Au lendemain du succès phénoménal de son « Goncourt » « Au revoir là-haut », Pierre Lemaitre nous revient avec « Trois jours et une vie », roman noir édité chez Albin Michel.
Je n’ose même pas imaginer quel doit être le stress d’un auteur dont tout le monde attend le prochain roman, en particulier après avoir reçu un prix Goncourt. Comme se renouveler ? Comment rester serein pour garder sa créativité, son inventivité, ses talents de conteur ? Comment s’accomplir dans son métier d’écrivain sans chercher simplement à plaire à ses lecteurs, à ne pas les décevoir au lendemain d’un succès phénoménal. Avec « Trois jours et une vie », Pierre Lemaitre y réussi. Certains puristes vont peut-être avancer qu’être auteur de polar ce n’est pas le top du talent, qu’il y a beaucoup plus littéraire. Tant pis, une fois de plus, je l’avoue, j’ai aimé ce roman qui nous propose une histoire autour d’un personnage central, à trois époques d’une vie.
Antoine vit en province, dans ces villages ou petites villes tranquilles où chacun se connait. Ses parents sont séparés, sa mère l’élève et travaille. Il va à l’école mais est rejeté par les autres. Il est mis à l’écart par une mère qui ne veut pas le voir jouer à cette horrible PlayStation qui captive tous les gamins. Alors Antoine trouve d’autres plaisirs, il va construire sa cabane dans les arbres, celle qui les épatera tous quand ils pointeront enfin le bout de leur nez dans les bois. Antoine adore le chien des voisins, d’autant qu’il n’a pas de droit d’en avoir. Et Rémi, le fils des voisins, adore et admire Antoine. Nous sommes en 1999, le chien meurt, Rémi disparait, et deux tempêtes terribles s’abattent sur la France et dévastent le paysage et la vie des habitants de Beauval. La vie d’Antoine en est entièrement bouleversée.
Singulier, certes ! Amoral, certes ! Mais j’y retrouve cet art de la manipulation, des non-dits, que j’apprécie dans les polars de Pierre Lemaitre, quand le narrateur ou le personnage principal sont coupables, mais pas trop, ou par hasard, quand ils ne regrettent pas assez pour avouer ; quand la morale voudrait que… mais que finalement la vie fait qu’on laisse faire ; quand ce qui devrait être n’est pas et que finalement cela satisfait tout le monde. Secret lourd à porter mais indispensable, drame, mais aussi culpabilité, silence, remords, aveux, puis chantage, compassion, amour passionnel ou ébats d’un soir qui transforment toute une vie, tel est pris qui croyait prendre, tout y passe.
Les personnages sont complexes, parfois noirs, parfois tendres, mais souvent attachants, on a envie de les plaindre, et pourtant parfois on les déteste, ils ne laissent jamais indifférents. Ils sont décrits avec cynisme et un soupçon de cruauté, mais tellement de réalisme, qu’ils semblent être là, tout près, et nous font réagir en voyeur de leurs tourments ou de leurs turpitudes. Scènes peu ordinaires d’une vie pourtant bien ordinaire qui étonnent et perturbent le lecteur. Unité de lieu, unité de personnage, ou presque, multiplicité de sentiments, voilà tout l’art d’un auteur talentueux qui sait tenir son lecteur en haleine. J’ai lu ce roman d’une traite et je vous le conseille !
Catalogue éditeur : Albin Michel
« À la fin de décembre 1999, une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt.
Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir.
Pour Antoine, qui fut au centre de ce drame, tout commença par la mort du chien… »
Mars 2016 / Format : 205 mm x 140 mm / 288 pages / EAN13 : 9782226325730 / Prix : 19.80 €
assez mitigée de mon côté
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