Un roman singulier sur l’intégration et la différence
Elle est trentenaire, travaille à la City de Londres, est propriétaire d’un bel appartement et son petit ami vient de l’inviter à l’anniversaire de mariage de ses parents. Tout lui sourit en somme.
Sauf qu’elle est d’ici mais que tous la voudraient d’ailleurs, elle et sa peau noire qui dénote dans les hautes sphères de la finance. Elle à qui ses collègues osent faire ces réflexions qu’il faudrait garder pour soi s’ils avaient un tant soit peu d’attention pour l’autre. L’avantage d’être une femme, le soucis d’équilibre qui favorise les représentant des minorités, tous ce qui fait qu’on se permet de lui dénier ses aptitudes, sa capacité, ses compétences pour être qui elle est et où elle est.
Aujourd’hui elle sort de chez le docteur et ce cancer du sein l’interroge. Et si c’était la solution de fuir ce monde qui ne veut pas d’elle, qui aimerait la renvoyer vers cette Afrique qu’elle n’a jamais connue.
Alors elle assemble les éléments d’une vie, les mots, les situations, les relations, les frustrations, les silences, se taire et accepter, baisser les yeux et se faire discrète, tout ce qui fait son quotidien et que les autres ne voient pas, ne subissent pas, ne comprennent pas. Le tout est porté par une écriture singulière qui dénote dans cette rentrée littéraire.
Cet Assemblage de mots et de sentiments, de situations et de frustrations, de pensées et de souhaits est là pour crier la différence, la peau noire, le rejet par les autres, la difficulté à être admis, même si l’on a parfaitement accompli son intégration dans une société dans laquelle on aspire à se fondre.
Un roman sans doute un peu trop court pour réussir à m’attacher à son personnage et pour susciter l’empathie. Mais qui éveille notre conscience à la perception au plus profond de soi de la diversité. Car être blanc ou noir change vraiment la donne lorsque l’on évolue dans une société traditionnelle blanche.
Découvrir l’âge adulte en pleine crise économique. Rester serviable dans un monde brutal et hostile. Sortir, étudier à « Oxbridge », débuter une carrière. Faire tout ce qu’il faut, comme il faut. Acheter un appartement. Acheter des œuvres d’art. Acheter du bonheur. Et surtout, baisser les yeux. Rester discrète. Continuer comme si de rien n’était.
La narratrice d’Assemblage est une femme britannique noire. Elle se prépare à assister à une somptueuse garden-party dans la propriété familiale de son petit ami, située au cœur de la campagne anglaise. C’est l’occasion pour elle d’examiner toutes les facettes de sa personnalité qu’elle a soigneusement assemblées pour passer inaperçue. Mais alors que les minutes défilent et que son avenir semble se dessiner malgré elle, une question la saisit : est-il encore temps de tout recommencer ?
Pages : 160 / EAN : 9782246828235 prix 17€ / EAN numérique: 9782246828242 prix 11,90€ / parution : 11 Janvier 2023 /
Un livre né de la rencontre d’une femme blanche avec les Yenomami, communautés d’indiens semi-nomades de la forêt amazonienne.
Dans les années 69, Paliki part pour une mission en forêt amazonienne. Elle veut devenir photographe et souhaite réaliser un reportage sur les Yanomami. Un séjour au milieu d’eux lui permet de les comprendre et de les apprécier. Elle souhaite les photographier mais découvre avec stupeur que le flash des photos leur fait peur. Il pourrait figer les morts auprès des vivants et ils les hanteraient pour toujours. Il est hors de question d’aller à l’encontre de ces croyances auxquelles elle prête une grande attention.
Soucieuse de les respecter, elle fera plusieurs séjours avant d’être acceptée et de pouvoir les photographier librement et ouvertement. Mais peu à peu cette communauté de vie à priori provisoire devient sa norme. Elle ne reviendra plus à Brazilia et reste auprès d’eux pour partager leur vie.
Ce roman se lit d’un souffle. Ce souffle est celui de la vie des peuples natifs de l’Amazonie qui sont chassés peu à peu de leurs territoires par les garimperos. Mais surtout par l’appât du gain des grands groupes internationaux, poussés par la gouvernement actuel du Brésil, et qui n’hésitent plus à défricher la forêt amazonienne. Le poumon de la planète est en danger. Ce n’est plus un abri sûr pour les peuples qu’il a longtemps protégés, et sa disparition programmée est une catastrophe pour l’homme.
Court, humain, intense et porteur de sens, un roman qui fait réfléchir au sens profond de la vie et à l’indispensable communion des hommes et de la nature.
Paliki sait-elle que la première expédition en forêt amazonienne d’où elle veut ramener des photos des Yanomami changera pour toujours sa vie ? Avant de choisir définitivement de rester avec eux, elle alertera le monde sur ce qu’il faut bien appeler la destruction massive d’une communauté humaine ainsi que celle de la forêt où ils vivent.
David Hennebelle est né à Lille en 1971. Professeur agrégé et docteur en histoire, il a publié aux éditions Autrement Mourir n’est pas de mise, 2018, Prix Georges Brassens 2018, et Je marcherai d’un cœur parfait, 2020. Vers la flamme est son troisième roman.
Prix public TTC 18.00 € / Date de publication 05/01/2023 / EAN 9782363083210
Hors d’atteinte de la justice des hommes, l’éternel tourment de savoir ces nazis impunis
Hambourg, en 2018, Paul Breitner est un écrivain à succès qui cherche le sujet de son prochain roman. Le jour où son grand père Viktor disparaît puis réapparaît sidéré, soudain muet, il sent qu’il tient là une source d’inspiration, mais sans forcément savoir dans quelle voie il va s’orienter.
Viktor vit sur la colline des millionnaires, à Blankenese. Un endroit sujet à interrogations, pourquoi est-il parti habiter là-bas alors que rien ne l’y prédestinait. Et lorsque Viktor réapparaît, une lettre froissées entre les mains, Paul se rend compte qu’il ne connaît rien de la vie de son grand-père. Si ce n’est qu’il a plus ou moins quitté sa femme et son fils pour vivre seul. Et lorsque son père s’est tué dans un accident, Paul s’est rapproché de son grand-père, la figure masculine devenue indispensable pour combler le vide. Mais cette complicité ne suffit pas pour comprendre son attitude actuelle. En bon romancier, Paul part sur les traces de Viktor. Il découvre que sa famille n’a pas été seulement décimée sous les bombes qui ont détruit Hambourg mais que Vera, la jeune sœur de Viktor, a subi un tout autre sort.
Un matin de 1940, Vera avait embarqué dans un de ces bus charitables qui transportaient des patients vers le centre du château de Sonnenstein. C’est à cette période que les nazis décident de mettre en place le programme de la mort miséricordieuse qui est offerte aux malades pour nettoyer le pays de toutes ces bouches inutiles. Autrement dit, Aktion T4, ou l’élimination de plusieurs milliers de malades mentaux. L’horreur absolue perpétrée à grande échelle. L’un des docteurs qui dirigent ce programme n’est autre que Horst Schumann, un médecin SS que l’on peut comparer à l’ignoble Mengele. Horst Schumann a ensuite réalisé sans relâche des expériences au rayons X et des castrations à la chaîne sur des cobayes humains, de jeunes hommes et femmes, dans le bloc 10 à Auschwitz.
À l’été 47, Viktor est enrôlé par la SS dans la Kriegsmarine et affecté au Danemark. A son retour en Allemagne, il apprend la disparition de ses parents, sa famille comme sa maison sont anéantis. C’est alors qu’il découvre l’action de Horst Schumann dans la guerre, le massacre de tant de femmes et d’hommes dans les camps, et son rôle dans la disparition de sa sœur. À partir de cette date, hanté par le souvenir de Vera, il n’aura de cesse de le retrouver. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre Nina, une jeune rescapée qui fuit vers Israël. Nina qui restera à jamais dans le cœur de Viktor.
Pourquoi j’ai aimé lire ce livre ?
J’ai été déstabilisée au départ car l’action se situe en Allemagne, je n’étais pas forcément à l’aise avec certains lieux, mots, etc. Mais le choix m’a vite paru évident pour se glisser dans la peau d’une victime directe du programme Aktion T4. Qui mieux que Viktor pouvait avoir vécu dans sa chair l’horreur que cela représente, qui mieux que Paul, son petit fils, pour mener l’enquête qui le mène vers l’homme qui a échappé jusqu’au bout à la justice des hommes. Car si Horst Schumann décède dans son lit, la traque des criminels nazis en Amérique du sud, du Nord, en Europe ou en Afrique a été bien réelle. Hélas bien peu ont été retrouvés, même Mengele finira ses jours en Amérique du Sud et ne sera jamais jugé.
Frédéric Couderc fait alterner le présent avec Paul, cet écrivain qui cherche Viktor, puis à comprendre la vie de son grand-père et son action dans la chasse aux SS. Et le passé avec la jeunesse de Viktor pendant la guerre, la famille décimée, cette obsession qui va le poursuivre toute sa vie, retrouver celui qui a décidé de la mort de sa sœur, et ses amours contrariés avec Nina.
En romançant leur histoire, il sait faire émerger cette part d’humanité indispensable pour supporter l’horreur. Donner un visage, des sentiments, des personnalités à ceux qui ont connu, vécu, enduré le mal pour qu’il soit à la fois plus présent et plus vivant. Cela permet aussi de rendre plus audibles les éléments historiques qui émaillent le roman, procès, jugements, archives, actions des nazis dans les camps, expériences, victimes, et la fuite incompréhensible de tous ces hommes dont on sait qu’ils ont été protégés partout où ils se sont terrés. La plupart sont morts de leur belle mort, qui dans un lit, qui sur une plage, sans être tourmentés. Ils ont commis des actes tellement inimaginables qu’ils ont besoin d’être dilués dans le romanesque pour pouvoir être lus par tous. Une fois de plus, Frédéric Couderc a su mêler la fiction et l’humain pour nous révéler cet homme dilué dans les méandres de notre Histoire récente, avec toujours ce credo, dire pour ne jamais oublier, car il faut toujours garder à l’esprit que le mal peut à nouveau émerger des profondeurs.
Hambourg, été 1947. Le jeune Viktor Breitner arpente sa ville dévastée. Un jour, il croise Nina, une rescapée des camps dont il tombe éperdument amoureux. Elle disparaît, son absence va le hanter pour toujours, autant que le fantôme de sa sœur Vera, morte au début de la guerre. Soixante-dix ans plus tard, Viktor s’évanouit à son tour. En se lançant à sa recherche, son petit-fils Paul découvre avec effroi que celui-ci est mystérieusement lié à un doktor SS d’Auschwitz semblable à Mengele : Horst Schumann. Paul est un écrivain à succès, l’histoire de son grand-père, c’est le genre de pépite dont rêvent les romanciers. Mais il redoute par-dessus tout la banalisation de la Shoah, et sa soif de vérité le mènera jusqu’aux plaines d’Afrique, dans une quête familiale aussi lourde que complexe.
23.00 € / Date de parution : 05/01/2023 / EAN : 9782365696685 / pages : 512
Le palais de la Porte Dorée ou Musée national de l’immigration et l’Aquarium Tropical
Un bâtiment art Déco construit à la gloire de l’empire colonial, mais qui est aujourd’hui bien dans son époque et montre les apports positifs de l’immigration.
Construit par l’architecte Albert Laplace pour l’exposition coloniale de 1931, le Palais est là pour donner une image à la fois pédagogique, monumentale et pérenne du « Salut par l’Empire »
La majesté de la façade en pierre sculptée par Alfred Janniot (1889-1969) montre la force économique de la France, et tout ce que le pays peut retirer de ses colonies pour alimenter son industrie. On y retrouve à la fois nue allégorie de la France, mais aussi les noms des principaux ports d’arrivée des produits, le Havre, Saint-Nazaire, Bordeaux, Marseille. Les représentations des personnages n’est pas celle du mépris que l’on pouvait trouver ailleurs à cette époque. Au contraire, ils sont représentés dans un style à la fois sévère, puissant, et quelque peu sensuel, avec une égalité de traitement homme femme. Mettant en scène avant tout une forme d’utilité coloniale.
À l’intérieur, le Forum, ou ancienne Salle des Fêtes, décoré par le peintre Pierre Ducos de la Haille (1886-1972) était là pour montrer ce que la France apportait aux colonies.
Un mélange de style antique, inspiré des styles grec et romain, et de l’art Déco contemporain de la création du Palais évoque à la fois le classique et l’affiche publicitaire moderne.
De chaque côté du grand hall on peut encore admirer deux salons . Le salon Reynaud, concentré sur l’Afrique, et le salon Lyautey, sur l’Asie.
Sans en connaître les définitions et tout ce que ces fresques voulaient représenter, nous avons apprécié les décors art Déco, les représentations stylisées emblématiques de cette époque et d’une mentalité fort heureusement aujourd’hui en partie disparue. Nous sommes loin du « Nous avons apporté la lumière dans les ténèbres » de Paul Reynaud, ministre des colonies pour son discours inaugural de l’Exposition coloniale de 1931.
Quoi que, lorsque je vois aujourd’hui les cursus proposés aux étudiants pour aller faire de l’aide l’humanitaire, en Afrique ou ailleurs, je me dis parfois que nous ne sommes peut-être pas si loin de cette pensée. La France se croit-elle indispensable à l’évolution de certains pays ? Ne vaut-il pas mieux mettre des compétence acquises dans différents métiers au service des autres pour faciliter leur développement, et arrêter de penser que ces autres auront forcément besoin de notre aide humanitaire sur le long terme ? Vaste sujet qui m’interroge et pour lequel je n’ai aucune réponse.
Apprécier la beauté et la diversité de l’aquarium tropical
Aujourd’hui, le palais de la porte dorée est à la fois un musée et un très bel aquarium tropical, avec une belle sélection et présentation de poissons et coraux, montrant la richesse de la biodiversité, attrait majeur pour les plus jeunes.
Nous avons essentiellement visité l’aquarium tropical car ce jour-là le musée était fermé (ce que l’on nous a dit au moment de payer nos billets couplés, musée aquarium, mais nous avons pu modifier !).
Nous avons apprécié la grande variété d’espèces présentées, les différents aquariums proposés aux aménagement parfaitement en symbiose avec le milieu présenté, et les crocodiles albinos, frère et sœur, que les enfants ont beaucoup aimé.
Je pensais découvrir une BD qui allait me parler d’histoire, de Russie et de personnages historiques connus, j’ai plongé avec surprise dans le tome 1 de ce manga qui se déroule au pays du soleil levant. Dans le Japon des années 90, Yuki, celui que l’on appelle Raspoutine est un jeune homme au service de son pays. D’abord employé dans les ambassades il se retrouve un jour incarcéré et accusé à tord de corruption et de collusion avec l’étranger.
Et le lecteur découvre alors les arcanes de la justice japonaise, la mauvaise foi du procureur en charge de son dossier, et comment par interrogatoires successifs, il va tout tenter pour réussir à l’inculper, qu’il soit coupable ou non.
Les relations entre la Russie et le Japon, en particulier les échanges houleux à propos des îles du nord et de leur appartenance à l’un ou l’autre des deux pays, sont au cœur de cette histoire. Le jeune Yuki est rapidement victime d’un système capable de détruire un homme pour arriver à ses fins. C’est tout à fait glaçant et particulièrement instructif quant au fonctionnement du système judiciaire japonais.
Une fois passée l’hésitation due au manque d’habitude pour la lecture de droite à gauche, je me suis rapidement laissée embarquer par ce thriller politico-historique.
Celui qu’on appelle le Raspoutine du ministère des affaires étrangères a été arrêté par la brigade spéciale du ministère public de Tokyo. Pourquoi ce diplomate semble-t-il impliqué dans la rétrocession des îles du nord de Hokkaido par la Russie? Basé sur l’expérience personnelle de l’ancien diplomate Masaru Satô, ce récit présente son combat contre un procureur de la brigade spéciale au cours de sesinterrogatoires quotidiens
Retrouver le père pour guérir les cicatrices invisibles
Il s’est passé de nombreuses années depuis son départ du village de montagne où vivent son père et son frère. Pourtant aujourd’hui Isabelle y revient.
Le père est au plus mal, et Olivier ne peut plus assumer cette charge seul, il a besoin de sa sœur, même dans le silence, malgré les rancœurs et les secrets.
Isabelle a quitté le domicile familial au décès de sa mère. Comment rester auprès d’un homme qui n’a jamais montré d’amour ni même d’affection. Comment s’épanouir et vivre libre auprès de cet amoureux des grands espaces qui a fuit toute sa vie vers les sommets, préférant la nature au cocon familial. Et quand le père ne rêve que de l’élever vers les cieux, Isabelle préfère quant à elle les profondeurs et le silence des mers. Comment pourraient-ils alors se retrouver.
Dans un étrange huis-clos au cœur de la montagne, elle va égrener les souvenirs pour tenter de comprendre. L’attitude du père, sa froideur, ses silences, ses absences, ce manque d’amour qui détruit tout. Mais désormais la mémoire du père s’enfuit, il sera bientôt impossible de lui parler.
L’autrice fait parler chacun des personnages, Isabelle, Olivier, le père, pour tenter d’ouvrir les cœurs et les mémoires, d’éveiller les souvenirs, de comprendre les réticences. Pour évoquer une enfance dévastée, le besoin d’amour d’une enfant envers son père, le silence de la mère, les violences parfois silencieuses, insidieuses, comme la scène avec le chiot si difficile à supporter. Pour dire enfin ce qui a été tu toute une vie, et de se demander lors, et si cela avait été différent, qu’elles auraient été les vies de chacun dans cette famille. Échange, discussion, partage, résilience, pardon, tant de choses sont dites dans ce roman qui cependant en peu de pages semble porter toute une vie de silence et de regrets.
On retrouve une fois encore l’écriture de Gaëlle Josse à la fois humaine et pudique, ciselée et précise, au plus près des sentiments et des interrogations qui nous touchent tous plus ou moins un jour ou l’autre.
Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.
Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.
Date de parution : 18/08/2022 / Prix : 16,00 € / 192 pages / ISBN : 978-2-88250-748-8
Quand le vent de l’Histoire souffle sur le présent, un polar humain et intelligent
Dans ce nouveau roman tant attendu, Jean-Marc Souvira nous entraîne auprès de clans mafieux qui réalisent ensemble des opérations financières frauduleuses à grande échelle, alors que tout devrait les séparer, culture, origine, religion.
D’un côté le clan Nathan, ce sont des juifs qui habitent du côté de Saint Mandé et aiment faire démonstration de leur force et de leur richesse. De l’autre côté l’empire du chinois Shen Li. Le patriarche prend soin de gérer son empire sans jamais montrer son immense fortune. Une vieille voiture, des gardes du corps habillés comme de simple travailleurs, une société du côté d’Aubervilliers, il habite avec sa famille en Seine et Marne. Il ne se mêle jamais de trafic de drogue, c’est trop risqué à tout point de vue pour toute sa famille, c’est même absolument interdit. Pourtant, à la suite de l’exécution en pleine rue de Richard Nathan, de son chauffeur et du garde du corps, que les bruits imputent à Shen Li, puis en représailles celle de son ami Sun Hao exécuté devant chez lui, il semble évident que quelqu’un parmi les siens a franchi la limite. Les morts violentes ne s’arrêtent pas là et bientôt les mafieux et les flics sont confrontés à une véritable hécatombe.
L’enquêteur en charge de ces affaires est Paul Dalmate, il doit tout mettre en œuvre pour élucider ces meurtres. Ancien séminariste, ce flic solitaire aime la musique, surtout depuis que Mistral (ceux qui ont lu les précédents roman de l’auteur apprécieront) lui a fait découvrir autre chose que les musiques sacrées. Dalmate traîne aussi quelques traumatismes venus d’une enfance difficile et qui vont se dévoiler peu à peu.
Tout le 36 est sur le pont, il ne faudrait pas que tout Paris s’embrase. Mais le mystère s’épaissit lorsque Avi Richter et Guo Tran, deux puissants responsables d’organisations criminellesdébarquent à Paris. Ces vieillards sont des chefs incontestés qui ne se déplacent jamais. L’un arrive d’Israël l’autre de Chine. Ils partent se recueillir devant une tombe chinoise du plus grand cimetière de guerre du Commonwealth en France, et emmènent avec eux un fils Nathan et un fils Shen.
La suite du roman bascule alors dans le passé et nous propulse en automne 1916, en France, au plus près des combats. On y rencontre de nouveaux personnages, d’abord en Chine dans le village de Kaifeng, puis à Boulogne-sur-mer et à l’arrière de la ligne de front. Un retour en arrière qui éclaire d’un jour nouveau les liens entre les différents protagonistes.
Dans ces années 1916/1917, on compte déjà des milliers de pertes humaines. Les femmes ont remplacé les hommes dans les usines, mais on manque encore de bras. Les gouvernements de la France et de l’Angleterre, deux pays présents en Chine, ont l’idée d’enrôler des paysans chinois pour aller faire les manutentionnaires à l’arrière du front, ou dans le port de Boulogne-sur-mer. Il est indispensable de pallier à la logistique défaillante pour apporter le soutien nécessaire aux soldats qui se battent sans relâche dans les tranchées. Payés une misère, ces quelques 140 000 chinois ont signé un contrat de plusieurs années, ils reçoivent un salaire de misère, mais peuvent ainsi envoyer de l’argent au pays.
C’est dans ce passé et sur ces zones de guerre que se trouvent les racines de la fraternité aujourd’hui en miette entre les deux clans, celui des Nathan et celui des chinois de Shen Li. Là aussi que l’on comprend le pourquoi de la venue des deux chefs de guerre Avi Richter et Guo Tran.
Un thriller qui m’a entraînée bien au-delà de ce que j’imaginais. Merci Jean-Marc Souvira d’être allé chercher ces histoires oubliées, pour les mêler à celles des violence d’aujourd’hui, et surtout d’en faire un polar aussi intelligent, instructif, que passionnant, mêlant habilement une intrigue policière actuelle à un véritable roman historique. J’ai aimé découvrir la vie de ces chinois sur le front, dans les tranchées de la première guerre mondiale. Mais aussi retrouver les coins que Paris que je connais et les voir ainsi d’une tout autre façon. Tout au long du roman, on sent la maîtrise à la fois des métiers de la police et de ceux qu’elle doit combattre. Jean-Marc Souvira est un commissaire divisionnaire qui a exercé pendant trente ans dans la police judiciaire. Ce grand flic possède une excellente connaissance de l’institution mais aussi de ceux contre lesquels elle doit lutter.
Merci d’avoir réveillé pour nous cet épisode méconnu de l’Histoire, d’avoir donné une âme et une profonde humanité à ces personnages capables aussi de bienveillance et de solidarité.
Pourquoi ces deux vieillards, venus l’un de Chine et l’autre d’Israël, ont-ils décidé de se recueillir ensemble sur cette mystérieuse tombe chinoise d’un cimetière militaire picard de la Première Guerre mondiale ? Pour le commandant Dalmate, la présence de ces personnages sur le territoire national n’augure rien de bon. En effet, ils sont, chacun dans leur pays, à la tête d’organisations criminelles dont les ramifications s’étendent jusqu’en France. Or, depuis peu, les règlements de comptes entre ces communautés s’intensifient ; une escalade de violence qui semble échapper au contrôle des forces de l’ordre. Mais le monde ne date pas d’aujourd’hui, et c’est peut-être dans le passé que se trouvent les réponses capables d’apaiser les esprits. Dans des amitiés nées il y a bien longtemps, au cœur des tranchées…
Date de parution : 05/01/2023 / EAN : 9782265156623 / Nombre de pages : 592 / 22.90 €
Nathalie Rheims se raconte de roman en roman, et j’avoue que j’aime cette écriture intime et universelle à la fois. Ici, c’est un vieux Polaroid la représentant à dix-huit ans avec un homme et pris par sa sœur qui est à l’origine de son 23e roman.
Dans Au long des jours, le lecteur part à la rencontre d’une jeune Nathalie de 18 ans. Depuis des années elle rêve de faire du théâtre. Une condition imposée par son père lorsqu’il rend les armes et accepte qu’elle quitte l’école si elle réussit à rentrer au Conservatoire. C’est chose faite alors qu’elle a tout juste 15 ans. Et la voilà qui joue rapidement avec des troupes d’acteurs plus âgés qu’elle, jeune artiste en devenir, adolescente sage qui s’endort avant les autres lors des tournées dans les théâtres de province.
Un soir, une amie arrive dans sa loge avec son ami qui est accompagné d’un homme bien plus âgé qu’elle. Pour Nathalie c’est le coup de foudre, immédiat, instantané. Un regard, quelques mots échangés, et lui vient aussitôt l’envie d’aller l’écouter chanter, car elle l’a reconnu et aime ce qu’il propose aux spectateurs et amateurs de ses textes et de sa musique.
C’est cette rencontre que l’autrice nous fait vivre ici. Mais aucunement de façon déplacée, au contraire, il y a la fois fois une grande pudeur et une étonnante sincérité dans les mots qui disent les regards, les échanges, les discussions, les gestes, qu’elle a avec cet homme qui a plus de 35 ans de plus qu’elle mais dont elle se sent si proche.
Si elle ne donne jamais son nom, sa photo en couverture du livre, son sourire, mais surtout les textes de ses chansons nous le dévoilent sans aucune hésitation. Mouloudji, français par sa mère, musulman par son père comme il le chantait, est un beau brun ténébreux au sourire dévastateur. C’est aussi un homme marié qui aime les femmes et ne s’en lasse pas, sans doute une conséquence de son enfance malheureuse auprès d’une mère malade. Loin de vouloir être voyeur ou d’étaler son intimité, ce roman, car c’en est un, nous faire pénétrer dans l’âme et les sentiments d’une jeune fille des années 70 bien dans sa vie, dans sa peau, dans son cœur et son corps.
Le livre est émaillé de noms d’artistes de cette époque, d’amis de Mouloudji, auteurs, poètes, écrivains, acteurs. C’est également un bel hommage à cet artiste un peu oublié aujourd’hui, à ses écrits, ses textes, sa voix et son œuvre que l’autrice m’a donné envie de redécouvrir.
J’ai aimé la suivre, les suivre, vivre leur amitié, leurs élans, et les douces pensées qu’il en reste aujourd’hui chez celle qui a vécu ces quelques mois d’une liaison heureuse et libre, bien que cachée et tue pendant tant d’années. L’écriture de Nathalie Rheims est toujours aussi agréable à découvrir, ni trop ni pas assez, et ce qu’il faut d’émotion pour nous emporter avec elle.
En 1977, la narratrice vient d’avoir 18 ans. Trois ans plus tôt, elle a fait ses débuts de comédienne. Un soir, après le spectacle, un visiteur se présente dans sa loge du Théâtre de la Ville pour la saluer. Commence alors, avec cet homme hors du commun, de trente-sept ans son aîné, une véritable passion amoureuse. C’est en voyant réapparaître par hasard, au fond d’un tiroir, un Polaroid pris par sa sœur à l’époque, que la romancière a eu, après toutes ces années, le désir de raconter cette histoire restée secrète.
Parution le 11 janvier 2023 / 176 pages / 17 euros / EAN 9782756114040
Retrouver ces généraux dont les noms flottent à nos mémoires avec plus ou moins d’acuité et que l’on ne sait pas toujours replacer dans l’histoire. Massu, Salan, de Gaulle, mais aussi Mitterrand, Guy Mollet, le président Coty, Delbecque…
« Croit-on qu’à soixante-sept ans, je vais commencer une carrière de dictateur ? »
Mai 1958. La fin de la IV république et le retour de de Gaulle aux affaires après une traversée du désert, et surtout après les actions du FLN en Algérie.
Retrouver le général de Gaulle, celui qui a dit un jour : les généraux me détestent, je le leur rend bien…. Des crétins uniquement préoccupés de leur avancement, de leurs décorations, de leur confort, qui n’ont rien compris et ne comprendront jamais rien.
Parce qu’il est parfois difficile d’imaginer que de tels événements aient pu réellement se passer., j’ai aimé lire cette BD légèrement iconoclaste mais qui remet les événements en place…
Nicolas Junker : scénario François Boucq : dessins
Mai 1958. Alger s’embrase contre un nouveau gouvernement qui, à Paris, semble prêt à dialoguer avec les indépendantistes. Des milliers de colons se soulèvent, obligeant l’armée et ses généraux à choisir leur camp : rester loyaux à l’état ou à l’Algérie française, dernier vestige du grand empire colonial Français.
Dépassés et galvanisés par la situation, les généraux s’embarquent dans un coup d’état qui devient rapidement incontrôlable… Et si seul un vieil homme à la retraite, le « dernier héros français », était capable d’arrêter cette machine folle et éviter une guerre civile ? Ce vaudeville politico-militaire donnera les clés du pouvoir à de Gaulle et sa Ve République… car juré-craché, « le Général » l’a promis à toutes et à tous : cette fois, il les a compris.
Un retour aux Sources et la puissance d’une écriture à l’os pour évoquer les violences et les non-dits
Elle vit à la ferme, et avec l’homme depuis dix ans. Dix années de mariage, de douleurs, de silence, de honte sans partage. Trois enfants, deux filles et un fils, qu’elle aime et élève du mieux qu’elle peut. Vingt-six mois de service au Maroc, de courriers échangés, puis le mariage. Mais il l’avait bien dit le père, je ne le sens pas ton fiancé. Au fils des années, tant de mots dits et autant de mots tus, car à qui dire, avec qui partager la honte des roustes, des coups, des bleus, des insultes du mari. Pourtant elle est propriétaire de la moitié de la ferme, descend en voiture au village pour aller à la messe avec ses trois enfants, c’est important de montrer ses forces, ses richesses, sa puissance aux autres, ceux du village qui la connaissent et dont elle sait qu’ils racontent ce qu’ils ont vu.
Et les années passent, dix ans déjà, de souffrance de douleur de silence jusqu’au jour où, plus envie de revenir à la ferme, juste envie de tout quitter. Quotidien ordinaire d’une paysannerie aisée de province, où la vie n’est pas toujours facile mais où les apparences sont sauves. Jusqu’au moment où tout doit changer.
Trois parties de longueurs inégales dans ce roman, la mère, l’homme, la fille aînée. Trois époques, 1967, 1970, 2021. Trois moments importants dans une vie de femme, mariage, divorce, et après.
Une fois de plus Marie Hélène Lafon a les mots simples pour tout dire, l’amour, la souffrance le silence l’abandon la révolte l’incompréhension la famille la solitude la douleur la vie. Impossible de lâcher ce roman avant la fin, et aussitôt l’envie de tout reprendre à zéro tant les mots sont pesés, travaillés posés précis comme ils le sont roman après roman. Les mots pour dire la vie en province dans les années 60 la famille les violences silencieuses qui détruisent aussi sûrement que les coups, et les violences physiques aussi, isolées dans le silence dévastateur du qu’en dira-t-on et de l’honneur. J’ai aimé suivre cette femme qui subit, s’interroge accepte et un jour se révolte pour sauver à la fois sa vie et celle de ses enfants. Une vie de femme qui a hélas toute sa place en 2023.
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l’érable, mais elle n’entre pas dans la maison. Elle n’y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l’après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c’est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu’elle a de la chance avec la lumière d’octobre, la cour de la maison, l’érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu’à elle dans l’air chaud et bleu. Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Les Sources est le nouvel opus de Marie-Hélène Lafon après Histoire du fils, prix Renaudot 2020.
Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel.
Date de parution : 05/01/2023 / 16,50 € / 128pages / ISBN : 978-2-283-03660-0