Une activité respectable. Julia Kerninon

Comment devient-on écrivain, à quel moment s’impose le goût de la lecture, des mots, voilà sans doute des questions auxquelles voulait répondre Julia Kerninon avec ce court récit-roman « Une activité respectable »

Domi_C_Lire_une_activite_respectable.jpgDe Julia Kerninon, j’avais découvert et apprécié l’an dernier le roman Le dernier amour d’Attila Kiss qui se passait à Budapest. En lisant Une activité respectable, je comprends à quel point cette ville lui est familière.

Ici, nous avons d’avantage un récit, quasi autobiographique et surtout très vivant, de l’amour des livres, de la littérature et de cette idée de savoir comment vous vient l’envie de devenir écrivain.  Julia se dévoile avec pudeur et poésie, nous parle de cette machine à écrire que sa mère lui met entre les mains dès l’âge de cinq ans, on s’en étonnerait d’ailleurs, mais manifestement pas elle ni sa famille !

Et l’on y retrouve avec plaisir une librairie aussi mythique que Shakespeare and Company, qui même si elle a changé de rue depuis les années d’Hemingway par exemple, garde une part de rêve et de mystère. Il y a l’enfance, les parents, les grands parents, cette grand-mère qui ne réagit jamais comme on l’attend, les voyages, Budapest, la Colombie britannique, les études, la fratrie, les amis, tout ce qui fait au final qu’on devient soi-même sans doute.  Il y a aussi les différents voyages d’une adolescente qui se cherche et veut trouver sa voie, alors elle part écrire, seule, dans un studio à l’étranger, puis revient, écrit encore et toujours, puis à force de persévérance, parce qu’avant tout elle y croit et qu’il semble qu’elle soit née pour ça, elle va publier un puis deux, puis d’autres romans.

Voilà un récit étonnant, court, bien écrit et maitrisé, qui intéresse mais sans forcément passionner. Mais après tout, la littérature doit-elle toujours être passionnante ? En tout cas c’est un bel ovni à dédier à tous ceux qui ne peuvent pas vivre sans les mots ni la lecture et à tous les écrivains qui nous régalent de leurs textes !

💙💙💙


Catalogue éditeur : Le Rouergue

Dans ce court récit, Julia Kerninon, pas encore trente ans, façonne sa propre légende. Née de parents fous de lecture et de l’Amérique, elle tapait à la machine à écrire à cinq ans et a toujours voulu être écrivain. Dans une langue vive et imagée, un salut revigorant à la littérature comme « activité respectable ». A dévorer ! Prix Françoise Sagan et prix de la Closerie des Lilas pour ses deux premiers romans.

Janvier 2017 / 64 pages / 9,80 € / ISBN 978-2-8126-1203-9

Retourner à la mer. Raphaël Haroche

Quand on aime les nouvelles et quand on aime ses textes, on a forcément envie de « Retourner à la mer » et de se plonger dans ce nouvel univers que nous dévoile Raphaël Haroche.

DomiCLire_retourner_a_la_merAu salon du livre paris, il y avait du monde pour attendre une dédicace de Raphaël, cet auteur que d’aucun, moi la première, connaissent et apprécient d’abord pour ses talents de chanteur. Avec ce recueil de nouvelles, on découvre une autre facette, celle de l’homme de textes et de parole.

Et on embarque, et parfois c’est rude ! Pour un abattoir, pour une route la nuit, dangereuse lorsque l’on a trop bu, pour une salle de concert où le vigile fait bien peu de cas de la danseuse du ventre qu’il accompagne chaque soir à son Cabaret, avec ce jeune homme qui travaille sur le tournage d’un film dans un cimetière, pour une nuit d’amour avec la plus belle fille du monde….Et puis l’on est tenté de rester aussi au fond de son lit, car la vie, si c’est ça c’est vraiment pas drôle.

Il y a dans ces courts textes beaucoup d’amour, d’espoir mais aussi de solitude et parfois de désespoir, il y a cependant une grande foi en l’Homme, celui qui peut changer, celui qui aime, celui qui comprend, qui regrette et qui avance. Malgré la solitude, la faim, la peur, tant de sentiments qui nous rendent avant tout tellement humains.

Des nouvelles dans lesquelles on retrouve la profondeur de certains textes de Raphaël que l’on aime écouter. D’intérêt inégal elles ont cependant le mérite de nous inciter à réfléchir, se lisent facilement et plutôt agréablement, bien qu’il émane vraiment une immense tristesse de ces lignes…


Catalogue éditeur : Gallimard

Un colosse, vigile dans les salles de concert, et une strip-teaseuse, au ventre couturé de cicatrices, partagent une histoire d’amour…
L’employé d’un abattoir sauve un veau de la mort et le laisse seul dans l’usine fermée pour le week-end.
À sa sortie de l’hôpital, un homme part se reposer dans le Sud avec sa vieille maman.
Trois adolescents livrés à eux-mêmes entendent un bruit inconnu qui pourrait bien être celui de la fin du monde.
Tous ces personnages prennent vie en quelques phrases, suivent leur pente et se consument.
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176 pages / 140 x 205 mm / Achevé d’imprimer : 01-01-2017 / ISBN : 9782072695155

Nous les passeurs. Maud Barraud

Dans « Nous les passeurs », ce magnifique premier roman hymne au grand père disparu, Maud Barraud parle d’amour, de transmission, de vie et de secrets si lourds à porter.

DomiCLire_nous_les_passeursEncore une fois, je vais remercier l’équipe des 68 qui déniche de belles choses, vers lesquelles je ne serais sans doute pas allée, d’autant que je lis rarement les avis avant de découvrir un nouveau roman. Le titre d’abord, qui ne m’évoquait rien, pensant qu’il faisait plutôt allusion à une actualité sombre et inéluctable, celle de l’émigration souvent clandestine et dramatique. Mais non, il ne s’agit pas de ces passeurs-là, et c’est au fil des pages que l’on comprend le titre.

Maud Barraud vient de Bordeaux, là, son père a fait ses premiers pas au château des Arts à Talence, château qui n’appartient plus aujourd’hui à la famille… Et justement, nous allons la découvrir, l’histoire de cette famille qui comme tant d’autres a vu son destin bouleversé par l’Histoire, la guerre,  celle qu’on nomme la seconde car on espère forcément qu’il n’y en aura pas d’autre après.

Dans la famille, un grand silence détruit les sentiments, personne jamais n’a parlé du grand-père et la mort de la grand-mère laisse craindre que ce secret ne soit enfoui à jamais. Aussi Maud décide de faire de recherches, pour comprendre, savoir ce que sont ces non-dits et peut-être permettre à ce père si secret, si amer et tellement en colère, de poursuivre plus sereinement sa vie. Car pour un petit garçon, comment comprendre et accepter qu’un père ne revienne pas quand d’autres l’ont fait, comment accepter qu’un père choisisse de soigner et d’aider les autres quand ses fils ont tant besoin de lui ? Comment vivre heureux en se sachant, en s’imaginant abandonné par un père que l’on aurait tant voulu connaitre ?

Albert Barraud, le grand-père de Maud, est médecin et surtout résistant. Arrêté en 1944, il est envoyé au camps de Neuengamme, en Allemagne. Là, son métier lui a certainement sauvé la vie à l’arrivée au camps . Cela lui aura permis de soulager et d’atténuer les souffrances des prisonniers qui venaient le voir au revier.1. Dans cette infirmerie, sans faillir il soignait, secourait, cachait autant que le lui permettait les conditions dramatiques dans lesquelles ils vivaient leur détention. Jusqu’à ce jour de mai 1945, à quelques heures à peine de la fin de la guerre, quant au terme d’un long voyage, les prisonniers se retrouvent sur le paquebot Cap Arcona. Paquebot qui sera coulé dans la baie de Lubeck. Et l’on ne peut que se révolter face au destin inéluctable provoqué par des allemands décidés jusqu’au bout à poursuivre leur œuvre de destruction.

Les petits-enfants, Maud et son frère, iront jusqu’à la mer Baltique, jusqu’à la baie de Lubeck, retrouver l’âme de ce grand-père disparu, devenant ainsi des passeurs de vie, d’espoir et de lumière, pour éclairer l’avenir d’un père, d’une famille. Quel beau témoignage, ni triste, ni revendicatif mais au contraire tellement positif et porteur d’espoir en l’Homme et en la vie.

Je dois dire aussi que « Nous les passeurs » m’a permis de découvrir encore un pan de notre Histoire – la fin tragique de sept mille huit cent prisonniers au fond des cales du Cap Arcona.

Extraits :

Et je perçois aujourd’hui qu’ignorer ce qui fut avant nous, c’est perdre une partie de ce que nous sommes supposés de venir. Héros ou bourreaux, nos ancêtres nous transmettent bien plus que leur nom.

Nous baladions tous deux notre regard sur cet immense tas de pierre représentant le bloc du revier 1. Chacune d’elle prit la forme d’un trésor précieux. Chacune de ces pierres renfermait un morceau de lui…un regard, une empreinte, un souffle, un cri de colère ; un secret, un soupir plein d’espoir, un sourire, une larme. Durant toute une année, il s’était battu pour venir en aide aux plus faibles, aux plus désespérés. Durant un an il avait espéré, soutenu, il avait porté, aimé, menti, il s’était battu pour lui, pour eux, pour nous.


Catalogue éditeur : Robert Laffont

« J’ai voulu raconter l’histoire de mon grand-père et, par ricochet, celle de ses deux fils. J’ai voulu dire ce qui ne l’avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J’ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c’est moi qu’ils ont libérée. »
Qui est ce grand-père dont personne ne parle ? Marie, devenue une jeune femme, décide de mener l’enquête, de réconcilier son père avec cet homme disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Albert Barraud, médecin, fut un résistant, arrêté par les Allemands. Marie découvrira son rôle protecteur auprès des autres prisonniers. Destin héroïque d’un homme qui consacra sa vie aux autres jusqu’à sa disparition en mai 1945, sur le paquebot Cap Arcona bombardé par l’aviation britannique… Au terme d’un voyage vers la mer Baltique avec son frère, Marie va défaire les nœuds qui entravaient les liens familiaux.

Parution : 5 Janvier 2017 / Nombre de pages : 198 / Prix : 17,00 € / ISBN : 2-221-19790-9

Les indésirables, Diane Ducret

 « Les indésirables » de Diane Ducret, un roman qui nous plonge dans notre histoire récente et nous émeut profondément.

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Un camp de détention à Gurs dans les Pyrénées, des femmes à Paris mais aussi partout en France, et des années terribles retenues prisonnières pour le simple fait d’être une femme émigrée ayant fui un pays en guerre et surtout n’ayant pas encore eu d’enfants. Vous y croyez ? Non bien sûr ! Et pourtant, si les espagnols qui fuyaient l’Espagne de Franco étaient détenus dans de sordides conditions au camp de Gurs dans ces Pyrénées qui n’étaient encore que des Basses-Pyrénées, les femmes qui y sont arrivées ont eu elles aussi des conditions de vies quasi inhumaines.

Paris, 12 mai 1940, les femmes célibataires ou mariées, mais sans enfants, allemandes ou d’origine allemande sont convoquées sans appel au Vel’D’hiv pour le 15 mai. Là, munies d’un simple petit bagage, elles vont attendre plusieurs jours dans ce vélodrome devenu un cloaque insalubre. Enfin, des camions, puis des trains les emmènent vers un voyage quasi sans retour aux confins de ce pays qu’elle ont rejoint pour y trouver la liberté, loin de l’Allemagne qu’elle ont fui car elles s’opposent au fascisme ou parce qu’elles sont juives.

Pendant ces jours d’attente, deux femmes vont se lier d’amitié. Eva l’aryenne, pianiste ayant fui Berlin et rejeté l’engagement de sa famille envers Hitler et Lise la juive qui a fui avec sa mère pour éviter le pire. Elles sont devenues les indésirables, celles dont le pays ne veut plus et qu’il parque au loin, à l’abri des regards, surtout au moment peu glorieux de l’armistice avec Hitler.

A leur arrivée au camp, elles sont une source d’étonnement et de ravissement pour les espagnols retenus là depuis longtemps déjà. Et même si hommes et femmes ne peuvent pas se rejoindre, les possibilités existent et l’amour, l’amitié, la solidarité, sont les éléments indispensables pour résister aux souffrances, au froid, aux maladies qui guettent ces femmes affaiblies.

L’auteur nous raconte la vie de ces hommes et ces femmes, leur courage, leurs espoirs, leur volonté face à cette adversité contre laquelle si peu semble réalisable. Et à Gurs, les indésirables ont réussi l’impossible, faire de l’art un rayon de soleil, un espoir supplémentaire. Elles vont demander et obtenir un piano et donner des spectacles dans un cabaret improvisé. Tout cela avec l’aide du commandant Davergne et de l’infirmière Elsbeth Kasser (tous deux ayant réellement existé) car dans chaque homme ou femme il faut continuer à avoir espoir. C’est un roman magnifique et émouvant. Diane Ducret mêle adroitement la petite histoire, celle de la vie de ces hommes et de ces femmes, pour faire revivre un pan méconnu et sombre de notre Histoire.

Il y a une grand humanité en même temps qu’une certaine tristesse à voir comment les événements pourraient si facilement se renouveler. Histoire, quand tu nous heurte, quand tu te répètes, quand même savoir ne permet pas toujours d’éviter de recommencer….

Je connais ce camp de Gurs pour de multiples raisons, la première étant que je viens de Pyrénées-Atlantiques et que certains de mes amis espagnols ont eu leurs parents et grands-parents retenus là pendant des années lorsqu’ils ont fui l’Espagne de Franco, ils m’en ont souvent parlé. Il y a tout juste six ans je souhaitais aller le visiter, puisqu’il existe encore. Une vilaine grippe m’ayant clouée au lit, mes proches m’en ont parlé à leur retour, très émus de ce qu’ils avaient vu.

On se souviendra aussi qu’il existe le même type de camp du côté de Perpignan, Isabelle Alonzo en a parlé dans ce roman qui parle si bien de son père Je mourrai une autre fois. Enfin, les artistes allemands réfugiés également sur la côte d’Azur ont connu le même voyage, de la côté au camp des Milles à Aix-en-Provence, puis à Gurs, Michèle Kahn en parle dans son roman  Un soir à Sanary .

Catalogue éditeur : Flammarion

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Eva et Lisa, deux amies jugées indésirables, sont internées par l’état français dans un camp au beau milieu des Pyrénées. Recréant un cabaret, elles chantent et dansent l’amour et la liberté en allemand, en yiddish et en français

Parution : 01/03/2017 / Format : 14.6x22x2.1 cm / Pages : 320 / Prix : 19,90€ / EAN :  9782081407343

Rencontre avec Emelie Schepp auteur de « Marquée à vie » de passage à Paris

« Marquée à vie », le roman d’Emelie Schepp est édité par Harper Colins France. Retour sur la rencontre avec l’auteur fin mars.

Emelie a répondu à quelques questions…

Comment vient-on à l’écriture ?
Emelie Schepp était chargée de projet marketing pub pendant 10 ans, à cette époque  elle a rédigé de nombreux articles qui lui ont donné envie d’écrire de vrais textes. Alors qu’elle se posait la question de savoir comment commencer, elle a pris des cours pour créer des scénarios.
Là, elle a appris à composer des dialogues, développer des personnages, constituer l’environnement pour mettre en relief une histoire. Très inspirée par le cours, elle a écrit deux scénarios de films, les a envoyés à des éditeurs, mais aucune réponse. Lorsqu’elle a entendu un grand producteur dire que c’est cher en Suède de financer des films, elle s’est dit que si c’est cher pour lui, pour quelqu’un de pas connu, n’en parlons pas !
Plutôt écrire un livre alors ! On peut y mettre le nombre de scènes qu’on veut et faire tout ce qu’on veut. Comme elle exerçait toujours son métier, il était nécessaire de trouver du temps pour écrire. Elle se levait chaque jour à 4h30 pour écrire, puis partait au travail. Ensuite elle a écrit le soir, au lieu de regarder ces séries qu’elle affectionne et qu’elle regarde avec son mari, et enfin, il vaut mieux éteindre la télé, les réseaux sociaux, le téléphone, pour avoir un peu plus de temps !

Et pour l’édition ?
Au bout de 6 mois, la voilà avec un premier jet et l’idée de chercher un éditeur. En général en Suède il faut au moins 3 mois pour une réponse, quant au bout de deux mois elle reçoit une enveloppe, c’est la fête !  Mais … en fait c’était un refus. Pensant que c’est beaucoup trop dur d’être publiée, de toujours être dans l’attente d’une réponse, elle opte pour l’auto-publication.  Une couverture souple, un bon manuscrit et c’est parti. En 6 mois, elle vend 40 000 exemplaires ! C’est un record en Suède en 2013.  Depuis le livre est édité dans 29 pays et a déjà été vendu à un million d’exemplaires. Elle est élue “Best Crime author of the year” !

Elle se dit très justement que vu le nombre d’auteurs qui ont abandonné car ils n’avaient pas été acceptés par les maisons d’éditions, il existe peut-être des pépites inconnues dans quelques tiroirs !
« La Suède et un pays magique mais les gens sont bizarres », elle n’avait pas forcément envie d’écrire sur son pays, mais plutôt un livre qui donne aussi une vision du monde. Enfin, il existe de nombreuses formes de crimes, sanglants, horribles, ou cachés,  psychologiques, il y a du public et de la place pour tous.

Sa relation avec le public, le milieu de l’édition, de la diffusion ?
Aujourd’hui pour un auteur il faut absolument être sur tous les réseaux sociaux, Instagram, twitter, Facebook, etc. Une présence multiple est indispensable pour avoir le contact avec les lecteurs, mais aussi avec les vendeurs, les sites web, les diffuseurs et les revendeurs, il faut les rencontrer, leur montrer le livre, la couverture, leur dire comment elle souhaite qu’il soit positionné dans les rayons. Et malgré les réseaux sociaux, les rencontres en face à face sont vitales ! En fait c’est comme dans son ancien métier de responsable marketing mais là vend son livre au lieu de yaourts. D’ailleurs elle a toujours un exemplaire de son roman avec elle.

Ce qu’elle dit de « Marquée à vie »

DomiCLire_emelie_scheppIl y a toujours deux trames différentes dans chaque livre, une inspirée d’un fait réel (assassins d’enfants). L’auteur s’est longtemps posé des questions sur les enfants assassins, qui dès leur plus jeune âge sont formés pour tuer. Comment et pourquoi fait-on cela ? Dans le troisième tome, le thème qui l’intéresse c’est comment un infirmier peut travailler pendant des heures tout en étant capable de sauver des vies.

Et une autre avec son personnage principal, Jana. Là c’est son l’imagination qui prend le relais. Elle aime faire ces allers-retours entre le réel et son imagination. Son personnage -Jana- est complexe et double, elle est donc particulièrement intéressante. Dans le premier volume, elle veut savoir et comprendre qui elle est. Dans le deuxième, elle veut aller de l’avant.

Par contre, deux amis policiers ont lu et corrigé le livre pour le respect des protocoles. Enfin, elle adorerait que le livre soir adapté au cinéma.

Lire ma chronique de Marquée à vie.

Pereira Prétend. Pierre-Henri Gomont

Pereira Prétend est adapté du roman d’Antonio Tabucchi. Lors du festival d’Angoulême, j’ai eu le plaisir de discuter avec l’auteur Pierre-Henri Gomont qui a su me donner envie de lire cette BD.

DomiCLire_pereira-pretend.jpgSi au premier abord j’étais un peu déroutée par le graphisme, le personnage et son univers, en fait, très vite je me suis laissée absorber par cet univers étrange où un journaliste veuf et particulièrement solitaire, Pereira Prétend, prétend qu’il lui arrive ci ou ça, rentre chez lui et parle à sa femme, morte depuis longtemps, mais qui lui manque tant. Puis petit à petit, il se pose enfin des questions sur son existence et se demande s’il n’a pas gâché sa vie à force de vouloir fermer les yeux au monde qui l’entoure.

Car nous sommes au Portugal, à Lisbonne dans les années 38. Au moment où l’air qu’on y respire est de plus en plus malsain, c’est celui des troupes de Salazar, et de l’ordre sécuritaire de l’époque. L’Espagne voisine est désormais aux mains de Franco, l’ombre nazie plane sur l’Europe qu’elle va couvrir bientôt.

Dans les villes, les jeunes tentent de se révolter, les hommes sont arrêtés sans raison dans les rues, tabassés, enlevés, mais Pereira ne voit rien. Lui, il fait juste son métier, directeur de la page culture du journal  Le Lisboa. Chaque jour, il suit le même rituel, bonjour du matin à la concierge du journal, à la botte de la police et qui divulgue tout ce qu’elle voit, chaque soir il rentre chez lui et parle à sa femme (enfin, à son portrait !)  ou à ses autres « moi » bonne ou mauvaise conscience peut-être, chaque jour enfin, il se goinfre d’omelette ou de citronnade fortement sucrée, à tel point que sa santé est en péril.

Un jour il décide, sans trop savoir ce qui l’y pousse, d’embaucher un stagiaire qu’il a repéré suite à un texte publié dans un journal. Et cette rencontre avec la jeunesse de cette époque à laquelle il s’est soustrait va enfin lui ouvrir les yeux, car dans ce monde feutré où la censure met sous le boisseau tout ce qu’elle veut taire, où chacun espionne l’autre, où il est bon de penser comme le gouvernement, Pereira se pose enfin les bonnes questions. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est justement cet éveil à la conscience d’un homme ordinaire à qui sa vie banale convenait jusque-là. Ici pas de héros, pas d’acte particulièrement dramatique ou éclatant au sens classique, mais malgré tout cette prise de conscience qui peut subvenir en chaque homme.

Il y a assez peu de personnages au final, mais des couleurs étonnantes qui reflètent bien les différentes situations. Des fonds bleu ou vert pour les moments heureux et plus sereins, des tonalités de rouges et de noirs pour l’incertitude, la colère ou la révolte, mais aussi des ciels bleus limpides en opposition au climat ambiant du Portugal de ces années-là. Le graphisme particulièrement travaillé nous emporte vraiment dans les rues de Lisbonne, devant ses bâtisses, il est au contraire plus ébauché pour les personnages, par exemple pour ces petits lutins rouges « consciences » de Pereira, ou ces lâches aux tronches de bandits, etc. C’est assurément un exercice réussi pour au final un roman graphique qui se lit d’une traite et se termine un peu trop vite à mon goût !


Catalogue éditeur : Sarbacane

Pierre-Henry Gomont nous emmène dans le Portugal de Salazar.

Lisbonne, Portugal, en pleine dictature salazariste, fin juillet 1938. Dans une ville enveloppée d’un « suaire de chaleur », un journaliste vieillissant, le doutor Pereira, veuf, obèse, cardiaque et tourmenté, rédige chaque jour depuis plus de trente ans la page culturelle du quotidien très conservateur, le Lisboa. Dans cette vie endormie, déboule un certain Francesco Monteiro Rossi… et, de façon tout à fait inattendue, Pereira l’engage. Mais le jeune pigiste, au lieu d’écrire les sages nécrologies que Pereira lui a commandées, lui remet des éloges aussi sulfureux qu’impubliables de Lorca et autres Maïakovski, ennemis avérés du régime fasciste.  Lire la suite…

Format: 21,5 x 29 cm / Nombre de pages: 160 / Parution: 7 septembre 2016 / ISBN: 9782848659145 / Prix: 24,00 €

Star fuckers. Gihef, Alcante, Teague

Ah, mais comment, une bande dessinée pour adultes ? Car enfin, une nana bien sexy dans une coupe de champagne en couverture et toutes les suppositions, tous les rêves sont permis, non ?

DomiCLire_starfuckers_kennes_editionsMais non, si Maria a des formes généreuses et un joli petit … heu, ben oui quand même – merci au dessinateur pour ses jolies formes – en fait il s’avère vite qu’elle n’a pas que ça ! Maria est Mexicaine, elle vit de l’autre côté du Rio grande. Une nuit elle franchi la frontière et devient une de ces « dos mouillés » ceux qui ont réussi la traversée à la nage et sans papiers pour chercher une vie meilleure, la gloire et la sécurité de l’autre côté, en Californie.

Et si Maria rêve, c’est de réussir sa vie à Hollywood et pourquoi pas dans les bras de Hugh, la vedette, le beau gosse. Mais son quotidien n’a rien de bien flambant, elle fait du lap danse dans un cabaret et passe quelques minutes « en privé » avec le gros Bill, mais sans jamais aller au-delà des convenances. Elle doit aussi payer cher le passeur qui la raquette chaque soir.

DomiCLire_starfuckers_riviere.JPGPourtant, un jour, un imprésario lui propose une soirée, discrète, bien payée avec, elle le comprend vite, un acteur très en vogue (mais aux habitudes sexuelles peu classiques), soirée où elle n’aura rien d’autre à faire qu’exécuter ce qui lui sera demandé. Mais Maria n’est pas la petite sotte docile que pourrait le laisser penser se formes généreuses. Elle se rebelle et cherche à se venger, puis à se protéger.

Sous des aspects aguicheurs et légers, les auteurs abordent le problème des émigrés en situation irrégulière, leur clandestinité les rend redevables de passeurs sans scrupules qui leur prennent souvent tout ce qu’ils gagnent. Leur situation est périlleuse car dans l’adversité, comme faire respecter la loi si l’on est sans papiers ? Comment se faire respecter ? C’est le premier tome d’une série, mais on comprend bien vite que le lap danse et les soirées dans le cabaret ne seront qu’un court épisode dans la vie de Maria la clandestine et qu’un avenir plus radieux l’attend. Quelques dialogues un peu osés tout de même, et un graphisme  plus sexy qu’érotique sans être jamais vraiment vulgaire cachent un sujet grave et actuel. Je suis plutôt surprise par cette BD que l’on m’a proposée et que je n’aurai certainement pas lue de moi-même !


Catalogue éditeur : Kennes éditions

Scénario : Gihef et Alcante / Dessin : Dylan Teague

Date de parution : 18 janvier 2017 / Nombre de pages : 48 pages

Le rendez-vous manqué de Marie-Antoinette. Harold Cobert

Découvrir Harold Cobert avec « Le rendez-vous manqué de Marie-Antoinette », un roman historique aussi subtil, c’est vraiment un excellent début.

DomiCLire_le_rendezvous_manque_de_marieantoinette.jpgCe passionné de Mirabeau se met à la place de ses protagonistes, à la fois Marie-Antoinette et Mirabeau, pour évoquer cette rencontre secrète à Saint-Cloud, en ce 3 juillet 1790. Si on sait que l’entrevue pourrait avoir eu lieu, on n’en connait cependant pas les détails. L’auteur féru d’histoire, de Mirabeau et de cette période en particulière utilise ses connaissance pour produire un roman totalement réaliste et actuel.

La révolution française a eu lieu, le roi et la reine sont désormais quasiment abandonnés de tous, leur courtisans ont déjà fui, eux sont « prisonniers » à Paris pour quelques mois encore. Mirabeau, tribun hors pair, tente secrètement de sauver la monarchie, et pour cela il a besoin de la coopération de la reine. Mais comment Marie-Antoinette, femme subtile, éduquée, tout en finesse peut-elle accepter les conditions que lui propose cet homme si laid, libertin collectionnant les conquêtes d’un jour, élu du tiers état, comment avoir confiance, comment y croire.

Et le lecteur embarque dans ce rendez-vous, pas si manqué que ça puisque l’on a l’impression d’être là, à côté de ces deux immenses personnages, témoin attentif d’un tournant de l’histoire, porté par l’élan de la révolution, la passion des tribuns, le destin de ceux qui, par leurs décisions ou leur manque de décision, ont peut-être scellé ou fait basculer celui de la France.

La psychologie de chacun est habilement analysée, leurs passés si différents, leurs failles, leurs désirs pour le futur d’un pays. L’écriture est fine, subtile, agréable à lire, et pourtant le propos, cette période sombre de la révolution, la fin de la monarchie, n’auraient à priori pas donné prétexte à un texte aussi passionnant. Pourtant on y est, on suit l’auteur, on écoute, on espère, les deux voix alternent avec les évènements, pour nous permettre de resituer, de comprendre, de désespérer. En fait, voilà un excellent roman qui donne envie d’en lire d’autres de cet auteur.


Catalogue éditeur : réédité par Le livre de poche sous ce titre.

D’abord édité sous le titre : l’entrevue de Saint Cloud, chez Héloïse d’Ormesson.

3 juillet 1790. Alors que la monarchie est en péril et l’avenir de la France incertain, Marie-Antoinette rencontre secrètement Mirabeau à Saint-Cloud. Ces quelques heures suffiront-elles au comte libertin pour modifier le cours de l’Histoire ? Car, paradoxalement, un seul désir anime l’orateur du peuple, l’élu du tiers état, celui de sauver le trône. Déployant toute son éloquence, le redoutable tribun saura-t-il rallier la reine à ses convictions ? Ce livre a précédemment été publié aux éditions Héloïse d’Ormesson sous le titre L’Entrevue de Saint-Cloud.

Ajoutée à une précision méticuleuse, l’élégance classique de la langue sert un roman éminemment théâtral. Jeanne Garcin, Elle.

168 pages / Date de parution : 07/03/2012 / Editeur d’origine : Héloïse d’Ormesson / ISBN :

9782253161707

 

En pays conquis. Thomas Bronnec

A Lyon, pendant les Quais du polar, rencontre avec  Thomas Bronnec sur un air de fiction politico réaliste.

DomiCLire_en_pays_conquisJournaliste, Thomas Bronnec travaille aujourd’hui à Ouest France. Ses différentes expériences l’ont amené à écrire sur des sujets assez divers. Le Vietnam avec La fille de Hanh Hoa à la suite d’un séjour dans le pays, Bercy avec Les initiés après avoir coécrit avec laurent Fargues « Bercy, au cœur du pouvoir. Enquête sur le ministère des finances » sur les coulisses du dit ministère… On comprend mieux pourquoi, de façon plutôt logique, il nous entraine  En pays conquis à la suite de ses personnages, dans une fiction politico financière aux accents de vérité.

Le roman se situe en juin 2017, les élections présidentielles ont eu lieu, le président de gauche a été réélu, mais il n’a aucune majorité et l’assemblée a basculé à droite, très à droite. Impossible de ne pas nommer la présidente du Rassemblement National à l’un des ministères régaliens…
Avec ce roman, point de thriller au sens commun du terme. Ici c’est plutôt une ambiance et un suspense qui se place sur plusieurs niveaux. Les personnages et leur passé tout d’abord, le pays et son avenir incertain ensuite. Et chacun interfère dans la vie de l’autre.

Les tensions, les avis contraires, les ambitions vont alors prendre toute la place, et chacun va vouloir se frayer un chemin jusqu’au plus haut niveau. Pendant ce temps, le grand argentier de la campagne d’Hélène Cassard, la nouvelle premier ministre, fait ce qu’il peut pour tenir la barre. Mais le passé vient réveiller les questions enfouies depuis longtemps. Les différents protagonistes vont alors être balancés entre devoir maintenir un cap coûte que coûte, laisser refluer les souvenirs, de ceux qui apportent des remords ou des regrets au risque de compromettre un avenir, ou simplement avancer pour le bien du pays.
DomiCLire_en_pays_conquis_thomas_bronnecAvec ce roman composé de chapitres courts ponctués parfois de minute en minute, d’un personnage à l’autre, du présent au passé, l’auteur arrive à inclure assez bien le lecteur dans le rythme de son récit. Fortement inspiré des évènements de l’actualité, le roman de Thomas Bronnec interroge sur ce qui pourrait advenir. On le lira sans doute maintenant avec un peu moins de scepticisme qu’avant les élections américaines ou le Brexit ! Oserais-je avouer que j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’intrigue. Je peux imaginer qu’à priori les romans de fictions politico-quelque chose ne sont pas faits pour moi, ou alors il me manquait d’avoir lu « les initiés ».

Je dois dire également que suis ravie d’avoir croisé l’auteur au salon Livres Paris, puis d’avoir animé une rencontre avec les lecteurs lors du festival Quais du polar. C’était un grand plaisir de découvrir l’auteur, son parcours de journaliste, ses envies d’écrivain, ses aspirations et le pourquoi de son écriture. Un joli moment de partage.

A lire aussi, la chronique de Nicole du blog MotspourMots


Catalogue éditeur : Série Noire Gallimard

La République est paralysée. L’Élysée est à gauche mais l’Assemblée à droite. Très à droite : impossible pour Hélène Cassard, nommée à Matignon, de gouverner sans le soutien des députés du Rassemblement national, le parti extrémiste. Dans un paysage politique en pleine déliquescence, les convictions sont mises à l’épreuve du pouvoir et les hommes de l’ombre s’agitent autour d’un enjeu de taille : l’appartenance de la France à l’Europe. Lire la suite

240 pages, sous couverture illustrée, 155 x 225 mm / Genre : Romans et récits / Sous-genre : policiers Catégorie > Sous-catégorie : Policiers > Thrillers / Époque : XXIe siècle / ISBN : 9782072709944

 

La cire moderne. Vincent Cuvellier. Max de Radiguès

Dans le roman graphique de Vincent Cuvellier et Max de Radiguès la fabrique de cierges « La cire moderne »  risque fort de transformer la vie de quelques jeunes en mal de projet de vie !

DomiCLire_la_cire_moderneDe Max de Radiguès, j’ai découvert à Angoulême Weegee, Sérial photographer dont j’ai déjà parlé ici. Là, nous naviguons dans un tout autre univers. Si pour Weegee, l’auteur c’était inspiré d’une histoire vraie, et donc d’un scénario qui n’était plus qu’à adapter, là, tout était à créer. Et les auteurs de prendre le pari compliqué de parler indirectement spiritualité et religion, avec cette fabrique de cierge dont le seul débouché s’avère être dans les différents lieux de culte du pays.

Lorsque Emmanuel hérite de son oncle, il n’est pas au bout de ses surprises. En effet, le défunt ne lui a pas laissé d’argent ni de biens immobiliers, mais tout un stock de cierges, qu’il doit débarrasser dans les plus bref délais. Alors que faire  quand on est jeune, débrouillard et sans le sous ? Eh bien, on peut embarquer Sam, sa copine et Jordan, le frère déjanté de cette dernière et partir à Châteauneuf-le-Viel, récupérer les cierges puis partir sur les routes. Ensuite, de monastères en églises, ils vont tenter de liquider ce stock encombrant en échange de quelque monnaie sonnante et trébuchante.

Et l’on découvre au passage que même les fabriques de cierges se délocalisent en chine, qu’il n’y a donc pas de petit profit, que l’artisanat est dépassé, et  que certains cierges peuvent même avoir une vieille odeur de… pieds !

Mais sur le parcours, de Lisieux à Lourdes, Emmanuel et ses amis vont rencontrer des prêtres, de nouveaux amis, les questions seront nombreuses et Emmanuel ne sortira pas indemne de cette aventure. Ses interrogations sur son avenir, sur le sens que l’on donne à sa vie, sur l’amitié, se bousculent, au point de partir vers d’autres cieux pour tenter de se retrouver. Étonnant point de vue, qui nous emmène plus loin que prévu, dans une recherche de soi, d’un idéal, d’un but. Affaire à suivre alors !


Catalogue éditeur : Casterman

Un jeune couple vivote dans une maison à la campagne lorsque surgit un héritage inattendu : une fabrique de cierges !

Collection Écritures /16,95 € / 160 pages – 17.2 x 24 cm / Noir et blanc / ISBN : 9782203100589 / Paru le 18/01/2017