Les cuisines du grand Midwest, J.Ryan Stradal

Du roman écologique au roman gastronomique, J.Ryan Stradal entraine ses lecteurs à la suite d’Eva dans « Les cuisines du grand Midwest ».

Eva Thorvald arrive de loin, sa mère l’abandonne pour vivre sa vie de sommelière à l’autre bout du monde, son père Lars, grand amateur de cuisine et fin gastronome (c’est lui qui, dans sa famille, a poursuivi à Noël la tradition scandinave du lutefisk) meurt d’une crise cardiaque quand elle a à peine 6 ans. Adoptée par ses oncle et tante qui lui cachent ses origines, cette enfant singulière grandi avec le goût inné des saveurs et comprend très tôt les subtilités des produits authentiques.

Tout au long de sa vie, Eva prend le parti de choquer, d’aller au bout de ses limites en consommant par exemple les piments les plus forts, les plus intenses pendant son enfance. Puis peu à peu elle comprend que les saveurs sont surtout synonymes de subtilité et de douceur et change alors sa façon d’appréhender la cuisine et la nourriture en général. Nous la suivons d’étape en étape, dans les petits restaus de l’Amérique profonde, puis assistante de grand chef et enfin grande ordonnatrice de diners extraordinaires et absolument dispendieux pour VIP triés sur le volet.

L’auteur pose un regard étonnant sur la vie de son héroïne. Son parti pris n’est pas de suivre Eva, mais plutôt de choisir l’une ou l’autre des personnes -amis, ennemis, rivaux ou associés- qui ont jalonné sa vie et à travers eux décrire la période pendant laquelle ils l’ont côtoyée. Quels que soient les aléas qu’elle traverse, Eva réussit à les affronter, à rebondir et s’en sortir là où bien d’autres auraient renoncé, toujours à la recherche inconsciente de la douceur enfuie de son enfance. Roman initiatique, roman d’ambiance aussi, on s’attache à ces personnages pour le moins singuliers et à leurs relations pas toujours évidentes. Une belle façon de nous les présenter et d’aborder intelligemment la cuisine et les dérives des extrémistes du tout écologique et du 100% naturel.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre  de Poche

À l’instar de son père, Eva Thorvald est une surdouée du goût, un prodige des saveurs. Étape après étape, des fast-foods aux grands restaurants, des food trucks aux dîners privés, elle va devenir un grand chef, à la fois énigmatique et très demandé. Tous ceux qu’elle croise la regardent avec admiration ou jalousie.
Mais ce don unique vient aussi d’une blessure qui, malgré le talent, ne cicatrise pas. Eva cuisine comme d’autres peignent, écrivent ou composent : pour retrouver un peu de sérénité et le paradis perdu de l’enfance.

Avec Les Cuisines du grand Midwest, J. Ryan Stradal signe un roman initiatique poignant et une vaste fresque qui, à travers la gastronomie, explore tous les milieux sociaux des États-Unis.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch.

448 pages / Prix : 8,40€ / Date de parution : 27/02/2019 / EAN : 9782253073567 / Editeur d’origine : Rue Fromentin

Le fleuve de la liberté, Martha Conway

Quand la rivière est synonyme de liberté. Dans l’Amérique des années post guerre de sécession une troupe de théâtre embarque du Nord au Sud sur Le fleuve de la liberté.

En 1838, l’Amérique est divisée entre le Nord qui ne pratique pas l’esclavage, et le Sud esclavagiste, mais cela se fait en relative bonne intelligence. Les déchirements de la guerre de sécession n’arriveront que vingt ans plus tard.

Après le naufrage du vapeur Moselle qui devait l’emmener avec sa cousine Constance jusqu’à Saint-Louis, la jeune May Beldoe se retrouve seule et sans emploi sur les berges de l’Ohio. Toutes deux ont réussi à se sauver du bateau en flammes, mais leurs maigres possessions sont au fond du fleuve. Constance est recueillie par une abolitionniste, Mrs Howard. Elle abandonne son métier d’actrice pour donner des conférences contre l’esclavage le long du fleuve Ohio. May était son accompagnatrice, sa couturière, sa dame de compagnie. Désormais seule, elle doit se ressaisir et trouve un emploi dans un théâtre flottant.

D’abord jalousée, cette jeune femme douée, agile de ses mains et pleine de bonne volonté va rapidement s’intégrer à cette troupe composite aux personnalités les plus diverses. May est appréciée par tous, en particulier par Hugo, qui dirige à la fois la troupe et le bateau dans les eaux traitresses du fleuve. A cause d’une dette contractée auprès de Mrs Howard, May est obligée de s’intéresser de plus près au sort des esclaves, en particulier à ceux qui tentent de traverser Le fleuve de la liberté. Cet éveil de conscience tardif mais réel la pousse à braver les dangers et à prendre de sérieux risques.

J’ai aimé suivre cette troupe de théâtre aux caractères si divers, découvrir leurs échanges, leur façon de travailler sur le fleuve pendant toute une saison, en allant de ville en ville. Connaitre les petites mains qui les accompagnent et la façon dont ils sont perçus par la population. Ils doivent quasiment aller chercher leurs spectateurs. Dans ces villes en formation, épicier, shérif, juge, fermiers, chacun exerce une forme de pouvoir dont il faut comprendre les subtilités afin de flatter intelligemment celui qui saura faire venir sur le théâtre flottant le plus de spectateurs possible. Enfin j’ai aimé suivre l’éveil de conscience de May. D’abord fade et fragile, elle se transforme en une femme sûre au caractère bien trempé.

Les différents personnages permettent de comprendre les enjeux de l’esclavage, ceux qui ne le pratiquent pas mais ne le condamnent pas pour autant, ceux qui refusent d’intervenir, les chasseurs d’esclaves appâtés par le gain, et la complexité des réseaux qui tentent de leur faire passer la frontière entre le Sud et le Nord au péril de leur vie. Un roman qui se lit avec plaisir, même si le thème abordé est grave. Le lecteur s’attache à May et aux différents personnages, prêt à embarquer sur le fleuve de la liberté.

Lire également sur le sujet de l’esclavage aux États-Unis l’excellent roman de Colson Withehead, Underground Railroad.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche et JC Lattès

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Manon Malais

Avril 1838. Après le naufrage du bateau qui devait l’emmener à Saint Louis, une jeune couturière, May Bedloe, échoue seule et sans le sou sur les berges de l’Ohio. Elle trouve un travail sur un bateau-théâtre qui descend la rivière pour donner des représentations. Par sa créativité et son talent, elle se rend rapidement indispensable et trouve sa place au milieu d’une troupe joviale d’acteurs hauts en couleur. Elle y découvre l’amitié et la promesse de quelque chose de plus…
Mais traverser quotidiennement la frontière entre le Sud confédéré et le Nord libre n’est pas sans danger. Pour honorer une dette, May se voit contrainte de transporter en cachette des passagers clandestins sur les flots du fleuve de la liberté. Ses secrets deviennent de plus en plus difficiles à garder. Et pour sauver la vie des autres, elle va devoir risquer la sienne…

Une formidable héroïne rend ce livre irrésistible. The Daily Mail.

Pages : 480 / Date de parution : 24/04/2019 / EAN : 9782253100751 / Prix : 8,40€

Les âmes silencieuses, Mélanie Guyard

Aborder le thème de la seconde guerre mondiale avec une fille-mère tondue à la libération, pari osé mais pari tenu par Mélanie Guyard dans « Les âmes silencieuses ».

De nos jours, Loïc est un trentenaire paumé, cynique, blasé, chômeur et futur divorcé. Le coup de poing dont il a gratifié son rival lui vaut quelques séances fastidieuses chez un psy plus ennuyeux que compatissant. Aussi, lorsque sa mère lui demande de partir dans le Berry vider la maison familiale, Loïc n’a plus rien à perdre et descend se réfugier dans le travail et les souvenirs d’une famille qu’il ne connait quasiment pas.

A peine arrivé, les piliers de bar du village lui jettent à la figure des mots qui ont de mauvais relents de seconde guerre mondiale, de ces qu’en dira-t-on qui ont poursuivi sa grand-mère toute sa vie. Rapidement, alors que les tensions s’apaisent, les secrets se dévoilent.  De 1942 à 1944, dans le village occupé, Héloïse a fauté, accompagnant chaque jour un bel officier allemand dans les bois. Puis Héloïse a mis au monde Anaïs, la mère de Loïc. Tondue à la fin de la guerre, fille-mère à une époque où cela ne se faisait pas, Héloïse a pourtant toujours gardé ses secrets. La vérité sur cette relation, qui est le père, autant de mystères pour tous comme pour son petit-fils.

Lorsqu’il entreprend le déblayage du grenier, Loïc découvre un échange épistolaire entre Héloïse et un mystérieux J. Commence alors une enquête familiale à rebours, pour savoir et comprendre.  Il rencontre la gentille et douce Mathilde, qui fuit elle aussi ses propres tourments. Tous deux se lancent dans une enquête complexe -ça tombe bien, Mathilde est flic- pour déterrer les secrets enfouis dans les granges, les bois, les cœurs et les âmes de ce village hors du temps. D’interrogation en découverte, chacun évolue, mais surtout comprend d’où il vient, et comment il va pourvoir avancer dans cette vie qu’ils ont tant de mal, l’un comme l’autre,  à appréhender.

Dans un style fluide et résolument moderne, l’auteur nous transporte entre deux époques et fait émerger toutes sortes de sentiments qui guident ses personnages à travers des temps tourmentés, la guerre, l’amour, la séparation, le deuil. Chacun ressent à sa façon les épreuves à affronter, et le lecteur se laisser habilement mener, malgré quelque indices semés au fil des pages, vers un final bien plus contemporain qu’il n’y parait.

Lors de la rencontre avec l’auteur, j’ai eu plaisir à l’écouter parler de ses questionnements, puis de ses certitudes et de son plaisir à écrire ce premier roman destiné aux adultes.

Catalogue éditeur : Seuil

1942. Héloïse Portevin a tout juste vingt ans lorsqu’un détachement allemand s’installe dans son village. Avides d’exploits, son frère et ses amis déclenchent un terrible conflit. Pour aider ceux qu’elle aime, Héloïse prend alors une décision aux lourdes conséquences…
2012. Loïc Portevin est envoyé par sa mère au fin fond du Berry pour y vider la maison familiale après le décès de sa grand-mère. Loïc tombe sur une importante correspondance entre cette dernière et un dénommé J. Commence pour lui une minutieuse enquête visant à retrouver l’auteur des lettres.
Entre secrets de famille et non-dits, Loïc et Héloïse font chacun face aux conséquences de leurs décisions, pour le meilleur… et pour le pire.

Mélanie Guyard est professeur de biologie en région parisienne. Elle a publié sous le pseudonyme d’Andoryss une dizaine de bandes dessinées (aux éditions Delcourt) et plusieurs romans jeunesse. Les Âmes silencieuses est son premier roman en littérature adulte.

Date de parution 02/05/2019 / 18.90 € TTC / 320 pages / EAN 9782021419030

Meurtre à Montaigne, Estelle Monbrun

Meurtre à Montaigne, d’Estelle Monbrun célèbre les 25 ans de la collection chemins nocturnes, des éditions Viviane Hamy.

En Dordogne, à Saint-Michel-de-Montaigne, les touristes adorent visiter la tour et la célèbre librairie du château de Montaigne. Olivier, un étudiant spécialiste de l’auteur fait le guide pendant ses vacances. Un matin, il découvre le corps inanimé d’un jeune homme au pied de la tour.
Sur l’Ile d’Oléron, Mary, une étudiante américaine assistante de Michel Lespignac est aussi la baby-sitter des petites filles de ce grand spécialiste de Montaigne. Sur la plage, elle retrouve Caro, une jeune fille rencontrée lors de son arrivée à Paris…  Un instant d’attention, et les petites filles ont disparu…
Le commissaire Foucheroux  vient de prendre sa retraite et n’a pas encore trouvé son rythme. Lorsqu’on l’appelle à la rescousse pour résoudre cette affaire d’enlèvement qui s’avère plus complexe que prévu, il est ravi de seconder son ancienne assistante, la commissaire Leila Djemani. Ils doivent être efficaces et très discrets, eu égard au statut de Lespignac. Ce dernier doit très prochainement faire paraitre une bombe qui va secouer le milieu littéraire et les aficionados de Montaigne.

De l’enlèvement aux découvertes multiples sur les personnalités et le passé des différents protagonistes, faux-semblants, trahison, envie, jalousie, désir de vengeance, filiation et généalogie, de nombreux  thèmes vont être adroitement abordés par Estelle Monbrun. L’intrigue est parfois embrouillée et semble traitée avec légèreté, trop fin de siècle peut-être (mais où est passée la police scientifique ?) Sans doute parce que nous avons affaire à des littéraires purs et durs ! Par contre l’humour et les références littéraires sont constamment présents dans ce polar rocambolesque qui plonge le lecteur dans l’histoire des lieux et de l’écrivain. Malgré tout, ce thriller plus littéraire que noir se laisse lire fort agréablement. N’y cherchez pas une enquête fouillée et des policiers aguerris, mais plutôt une écriture et un texte érudits qui donnent envie de découvrir ces lieux chers à Montaigne, parce que c’était lui, parce que c’est vous !

Catalogue éditeur : Viviane Hamy

Un rapide pincement des lèvres rouge vif aurait indiqué à une personne moins naïve que Mary que sa présence n’était pas vraiment souhaitée. Mais sa proposition fut acceptée, et, en chemin, elle apprit que Caro faisait ses études à l’École des beaux-arts et habitait à la Cité universitaire. Après deux bises à la française, que les Américains appellent air kisses et qui n’engagent à rien, Mary suivit des yeux sa nouvelle connaissance, qui emprunta l’avenue Foch après lui avoir fait un petit signe faussement désinvolte. Quelques instants plus tard, Caro envoyait sur son portable le message suivant à une adresse cryptée­ : « Le cabillaud sera une rascasse. Veronica. »

Avec Meurtre chez tante Léonie, Estelle Monbrun a inauguré la collection « ­Chemins Nocturnes­ » aux Éditions Viviane Hamy. D’autres « meurtres » suivront. On la compare souvent à David Lodge et à Agatha Christie : « L’auteur emprunte au premier des références sarcastiques sur le milieu universitaire, représenté avec un humour impitoyable, mais aussi attendri. À la seconde, son art de la narration, des fausses pistes, des coups de théâtre. » René de Ceccatty, Le Monde.
Vous voilà prévenus.

Parution : 14/03/2019 / ISBN : 9791097417277 / Pages : 224 p. / Prix : 19€

Estelle Monbrun (nom de plume d’une proustienne émérite) s’est lancée dans une carrière de professeur de littérature française contemporaine aux États-Unis, à New-York puis à Saint-Louis. Elle s’avère être une spécialiste reconnue dans le monde entier de l’œuvre de Marcel Proust et de celle de Marguerite Yourcenar. Parallèlement à son métier d’enseignante, Estelle Monbrun écrit des polars publiés par les Éditions Viviane Hamy. Ses écrits mêlent fraîcheur d’écriture, par l’aspect ludique et parodique de sa production littéraire, et profondeur, par la qualité documentaire et scientifique que ceux-ci proposent.
« Mes livres peuvent être lus comme de simples romans policiers, mais, si on connaît le texte source sur lequel je m’appuie, on peut s’amuser à reconnaître des citations cachées, des références stylistiques, des noms de personnages codés… C’est comme un clin d’œil permanent, une complicité à trois : un écrivain, une romancière, un lecteur. »

Boréal, Sonja Delzongle

Au cœur de la nuit polaire, suspense et noirceur sont au rendez-vous de Boréal, le thriller écologique et fantastique de Sonja Delzongle.

couverture du roman Boréal de Sonja Delzongle chez Folio éditions

Janvier 2017, ils sont sept, hommes et femmes, sur le camp de la base Arctica près de Thulé au Groenland, ce sont les meilleurs spécialistes du monde entier. Ils viennent étudier les conséquences du réchauffement climatique et de la pollution sur l’inlandsis. Lorsqu’ils sortent faire leurs prélèvements et découvrent un étrange cimetière de glace dans lequel sont emprisonnés des dizaines de bœufs musqués, il s’avère indispensable d’appeler Luv Svenden à la rescousse. Cette biologiste spécialisée en disparitions inexpliquées d’animaux peut les aider à comprendre. Trop heureuse de fuir ses propres soucis, elle s’envole vers la base. Mais les recherches et les expériences ne se passent pas du tout comme prévu, les rencontres, puis les disparitions, vont faire exploser le groupe, les mener jusqu’au point de non-retour.

Sonja Delzongle prend le temps d’installer ses personnages, parcours, études, spécialités, vies de chacun. Il faut un bon tiers du roman avant qu’ils ne convergent sur cet îlot perdu dans la nuit polaire. Là, ils sont directement plongés dans un milieu extrême, avec cette nuit quasi permanente qui rend fou même les locaux et face à laquelle chacun va réagir en fonction de sa culture et de ses références. Et surtout de son parcours qui fait de chacun ce qu’il est.

Seront alors évoqués des thèmes tels que parents, famille, mais aussi instinct maternel et paternité, perte d’un enfant, maladie… Tout au long, l’auteur installe les situations, campe les choses, les met en attente et interroge ses lecteurs jusqu’au feu d’artifice final…Dans une atmosphère pesante et glacée et malgré ces grands espaces, l’intrigue pesante, noire, violente et terrifiante se déroule en huis-clos.

Enfin, après bien des évènements, se posera la question de savoir si l’on peut vivre en société après avoir vécu des expériences extraordinaires incompréhensibles par le commun des mortels, même en étant le seul à savoir ce que l’on a fait.

Un roman noir, très noir, enfin, blanc, très blanc perdu dans les étendues de glaces du Groenland. Il m’a manqué peut-être quelques pages supplémentaires pour étoffer le parcours de certains personnages et asseoir leur crédibilité… Si Sonja Delzongle avoue qu’elle n’est jamais allée au Groenland, les recherches, mais surtout le talent et l’imagination de l’auteur font le travail ! Le lecteur s’y croirait presque. On est ici à la limite de la science-fiction avec ce thriller à la fois écologique et scientifique. De grands sujets de protection et de sauvegarde de la planète sont évoqués, réalistes au moins par les questions qu’ils soulèvent.

Souvenir de la rencontre avec Sonja Delzongle à la librairie Le Divan

Catalogue éditeur : Folio, Denoël

Janvier 2017, au Groenland. Là, dans le sol gelé, un œil énorme, globuleux, fixe le ciel. On peut y lire une peur intense. C’est ainsi que huit scientifiques partis en mission de reconnaissance découvrent avec stupeur un bœuf musqué pris dans la glace. Puis un autre, et encore un autre. Autour d’eux, aussi loin que portent leurs lampes frontales, des centaines de cadavres sont prisonniers du permafrost devenu un immense cimetière.
Pour comprendre l’origine de cette hécatombe, le chef de la mission fait appel à Luv Svendsen, spécialiste de ces phénomènes. Empêtrée dans une vie privée compliquée, et assez soulagée de pouvoir s’immerger dans le travail, Luv s’envole vers le Groenland. Ils sont maintenant neuf hommes et femmes, isolés dans la nuit polaire.
Le lendemain a lieu la première disparition.

Denoël : 448 pages, 155 x 225 mm / ISBN : 9782207139141 / Parution : 08-03-2018 / Prix : 20,50 €
Folio : 512 pages, 108 x 178 mm / ISBN : 9782072840630 / Parution : 04-04-2019 / Prix : 8,40 € 

Roux ! De Jean-Jacques Henner à Sonia Rykiel, musée Jean-Jacques Henner

Partir à la découverte de ce musée parisien lors de la visite de l’exposition Roux !

Les reflets d’incendie de ces chevelures rousses en ont fait des sources de préjugés, rouge du démon et des enfers, des sorcières et de la trahison. Le musée Jean-Jacques Henner réhabilite cette couleur flamboyante, aujourd’hui souvent affirmée et choisie. Il permet d’apporter un regard neuf sur l’œuvre de cet artiste en particulier, et de nombreux autres également présentés dans les différentes salles du musée.

Depuis la flûtiste d’Idylle, son premier tableau en 187, le roux va jouer un rôle primordial dans sa créativité artistique et signer sa singularité. De nombreux croquis et esquisses, ainsi que des tableaux qui représentent ses modèles posant pour lui sont présentés dans les salles de ce bel hôtel particulier. Peindre des cheveux roux lui permet de donner à ses toiles une plus grande sensualité.

Enfin, si la rousseur est le plus souvent associée au traître Judas, Jean-Jacques Henner quant à lui décide de peindre Le Christ roux.

Aux côtés des tableaux de Jean-Jacques Henner, le visiteur découvre des œuvres de Renoir, Maurin, Carolus-Duran ou Maxence, qui ont su à leur tour magnifier des femmes aux chevelures rousses qui affichent la couleur sur la toile des maîtres coloristes.

La force d’une couleur : Couleur qui se voit et qui fait écart avec les autres, Michel Pastoureau. « Le roux est une véritable couleur qu’il utilise soit en camaïeu sur toute sa toile, soit uniquement pour les cheveux afin de capter le regard dans un tableau aux ombres très présentes. Le rouge-orangé est alors renforcé par la présence du bleu-vert, sa couleur complémentaire.« 

Quelques traits de sanguine : la sanguine permet de mettre en lumière l’importance de cette couleur, c’est l’outil idéal du peintre. « Parce qu’ils sont peu nombreux, les roux peuvent susciter des réactions ambiguës mêlant fascination et répulsion. Les préjugés à leur égard sont nombreux et veulent que les roux soient des traîtres violents et les rousses des sorcières luxurieuses. »

Rousseur et préjugés : Ils attirent l’attention par leur singularité, peuvent être l’objet de moqueries ou de sévices, comme pour Poil de Carotte, le héros de Jules Renard, mais lorsqu’elle est un choix totalement assumé cette couleur renforce la personnalité, on pense par exemple à David Bowie ou même Axel Red.

Comme le rappellent si justement les informations de cette exposition, les rousses sont également nombreuses dans la poésie et le roman. Avec son célèbre poème À une mendiante rousse, publié dans le recueil Les Fleurs du mal en 1857, Charles Baudelaire associe la rousseur à la prostitution et à la pauvreté.

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous,
Laisse voir la pauvreté,
Et la beauté,
Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.

Le Musée Jean-Jacques Henner situé 43, avenue de Villiers 75017 Paris est ouvert du lundi au dimanche de 11h à 18h.

Fermeture mardi et jours fériés (1er janvier, 1er mai, 25 décembre). Nocturne jusqu’à 21h le deuxième jeudi de chaque mois.

Le quartier des petits secrets, Sophie Horvath

Un joli roman qui fleure bon le bonheur, l’amitié, la bienveillance et le souci du prochain. Une bluette me direz-vous ? Que nenni, allez, on fonce lire « Le quartier des petits secrets » de Sophie Horvath, bloggeuse et auteur de ce premier roman.

Sur une petite place paisible de Bordeaux, quelques commerçants observent les passants, mais aussi leurs clients, dans une ambiance sereine et amicale. Il y a là Clémentine la fleuriste, Nicole qui tient le troquet de la place, monsieur Bouquin, la boutique de livres rares.

Après avoir abandonné ses très sérieuses études juridiques, Clémentine est devenue fleuriste. Sa famille bourgeoise apprécie mal ce changement, mais elle s’épanouit pleinement à réaliser le bouquet idéal qu’elle destine à chacun de ses clients. Viviane, une gentille vieille dame qui s’échappe de sa maison de retraite, vient parfois dans sa boutique assouvir sa passion du jardinage. Mais depuis quelques jours, Clémentine ne la voit plus. Inquiète, elle part à sa recherche. Sa quête ne fait alors que commencer, imprévue, étonnante. Car de fil en aiguille – ou de fleur en fleur, c’est selon –  Clémentine se lance finalement à la recherche d’une fleur totalement inconnue des botanistes…

Merci Sophie de nous faire découvrir et aimer tous ces personnages attachants et très humains. Nicole et son fils Benjamin, Hector et sa pensionnaire Viviane,  Bouquin et ses livres rares, avec leurs interrogations, leurs doutes et leurs failles bien enfouies au plus profond d’eux, leurs attentes et leurs rêves secrets. Chacun à sa façon va mettre au service des autres cette part d’humanité qui fait le savoir bien vivre tous ensemble.

Alors, roman optimiste et positif ? Oui, sans doute, mais pas seulement, car la surprise n’est pas forcément celle que l’on attend. Le quartier des petits secrets nous montre aussi les travers et les chagrins des uns et des autres, dans ce microcosme aux personnalités diverses et complémentaires, comme en miroir de nos propres nos vies.

Sophie Horvath est l’auteure du blog C’est quoi ce bazar ? Elle signe ici un premier roman qui procure à ses lecteurs un bien agréable moment de lecture.

💙💙💙💙

Catalogue éditeur : Flammarion

Clémentine est fleuriste à Bordeaux, dans un quartier en retrait de l’effervescence urbaine. Sa plus proche amie, Nicole, tient le café sur la place et, ensemble, elles s’amusent à observer les habitudes de chacun. De cet homme qui commande exactement les mêmes bouquets chaque semaine. De ce… Lire la suite

Paru le 10/04/2019 / 208 pages – 136 x 210 mm / EAN : 9782756428796 / ISBN : 9782756428796

L’odeur de chlore, Irma Pelatan

C’est plein de chlore au fond de la piscine… j’ai mis mon petit pull marine pour découvrir ce roman étonnant, bizarre et singulier…

Singulier comme cette piscine voulue par Le Corbusier. En 1958, il renonce au mètre étalon et se donne pour mesure le Moludor, ou la taille d’un homme d’un mètre quatre-vingt-trois… (hum, et pourquoi pas d’une femme d’un mètre et quelque ?) Piscine qui n’a pas été construite par Le Corbusier, mais par son ami et élève André Wogensky entre 1969 et 1971. Bref, cette piscine située dans le village de Firminy vert, dans la Loire, est le lieu où l’auteur va vivre des heures dans l’eau, sous l’eau, autour de l’eau, qui rythme et ponctue ses années d’enfance, d’adolescence…

J’aurais donc appris cela de cet étonnant récit – roman ? ou je ne sais quoi – puisque l’auteur pose sur la feuille des mots et des sentiments comme jetés à la suite les uns des autres. Irma Pelatan se souvient et égrène des souvenirs, des odeurs, celle du chlore bien sûr, mais d’autres aussi, des visions de traces de sang, de pieds tailladés par le carrelage, de viol sans doute, à peine évoqué en une page mais fort et tellement troublant, de couloir courbe, du plaisir de s’exhiber comme les garçons sur ce plongeoir vertigineux avec deux cent yeux tournés vers elle. Et les années sont passées par-là, les rondeurs et les douleurs aussi dans ce corps qui aujourd’hui déborde.

Au milieu des bonnets de bain en plastique et des adolescents boutonneux qui s’éveillent aux autres, je me suis pourtant un peu perdue, les doigts fripés par l’eau trop froide, dans ces odeurs de chlore et de marées.

💙💙💙

Catalogue éditeur : La contre allée

L’Odeur de chlore, c’est la réponse de l’usager au programme « Modulor » de l’architecte Le Corbusier. C’est la chronique d’un corps qui fait ses longueurs dans la piscine du Corbusier à Firminy. Le lieu est traité comme contrainte d’écriture qui, passage de bras après passage de bras, guide la remémoration. Dans ces allers-retours, propres à l’entraînement, soudain ce qui était vraiment à raconter revient : le souvenir enfoui offre brutalement son effarante profondeur.
Quelque chose de très contemporain cherche à se formuler ici : comment dit-on « l’usager » au féminin ? Comment calcule-t-on la stature de la femme du Modulor ?
Lorsque le corps idéal est conçu comme le lieu du standard, comment s’approprier son propre corps ? Comment faire naître sa voix ? Comment dégager son récit du grand récit de l’architecte ?
J’ai cherché à traduire la langue du corps, une langue qui est toute eau et rythme. Délaissant la fiction, j’ai laissé le réel me submerger. À la « machine à habiter », je réponds avec du corps, de la chair, jusqu’à rendre visible l’invisible, jusqu’à donner une place à l’inaudible.
Si tu savais comme je suis bien . Irma Pelatan

Irma Pelatan est née quelque part sur le calcaire pelé du Causse Méjean, vers 1875. C’est cependant sous l’exact soleil de Tunisie qu’elle est morte, en 1957. Sur la carte entre les pointes du compas, s’ouvre tout l’espace de la Méditerranée, ce centre flottant – infini terrain de jeu pour sa soif d’ailleurs, pour ce fol esprit aventureux.
Irma Pelatan a pris corps à nouveau – mon corps – le neuf mars 2017, dans la chambre douze de l’hôpital de Vienne. Depuis, elle conquiert du terrain.

ISBN / 9782376650058 / Format 13,5 x 19 CM / Nombre de pages 80 pages / Date de parution 08/03/2019 / Prix 13, 00€

Un amour parfait, Gilda Piersanti

La relation amoureuse toxique dans ce qu’elle a de plus pervers, ou l’amour fou à la vie à la mort…

Une fois de plus, la très parisienne Gilda Piersanti nous embarque à Rome dans les pas de ses personnages.
Lorenzo a tout pour être heureux, un travail qui le satisfait, une femme qui le rend heureux, des enfants formidables et en bonne santé. Mais un jour, Lorenzo retrouve par hasard Laura, l’amour de sa jeunesse, absolu, dévastateur, qu’il avait occulté pour pouvoir continuer à vivre, tant la rupture avait été imprévue et douloureuse.

Laura lui fait vivre des moments intenses d’amour fou dans les hôtels et les villes les plus insolites, puis lui fait comprendre que sans lui elle ne pourra jamais quitter son mari, il doit l’aider à s’en libérer.

Peu à peu, totalement envouté, Lorenzo oubli son travail, trompe a femme sans remords, ment à son meilleur ami sans regrets, prêt à tout pour l’amour de Laura, cet amour parfait qui le ressuscite. Mais le piège se referme, l’homme heureux, mari comblé, directeur prometteur se laisse peu à peu détruire par cet amour machiavélique qui le consume. L’aventure n’est peut-être pas aussi limpide et idyllique qu’elle en a l’air, la descente s’annonce douloureuse et vertigineuse, et le réveil cruel et terrifiant.

Avec habileté et une sacré dose de perversité, Gilda Piersanti décrit les affres de la relation amoureuse, ici totalement toxique, par cet amour perdu puis retrouvé qui tel un ouragan balaye tout sur son passage, laissant Lorenzo exsangue et pantelant. Si l’homme amoureux n’a plus de scrupule, s’enlisant dans le mensonge et les faux-semblants, l’homme inquiet de ses actes est habilement décortiqué et finement analysé par l’auteur qui le soumet sans relâche à la diabolique et perverse manipulation de Laura.

Catalogue éditeur : Le Passage

La vie de Lorenzo n’a pas d’ombre, sa carrière est au zénith, son couple se porte à merveille, ses enfants l’adorent.
Jusqu’à ce soir où il la revoit au bar de l’hôtel : Laura, l’amour de ses 18 ans. Trente ans plus tôt, il a failli mourir pour elle. Le hasard l’a-t-il remise sur son chemin pour faire renaître le passé ou faire disparaître le présent ?
Une femme fatale ne revient jamais pour réparer ses fautes mais pour continuer son œuvre de destruction. Elle est revenue et elle lui dit qu’elle l’aime encore, mais doit-il la croire ? Lorenzo est prêt à tout pour l’avoir de nouveau dans ses bras. Prêt à tout… Même à tuer ?

Avec Un amour parfait, Gilda Piersanti signe un thriller psychologique d’une puissance redoutable où la passion amoureuse prend la forme d’une fascination venimeuse. Commence alors une lente descente aux enfers.

ISBN : 978-2-84742-409-6 / Date de publication: Mars 2019 / Nombre de pages : 288 / Dimensions du livre : 15 x 24 cm / Prix public : 19.50 €

La chambre des merveilles, Julien Sandrel

La chambre des merveilles, un soupçon de délicatesse et de sensibilité, comme un gros bonbon multicolore pour faire le bonheur de cœurs tendres.

Louis, douze ans, a une maman bien pressée. Chaque matin c’est le même rituel, le lever est toujours un peu difficile, Louis aime bien se faire prier pour sortir du lit… Mais ce jour-là, une belle dose d’exaspération, un peu d’inattention, et le travail omniprésent dans la vie de sa mère, louis, fâché part à fond sur son skate-board. Heurté par un camion, l’enfant est dans le coma…

Face à une situation qui n’évolue pas, les médecins se sont donné un mois, un tout petit mois, pour la vie ou la mort. Un mois, c’est trop court, alors Thelma la combattante décide de tout mettre en œuvre pour donner à son fils l’envie de vivre, de revenir de cet ailleurs dans lequel il est plongé, de ce silence dont on ne sait rien. Chaque jour dans cette chambre d’hôpital qui se transforme en chambre des merveilles, elle lui raconte comment elle accompli pour lui ces merveilles qu’il rêvait de réaliser un jour. Et le lecteur rit et sourit, pleure et espère.

Et si l’amour d’une mère était le plus fort, si ce lien puissant pouvait ramener son enfant à la vie ? C’est le vœu le plus cher de cette femme qui se remet en question, interroge sa vie, sa relation aux autres, à son travail, sa solitude et tous les liens d’amour ou d’amitié qui font ce que vous êtes. Alors bien sûr, c’est bourré d’incohérences et d’exagérations, mais est-ce vraiment ce que l’on a envie de retenir ?

Il est parfois difficile de lire un roman dont on a entendu autant de bien, car il y a la crainte de ne pas l’apprécier autant que les autres lecteurs et de se demander pourquoi. Avec la chambre des merveilles, c’est un peu le cas. Mais c’est sans doute un plaisir à prendre tel que sans se poser de question. Car cette lecture est un peu trop sucrée, trop évidente parfois, un peu trop… Mais pourquoi bouder son plaisir, c’est un roman que l’on a envie de lire sans être dérangé, jusqu’au bout, pour savoir, se réjouir et se dire que, peut-être, le bonheur existe.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche et Calmann-Lévy

Louis a douze ans. Ce matin, alors qu’il veut confier à sa mère, Thelma, qu’il est amoureux pour la première fois, il voit bien qu’elle pense à autre chose, sûrement encore à son travail. Alors il part avec son skate, fâché et déçu, et traverse la rue à toute vitesse. Un camion le percute de plein fouet. Le pronostic est sombre.
Dans quatre semaines, s’il n’y a pas d’amélioration, il faudra débrancher le respirateur de Louis. En rentrant de l’hôpital, désespérée, Thelma trouve un carnet sous le matelas de son fils. À l’intérieur, il a répertorié toutes les expériences qu’il aimerait vivre un jour : la liste de ses « merveilles ». Thelma prend une décision : une par une, ces merveilles, elle va les accomplir à sa place. Et les lui raconter. Si Louis entend ses aventures, il verra combien la vie est belle. Peut-être que ça l’aidera à revenir. Mais il n’est pas si facile de vivre les rêves d’un ado, quand on a presque quarante ans…

312 pages / Date de parution : 27/03/2019 / EAN : 9782253074328 / Prix 7,90€