« Mort aux vaches » : quand intrigue policière et BD sont rassemblés par le récit d’Aurélien Ducoudray et le dessin de François Ravard, un bon moment de lecture !
Dans « Mort aux vaches », deux couples pour le moins atypiques décident de faire un casse, puis de se planquer « au vert » chez le cousin de l’un d’entre eux.
Mais tout n’est pas si paisible dans ce petit coin perdu de campagne car par là, tout le monde contrôle ! Les gendarmes sur la route, les vétérinaires du service sanitaire dans les fermes, les marieuses roumaines qui gèrent les filières de jeunes femmes à marier. Et les fixations du cousin sur la sélection des espèces sont inénarrables , on l’imagine tout à fait au salon de l’agriculture avec Attila…. La tranquillité espérée ne sera pas au rendez-vous.
Avec un graphisme en noir et blanc qui nous immerge dans l’intrigue comme dans un bon vieux film des années 60 (mais pas seulement… les vache folle et les années 90 sont là aussi), deux couples étonnants, des coups de fusils et des gendarmes légèrement caricaturaux, « Mort aux vaches » est une BD au sujet envolé, plutôt léger malgré le thème, et une intrigue policière avec juste ce qu’il faut de rebondissement. Voilà surtout un polar rural parfait pour passer un bon moment.
1996 Un quatuor de truands cambriole l’agence bancaire à Clermont l’Abbaye. Parvenant à échapper à la Police, les voyous se mettent au vert en attendant que les choses se tassent, en attendant d’être oubliés. Ils cavalent jusqu’à l’exploitation agricole de l’oncle de l’un d’eux. Mais c’était sans prévoir la crise de la vache folle… La contamination de l’épizootie est à son plus haut pic, et les gendarmes sont très nombreux à battre la campagne. Coincés dans leur planque, ils vont devoir se supporter les uns les autres. Pour le meilleur et pour le pire.
Récit d’Aurélien Ducoudray. Dessin de François Ravard
Date de parution : 15/09/2016 / 195 x 265 mm / 112 pages / Prix de vente : 19 € / ISBN : 9782754811002
Les mots, un bonheur ou une malédiction ? Un rêve ou un cauchemar ? Dans « Rien que des mots », livre d’anticipation ou une fable à la manière de, Adeline Fleury s’interroge.
Dans un monde où le numérique règne en maitre, un grand feu de joie a permis de détruire tous les livres, maintenant que chacun peut lire ce qu’il veut sur sa liseuse. Mais dans la famille d’Adèle, on ne l’entend pas de cette oreille. Car lorsqu’on aime les livres, les mots, la littérature en général, on a un peu de mal à comprendre que ceux-ci puissent être définitivement banni d’une vie.
C’est pourtant ce qui arrive à Nino, le fils d’Adèle. Car Adèle aime les mots, mais porte de sérieux stigmates. Comment est-ce possible ? Eh bien, imaginez un père qui passe son temps à créer des livres, à taper sur les touches de sa machine pour en sortir des pages et des pages de mots, de phrases, de livres, au détriment du bonheur partagé et donné avec sa fille unique et de sa vie de famille. Imaginez un mari qui vit dans ce monde dans lequel le livre papier a été éradiqué, et cependant rêve de recréer l’ensemble des livres qu’il a lu et que sa mémoire prodigieuse lui permet de restituer dans leur intégralité devant sa machine à écrire, pour les proposer de nouveau au reste de l’humanité.
Imaginez alors la vie d’Adèle, seule, dans cet univers-là. Bien sûr, elle aussi a choisi les mots, puisque elle est journaliste. Jusqu’au jour où elle décide de tout arrêter, et de protéger son fils, de le sortir de cet univers, pour le faire vivre loin des livres, des mots, de l’écriture dans un cocon douillet et familier, tout doux, suave comme une bulle protectrice. Mais cette bulle, est-elle protectrice ou despotique, douce ou violente ? Et c’est sans compter sur la perspicacité de Nino, et sur l’impossibilité de tout humain de vivre sans, sans les mots, sans les phrases, sans les pages des livres, sans cette forme de vie qu’ils nous dispensent et ce savoir qu’ils nous offrent.
La séparation est brutale, car le jour où il comprend, Nino va s’éloigner de sa mère, son mari va exploser dans un éclatement de lettres et de mots, de pages dactylographiées qui le propulsent jusqu’au ciel. Son père s’enterre dans sa cave, lui dont les mains et les doigts se paralysent, ployant sous l’effort de tant d’années à taper avec l’énergie de l’urgence sur les touches de sa machine, pour lutter contre le temps et sauver les mots qui peuvent l’être.
Roman initiatique ? Roman surréaliste ? Roman d’anticipation ou au contraire historique ? Toute interprétation de « Rien que des mots » est possible, tout est permis, car à plusieurs époques, inquisition, seconde guerre mondiale, et pas si loin de nous avec Daesh, les hommes ont voulu bannir les mots, la connaissance, pour faire vire les hommes dans l’obscurantisme…Si j’ai bien aimé l’idée sous-jacente de ce roman, j’ai parfois eu un peu de mal avec le côté anticipation que je n’ai pas senti forcément assumé jusqu’au bout, mais qu’elle idée intrigante, et si demain il n’y avait plus aucun mot, aucun papier ! Alors là, non !! Je dis non ! Rendez-nous nos livres, leurs couvertures séduisantes ou tristes, l’odeur incomparable du papier, et la vue de ces belles piles qui s’entassent dans nos bibliothèques et jusqu’au fond de nos greniers, de nos fauteuils, au pied de nos lits…
#les68premiersromans édition 2016
Catalogue éditeur : Bourin édtions
Dans un avenir qui ressemble à notre futur proche, Adèle a décidé de tenir son fils Nino éloigné de la lecture. Privée dans son enfance de la tendresse d’un père écrivain accaparé par son œuvre, elle fera tout pour éviter un tel sort à son fils. Pour qu’il reste dans la vraie vie, pour l’empêcher d’être tenté par la grande aventure de l’écriture, elle proscrira autour de lui la présence des livres. Elle les brûlera, elle va jusqu’à nier leur existence.
Mais l’enfance est têtue et tous les silences ne peuvent rien contre sa curiosité. Lire la suite
Format : 13 x 20 cm / 184 pages / ISBN : 979-10-2520-160-2 / Prix de vente public : 20.00€
Quand une jeune fille un peu paumée traverse les plaines dans le Transcolorado cela donne un beau premier roman dans lequel Catherine Gucher allie avec bonheur nature et humanité.
Le Transcolorado, c’est un bus qui fait la route jusqu’au montagnes, dans un coin perdu de l’Oregon. Là, au milieu des plaines hostiles, sans travail, sans domicile, un jeune fille étrange, paumée, attachante, traine sa vie de champs de récoltes en bureau des postes, pour y glaner de quoi se chauffer, ou pour y retirer sa pension, son seul moyen de subsistance dans ce pays par trop inhospitalier. Chaque jour elle va au bar de la route et là, Joe lui sert un café-whisky, le seul moyen qu’elle a trouvé pour oublier ce quotidien morne, sombre et sans avenir. Et quand elle peut, elle grimpe à bord du bus, et parcourt le trajet aller-retour, pour l’espoir, les rêves, l’illusion d’un ailleurs plus souriant. Pour oublier cette vie dans laquelle depuis si longtemps il ne se passe rien, pour oublier aussi les araignées de la peur qui s’infiltrent dans sa tête, et ses dents noires qui l’empêchent de sourire.
Jusqu’au jour où dans le bar de Joe, Tommy, un balafré, un apache sans doute, lui propose « on se fait un Transcolorado. » Et ce n’est même pas une question, juste un proposition, comme une évidence, un espoir, une connivence entre deux paumés que la vie pourrait bien rassembler. Alors ils montent, ils roulent, vers un peu d’espoir, vers des lendemains plus faciles peut-être. Car au bout de la route, il y a les pins Douglas, les billets de la chance à gratter, les Amish, leurs chapeaux et leurs règles contraignantes et sectaires, rassurants peut-être, enfin un temps seulement. Elle quitte Tommy, elle s’installe chez les Amish, soigne les chevaux, émerveillée par la majesté et l’indépendance des Appaloosa, puis elle grandit, évolue, retrouve Tommy et le bar du vieux Joe….
Roman de la solitude et de l’espoir, de la nature et de ces contrées où les hommes vivent à la dure, mais où les rêves sont possibles malgré tout. L’auteur nous entraine dans les hautes plaines, au plus près de la misère, des doutes, des vies cabossées. C’est un roman étonnant par ce qu’il dégage sur la difficulté de la vie, mais aussi par la délicatesse de l’écriture et par l’optimisme des personnages qui bien que meurtris par la vie ne perdent pas l’espoir d’un avenir meilleur.
Au-dessus des grandes plaines, quand le ciel immense est trop bleu, une fille un peu cabossée par la vie monte dans le bus. Le Transcolorado l’emmène jusqu’à l’arrêt des quatre montagnes, et puis elle rentre. Le jour où Tommy avec sa balafre passe la porte du bar du bout de la route, elle sait que quelque chose s’avance qui peut changer un bout de son existence.
Roman français / Littérature générale / ISBN 978-2-84720-745-3 / 176 pages – 17 € / format 13×22 / Janvier 2017
Quand un livre vous donne envie d’aller voir « Chambord, l’œuvre ultime de Léonard de Vinci »
Un archéologue Jean-Sylvain Caillou accompagné d’un guide du château Dominic Hofbauer nous font part dans cet ouvrage du résultat des recherches d’une équipe à laquelle ils ont collaboré pour tenter de lever le mystère sur le nom de l’architecte de l’un des plus impressionnants édifices du royaume de François 1er le château de Chambord.
Il n’est pas fait mystère dès l’avant-propos que ces chercheurs vont apporter par leurs découvertes des éléments déterminants à la thèse d’un Léonard de Vinci architecte.
Les auteurs commencent à nous présenter les différentes hypothèses sur l’évolution de la construction par rapport à un supposé plan initial avant de nous faire part de leurs découvertes dans les soubassements et latrines du château qui remettent en cause la thèse officielle. Ainsi, une fois le projet original mieux cerné par l’analyse des fouilles, ils vont tenter de le rapprocher des travaux et œuvres connues d’un certain Léonardo Da Vinci. A vous de juger pour voir si ça « matche » !
Ce livre très court mais bien illustré et documenté, est un peu technique. La découverte de l’équipe ne bouleversera pas l’histoire mais nous rapproche d’un pas vers la certitude que l’architecte de Chambord n’est autre que Léonard de Vinci.
L’ouvrage passionnera les amateurs d’architecture et d’histoire de l’art, les amis du château comme ceux de Léonard de Vinci. On n’est pas dans un polar archéologique encore moins dans le Da Vinci code mais on a quand-même une furieuse envie d’aller visiter le château après sa lecture, pour simplement s’émerveiller de l’existant dévoyé ou rêver au projet initial du célèbre florentin.
Et pour tout dire, l’envie a été tellement forte qu’en ce beau samedi de février, j’ai passé quelques heures dans les pas de François 1er !
Catalogue éditeur : Editions Faton
Parmi les nombreux chantiers qu’ouvre François Ier durant son long règne, celui du château de Chambord compte parmi les plus ambitieux. À l’aube de la Renaissance, ses mensurations inouïes en font alors le plus vaste palais civil connu. Que dire de la clarté géométrique de son plan, de l’harmonie de ses proportions, de la fantaisie de ses toitures hérissées de tourelles, de cheminées et de lucarnes vertigineuses, de la silhouette improbable de ce palais abandonné avant d’être véritablement achevé ? Que penser de l’obscurité qui entoure la genèse de ce palais si célèbre… et pourtant si méconnu ?
En effet, on ignore toujours qui fut l’architecte de cette construction étrange, à la fois prodigieuse et inhabitable. En outre, le palais de François Ier présente de nombreuses anomalies qui soulèvent une question cruciale : à quoi le premier château – celui dont Léonard de Vinci pourrait être l’auteur – aurait-il ressemblé si les plans originaux n’avaient pas été modifiés ? lire la suite
Format : 29,7 × 21 cm à l’italienne / 80 pages / 70 illustrations / Date de parution : Décembre 2016 / ISBN : 978-2-87844-228-1 / Prix : 14,50€
Tout le monde parle de ce roman « Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel, alors forcément, ça donne envie de le découvrir ! Mais il est tellement bien que, hélas, on ne peut pas le lâcher… Et après on regrette, mais si ! On regrette tellement de l’avoir lu aussi vite !
Le premier chapitre expose clairement la situation de base du roman, un homme, tout habillé, tombe à l’eau… enfin, tombe, là il faudrait voir quand même. Cet homme c’est Antoine Lazenec, et celui qui parle c’est Kermeur, Mathias Kermeur. Ensuite, eh bien, nous voilà dans le bureau du juge pour un huis-clos édifiant. Et Kermeur va parler, raconter, expliquer dans une logorrhée sans fin l’histoire d’un arnaqueur immoral et flambeur qui a placé sous sa coupe et ruiné un village entier du fin fond du Finistère.
Car on le comprend vite, dans ce village, il y a Kermeur, mais également les nombreux autres ouvriers qui ont été remerciés par l’arsenal de Brest, le seul employeur du coin qui leur a versé quelques milliers d’euros ont en échange du chômage garanti. Et ces économies ils les ont si mal investies, si injustement et si honteusement perdues qu’il est impossible de l’avouer à qui que ce soit, pas même à un fils, pas même à son seul ami. Chacun de s’enfermer dans l’isolement que procure la honte, l’injustice, le malheur. Et dans ce village il y a aussi le maire, Le Goff, qui a englouti ses économies… et bien plus encore. Et il y a Erwan, le fils de Mathias, qui ne supporte pas de voir son père s’enfoncer, s’étioler, avoir peur, alors pour le protéger il décide d’agir. Et tous les autres, qui n’apparaissent pas mais dont les vies apparaissent en filigrane de cette histoire sur fond de crise économique et sociale, de licenciement dans ce village perdu du Finistère.
Mais tout de même, avouons-le, Mathias les a quand même cumulées les malchances dans sa vie, le billet du loto, sa femme, son emploi, ses économies mal placées, alors maintenant il parle, il explique, au juge, mais à lui-même aussi sans doute, comment un destin, un enchaînement de faits, d’erreurs, d’abus de confiance, peuvent vous emmener là où vous êtes en cet instant, dans le bureau d’un juge, à sa place, à sa vraie place peut-être.
Et le lecteur d’écouter, d’essayer de comprendre, de se révolter aussi face à la bêtise, la manipulation, ah mais moi j’aurais été bien plus malin que ça non ? Enfin, n’en soyons pas si sûr. Quand la misère, le manque d’emploi, l’humiliation font le quotidien, sans espoir de voir venir des jours meilleurs, qui sait si nous non plus on ne se serait pas laissé convaincre par le flambant monsieur Lazenec. Et si la victime était plutôt le coupable, et si le coupable était le seul courageux de l’affaire ? Magnifique roman qui ne laisse pas indifférent, où l’on trouve à la fois une évocation de la bêtise humaine, de la limite de la justice, et de l’injustice aussi sans doute, de la profondeur et la complexité des sentiments, porté par une écriture, un rythme, un style, et du fond, tout y est.
Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l’ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d’investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu’il soit construit.
« Nue, sous la lune » de Violaine Bérot, est un roman difficile, court, cinglant, qui révèle à la fois un désespoir profond et une offrande à l’amour absolu.
Elle est artiste, a tout quitté pour pratiquer son art auprès de celui qu’elle considère comme un maitre dans ce domaine. Mais elle tombe amoureuse de cet homme au profil de pervers, qui la place en situation d’infériorité, l’isole, la diminue, jusqu’au jour où… Dans ce court roman de quelques cents pages, Violaine Bérot décrypte le parcours à la fois inconcevable et inéluctable d’une femme qui abandonne tout par amour, y compris sa propre personne. Car elle l’aime, mais elle le fuit pour échapper à son emprise, pour tenter survivre, puis revient inéluctablement vers celui à qui elle voue cet amour absolu et destructeur, jusqu’au bout, jusqu’à renoncer à son humanité, à l’abandon de sa famille et de tous ceux qu’elle aime, de sa vie en somme.
Et le lecteur de souffrir, d’essayer de comprendre et de décrypter ce qui ne se conçoit pas, ce qui souvent ne se comprend pas, ce sacrifice de soi que l’on est parfois capable de faire par amour, pour l’amour, au-delà de tout raisonnement, de toute logique. Et l’on pressent, on décrypte, l’emprise, toxique, terrible, à laquelle il est impossible de se soustraire, celle du pervers qui soumet, qui avilie, qui domine et qui blesse, sans retour.
Voilà un roman fort qui questionne le lecteur sur des sujets tels que la manipulation, les pervers, l’abandon, l’obsession, l’amour fou, exclusif, destructeur.
Extrait :
J’ai si souvent eu envie de violence, envie de me jeter dans le vide pour ne plus t’entendre, envie de te taper dessus pour te faire taire, ne plus avoir à écouter tes remontrances.
Je ne suis plus capable de trouver en moi assez de courage pour continuer à t’aimer.
Elle a tout abandonné pour lui. Elle avait du talent, commençait à être reconnue comme sculpteur. Mais elle est devenue moins que sa servante. Insidieusement. S’est oubliée, reniée.
Au début de ce roman intense, elle tente de prendre la fuite.
Avec son style reconnaissable et poétique, Violaine Bérot sonde les zones profondes, obscures, de ses personnages. Et raconte cette tragédie que représente le fait de « devenir personne ».
Roman / Littérature française / Date de parution : 12/01/2017 / Format : 11,5 x 19,0 cm, 128 p., 12.00 € / ISBN 978-2-283-02991-6
Écrire un premier roman sur un personnage aussi célèbre que Françoise Sagan tout en prenant le contre-pied de tout ce qui a été dit jusqu’à présent est un drôle de pari… Marie-Eve Lacasse lève une part d’ombre dans la biographie de Peggy, le grand amour de Sagan.
On connait Françoise Sagan pour ses talents d’écrivain, son goût pour les hommes autant que pour les femmes, sa propension à prendre quelques drogues fortes sur ordonnance, à la suite d’un grave accident de la route, elle qui cependant a toujours continué à rouler à tombeau ouvert sur les routes de France, cigarette aux lèvres, sans soucis de limitation de vitesse, allant d’une région à l’autre, d’une maison à l’autre, d’un mari ou d’une amante à l’autre. On connait aussi plus ou moins son goût pour l’alcool et les fêtes qui durent toute la nuit, ses différents maris, ce fils qu’elle a certainement aimé sans trop savoir comment en être la mère. Personnage décalé pour son temps, elle a vécu pendant plus de vingt ans un amour fou avec Peggy Roche, mannequin, puis styliste pour le magazine Elle. Peggy de l’ombre, de la constance, Peggy qui allégeait et qui embellissait son quotidien, aménageant et décorant ses maisons, préparant ses vêtements pour les interviews, le dîner pour les amis innombrables qui venaient squatter ses différentes demeures, à Paris ou en province.
Avec Peggy dans les phares, j’ai découvert une Peggy avant-gardiste, créant de belles lignes de vêtements dans des tissus et des tons hors du temps- il n’y a qu’à regarder quelques photos pour retrouver son élégance jusque dans les couleurs, les coupes, les tissus. C’était l’époque de toutes les folies, les jeunes sortaient d’une guerre qu’ils souhaitaient absolument occulter et oublier. Il fallait vivre à fond, la vitesse en voiture, mais aussi chaque nuit jusqu’à pas d’heure les boites de nuit, l’alcool qui coule à flot, les cigarettes qui débordent des cendriers, la drogue aussi, pour atténuer les douleurs, mais pas seulement. Il y a enfin dans ces vies là une forme de solidarité avec les autres, les copains, les sans le sous, ceux que le succès a fui mais pas les amis, hébergés par Sagan, par Peggy.
Peggy, deux fois mariée, certainement mal aimée par une mère trop égoïste pour s’occuper et donner ce qu’il fallait à sa fille pour la rendre heureuse, Peggy qui aime Sagan au point d’accepter de vivre dans l’ombre de cet amour qu’elle ne vivra jamais réellement au grand jour.
Certes, par moments je me suis sentie un peu perdue dans les chapitres, ne sachant plus trop à quelle époque ils se situaient, car on passe de 1980, 95, 85, etc. sans toujours savoir où l’on évolue. Même si l’en-tête des chapitres indique le plus souvent au lecteur dans quelle époque différente il se situe : échange entre Peggy et Françoise, retour en arrière, pensées de Peggy, etc. Du coup il m’a semblé qu’il manquait parfois un peu de rythme, mais c’est malgré tout une découverte intéressante, celle qui nous place au cœur de la relation amoureuse entre Peggy Roche, mannequin styliste, et Françoise Sagan, écrivain qu’il n’est plus vraiment nécessaire de présenter.
Un portrait de Peggy Roche, mannequin, styliste, journaliste de mode, marié à un grand résistant puis à Claude Brasseur avant de devenir la compagne de Françoise Sagan. Respectée et crainte dans le milieu de la mode, elle vivait dans l’ombre de la romancière qui lui imposait une discrétion absolue sur leur relation. La mort de Peggy Roche en 1991 fut pour celle-ci une cassure irréparable.
Littérature française / Collection : Littérature française / Parution : 04/01/2017 / Format : 13.5x21x0 cm / Prix : 18,00 € / EAN : 9782081374683
Dans « Le corps parfait des araignées » Franck Balandier nous fait rencontrer un fossoyeur et une thanatopractrice pendant un été de canicule où les morts se comptent par milliers, où les cadavres s’entassent dans des chambres froides,… Rencontre d’un autre type !
On s’en souvient, ou pas, mais l’été 2003 est resté dans les mémoires comme l’été de La canicule. Si les pouvoirs publics ont mis longtemps à le comprendre, les familles aussi sans doute, car les personnes âgées sont tombées comme des mouches, touchées par la déshydratation, la chaleur insupportable, le manque d’air, et certainement aussi par la solitude extrême, en particulier à Paris. Et lorsque les cadavres ont été trop nombreux pour les multiples entreprises de pompes funèbres, il a bien fallu louer les entrepôts frigorifiques de Rungis.
Le lecteur va suivre deux personnages, lui, elle, chacun dans son immeuble, dans son appartement, de chaque côté de la rue, chacun regarde l’autre, en se disant que demain peut-être, chacun ressentant confusément quelque chose pour l’autre, mais demain, peut-être…Le récit est porté par la voix du narrateur, lui qui vient de quitter sa femme, il aime vivre seul et dans le silence, il rêve, tombe amoureux, hésite, attend, mais la vie attend-t-elle également ? Puis par sa voix à elle, qui vit seule, marquée par la vie, mais toujours en relation étroite avec la mort…
Deux vies en face à face, des morts qui partent en silence et dans l’indifférence générale, un bien étrange roman qui à le mérite de remettre les choses à leur vraie place, celle du temps qui passe, de l’idée que l’on se fait de l’autre, de l’idéal amoureux, de la vie, mais surtout de la mort ….
C’est l’histoire d’amour hautement improbable, cruelle et contrariée, de deux solitudes au cœur de l’été 2003, en pleine canicule. Maniant l’humour noir, la poésie et le suspense avec délectation, l’auteur nous emporte aux confins simultanés de la vieillesse et de la mort par des chemins littéraires détournés et nous livre au passage une étonnante réflexion sur le sens de l’existence.
Format 14×21 / 148 pages / Prix 15 euros / ISBN : 2372670255
Retour sur la rencontre en janvier, chez Gallimard, avec Hisham Matar auteur de « La terre qui les sépare ».
Il y avait beaucoup de lecteurs attentifs pour rencontrer l’auteur de ce livre passionnant et bouleversant. Passionnant par les situations qu’il évoque, bouleversant quand il parle de la disparition d’un père, intellectuel subversif aux yeux du dictateur, qui disparait dans les geôles de Kadhafi, et dont la famille ne saura jamais ce qu’il est devenu. La terre qui les sépare n’est pas un roman et pourtant il se lit comme un roman. On vit avec l’auteur, au rythme des terreurs, des recherches, des absences, du silence et de la peur. On est porté par une écriture fluide et évocatrice, et d’ailleurs il faut féliciter la traductrice qui a su rendre ce livre émouvant et vivant, sans doute autant que dans la langue d’origine.
Et le lecteur de découvrir aussi les prisons , celle d’Abou Salim en particulier, les exécutions, la peur, l’absence, le doute, l’espoir, les lacunes de l’éducation, le silence des intellectuel pour ne pas être arrêtés, la toute-puissance d’une famille de despotes qui n’hésite pas à exécuter le moindre opposant où qu’il se trouve partout dans le monde, et la tourmente de la révolution, celle qui met à terre le pouvoir en place, mais qui peine tant à faire émerger un régime stable. La terre qui les sépare est un récit indispensable pour mieux comprendre le silence, la corruption, la terreur, la mort. Et mieux appréhender e temps qu’il faut pour renaître de ses cendres, quand on a vécu si longtemps sous une telle chape de plomb, celle de la dictature.
Lors de la rencontre, à la question sur la genèse de ce livre, l’auteur nous explique que ce livre est né d’un article dans le NewYorker. Il avait décidé d’écrire un livre personnel et calme, mais en même temps destiné au public, à une période tout sauf tranquille puisque c’était au moment du printemps Arabe. L’auteur est alors submergé par tout ce qu’il se passe autour de lui, il se pose cette question « comment est-il possible d’écrire ? ».
A cette époque, et après 33 ans, il lui est enfin possible de revenir en Lybie pendant un mois. Il décide alors de faire ce voyage dans les ruines du passé avec sa femme et sa mère, ce qui, comme il dit avec beaucoup d’humour, est peut-être le plus mauvais choix pour la tranquillité ! Mais il a enfin la possibilité de se replonger, de se regrouper avec sa famille, de voir et d’envisager à la fois les paysages et les Hommes, la famille, mais surtout d’évoquer le sort de son père. Il est alors submergé par ce qui l’entoure et ne sait plus vraiment par où commencer. Pour combattre l’émotion, il rédige un journal quotidien. A retour, il arrête d’écrire pendant trois mois, même pas une seule lettre, et en vient même à se demander s’il est arrivé à la fin de son métier d’écrivain et de sa relation à l’écriture. Et un jour, alors qu’il allait voir un ami, il prend ce journal qu’il avait écrit pendant son séjour en Lybie et le lit comme s’il était écrit par un étranger. C’est le déclic, comme s’il avait fallu imaginer une distance, un espace, entre ses propres mots et lui-même pour retrouver l’enthousiasme d’écrire.
Pourquoi écrire sur ça justement ? Pas par intérêt pour sa propre famille, mais plutôt parce que ce qu’il a vécu pointe vers quelque chose d’essentiel dans la condition humaine. Alors il a écrit, un article, de 5000 mots, puis l’éditeur en a demandé plus, puis plus, et c’est devenu ce livre, qu’il a ressenti tout au fond de lui comme indispensable.
Ce texte-là est-il différent du journal ? En fait, les deux premières lignes sont celles du journal, puis Hisham Matar s’est interrogé sur ce que devait être son livre, et celui-ci s’est imposé peu à peu, a pris son rythme, le journal n’était plus qu’un pense bête, qui fournissait un nom, un lieu, un détail.
Et l’auteur nous explique que même s’il a été élevé par de femmes, entouré de femmes puisque les hommes étaient en prison, l’amour que son père portait à la littérature est pour une grande part dans son éducation, dans son goût pour l’écriture. Car la littérature a cette capacité à faire que le lointain devienne intime, et lire, c’est être, devenir autre.
Alors, est-il difficile d’écrire sans le masque de la fiction ? Il aime rester discret sur sa vie privée, et pourtant il est resté le plus fidèle possible à son histoire familiale, mais c’est une histoire pleine de trous, et que fait-t-on de tous ces manques ? Il y a cependant des témoignages, des dates, la Lybie a souffert de façon extraordinaire du colonialisme italien, puis de la nature traumatisante de l’époque Kadhafi, dans le silence et l’horreur, il y avait un silence absolu sur tout, sur les exécutions publiques par exemple. En Lybie, il y avait un poids, une quantité de silence, sur le récit historique, les témoignages des faits, tout ce que vous écriviez était contesté, c’était très risqué. Quand on lui demande s’il a subit des pressions, l’auteur nous dit que non, pas maintenant, et d’ailleurs se demande-t-il, ont-ils seulement lu son récit?
Depuis et grâce à l’article du NewYorker, les gens ont envie de parler, car le fardeau est trop important à porter, il y a trop de fantômes. Peut-on être optimiste pour l’avenir ? Il faut d’abord comprendre ce qu’il s’est passé, et qui est le résultat de 40 ans à vivre sous la situation désastreuse qu’était la dictature. Et de cette malédiction qu’est ce flot infini de pétrole qui fait que d’autres pays deviennent des parasites de la Lybie, ce qui alourdi la situation. Mais l’enthousiasme et l’espoir est là chez les jeunes.
Pourtant, si ce livre traite énormément de la situation politique de la Lybie, le père et surtout l’absence du père est au centre, fil conducteur de ce récit. Car le père est avant tout le fil qui rattache à son propre passé, à soi-même, etc. Si Hisham Matar est très intéressé par tout ce qui le préoccupe et qui pose problème, il n’est pas forcément intéressé par la résolution du problème. Il est en quelques sorte d’avantage passionné par le chemin qui mène à la résolution que par l’issue elle-même. Aussi lorsqu’il s’est demandé quelle serait la manière la plus authentique de rendre compte de son expérience il a pensé à écrire le livre qu’il aurait lui-même envie de lire, ensuite il a fait confiance au pouvoir de l’écriture car il sait que chacun va trouver ce qu’il cherche dans un livre.
Ma chronique du roman est à lire ici
Retrouvez également la chronique de Nicole, du blog Motspourmots et celle de Pierre, du blog Sans connivence
Lire « La terre qui les sépare » c’est embraquer dans les pas de Hisham Matar pour un voyage de retour en terre libyenne.
Dans les années 1990, l’auteur n’a que dix-neuf ans lorsque son père est arrêté. Comme beaucoup d’autres opposants au régime Jaballa Matar va finir sa vie dans les geôles de Kadhafi. Hisham Matar, élevé par les femmes de la famille, va partir vivre en Angleterre. Lors de la fin du règne de Kadhafi, les prisons sont ouvertes, les prisonniers libérés, point de trace de ce père qui avait pourtant réussi à communiquer quelques années plus tôt en faisant passer de rares lettres à sa famille, et dont certains prisonniers se souviennent. Hisham Matar passe des années à rechercher son père, mais aussi des oncles, des voisins, tous ces hommes qui ont disparu simplement parce qu’ils avaient un autre avis, d’autres opinions que celles imposées par le dictateur et sa famille. Il va remuer ciel et terre pour tenter de savoir, faire intervenir ambassades, journaux, associations des droits de l’homme, allant même jusqu’à rencontrer le fils de Kadhafi, dans l’espoir d’une réponse à cette question lancinante restée à jamais irrésolue : où, et quand a réellement disparu son père.
Des années après, il revient en Lybie pour rencontrer la famille, pour comprendre. De ce voyage sortirons des articles dans le NewYorker, puis ce récit. Que l’on soit attiré ou pas par l’Histoire, ce livre est absolument passionnant et d’un grande qualité d’écriture. Jamais lassant, il se dégage de tout ce malheur un optimisme, un espoir en l’homme, et en même temps une image de la société en Lybie du temps de Kadhafi qui fait froid dans le dos, mais dont on avait pu lire par ailleurs d’autres témoignages tous aussi édifiants.
J’ai trouvé avec La terre qui les sépare un récit passionnant sur ce pays à l’histoire complexe. Passé d’une regroupement de tribus à une colonie italienne, puis sous le joug d’un dictateur sanguinaire, la Lybie fascine et interroge, et son avenir est tout sauf serein. Mais c’est également un très beau questionnement sur l’éducation, sur l’absence, le manque et l’amour du père.
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Catalogue éditeur : Gallimard
The Return, Fathers, Sons and the Land in between
Trad. de l’anglais (Libye) par Agnès Desarthe
En 1990, Hisham Matar a dix-neuf ans lorsque son père, Jaballa Matar, disparaît. Celui-ci, après avoir trouvé refuge en Égypte avec ses proches, est enlevé et emprisonné en Libye pour s’être opposé dès le début au régime de Kadhafi. La famille reçoit quelques lettres, envoyées secrètement, jusqu’à ce que toute correspondance cesse brusquement. Vingt et un ans plus tard, lors de la chute de Kadhafi, en 2011, le peuple prend les prisons d’assaut et libère les détenus. Mais Jaballa Matar est introuvable. A-t-il été exécuté lors du massacre d’Abou Salim qui a fait 1 270 victimes en 1996 ? La détention l’a-t-elle à ce point affaibli qu’il erre quelque part, libre mais privé de souvenirs et d’identité ?
Hisham Matar va mener l’enquête pendant des années, contactant des ONG et des ambassades, relatant l’histoire de cette disparition dans la presse internationale, se rendant à la Chambre des lords en Angleterre, son pays d’adoption, s’adressant aux personnalités les plus inattendues,…Lire la suite
Collection Du monde entier, Gallimard / Parution : 12-01-2017 / Romans et récits / Littérature étrangère / Anglo-saxonnes – Arabes / 336 pages, 140 x 205 mm / Achevé d’imprimer : 05-12-2016 / Pays : Libye / Époque : XXIe siècle / ISBN : 9782070197118