le départ. Quelle journée. Aie, j’ai un peu mal aux pieds, mais ma tête est aux anges. De belles rencontres, des surprises, des échanges avec des lecteurs que je connaissais virtuellement et qui me sont déjà proches, je suis impatiente d’être à demain. Mes nuits seront peuplées des mots, des visages et des voix de tous ces passionnés rencontrés aujourd’hui. Et demain je tourne une nouvelle page.
Que penser du premier roman pour adultes de l’auteur de Harry Potter
Dans « Une place à prendre », J.K. Rowling nous dépeint la vie et les travers d’un petit village de la douce campagne anglaise, enfin douce, pas tant que ça quand même.
Point de départ de l’intrigue, la mort subite de Mr Fairbrother. J’aime assez le jeu de mot que j’imagine avec son nom : un « frère sympa », ou un « homme sympa avec ses frères » ici avec ses pairs, celui qui crée le lien en somme, celui qui accepte et aime les autres, celui que tous apprécient. Mais voilà, après son décès, toutes les noirceurs se révèlent, tous les conflits sourdent, toutes les vengeances sont prêtes à être réalisées.
Dans cet univers bien sombre, les relations parents enfants, mari et femme, patient malade, élèves professeurs, élèves entre eux, amant indécis et maitresse enthousiaste, toutes ces relations qui font la vie d’un village vont s’exacerber, se dévoiler dans toute leur noirceur et leur violence. La misère de certains quartiers, la suffisance de certains habitants bien mieux lotis que d’autres, le plaisir de sa réussite, l’envie de la monter, d’écraser les autres, mais aussi l’incompréhension face à la vie des quartiers difficiles, cette vie qu’on ne peut pas imaginer, mais que l’auteur semble avoir bien connue et qu’elle décrit avec réalisme, même si parfois on l’espère exagérée, tout est là au fil des pages. Les personnages ne sont pas tous attachants, j’ai pourtant eu un élan pour Krystal, mais comment pourrait-elle s’en sortir dans cette ville qui ne peut rien pour elle, dans une famille si tragiquement sordide, malgré tous ses efforts pour s’élever, y arriver, pour sauver ce qui peut l’être.
C’est bien écrit, avec des détails comme sait en écrire J.K. Rowling, des personnages aux caractères et aux personnalités bien tranchés ou au contraire aussi fades que leur vie, et tout cela au final donne un roman qui se laisse lire.
L’auteur nous a mal habitués avec la série des Harry Potter. J’imagine que j’attendais un roman fabuleux, j’ai lu un bon roman. Intéressant au départ, quelques longueurs aux deux tiers, il reprend tout son intérêt vers la fin, peut-être un peu trop long. Qu’importe, j’avais envie de le lire et c’est chose faite.
Bienvenue à Pagford, petite bourgade en apparence idyllique. Un notable meurt. Sa place est à prendre…
Comédie de mœurs, tragédie teintée d’humour noir, satire féroce de nos hypocrisies sociales et intimes, ce premier roman pour adultes révèle sous un jour inattendu un écrivain prodige.
Grâce aux éditions Pocket, j’ai eu le plaisir d’assister à la Soirée d’ouverture de la manifestation Mahogany March au musée Dapper. Pour ouvrir cette quatrième édition, Léonora Miano a lu des extraits de Red in blue trilogie, un ensemble de trois pièces à paraître chez l’Arche Éditeur au printemps 2015.
C’est la quatrième année de Mahogany March, mais c’est aussi la dernière, car Léonora Miano annonce qu’elle souhaite désormais réaliser des rencontres en Afrique. L’auteur a choisi la sobriété des couleurs pour une soirée intimiste autour de la lecture de son œuvre « j’ai choisi un dispositif austère pour que vous compreniez que ce n’est pas fun ». Léonora Miano parle d’une belle voix grave et posée, le cadre est austère, mais le spectateur a réellement envie de l’écouter. Ses lectures sont accompagnées par des musiciens, Majnun et sa musique ouest-africaine et Francis Lassus, accompagnement musical étonnant qui devrait se reproduire lorsque les pièces seront jouées.
Red in blue trilogie « Révélation, Sacrifices et Tombeau » porte sur la Traite transatlantique et ses suites dans l’Afrique subsaharienne. Mais comme elle le dit, de cette période-là de l’histoire il peut malgré tout sortir quelque chose de beau. Dans les pièces il y a beaucoup de dialogues et pour cette lecture, long monologue, l’auteur a pris le parti d’en modifier certains. Elle s’éloigne des sentiers battus pour arpenter des zones inexplorées de la mémoire transatlantique, sans pour autant trancher, pour que le lecteur soit lui-même à la fois spectateur et acteur.
Dans Révélation, les âmes à naitre refusent de se projeter dans les corps, bientôt, les nouveaux nés n’auront plus d’âme. Les âmes à naitre ont fait savoir le motif de leur grève, ils veulent entendre les fournisseurs d’esclaves.
« Les rêves des humains ne sont pas assez grands, les esprits ne voyagent pas assez loin ».
Sacrifice parle d’une terre où faire croitre les rêves. Mais parle aussi de fugue, de marronnage, de King Marron qui dit « notre royaume est une nation de pouilleux » qui vivent dans la montagne, dans la privation.
Dans Tombeau, il n’y a qu’un seul personnage. Un afro-descendant veut être enterré dans sa terre d’origine, un test ADN a indiqué de quelle tribu il est le descendant. Nous entendons la voix et les mots du mort. L’auteur interroge sur la notion d’appartenance, le Test ADN « africain ancestry » sert à déterminer l’origine tribale exacte des ancêtres, mais alors, cette origine est-elle seulement génétique ? Comment les subsahariens d’aujourd’hui peuvent-ils recevoir les afro-descendants à la recherche de leurs origines ?
« Dans une espace invisible entre deux mondes, je vis encore »
« Il faut écouter avec amour, mais qu’on ne se méprenne pas, c’est d’amour propre qu’il s’agit »
D’une voix grave à la suavité rauque, Léonora Miano psalmodie ses belles phrases aux intonations parfois terribles de souffrance, de mort, rythmées par les instruments et les voix étranges des deux musiciens qui l’accompagne. C’est une soirée étonnante et qui interroge, qui m’a donné envie d’en savoir plus et de lire Léonora Miano.
A propos de Red in blue trilogie
Révélation : Révélation invite le lecteur dans un espace mythologique, un lieu habité par des divinités et des esprits. Mayibuye, figure des âmes à naître dans le Pays premier, refuse désormais de s’y incarner. Sur la terre où naquit l’humanité, les nouveaux-nés voient le jour privés d’âme. L’équilibre de l’univers est troublé. Après un échange avec Ubuntu, esprit des disparus sans sépulture de la Traite transatlantique, Mayibuye exige d’entendre la confession des fournisseurs de captifs. Rois et notables sont ainsi conviés à révéler les mobiles de leur crime. Inyi, divinité féminine, porteuse des âmes à naître, sera secondée par Kalunga, divinité gardienne des passages entre les mondes, pour lever le silence de dix siècles imposé aux damnés. Pour la première fois, leur parole sera entendue.
Sacrifices : Sacrifices se déroule sur une île que l’on peut penser caribéenne. Lorsque la pièce commence, Dor, chef marron connu sous le nom de King Maroon, s’est éloigné des siens qui célèbrent une victoire de plus sur les armées du gouverneur. Le chef des Marrons reçoit un visiteur inhabituel, Sir Charles, venu lui proposer un accord de paix. De part et d’autre, on est las de ces batailles qui durent depuis des années. De part et d’autre, on a bien des raisons de souhaiter l’accalmie. Le prix, cependant, en est élevé, pour la communauté des Marrons : ils devront accepter de ne plus accueillir de fugitifs. Tous souscriront-ils à ce sacrifice ? Une longue nuit attend les résistants à l’esclavage.
Tombeau : Le décor de Tombeau est contemporain. Dans un pays d’Afrique subsaharienne, Jedidiah, une Afrodescendante, vient de perdre son frère aîné, décédé au cours de ce premier séjour sur la terre ancestrale. Munie des résultats du test ADN qui confirme leur appartenance à l’une des communautés du pays, elle demande qu’il y soit enseveli comme il le désirait. Que doivent les Subsahariens d’aujourd’hui aux descendants des déportés du trafic humain transatlantique ? L’identité et l’appartenance à un groupe sont-elles affaire de génétique ? Existe-t-il un espace où les fragilités des uns et des autres pourraient se rencontrer afin d’inventer une relation qui ne s’inscrive pas uniquement dans un passé douloureux ?