Le tatoueur d’Auschwitz, Heather Morris

Trouver la lumière au cœur de l’enfer

Avril 1942, dans le train qui les emporte depuis plusieurs jours vers ils ne savent quelle destination, les hommes attendent de savoir quel travail on va leur demander.
Lale a vingt-quatre ans, il est parti de Slovaquie pour sauver sa famille, enfin, ça c’est ce qu’on leur a fait croire, l’histoire nous a appris ce qu’il en était réellement. Car chaque famille juive devait remettre un homme de plus de dix-huit ans aux autorités pour l’envoyer travailler pour les allemands.

Le train s’arrête à l’entrée du camp d’Auschwitz, là où « Le travail rend libre » là où l’horreur sera chaque jour plus difficile, plus intolérable, plus dramatique. Lorsqu’on lui attribue son numéro, Lale ne sait pas encore que celui-ci sera gravé à tout jamais dans sa chair.
Il se fait une promesse, sortir vivant de cet enfer, quel que soit le prix à payer, quoi qu’il lui en coûte.

D’abord utilisé pour construire avec d’autres travailleurs les nouveaux blocs qui vont accueillir les innombrables déportés, Lale est rapidement remarqué par Pepan, le tatowierer. A compter de ce jour, il va tatouer sur les bras des nouveaux déportés ce chiffre qui deviendra leur seul repère dans ce monde qui n’a plus rien d’humain.

Le jour où il doit marquer des femmes, il croise le regard de Gita, c’est alors le coup de foudre, immédiat, irréversible. Mais peut-on aimer au milieu de l’enfer, des crématoires, des horreurs perpétrées par Menguélé, du typhus qui décime ceux qui survivent au froid, à la faim, aux privations, à la folie dévastatrice des SS ou même des Kapos.

Des années plus tard, Lale révèle l’histoire de sa vie à Heather Morris, et lui demande de l’écrire pour qu’éclate aux yeux du monde la beauté de cet amour qui les a sauvés. Impossible de lâcher ce roman-récit. Émotion, colère, les sentiments que l’on ressent à cette lecture sont foison mais elle nous permet de ne pas oublier qu’une lumière est parfois au bout de l’enfer.

Si le ton m’a semblé parfois presque trop neutre, sans affect, il a pourtant le mérite de dire sans prendre parti et c’est aussi en cela qu’il est intéressant. Les dernières pages montrent bien le pourquoi de ce ressenti, lorsque Lale explique comment il a choisi celle qui allait raconter son histoire.

Bien sûr, ceci est un roman, et l’on ne demande pas forcément à un romancier d’écrire l’histoire en respectant les faits à la virgule près. Pour ceux que ça intéresse, on peut lire à ce sujet l’excellent document du Mémorial d’Auschwitz

Catalogue éditeur : J’ai Lu

L’histoire vraie d’un homme et d’une femme qui ont trouvé l’amour au cœur de l’enfer.
Sous un ciel de plomb, des prisonniers défilent à l’entrée du camp d’Auschwitz. Bientôt, ils ne seront plus que des numéros tatoués sur le bras. C’est Lale, un déporté, qui est chargé de cette sinistre tâche. Il travaille le regard rivé au sol pour éviter de voir la douleur dans les yeux de ceux qu’il marque à jamais.
Un jour, pourtant, il lève les yeux sur Gita, et la jeune femme devient sa lumière dans ce monde d’une noirceur infinie. Ils savent d’emblée qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Dans cette prison où l’on se bat pour un morceau de pain et pour sauver sa vie, il n’y a pas de place pour l’amour.
Ils doivent se contenter de minuscules moments de joie, qui leur font oublier le cauchemar du quotidien. Mais Lale fait une promesse à Gita: un jour, ils seront libres et heureux de vivre ensemble.

Traduction (Anglais) : Jocelyne Barsse

Paru le 06/01/2021 / 256 pages – 111 x 178 mm / EAN : 9782290233795 / 7,90€

Les lamentations du Coyote, Gabino Iglesias

La frontière, ce chemin infranchissable avant le paradis rêvé

Gabino Iglesias m’avait embarquée avec son précédent roman Santa Muerte. Il récidive et nous entraîne dans les profondeurs glauques et sanglantes de La Frontera, une zone de non-droit entre Mexique et USA. Cette frontière sur laquelle l’homme orange rêvait de bâtir un mur infranchissable.

Le coyote est investi d’une mission divine, sauver les enfants d’une mort certaine ou de la misère absolue en les faisant passer de l’autre côté. Dure mission quand on sait le travail des gardes frontière et les suspicions qui les poussent en renvoyer chez eux ceux qu’ils auront pris sur le fait.

Les lamentations du Coyote est un roman choral, dans lequel parlent tout à tour Le Coyote, mais aussi Pedrito qui voit son père mourir sous ses yeux, la Mère qui ne sait plus si elle enfante diable ou démon, Jaime qui sort de prison pour découvrir son délateur chez sa mère, Alma qui rêve d’offrir le spectacle qui deviendra viral et la rendra mondialement célèbre, la Bruja ce spectre revenu d’entre les morts pour protéger son mari et son fils. Et avec chacun d’eux, le lecteur s’enfonce dans des territoire où le chaos, la violence, les fantômes et le diable occupent toute la place, où l’enfer n’est jamais loin.

Parce que de leur côté de la frontière il n’y a que chagrins, misère, douleurs, désespoir, et crimes, alors chacun d’eux emprunte à sa façon le difficile chemin des migrants pour fuir le cycle de la violence et de la pauvreté pour enfin atteindre le mythe américain. Mais ceux qui tentent de traverser sont le plus souvent victimes des passeurs, de la fatalité, de la Santa Muerte ou des trafiquant qui vendent les enfants au plus offrant. Le texte est totalement onirique, mystique même parfois, à la frontière entre réalité et spiritualité, noirceur et violence surgissant à chaque page pour dire la difficulté d’être, de vivre, de traverser cette Frontera pour fuir ce Barrio Noir dans lequel la vie a perdu toute valeur.

L’auteur à l’art de tisser entre chacun d’eux des fils invisibles, solides et mystérieux dont il ne nous dévoile la clé qu’à la toute fin. Avec une façon bien à lui de poser les mots pour faire jouer notre imagination, nos peurs, nos angoisses, nous emmenant dans cette zone inconfortable où chacun doit se poser des questions sans trouver de réponse. Aucun évangélisme dans ces mots, dans ce texte à la violence qui vous laisse parfois pantois, mais qui ose dire sans l’enrober de bons sentiments la complexité du mythe américain tant convoité et l’inhumanité que l’on y trouve. En bref, un livre qui va vous remuer, vous couper le souffle et dont vous ne sortirez pas indemne.

Merci au Picabo River Book Club pour cette lecture !

Catalogue éditeur : Sonatine

Traducteur : Pierre SZCZECINER

La Frontera, une zone de non-droit séparant le Mexique des États-Unis. C’est là que sévit le Coyote. Personne ne connaît son nom, mais à quoi bon ? Il est le Coyote, tout simplement. Celui dont la mission divine est de sauver des enfants mexicains en leur faisant passer clandestinement la frontière vers la terre promise. La Virgencita veille sur eux – et sur lui, son guerrier sacré, son exécuteur des basses œuvres. Autour de lui, d’autres habitants de la zone, confrontés eux aussi à la violence, au deuil, au désespoir. Tous résolus à se soulever contre un monde qui fait d’eux des indésirables. Cavales, fusillades, cartels, sacrifices sanglants, fantômes et divinités vengeresses… L’heure de la revanche latina a sonné.

Parution : 04/02/2021 / EAN : 9782355847776 / Pages : 224 Format : 140 x 220 mm / 20.00 €

Je te verrai dans mon rêve, Julie Bonnie

Même sans même sang… ou comment devenir père sans l’être vraiment

Une ville de province, quelque part au seuil des années 70. Gérard a trente ans, il vient de sortir de prison ; des années à galérer avec des potes pas très recommandables lui ont coûté dix ans de vie derrière les barreaux. À la sortie, il retrouve le café de ses parents aujourd’hui disparus, ce bien qu’a gardé pour lui Nana, la tante fidèle qui ne l’a jamais abandonné.

Nouvelle vie, nouveau prénom, c’est donc Blaise qui rénove le café pour le transformer et créer le lieu de ses rêves, un café concert pour les musiciens de jazz de la région.

Un matin, il croise une jeune femme. Josée a vingt ans et sa fille Nour quelques jours à peine. Josée dans laquelle il se retrouve, paumée, en marge, fragile et déjà bien abîmée par la vie. Car la galère, il connaît, et dans cette ville comme dans tant d’autres, les mauvaises fréquentations et les dangers ne sont jamais loin. Immédiatement, alors qu’il n’a jamais été père, Baise ressent une profonde affection pour ce tout petit bébé né de père inconnu.

L’auteur alterne les récits de Nour puis de Blaise. Nour que l’on voir grandir à la fois dans ses souvenirs et dans ceux de Blaise. Blaise qui s’est un peu trop assagit sans doute aux yeux d’une jeune fille de seize ans qui rêve d’émancipation, de modernité, d’un peu de folie. Ni Blaise ni Josée ne la voient devenir jeune fille puis presque femme, et ni l’un ni l’autre ne comprennent ses tourments et ses envies d’autre chose, d’ailleurs.

Ce que j’ai aimé ?

À l’heure où les romans nous parlent si souvent de relation toxiques ou bancales entre homme et femme, l’amour paternel aussi platonique qu’inconditionnel qu’éprouve Blaise pour Nour, cette relation qui apaise, qui aide à grandir nous fait du bien à nous aussi lecteurs.

La vie n’est ni simple ni linéaire. La rédemption de Blaise dont on devine le passé complexe à peine esquissé mais très habilement suggéré, les embûches les chausses trappes dans lesquelles tombe Josée, les hésitations et les erreurs de jeunesse de Nour sont aussi la vraie vie, celle des jeunes autour de nous, celle que l’on ne voit pas toujours. Mais il y a une telle force d’amour, d’émotion, de sincérité, que l’on ne peut qu’aimer les différents protagonistes, avec leurs défauts, leurs erreur, leurs faux-pas et leurs espoirs.

L’écriture est sobre, intimiste, réaliste aussi. On s’y laisse prendre et il en ressort à la fois douceur et sérénité à voir que l’on peut aussi croire en ces rêves qui parfois nous portent.

Du même auteur, javais lu et particulièrement aimé Barbara, roman, dont vous pouvez retrouver la chronique ici.

Catalogue éditeur : Grasset

1971. Tout juste sorti de prison, Gégé, dit Blaise, retrouve le bar familial dont il a hérité à la mort de son père. Son rêve  de toujours  : le transformer en café-concert pour en faire un rendez-vous incontournable de la scène jazz. Il se lance, résolu à faire bouger sa ville terne et sans âme.
Mais un bébé, la petite Nour, et sa mère défaillante arrivent par effraction dans sa vie solitaire. Blaise fait tout pour les garder à distance. Hanté par son passé, il craint plus que tout de s’attacher… Mais d’un regard, l’enfant fait tomber ses résistances, et il va désormais veiller sur elle à sa façon. Ce faux père la protège tant bien que mal, l’initie à la musique, lui offre sa première guitare et son premier concert. Il la regarde grandir, adolescente écorchée vive qui se brûle aux accidents de la vie, ceux qui menacent à coup sûr les gamines sans repères.
En ville règne une atmosphère de perdus, d’à quoi bon, alcoolisée et souvent brutale. Au milieu de tous les dangers, Nour chante. Et entre deux concerts de jazz mythiques dans le bar de Blaise, elle compose, pour fuir son enfance, tracer son destin, tenter de défier la mort.
Blaise, l’ancien taulard paumé et farouche, s’est mis à aimer. Et parce qu’il est la victime d’un secret de famille, il va tout faire pour sauver Nour. Jusqu’à la dernière page, nous respirons avec eux et tremblons pour eux. Romanesque, haletant, sensible et bouleversant.

Née à Tours, Julie Bonnie a donné son premier concert à 14 ans et chanté dans toute l’Europe pendant dix ans avant de travailler en maternité jusqu’en 2013. Elle est l’auteur de Chambre 2 (Belfond, 2013 ; Pocket, 2014), lauréat du prix du roman Fnac 2013, adapté au cinéma sous le titre Voir le jour, avec Sandrine Bonnaire. Chez Grasset, elle a publié Mon amour (2015 ; Pocket, 2017), Alice et les orties (2016) et Barbara, roman (2017 ; Pocket, 2019 ). Elle publie chez Albin Michel une série pour adolescents à succès, L’internat de l’île aux cigales et crée des spectacles musicaux pour les tout-petits.

Paru le 10 Mars 2021 / Format : 131 x 205 mm / Pages : 180 / EAN : 9782246826279 prix 18.00€ / EAN numérique : 9782246826286 prix 12.99€

Les mal-aimés, Jean-Christophe Tixier

Un roman noir qui nous entraîne aux confins des Cévennes au début du XXe siècle


En février 1884, le bagne pour enfants situé dans les hauteurs du village a enfin été fermé et vidé de ses occupants. Ces pauvres gamins coupables de bien dérisoires larcins ont subit pendant des années les violences répétées de leurs gardiens. Seuls les rescapés de ces terribles années de détention on pu en sortir.

Des années plus tard, de dramatiques incidents se produisent chez ceux qui furent un temps leurs geôliers. Incendie de meules et de récoltes, troupeau de chèvres décimé, accident, morts violente. Rien n’est épargné aux habitants de ce coin reculé de la montagne.

Et si les spectres des enfants étaient revenus pour les venger ? Et si le diable avait décidé de reprendre ce qui avait été donné ? Le lecteur va suivre au fil des chapitres Blanche et son oncle, Jeanne et Léon, Étienne, le Gerfaut, Ernest, la Cruère qui tente d’élever les gamins tout droit arrivés de l’hospice mais qui ont si peu de chances de s’en sortir, Morluc le médecin de retour au pays avec ses lourds secrets et ses regrets, chacun à sa façon évoque les sortilèges dans cette région oubliée du monde des vivants. Chacun porte en lui une partie du malheur de la vallée, les actes délictueux, la violence, la solitude, l’emprise ou la soumission. Certains savaient mais aucun n’a parlé, aucun n’a tenté d’arrêter la spirale de la violence et chacun se demande pourquoi on vient aujourd’hui leur demander justice.

Chaque chapitre s’ouvre sur des extraits véridiques et tous aussi dramatiques les uns que les autres, de registres d’écrou d’enfants incarcérés dans la maison d’éducation surveillée de Vailhauqués, à cette même période. Quelle triste constatation, lorsque l’on commence à regarder les faits jugés, puis les dates de naissance et de mort de ces gamins, décédés pour la plupart dans les deux ans après leur entrée au bagne et bien avant leur douze ou treize ans.

Une grande tristesse et beaucoup de noirceur se dégagent de ce roman au fil des pages. C’est pourtant une lecture addictive qui nous incite à sonder la noirceurs des âmes de ces paysans silencieux, reclus sur leurs terres que l’on imagine si loin du monde des vivants.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche, Albin-Michel

1884, aux confins des Cévennes. Une maison d’éducation surveillée ferme ses portes et des adolescents décharnés quittent le lieu sous le regard des paysans qui furent leurs geôliers. Quand, dix-sept ans plus tard, sur cette terre reculée et oubliée de tous, une succession d’événements étranges se produit, chacun se met d’abord à soupçonner son voisin. On s’accuse mutuellement du troupeau de chèvres décimé par la maladie,  des meules de foin en feu, des morts qui bientôt s’égrènent… Jusqu’à cette rumeur, qui se répand comme une traînée de poudre : « Ce sont les enfants qui reviennent. »

Porté par une écriture hypnotique, le roman  de Jean-Christophe Tixier, peinture implacable d’une communauté minée par les non-dits, donne à voir plus qu’il ne raconte l’horreur des bagnes  pour enfants qui furent autant de taches de honte dans l’histoire des XIXe et XXe siècles.

Jean–Christophe Tixier est né en 1967. Il vit actuellement entre Pau et Paris. Créateur du salon polar de Pau « Un Aller-Retour dans le Noir », il est également un auteur jeunesse reconnu (une vingtaine de titres salués par la critique). Son premier roman, Les mal-aimés, Prix Transfuge du meilleur polar français 2019, a été remarqué par la presse.

312 pages prix 7,70€ / Date de parution : 02/09/2020 / EAN : 9782253241621

Albin Michel Prix 19.50 € / 27 Février 2019 / 140mm x 205mm / 336 pages / EAN13 : 9782226436726

Mademoiselle Coco et l’eau de l’amour, Michelle Marly

Marcher dans les pas de Coco Chanel à la recherche d’un parfum iconique et intemporel

Comment est né ce parfum inoubliable et reconnaissable entre tous, le Chanel N°5, parfum iconique qui fête ses cent ans cette année et deviendra la marque de fabrique de Gabrielle Chanel. Le cinq qui était par ailleurs son chiffre fétiche, sans doute celui de la chance. C’est ce que l’on découvre dans le roman de Michelle Marly.

Après le décès de Boy dans un accident de voiture en décembre 1919, Coco n’arrive pas à se remettre du chagrin et de l’immense tristesse qui la submergent. Après dix années passées avec l’amour de sa vie, le deuil est insupportable. Ses amis les plus chers tentent de lui redonner le goût de vivre. Mais c’est le travail acharné et l’envie de poursuivre l’œuvre commencée avec Boy à travers leur projet de réaliser une Eau de Chanel, qui vont l’aider à se maintenir en vie.

Secondée par Misia, l’amie inséparable, elle rencontre François Coty. Déjà célèbre, le parfumeur l’initie aux métiers du parfum. De la fabrication à la conception du flacon, de l’emballage à la communication, elle veut tout connaître. Et avant tout, s’attelle à la recherche de la fragrance unique et inoubliable, celle qui fera de son parfum celui que toutes les femmes désirent car il est la marque de leur personnalité, celle que les autres retiennent, inégalable et intemporel.

Coco fait une rencontre fortuite avec un mouchoir brodé venu de Russie, un objet mythique que porte religieusement le grand Serge de Diaghilev, l’impresario des Ballets russes exilé à Paris. Car les senteurs du Bouquet de Catherine qui s’en échappent seront à l’origine des nombreuses recherches demandées à Coty et ses parfumeurs pour tenter de trouver la formule magique, hélas sans succès. Jusqu’au jour où le prince Dimitri Pavlovitch Romanov, l’ami de cœur de Coco, lui donne accès aux secrets du sérail en lui faisant rencontrer le créateur du parfum, celui qui deviendra par la suite le Chef parfumeur des Parfums Chanel, Ernest Beaux.

C’est un court laps de temps dans la vie de Coco Chanel, de 1919 à 1922. Une période très précise qui va de la mort de Boy jusqu’à la création et au lancement du parfum que l’auteur a choisi d’explorer avec talent. Elle nous fait rencontrer les artistes du Tout Paris de la Belle époque, la Côte d’Azur où de nombreux Russes Blancs exilés trouvent refuge, et découvrir ceux qui ont croisé sa route. De Serge de Diaghilev à Igor Stravinsky, de Picasso à Jean Cocteau, de Dimitri Pavlovitch Romanov à l’inséparable Misia Sert, sont présents ceux qui ont jalonné sa vie et ont compté pour elle. Une biographie romancée qui conjugue élégance et intimité, que j’ai eu grand plaisir à découvrir et qui nous fait vivre un moment marquant de la vie de Mademoiselle Chanel. Les recherches faites par l’auteur rendent le récit crédible sans toutefois l’alourdir, laissant malgré tout la place à l’imaginaire de l’auteur qui fait de cette créatrice remarquable un véritable personnage de roman.

Cette lecture s’ajoute à celle du roman de Mélanie Benjamin La dame du Ritz, où l’on croise Coco Chanel pendant la période plus trouble de la seconde guerre mondiale, alors qu’elle vivait au Ritz. Mais aussi l’excellente biographie qu’est Coco avant Chanel, le film de Anne Fontaine avec Audrey Tautou, qui se termine justement au moment où commence ce roman.

Lecture à compléter peut-être par « Le n°5 de Chanel », la biographie non autorisée, de Marie-Dominique Lelièvre (éditions J’ai lu) que je n’ai pas encore lu !

Catalogue éditeur : Fleuve éditions

Traducteur : Dominique Autrand

Hiver 1919-1920 : Après la perte brutale et tragique du grand amour de sa vie, Gabrielle Chanel, appelée Coco, traverse une terrible crise existentielle. Ni son entourage ni son travail ne réussissent à la sortir d’une tristesse profonde. Jusqu’au jour où elle se rappelle leur dernier projet commun : créer sa propre eau de toilette.
Bien que Coco ne connaisse rien au métier des grands parfumeurs, elle va se lancer corps et âme dans cette folle aventure afin de rendre un hommage éternel à l’homme perdu. Sa persévérance va lui permettre de repousser ses limites, et l’aider peu à peu à revenir parmi les vivants. Tout en donnant naissance à une des plus grandes et des plus belles créations de la parfumerie, le N°5…

Date de parution : 07/01/2021 / EAN : 9782265144170 / Nombre de pages : 400 / Format : 140 x 210 mm / 20.90 €

Denali, Patrice Gain

Un roman initiatique et noir, dans les vastes étendues du Montana

Je me souviens avoir entendu parler de rares exploits d’alpinistes sur le Mont Mc Kinley, ce sommet de l’Alaska qui culmine à 6 190 mètres d’altitude. Depuis quelques années il a repris le nom de ses origines indiennes, le Denali. C’est cette montagne que le père de Matt veut escalader comme au temps glorieux de ses exploits. C’est là qu’il trouve la mort, disparu à jamais.

Cette nouvelle plonge la mère de Matt et Jack dans la folie, une folie dont elle ne se relèvera pas. Elle meurt à l’hôpital peu de temps après sans que ses fils n’aient pu la revoir. La vie devient alors un océan d’incertitude pour Matt qui vit avec cette grand-mère qui décède elle aussi, laissant à Matt une vieille boite en fer dans laquelle elle cache quelques dollars. Le frère quant à lui joue un jeu dangereux avec Ron, un comparse de misère violent et sans pitié, et s’adonne à la Mett avec une fureur dévastatrice.

Matt n’aime rien tant qu’aller au bord la rivière et pêcher. Et la pêche il va en avoir besoin quand ruiné et sans ressources il faut tenter de vivre ou de survivre. Matt contraint et forcé à la débrouillardise par les violence répétées de ce frère devenu un étranger, un inconnu aux réactions imprévisibles. Pêcher pour se nourrir, mais aller aussi à la pêche aux informations pour savoir et comprendre, la disparition du père, la mort de la mère, leur relation ambiguë, la violence du frère, le passé qui fait aussi de vous ce que vous êtes, car même les secrets les mieux gardés ont des répercussion sur les nouvelles générations.

Patrice Gain réussi une fois de plus le pari de nous entraîner dans les pas d’un personnage atypique, à la personnalité à la fois attachante et désespérante. Comment peut-il tant de fois tendre la joue pour se faire battre quand tout s’écroule autour de lui ! Mais il s’acharne, s’obstine, là où tant d’autres auraient abandonné et tout envoyé valser. Soutenir son frère contre vents et marées, parce que c’est la seule famille qu’il lui reste bien sûr, mais à quel prix.

La tension, le rythme soutenu, les révélations toutes plus dramatiques les unes que les autres, l’obstination et la personnalité de Matt, tout concours à faire de ce roman noir une réussite. J’ai apprécié également les descriptions de la nature, ce Montana sauvage et parfois inhospitalier, les parties de pêche au bord de la rivière, les montagnes aux sommets inatteignables, aussi belles que dangereuses. Comme une ponctuation, une forme de légèreté indispensable à ce roman par ailleurs très noir, la nature nous rappelle par sa beauté et la force qui s’en dégage à quel point elle nous est vitale.

De l’auteur, on ne manquera pas de lire également Terre fauves, vous pouvez également lire ma rencontre avec Patrice Gain ici.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche, Le Mot et Le Reste

Dans les territoires immenses du Montana, Matt Weldon, adolescent livré à lui-même et maltraité par l’existence, tente de renouer avec ses origines. Il fouille le passé d’un père décédé dans l’ascension du mont Denali et d’une mère internée. Il découvre au fil des jours une vie qu’il ne soupçonnait pas, partagé entre admiration et stupeur. Incontrôlable et dévasté, son grand frère Jack est envahi par une rage qui le met en travers de sa quête et le conduit à commettre l’irréparable.
Entre nature writing, roman noir et thriller, Denali est un roman envoûtant. Comme Matt, le lecteur est aux prises avec la rudesse du monde rural et autarcique qui habite cette aventure, ne trouvant du répit que dans les instants où l’osmose avec une nature grandiose devient salvatrice.

Né à Nantes en 1961, Patrice Gain est ingénieur en environnement et professionnel de la montagne. Il est l’auteur de quatre romans publiés aux éditions Le mot et le reste : La Naufragée du Lac des dents blanches (Prix Récit de l’Ailleurs 2018), Denali (Prix Lire Élire Nord Flandre 2018), Terres Fauves (Prix du Festival du Polar de Villeneuve-lez-Avignon 2019) et, plus récemment, Le Sourire du scorpion

288 pages / Date de parution : 10/02/2021 / EAN : 9782253181637 prix 7,40€

Taches rousses, Morgane Montoriol

Qui est la proie, qui est le prédateur, un premier roman aussi noir que violent

Beck a fuit sa ville natale pour réaliser son rêve et devenir comédienne en Californie. Aujourd’hui, elle vit sans passion mais par intérêt avec un homme bien plus âgé qui pourra lui ouvrir les portes des studios. Mais ce rêve n’était-il pas celui de sa grande sœur ? Car des années auparavant, dans la petite ville de Muskogee, Leah Westbrook, à peine quatorze ans et la vie devant elle, a disparu. Depuis, aucune enquête n’a jamais réussi à déterminer ce qu’il s’est passé, fugue, meurtre, disparition inquiétante, nul ne le sait, et la blessure reste profonde pour Beck et son père. Beck se souvient, son enfance, ses parents, sa sœur qui avait un teint si parfait, sans ces taches de rousseur qu’elle déteste et tente désespérément de cacher sous son maquillage.

Pendant ce temps là, la ville est frappée par de dramatiques meurtres de jeunes femmes. Abordée par Wes, un homme aussi étrange qu’envoûtant, elle découvre son talent morbide d’artiste peintre lors d’une exposition d’art. Fascinée autant qu’inquiète devant ses toiles, elle n’a qu’une crainte, que ce dernier soit le tueur en série qui fait trembler la ville.

Wes le prédateur, et Beck la proie, jouent alors un jeu du chat et de la souris terriblement noir et à la tension grandissante. Chacun est hanté par ses démons et fort étrangement, la disparition de Leah semble être leur point commun.

Qui est la proie, qui est le prédateur ? Le jeu sanglant et morbide qu’ils jouent chacun à leur tour entraîne le lecteur dans des profondeur d’incertitudes et de questionnements. Leur passé, leurs démons, leurs secrets seront peu à peu révélés. Et le lecteur de se demander au fil des pages qui est qui et qui veut quoi. Des personnages noirs et sombres à souhait que l’on tente de comprendre, dont on a beaucoup de mal à discerner le but, et que l’on sent hantés par un passé inavouable.

Un premier roman noir adroitement mené, même si c’est parfois avec un peu trop de détails ou certaines longueurs qui à mon avis cassent le rythme. De fait, il m’a manqué de tempo pour m’embarquer vraiment. Même si je reconnais la force d’une intrigue qui nous mène par le bout du nez quasiment jusqu’au dénouement.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury Prix des lecteurs Le Livre de Poche 2021 Policier

Catalogue éditeur : Albin-Michel, Le Livre de Poche

Leah Westbrook a disparu un après-midi de septembre, à Muskogee, en Oklahoma. Elle avait quatorze ans. Son corps n’a jamais été retrouvé. Depuis, sa sœur, Beck, a quitté la ville pour s’installer à Los Angeles. Elle vit par procuration le rêve de Leah, en tentant une carrière de comédienne. Sans conviction. À la différence de Leah, dont la peau était parfaitement unie, Beck a le visage couvert de taches de rousseur. Des taches qu’elle abhorre et qu’elle camoufle sous des couches de fond de teint.
Bientôt, des corps atrocement mutilés sont retrouvés dans un quartier d’Hollywood où Beck a vécu. L’œuvre d’un tueur en série que la police peine à attraper. Peut-être cet homme aux yeux terribles, qui la suit partout…

Le Livre de Poche Prix : 8,20€ / Date de parution : 03/02/2021 / 408 pages / EAN : 9782253079286
Albin-Michel 21.90 € / 29 Janvier 2020 / 150mm x 220mm / 368 pages / EAN13 : 9782226446824

Le consentement, Vanessa Springora

Un témoignage fort sur l’emprise et la manipulation, une lecture indispensable

D’abord, il y a V. cette toute jeune fille qui se laisse séduire sans trop le vouloir ni s’en rendre compte par celui qui aurait pu être son père. Le père absent justement, cet homme maniaque jusqu’à l’obsession, jusqu’à la violence, que sa mère ose quitter avant que leur vie de couple ne tourne au drame. Un père qui peu à peu disparaît des radars, qui ne viendra jamais s’occuper de sa petite fille.

Et cette mère qui a tant de mal à joindre les deux bouts, mais qui aime la fête, qui aime aussi sa fille mais d’une façon si maladroite. Un soir elle participe à un dîner de travail avec V, qui a tout juste treize ans. Elles y rencontrent G, un écrivain en vue. Ce cinquantenaire séduisant en diable plaît bien à sa mère. Mais c’est avec la fille qu’il va entrer en relation épistolaire, relation séduisante sur le papier, bien qu’insistante, et qui devient vite une relation charnelle et amoureuse. Possession, manipulation, déclaration, tout y passe et la jeune fille va réellement tomber amoureuse de cet homme qu’elle apprécie, qui lui fait ressentir qu’elle existe vraiment. Cet amant qui l’aime pour ce qu’elle est. C’est du moins ce dont elle va longtemps se persuader.

Il n’est pas nécessaire d’en dire plus, car il me semble qu’on a presque tout dit sur ce livre. Je l’ai écouté lu par Guila Clara Kessous, et j’ai eu l’impression que V était là, à coté de moi, pour m’en parler. Elle me disait ce qu’a été sa vie, cette désillusion de l’amour à mesure qu’elle comprenait qui était réellement G, qu’elle réalisait ce vol qui lui a été fait de son enfance, de son adolescence. Car à l’age où l’on connaît ses premiers émois amoureux et où l’on en parle avec ses copines, elle vivait déjà une véritable relation amoureuse avec un homme de cinquante ans dans un hôtel, loin de sa famille, loin de ses camarades de classe, classe qu’elle fréquentait d’ailleurs de moins en moins au risque d’hypothéquer toutes ses chances d’avenir. L’attitude de sa mère est aussi confondante qu’incompréhensible. Mais ne faut il pas aussi se replonger dans les mentalités post soixante-huitardes où tant de choses semblaient permises pour le bonheur de tous, la liberté sexuelle étant l’une des plus grandes conquêtes des femmes de ces années là. Il semble que dans ce cas la frontière entre liberté pour les femmes et droits des adolescentes soit allégrement franchie.

Ce texte est d’une grande sincérité. L’auteur décortique le cheminement de l’emprise puis de sa rupture avec ce prédateur sexuel qu’elle reconnaît enfin pour tel. Elle se sent trahie, se demande si elle est complice, consentante, puis comprend enfin qu’elle est avant tout victime. Un statut que lui nient une partie de ceux qui l’entourent et qui ont été bien complaisants avec le pédophile que tout le monde adulait. Car la presse, les politiques, le milieu de la télévision, les confrères du monde de l’édition, mais aussi Cioran pour ne citer que lui, ont fait longtemps les beaux jours de G sans jamais s’offusquer de ses voyages avoués en Malaisie pour y rencontrer de très jeunes garçons, ou de son amour immodéré pour les jeunes écolières de moins de seize ans, largement développés dans toute son œuvre littéraire. Et l’on enrage de voir à quel point la police, à travers la brigade des mineurs et malgré de nombreux courriers anonymes explicites, mais aussi l’hôpital et ce gynécologue d’opérette vont agir avec une jeune fille de quatorze ans qui appelle à l’aide par les maladies quelle déclenche.

Jusqu’au jour où l’évidence est là, il faut prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. Il aura fallu trente ans à V pour dire, écrire les mots qui soulagent, les mots qui je l’espère pardonnent à la jeune fille abusée qu’elle a été alors. Pour décortiquer aussi les mécanismes de l’emprise qui bien souvent passent inaperçu ou incompris dans l’entourage de ceux qui les subissent. L’écriture est maîtrisée de bout en bout, le ton est sincère et factuel, sans fioriture et sans compromis, pas même à son égard. Elle écrit sans jamais s’apitoyer sur ce qui lui est arrivé, et ce témoignage pourra peut-être ouvrir les yeux à des proches ou des parents trop laxistes ou aveugles face à de telles situations. Parler pour libérer la parole de ceux qui subissent, parler pour montrer aussi que ce genre de perversion n’a ni frontière ni milieu social, mais peut au contraire toucher tout le monde.

J’ai apprécié cette version audio qui m’a aussi permis de prendre quelques pause salutaires pendant l’écoute, comme pour prendre le temps d’absorber l’importance des mots, leur portée, leur signification. La voix de la lectrice est très posée, agréable, j’avais l’impression d’être à ses côtés et de l’écouter me parler d’elle. Les différentes intonations situent bien les deux personnages principaux, la subtilité de leurs échanges et de cette relation délétère entre le manipulateur et sa proie.

Enfin, le plus de cette version audio est aussi de pouvoir écouter un entretien avec Vanessa Springora en fin de lecture.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : Audiolib, Grasset, Le Livre de Poche

Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
«  Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence  : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre  », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.
Vanessa Springora est éditrice. Le Consentement est son premier livre.

Audiolib : Date de parution : 10 Juin 2020 / Prix public conseillé : 20.90 € /   Livre audio 1 CD MP3 – Suivi d’un entretien avec l’autrice / EAN Physique : 9791035403430
Grasset : Format : 130 x 210 mm / Pages : 216 / EAN : 9782246822691 prix 18.00€ / EAN numérique : 9782246822707 prix 7.49€

Le château de mon père, Versailles ressuscité

Comment Pierre de Nolhac, conservateur passionné, a fait du Versailles de la IIIe république un fleuron du patrimoine français

Quatre chapitres pour dire le retour à la vie de l’un des musées préféré des français et des touristes qui visitent la France. L’arrivée à Versailles (1887-1892), la redécouverte de Versailles (1892-1900), Versailles à la mode (1900-1913), Versailles entre guerre et paix (1914-1936). Puis un dossier composé de nombreuses photos et portraits pour conclure cette BD.

En 1887, Pierre de Nolhac est nommé conservateur du château de Versailles, pas vraiment une promotion quand on comprend dans quel état il est, et surtout quel est l’intérêt que porte le ministère de la culture, ou plutôt son équivalent de l’époque, pour ce château qui incarne encore si fort la monarchie et l’ancien régime. Pierre de Nolhac s’installe alors au château avec femme et enfants. D’autres enfants suivront, nés dans ce cadre certes somptueux mais qui dévore totalement la vie de Pierre de Nolhac, au détriment et pour le malheur de son épouse et de sa progéniture.

Henri, l’un de ses fils, nous conte ici son histoire. Il vient rendre visite à son père en mai 1935. Celui-ci est désormais conservateur du musée Jacquemart-André, très affaibli, il fini de rédiger ses mémoires sur les heures vécues dans le château de Louis XIV.

Les auteurs mêlent subtilement l’histoire de la renaissance de Versailles à celle du délitement de la famille de Pierre de Nolhac. Cet homme si passionné par son métier et par ce qu’il envisage de faire à mesure de ses découvertes du château et de ses trésors n’aura pas su vivre à la fois son métier et sa vie de famille. Son absence ou son indifférence devant les nombreuses naissances, les décès de certains de ses enfants qui affectent durablement son épouse, puis le départ de celle-ci, montrent qu’il n’aura jamais su gérer avec autant de ferveur sa vie personnelle.

Par contre, la résurrection du palais de Versailles, la façon dont il a été protégé en particulier pendant la seconde guerre mondiale, les œuvres cachées ou exfiltrées en province, le Grand Canal et les nombreuses fenêtres occultés, et cette énergie mise à restaurer sans le dénaturer ce splendide ouvrage que l’Histoire lui a confié, parfois en se battant contre sa propre hiérarchie, toujours réalisés grâce à la passion et au dévouement de Pierre de Nolhac, ont fait de ce musée le magnifique château que nous pouvons visiter avec tant de bonheur aujourd’hui.

Au niveau du graphisme, le parti pris du noir et blanc, avec ses dessins esquissés aux visages ou aux traits parfois à peine définis, nous plonge dans le passé avec une subtilité qui ne se voit pas forcément de prime abord, mais qui devient vite une évidence. Rendant parfois bien sombre le majestueux Palais du Roi Soleil, sans doute pour être en symbiose avec ce qu’il était à cette époque. La grande qualité de cet album vient aussi des éléments historiques fouillés, de véritables révélations pour certaines, tant il semble évident au commun des mortels dont je suis que ce château a toujours connu la même splendeur et le faste que nous pouvons admirer aujourd’hui. Même si j’ai le souvenir, à mesure de mes visites depuis près de cinquante ans, de l’ouverture de nouvelles salles, de nouveaux meubles, de restaurations aussi splendides et prodigieuses les unes que les autres. Car le travail de restauration et de conservation des grands musées, du patrimoine que nous a légué l’histoire est sans fin. Ce roman graphique a enfin l’avantage d’être créé en partenariat avec le château de Versailles et par des auteurs qui connaissent et maîtrisent parfaitement leur sujet, cela se sent et renforce la crédibilité et l’intérêt de cette lecture.

Passionnés d’histoire, de Versailles, ou simplement amateur de romans graphiques qui nous apprennent l’Histoire en nous racontant des histoires, ce livre est fait pour vous.

Catalogue éditeur : Le Château de Versailles avec la Boîte à Bulles

Comment imaginer que, voici moins de 150 ans, le château de Versailles était presque tombé dans l’oubli ?
Lorsque Pierre de Nolhac s’y installe en 1887 avec femme et enfants, il s’aperçoit bien vite que le palais du Roi-Soleil n’intéresse plus grand monde en ces temps républicains. Il faudra au jeune attaché devenu conservateur du château toute son énergie et sa détermination pour redonner au lieu ses lettres de noblesse… Mais à quel prix ?
Henri de Nolhac, le fils de Pierre, nous conte sa vie de famille et de château, un récit mêlant joies et drames, petite et grande histoire…

Scénario : Maïté Labat et Jean-Baptiste Véber
Storyboard : Stéphane Lemardelé et Alexis Vitrebert
Dessin : Alexis Vitrebert

2019 / 22 x 30 cm, 170 p., 24 € / ISBN 978-2-84953-347-5

Femmes en colère, Mathieu Menegaux

Suivre le procès d’une femme violée qui s’est fait justice elle-même, un sujet sensible et actuel

Alors qu’elle vient de passer trois ans en détention provisoire dans la prison des femmes de Rennes, Mathilde Collignon attend enfin les délibérations de son procès. Mais qui est victime dans ce fait divers violent et barbare, elle, Mathilde, forcée et violée par deux hommes qui n’ont a aucun moment voulu entendre ces « Non » qu’elle a crié, hurlé, murmuré, supplié ? Ou bien eux, ces hommes sur lesquels elle s’est vengée, pensant à tord ou à raison que la justice ne pourrait jamais entendre sa plainte.

Après la longue confrontation avec les parties civiles, la mise en cause, les juges, les jurés, et une fois le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats terminés, la parole est aux jurés. Ceux-ci se retirent pour voter en leur âme et conscience afin que soit appliqué le droit qui protège chaque citoyen. L’attente est stressante, douloureuse. Mathieu Menegaux transforme son lecteur en une petite souris qui se faufile à tour de rôle dans la salle où Mathilde Collignon attend qu’on l’appelle pour le verdict et où elle écrit sur un carnet ce qu’elle ressent, écrire pour survivre, transmettre, témoigner, dire. Puis dans la salle dans laquelle le jury s’est réuni pour délibérer à huis clos, trois professionnels de la Justice, et six français tirés au sort sur les listes électorales pour remplir leur devoir de citoyens. Ah, les délibérations du jury, qui n’a pas un jour craint ou espéré en faire partie.

Mais qui est cette femme qui a osé se venger, une barbare, une folle qui a perdu la raison, une femme qu’il faut interner pour protéger la société ? À mesure que le lecteur avance dans ces deux différentes salles du tribunal, le mystère se lève sur ce qu’il s’est passé trois ans auparavant.

Quand la victime se fait justice et devient à son tour coupable.

Sur les victimes, mais faut-il parler de victimes ou faut-il préférer à ce terme celui de parties civiles, d’agresseurs agressés. Il est difficile de mettre des mots sans prendre partie. Sur la coupable, barbare, agressée, violée, malmenée par deux hommes en toute impunité. Parce que les hommes se croient souvent tout permis. Parce que la voix des femmes est rarement entendue. Parce qu’elle a bien voulu aller les retrouver après tout, c’est bien de sa faute n’est-ce pas, elle qui avoue sans scrupule que oui, elle aime ça et oui, elle trouve quelques coups d’un soir sur Tinder ? Et pourquoi ce qui est accepté d’un homme ne l’est-il jamais quand c’est une femme qui l’exprime, pourquoi la liberté sexuelle ne pourrait-elle pas être assumée aussi par une femme ?

À l’heure des #metoo et autres révélations sur les réseaux sociaux, à l’heure où les violences faites aux femmes sont en augmentation, où le viol n’est toujours pas dénoncé par la majorité des femmes qui en sont victimes, le message de Mathieu Menegaux se veut clair. Entendons, écoutons la parole des femmes tant qu’il est encore temps et surtout avant que justice ne soit rendue par le citoyen lui-même.

Un roman sur un sujet sensible et actuel, peut-être pas assez fouillé à mon goût au niveau des personnages et de leur personnalité, et parfois un peu trop manichéen, mais qui cependant se lit d’une traite. J’ai aimé que l’auteur prenne pour victime cette femme atypique qui assume ses goûts, ses choix de vie, ses envies. Et surtout, l’auteur nous embarque au cœur des procédures parfois absconses de la justice, où il convient de juger le droit, la régularité des faits et non la personnalité des ceux qui en sont victimes ou coupables, sans affect ni sentiments, et cela paraît de fait bien difficile. Pour ceux qu’un procès intéresse, il faut savoir qu’il est possible d’assister aux audiences de ceux qui ne sont pas menés à huis-clos, et cela peut s’avérer terriblement instructif.

Du même auteur, on ne manquera pas de lire également Est-ce ainsi que les hommes jugent ou Disparaître.

Catalogue éditeur : Grasset

Cour d’assises de Rennes, juin 2020, fin des débats  : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Elle est accusée d’un crime barbare, qu’elle a avoué, et pourtant c’est elle qui réclame justice. Dans cette affaire de vengeance, médiatisée à outrance, trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher  : avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau  ?
Neuf hommes et femmes en colère doivent choisir entre punition et pardon.
Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel.

Parution : 3 Mars 2021 / Format : 133 x 205 mm / Pages : 198 / EAN : 9782246826866 prix : 18.00€ / EAN numérique: 9782246826873 Prix : 12.99€