« 86, année blanche » de Lucile Bordes, évoque l’accident nucléaire de Tchernobyl et ce nuage très malin qui s‘est arrêté aux frontières de la France… Coup de cœur pour ce roman au sujet difficile mais superbement abordé.
Tchernobyl. Qui a oublié l’explosion de la centrale nucléaire, ce nuage radioactif dont on nous a expliqué qu’il n’avait pas survolé la France, mais l’avait peut-être simplement effleurée… ? Trois femmes se souviennent de ce printemps 1986.
Lucie a quinze ans et vit à Marseille. Son père, ouvrier du chantier naval, vit sa propre tragédie, avec la fin annoncée des chantiers et son licenciement prévisible, drame qu’il accepte difficilement et qui perturbe la vie de la famille. Lucie quant à elle se demande chaque jour ce qu’il en est de ce nuage, le monde serait-il devenu aveugle ?
Ludmila à vingt-cinq ans, elle vit à Prypiat avec son mari Vassyl et leur fille, Marina , dans cette ville sortie de rien qui sert à loger tous ceux qui travaillent à la centrale. Ce matin-là, Vassyl part travailler, aider pendant quelques heures à contenir l’incendie de la centrale. Le même jour, les femmes et les enfants sont évacués de la zone, pour deux jours seulement, pour une éternité en fait… aucun n’y reviendra.
Joulia vit à Kiev. La relation avec son mari Petro est compliquée depuis qu’elle a rencontré le français, si charmant, si jeune. Pourtant, après l’accident, les étrangers quittent le pays, renvoyés par leurs ambassades, par sécurité ou par lâcheté ? Par dépit, par devoir, et qui sait peut-être parce que son couple est foutu, Petro part à la centrale et devient liquidateur.
Il y a eu un très grand nombre de liquidateurs, car l’urgence était d’éviter la libération d’une quantité importante de radionucléides dans l’atmosphère. Certains iront par devoir, et sans doute aussi par sacrifice, comme tant de Russes qui n’ont finalement pas d’autre choix. Ce sera eux, ou d’autres, mais il faut y aller pour sauver ce qui peut l’être, pour faire ce qu’il faut faire, en sachant très vite, même si ce n’est jamais officiellement explicité, que leur vie se terminera là-bas, ou très vite après. Bien sûr depuis on a beaucoup parlé de l’accident, de la façon dont la catastrophe a été contenue par le pouvoir en place, des nettoyeurs et des liquidateurs. Mais ici, Lucile Bordes donne vie à ceux qui les accompagnent, qui ont payé un lourd tribu à la catastrophe, et dont on parle moins. Elle donne également vie aux peurs et aux interrogations des européens, alors qu’ils étaient manipulés par l’information qui se voulait rassurante face à un danger non maitrisé.
Et … comment dire, je me souviens très bien de la réflexion d’un proche qui disait : « zut, plus de cueillette de champignons avant longtemps ! » comme quoi !
Sélection 2016 du Prix Orange du livre
Catalogue éditeur : Liana Lévi
Au printemps 1986, le monde découvre Tchernobyl. Sous le nuage radioactif qui traverse l’Europe, trois femmes se racontent. Lucie, dans le sud de la France, se demande s’il va passer la frontière et bouleverser sa vie d’adolescente. Ludmila, dans la ville ultramoderne qui jouxte la centrale, veut croire que tout est sous contrôle dans l’invincible URSS. Ioulia, à Kiev, rêve d’indépendance et de son jeune amant français. Un moment crucial pour chacune d’entre elles, un moment crucial de notre Histoire. Trente ans après la catastrophe de Tchernobyl, Lucile Bordes se souvient de la peur, de l’attente et du silence. Dans une langue affûtée et poignante, elle dit aussi l’amour, l’engagement et le sens du sacrifice.
Littérature française / ISBN ePub : 9782867468186 / Prix : 10,99
« On estime que 350 000 personnes dont des soldats, le personnel de la centrale, des policiers locaux et des pompiers, participèrent en 1986 et 87 aux interventions d’urgence et aux opérations de confinement et de nettoyage… 3000 des 600 000 liquidateurs de Tchernobyl pourraient mourir un jour des suites de leur exposition » (source : la radiocativité.com)
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