Famille je vous hais, famille je vous aime. Peut-on recréer le lien d’un famille désunie ?

Esther attend. Elle attend les enfants, les petits enfants pour un déjeuner de famille en ce samedi d’été. Car Vanessa la petite dernière, celle qui vit là-bas loin en Australie est de passage à Paris. Ce déjeuner, cette réunion de famille elle l’espère depuis si longtemps. Elle n’aime rien tant que de les voir tous, la fratrie, Reza son mari, et les petits enfants qui ont déjà bien grandi réunis pour les grandes occasions.
Pourtant, depuis le mariage de Bruno, plus jamais elle n’a réussi à les rassembler. Esther la silencieuse tente depuis toujours de tisser le fil qui rapprochera les membres de sa famille, les fera s’apprécier, s’aimer. Sans y parvenir car jour après jour les fils se défont, les nœuds se cassent, les sentiments se délitent. Aujourd’hui, dans la chaleur étouffante, elle finit d’arranger les fleurs sur la table, d’organiser les chaises tout autour. Alors qu’elle ressent une douleur terrible à la tête, elle se remémore sa vie.
La jeune femme qu’elle était, légère, joyeuse et bondissante sur ses jolis souliers ; l’infirmière qui a rencontré Reza, un jeune médecin iranien venu étudier puis soigner en France. Mais cet étranger à l’accent si prononcé dont personne ne veut devra soigner lui aussi les étrangers pour s’imposer dans ce milieu fermé. Il n’aura dès lors qu’une obsession, réussir sa vie, se faire une place, gagner assez pour permettre à ses enfants de vivre correctement. Comme une revanche à prendre sur la misère de son enfance.
Puis Carole, leur première fille, arrivée plus vite que prévu, Esther était encore bien jeune, avant que Reza n’ait réellement pris la dimension de son rôle de père. Puis Alexandre, le fils favori, petit chien savant exhibé avec fierté par son père. Alexandre n’aura jamais droit à l’amour de sa mère, trop occupée à compenser le manque d’intérêt paternel pour les autres, Bruno puis Vanessa la benjamine. Vanessa qu’elle imagine comme son dernier bonheur, son refuge, celle qui l’accompagnera dans sa vieillesse, qui la protégera et ne l’abandonnera jamais. Vanessa qui très vite, très jeune, la quitte pour aller vivre en Australie.
Reza est un mari peu attentionné, un homme dur qui n’a jamais ressenti l’amour d’un père pour ses enfants. Mais faut-il le lui reprocher, lui qui n’a jamais eu celui de ses parents ? Cet homme égoïste n’a ni les mots ni les gestes pour les siens. Esther non plus n’a jamais su unir cette grande famille qu’elle a pourtant désirée, dont les membres sont comme les maillons d’une chaîne concaténée au hasard des naissances mais jamais soudée par un amour quelconque, par les gestes ou les paroles qui soulagent, donnent, comprennent, protègent, expriment l’amour, la tendresse, l’attention.
Quelle est difficile et froide cette vie qui passe dans les souvenirs d’Esther, qu’elles sont violentes les rancœurs qui animent les membres de cette famille, les différences qui les séparent. Et pourtant elle les aime tous, ces enfants et ces petits enfants qui la délaissent, la craignent, l’ignorent. Elle les appelle de toute son âme, de tout son cœur, avec ses silences, ses gestes retenus, ses mots étouffés par la crainte du refus, de la méfiance, de la solitude.
Un premier roman étonnant, où les mots, les souvenirs s’égrènent, révoltants, émouvants, désespérants, pour dire une vie vécue, des amours manqués, des silences qui emprisonnent les sentiments plus sûrement que des chaînes ou des barreaux. Pour dire la famille désunie. L’auteur a su créer une ambiance si particulière que le lecteur s’attache à Esther, pris entre la chaleur étouffante de cette journée d’été et la froideur et l’absence d’amour de cette famille.
Dans la même collection, on ne manquera pas de découvrir le roman Tant qu’il reste des îles, de Martin Dumont,
Un premier roman de la sélection 2021 des 68 premières fois
Catalogue éditeur : Les Avrils, Delcourt
Sur la terrasse, la table est dressée. Esther attend ses enfants pour le déjeuner. Depuis quelques années, ça n’arrive plus. Mais aujourd’hui, elle va réussir : ils seront tous réunis. La chaleur de juillet est écrasante et l’heure tourne. Certains sont en retard, d’autres ne viendront pas. Alors, Esther comble les silences, fait revivre mille histoires. Celles de sa famille. Son œuvre inachevable.
Paru le 6 janvier 2021 / ISBN : 978-2-491521-04-2 / Pages : 256 / Prix : 19 €