Les monstres, Maud Mayeras

Âmes sensibles s’abstenir, pour les autres, accrochez-vous, quelle claque !

Dans mon panthéon personnel des familles dysfonctionnelles, il y avait Turtle et son père dans My absolute darling, un père survivaliste qui élève sa fille pour qu’elle s’en sorte, dans une relation aussi ambiguë que destructrice.

Désormais il y aura aussi Eine et son père Aleph, une famille cachée dans son terrier, une mère apeurée qui obéit et tente de protéger ses deux enfants.

Ils vivent à l’écart du monde, seul le père va à la ville chercher des provisions pour ses monstres, ses enfants qu’il protège du regard et de la folie des humains. C’est lui qui les nourrit, ils restent à l’abri, sous terre. Mais un jour il a un problème et doit être emmené à l’hôpital. C’est ce même jour que toute la région s’affole car le barrage risque de céder et d’engloutir la vallée et tous ceux qui vivent en aval. Il faut évacuer toutes les habitations.

Eine et son frère sont des monstres, ils le savent, l’affirment, le revendiquent, leur père le leur a assuré, c’est la seule vérité qu’ils connaissent. Lorsque les secours tentent de les faire sortir du terrier, leur monde fermé s’écroule, leur abri devient piège, la confiance est détruite, ils doivent fuir, agir, se battre avant d’être dévorés par plus monstrueux qu’eux. Commence alors une lutte sans merci, à la vie à la mort pour échapper aux humains, ou aux monstres, c’est selon. Mais comment pourront-ils se confronter à l’extérieur après avoir vécu ainsi terrés, à l’abri, trompés, manipulés.

Étonnant roman, noir, très noir, un peu de survivalisme, un lien avec ces affaires sordides d’enfant enlevées, comme celle de Natasha Kampusch, de familles cachées. Inceste, viol, violence, mort, terreur, rien n’est épargné aux personnages que nous offre l’autrice. Intéressant aussi de se poser les bonnes questions, à travers l’éducation, la formation, la domination et les sentiments, comment et jusqu’à quel point peut-on assujettir l’autre.

Le chapitres, courts et dynamiques, alternent avec des extraits de contes, pas toujours bienvenus ou compréhensibles, ça casse le rythme, mais c’est peut-être fait exprès, pour rendre moins violente cette course pour échapper aux humains ?

Âmes sensibles prière de s’abstenir. Il faut être en forme pour attaquer ce livre et résister aux monstres, mais je vous assure qu’on ne peut plus le lâcher quand on commence, il faut juste trouver le bon moment !

Catalogue éditeur : Pocket

Ils vivent dans un « terrier ». Les enfants, la mère. Protégés de la lumière du jour qu’ils redoutent. Sales et affamés, ils survivent grâce à l’amour qu’ils partagent et grâce à Aleph, qui les ravitaille, les éduque et les prépare patiemment au jour où ils pourront sortir. Parce que, dehors, il y a des humains. Parce que eux sont des monstres. Et tant qu’ils ne seront pas assez forts pour les affronter, ils n’ont aucune chance.
Mais un jour Aleph ne revient pas, et les humains prédateurs cognent à leur porte. Alors, prêts ou pas, il va falloir faire face, et affronter cette terrifiante inconnue: la liberté.

Date de parution : 13/01/2022 / 8.30 € / EAN : 9782266320221

La mémoire de nos rêves, Quentin Charrier

Un roman de vie et de regrets, de souvenirs et de rencontres

Le jour où Simon apprend le décès de Franck, c’est sa jeunesse qui lui revient en mémoire. L’enfance avec ses bons et ses mauvais moments, Simon, Franck, et Clarisse. Et le chassé croisé de leurs rencontres et de leurs séparations pendant toutes ses années.

Aujourd’hui, Simon a trente deux ans et doit aller reconnaître le corps de Franck à la morgue. Un décès tristement solitaire, brutal, banal. Mais impossible de rester indifférent à cette perte ; car même si rien ne les rapprochait au départ, ils étaient amis. Depuis l’école, l’enfance, les quatre-cent coups, les accidents de la vie, les joies et les peines, les échecs pour l’un, la triste banalité du quotidien pour l’autre.

Simon, fils de bonne famille, relativement aisée, et Franck, le demi-gitan un peu voyou sur les bords que la vie n’a décidément pas gâté, et pour compléter le trio, Clarisse qui tente par les études de se sortir de sa condition. Chacun va poursuivre sa route, et leurs trajectoires vont se croiser et se séparer au fil des ans. Bien sûr, des garçons amoureux de Clarisse, bien sûr Clarisse amoureuse mais qui n’ose rien avouer, bien sûr la vie qui en décide autrement.

Mais avec le décès de Franck, Simon retrouve Clarisse et tous les deux embarquent presque par hasard pour un mini roadtrip qui les entraîne vers le passé de Franck, à la rencontre des questions sans réponses de leur propre passé.

J’ai aimé découvrir à la fois le rythme et les protagonistes principaux de ce premier roman. La singularité de chacun des personnages d’abord, leur milieu, leur éducation, leurs aspirations, le poids de la famille et du déterminisme social, difficile de se comprendre lorsque l’on n’est pas « du même monde », tous ces éléments sont plutôt bien mis en scène.

L’auteur n’a pas utilisé de chronologie pour évoquer les événements du passé. Un peu comme si les souvenirs affleuraient au hasard des rencontres, des conversations, des personnages retrouvés. Les révélations permettent peu à peu au lecteur de découvrir la complexité des relations entre chacun. Trois jeunes gens noyés sous les non-dits, empêchés par leurs silences et leur timidité, par leur manque de confiance aussi sans doute. Des destins finalement pas aussi brillants que ce qu’ils avaient imaginé, des rêves loin d’être réalisés, et la banalité du quotidien pour meubler les jours de solitude. La vie, en somme.

Catalogue éditeur : Grasset

Simon, la trentaine, prof en banlieue parisienne, reçoit un appel de la morgue. Franck Aubert est mort, il faut identifier le corps. Vingt ans d’une amitié étrange défilent soudain  : celle qui, depuis l’enfance, l’aura tenu lié à ce gamin frondeur, demi-gitan et orphelin de père devenu délinquant puis caïd. Franck, auquel tout l’opposait, lui, le fils de médecin à l’avenir serein. En même temps que remontent les souvenirs, reviennent les sentiments. Notamment ceux qu’il garde pour Clarisse, son premier amour et ultime pièce de cet impossible trio amical. Les funérailles de Franck lui permettent de la revoir. Ensemble, ils partent dans le centre de la France prévenir la fille et l’ex-compagne de leur ami. Un voyage au cœur de leur mémoire et des rêves qu’ils avaient.

Parution : 11 Janvier 2023 / Pages : 320 / EAN : 9782246832041 prix :22.00€ / EAN numérique: 9782246832058 prix : 15.99€

Pour Tommy 22 janvier 1944, Hélios Azoulay et Bedrich Fritta

Que d’émotion à la lecture de ce court recueil pas ordinaire. Lorsque j’en ai entendu parler aux informations il y a quelques semaines, je n’imaginais pas qu’il serait aussi vite entre mes mains. J’en suis vraiment ravie.

Ces dessins de Bedrich Fritta pour son jeune fils Tommy ont été réalisés dans le camp de Terezin. Cinquante-deux aquarelles découvertes après guerre là où elles avaient été cachées, avec d’autres dessins de cet artiste et d’autres artistes internés avec lui avec qui il avait été contraint de travailler pour les nazis.

Fritta a fait ce recueil pour son fils interné dans le camp avec lui et sa femme. Une couverture en sac à pomme-de-terre, ce petit livre carré contient des dessins en forme de cadeau d’anniversaire, de cadeau de vie, souvenir d’un père aimant qui espère que son fils sortira vivant de l’horreur qu’ils vivent au quotidien.

Les artistes internés devaient travailler au service des nazis pour réaliser des plans, dessins, graphiques, tableaux. Mais ils ont également utilisé leur art pour laisser des traces et réaliser les dessins interdits qui pouvaient leur coûter cher, et qui leur ont coûté la vie pour la plupart.

Le 17 juillet 1944 après la découverte de quelques uns de ces dessins interdits, Bedrich Fritta, Leo Hass, Ferdinand Bloch, Norbert Troller et Otto Ungar sont arrêtés, torturés, puis en octobre déportés vers Auschwitz. Fritta meurt là-bas, mais Leo survit, il a donné sa parole, il va s’occuper de Tommy.

C’est aussi Leo qui revient au camp de Terezin pour retrouver et sauver les dessins qui sont toujours dans leurs cachettes. C’est à cette occasion qu’il découvre le livre de Tommy. Avec sa femme, ils adoptent Tommy et l’élèvent comme un fils. Il remet ce livre à Tommy pour ses dix-huit ans. Tommy est décédé en 2015, mais à travers son livre, c’est son histoire et celles des hommes artistes de Terezin qui se prolonge à travers le temps pour ne jamais oublier.

Un livre comme un miracle, le don d’un père à son fils à travers la mort, un père qui dessine l’amour, la vie, l’espoir.

Le livre de Tommy est ici complété par les superbes textes d’ Hélios Azoulay, empreints de justesse, pudeur, sincérité, et d’une grande émotion pour dire ce qui a été.

Catalogue éditeur : éditions du Rocher

Terezín, 22 janvier 1944. Tommy a trois ans.

Pour son anniversaire, son père, le peintre Bedrich Fritt a, lui offre un livre qu’il a lui-même dessiné. Une histoire rien que pour lui. 52 petites aquarelles sublimes de beauté, de délicatesse et d’humour. Et il y a tant de tendresse, tant de poésie dans cet ultime cadeau d’un père à son fils que cela semble inconcevable qu’il ait pu voir le jour dans un camp, des mains d’un homme cerné comme tous les siens par la terreur et la mort.

Le père mourut déporté à Auschwitz. L’enfant survécut.

Dialoguant à travers le temps, l’écrivain Hélios Azoulay raconte l’histoire de Tommy, de son livre, de cet héritage. Des pages d’une profondeur saisissante, dont on ressort étourdi et bouleversé.

Bedrich Fritta est né en Bohême, à Visnová, en 1906. De son vrai nom Fritz Taussig, il a été graphiste et caricaturiste à Prague. Déporté à Theresienstadt en 1941, il dirige le Bureau de dessin du Département technique. En juillet 1944, il est arrêté pour « propagande mensongère». Torturé, il est envoyé à Auschwitz où il meurt le 4 novembre 1944. Ses dessins clandestins et son livre Pour Tommy sont parmi les plus grands chefs-d’œuvre à être revenus des camps.

Hélios Azoulay est compositeur, clarinettiste, écrivain, comédien. Artiste insaisissable, il se déploie à travers une œuvre d’une extraordinaire liberté. Parmi sa production littéraire, citons L’enfer a aussi son orchestre, sur les musiques composées dans les camps dont il est devenu l’interprète de référence avec l’Ensemble de Musique Incidentale qu’il dirige. Ses romans, Moi aussi j’ai vécu (Flammarion) et Juste avant d’éteindre (Le Rocher), ont tous deux été adaptés au théâtre.

160 pages / 16,00 x 16,00 cm / Date de parution 18/01/2023 / ISBN 978-2-268-10799-8 / EAN 9782268107998 / 17,90€ TTC

Kimono, musée du Quai Branly jacques Chirac



Plus de 200 kimonos, anciens et plus modernes, mais aussi objets, gravures, etc. sont là pour nous raconter l’histoire de ce vêtement emblématique porté au Japon depuis le XVIIe siècle.
Un kimono est toujours en forme de T, sa diversité vient du choix des matières, broderies, accessoires associés.
On peut d’ailleurs voir dans cette expo une grande variété de tissus, soieries, cotons, et de somptueuses broderies.
Mais aussi techniques de teinture particulières, comme le Kanoko shibori, ou couleurs extravagantes à base de pigments naturels.

Vêtements aussi bien féminin que masculin, porté à tout âge, y compris par les enfants. Il existe depuis plus de 1000 ans.
Ici, on peut voir des vêtements de l’époque Edo, de 1603 à 1868 jusqu’à aujourd’hui.

S’il est un vêtement emblématique de l’histoire du Japon, il est également toujours d’actualité.

On peut voir des pièces rares comme un kimono fabriqué par Kunihiko Moriguchi, mais aussi Yves Saint Laurent, John Galliano, etc. car il est toujours une source d’inspiration pour les grands couturiers.

L’expo est magnifique. Réservation obligatoire, mais l’un des avantages de ce musée c’est que le billet dure toute la journée y compris si vous sortez. Je suis donc allée voir les blacks Indians le matin avec mon petit fils, et suis retournée seule l’après-midi voir cette somptueuse exposition.

Où : musée du Quai Branly jacques Chirac

Quand : jusqu’au 28 mai.

Black Indians de La Nouvelle-Orléans

En décembre je suis allée voir cette exposition que l’on pouvait voir jusqu’au 15 janvier 2023 au musée du quai Branly Jacques Chirac.

If you go to New Orleans you ought to go see the Mardi Gras” (Si tu vas à La Nouvelle-Orléans, tu devrais aller voir le Mardi Gras) disait déjà Professor Longhair dans son titre emblématique, Mardi Gras in New Orleans (1949). Aller là-bas pour le mardi gras, c’est un must car c’est l’événement par excellence qui incarne l’identité de La Nouvelle-Orléans. Le carnaval, ses chars et ses fanfares défilant dans le Vieux Carré de la ville. Mais ce que l’on découvrait en allant voir cette exposition, c’était ces festivités héritées de l’époque coloniale française, les spectaculaires défilés de Black Indians, avec leurs incroyables costumes colorés, ornés de perles, sequins et plumes.

« Ces parades sont un véritable marqueur social et culturel pour les Africains-Américains de Louisiane. Portées par les percussions et les chants des Big Chiefs et Queens issus d’une quarantaine de « tribus », elles célèbrent la mémoire de deux peuples opprimés, amérindiens et descendants d’esclaves. Elles témoignent de la résistance de la communauté noire aux interdits de la ségrégation raciale et aux festivités de Mardi Gras dont elle était autrefois largement exclue. Tout en rendant hommage aux communautés amérindiennes ayant recueilli les esclaves en fuite dans les bayous. »

J’ai visité cette exposition avec mon petit-fils de 7 ans qui a apprécié les fabuleux costumes contemporains mais aussi la partie plus ancienne qui retraçait l’histoire de cette région à partir des conquêtes française de Cavellier de la Salle jusqu’à nos jours. Avec bien sûr les tribus des Indiens natifs, puis l’esclavage et l’arrivée des africains sur le territoire, enfin la façon dont les descendants des afro-américains se sont emparés des traditions des amérindiens avec ces costumes colorés qui évoquent leurs tenues. La partie sur l’esclavage n’était pas forcément la plus facile à expliquer, mais elle l’a beaucoup intéressé. Choqué par cette notion d’esclavage et de privation de liberté, il en a je pense retenu l’essentiel.

L’exposition présentait ce que le musée appelle une culture singulière, construite par plus de trois siècles de résistance contre les assauts de la domination sociale et raciale, encore présente aujourd’hui. C’était en tout cas une véritable découverte, qui m’a donné envie d’aller faire un tour à la Nouvelle-Orléans si possible à cette période spécifique de l’année.

Cette exposition était organisée par le musée du quai Branly Jacques Chirac avec le soutien du Louisiana State Museum.

L’enfant du volcan, Léo et Ghyslène Marin

Revenir aux sources de la déchirure, pour ne pas oublier les drames du passé

Le volcan, celui de La Réunion, l’île intense, mais aussi cette île d’où sont partis plus de deux mille d’enfants ente 1964 et 1984, hier autrement dit, vers la métropole pour peupler les régions appauvries par l’exode rural massif. Plus de jeunes, plus de bras, vite, pourquoi ne pas mettre en place un vaste plan pour faire venir des orphelins de cette terre qui soit disant ne pourrait pas nourrir autant de monde. L’île était trop peuplée, suite à une trop forte natalité et à une faible mortalité. Ils allaient repeupler à peu de frais les familles, villages, fermes, de la Creuse et de quelques autres départements, Tarn, Gers, Lozère, Pyrénées-orientales.

Au départ pensé pour des orphelins, l’opération s’est avérée être un vaste mensonge orchestré par le BUMIDOM et la DDASS, sous l’égide de Michel Debré, alors préfet de La Réunion. Ce déplacement d’enfants n’a pas toujours été souhaité par des parents à qui on a largement menti. On leur a fait signer des papiers d’abandon alors qu’ils savaient à peine lire, et de fait, une faible minorité seulement de ces enfants étaient réellement orphelins.

Dans le village de Sainte-Avre, le château est devenu l’un de ces orphelinats qui accueillent les enfants de là-bas. Il est dirigé d’une main de fer par madame et mademoiselle, deux sœurs portées sur la religion et le méthodes radicales pour faire passer le message, autorité, respect, silence.

Là, certains enfants ont beaucoup de mal à s’habituer. Cauchemars, angoisses, nuits sans sommeil, terreurs enfantines, rien ne leur est épargné dans cet environnement austère et déshumanisé. Bien sûr il y a le jour des familles pour tester lesquels pourraient être adoptables, ou pourraient bien servir à la ferme, pourquoi pas. Et puis il y a ceux qui restent un peu plus longtemps.

Mila est de ceux là.

Mila aime aller au village, et s’asseoir dans l’épicerie d’Ernestine la silencieuse et d’Hector son époux que certains jugent pas fini. Au fil des ans, une forme d’amitié se noue entre la petite fille venue de loin et ce couple bizarre. Mila est une des rares à vouloir savoir d’où elle vient, qui étaient ses parents, comment ils sont morts, et cherche à comprendre pourquoi elle et tant d’autres se sont retrouvés là. Elle bouscule les certitudes ou les silences acceptés par d’autres, rejette obstinément cette facilité d’oubli qui permet de mieux vivre le présent.

Lorsque l’amitié entre ce couple vivant déjà presque en marge du village et l’enfant du volcan devient trop grande, tout sera mis en œuvre par l’administration pour les séparer. La méchanceté des villageois aidant fortement à faire le mal là où un bonheur simple aurait pu leur être offert.

Des années plus tard, c’est Ernestine qui nous raconte leur histoire.

J’ai aimé cette façon toute en émotion de nous présenter cette période souvent méconnue de notre histoire récente. Toujours passionnée par cette île, La réunion, j’ai lu pas mal de choses à ce sujet, et quelques romans dont Les enfants du secret, de Marina Carrère d’Encausse. Le sujet n’est pas facile à traiter, il l’est ici avec une pudeur qui laisse transparaître l’émotion et la douleur, les questionnement et les attentes.

Malgré quelques longueurs, on se laisse surprendre par le récit d’Ernestine. Les trois personnages principaux sont attachants chacun à sa manière. Totalement décalés dans le monde qui les entoure, ce sont pourtant eux qui démontrent les plus beaux sentiments, sensibilité et amour, soucis de l’autre, intérêt pour leur prochain. Ils ne nous laissent jamais indifférents. J’aurais aimé en fin du roman un peu plus d’explications sur le sort de ces enfants, mais heureusement pour ceux qui veulent faire la démarche, internet est aussi là pour ça.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Saint-Avre, village de la Creuse vidé par l’exode rural. Le château, devenu un orphelinat, vient d’accueillir des enfants d’ailleurs, dont Mila, une petite Réunionnaise, arrachée à son île et à sa famille. La fillette trouve auprès d’Ernestine et d’Hector, les épiciers du village, un peu de réconfort. Or, l’attachement profond qui se crée entre ce couple sans enfant mais débordant d’amour et cette gamine livrée à la solitude et au racisme semble contrarier les autorités administratives…

Parution 01 février 2023 / Prix édition Brochée 20,90 € / 320 pages / EAN : 9782226476746

Wanted, Claire Delannoy

Fin de cavale d’une princesse jardinière, solitaire icône du terrorisme

Elle, Elsa, étudiante en médecine, s’est laissée embringuer par de jeunes utopistes vaguement révolutionnaires. Dans l’impatience de la jeunesse, bourrée de certitudes, elle a tout abandonné pour vivre avec eux, JR, K, Achille, jusqu’au jour où… Hold-up raté, mort, arrestation, cavale, sa vie n’a plus été qu’une fuite de chaque instant. Mais qui est-elle vraiment, une icône terroriste ou une jeune femme piégée ?

Lui, Anton, enquête pour la retrouver. C’est son métier et il touche enfin le but. Mais peut-être est-ce une sorte de fatalité qui l’amené là, auprès d’elle, celle qu’il recherche inlassablement, obstinément depuis tant d’années.

Assise sur le rocking-chair, chaque jour, elle l’attend. Et chaque fois elle se raconte, elle revit les amitiés parfois toxiques qui l’ont conduite à faire ce voyage. Une vie de cavale passée à se cacher dans différents pays, elle est vite devenue très douée pour le camouflage, mais surtout une vie affreusement solitaire.

Son travail d’introspection forcé lui permettra peut-être de faire la lumière sur un événement précis, celui qui a changé le cours de son existence à jamais.

Et si c’était enfin l’occasion de dire, de se libérer, d’avouer et de vivre plus sereinement le début du reste de sa vie.

Elle le sonde, d’où vient-il, pourquoi est-il là, comment et quand l’a-t-il retrouvée, jusqu’à ce que peu à peu, lui aussi se dévoile. N’est-il que ce sale type à la poursuite d’un gibier  ou au contraire quelqu’un de plus proche qu’il n’y paraît ? Car un lien invisible semble les relier, à elle de le trouver, à lui de le révéler.

Étonnant roman sur une rencontre improbable, celle de ces deux êtres que tout oppose et sépare, en apparence du moins. Sur le pourquoi ou le hasard des grands engagements, ceux de la jeunesse, ceux que l’on prend parfois sans en peser les conséquences. Sur les faiblesses, les manipulations, l’emprise, mais aussi les remords et les regrets.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Au fil d’un face à face subtil et sinueux, Elsa et Anton, deux êtres qu’apparemment tout oppose, vont se livrer à une exploration de leur passé, à commencer par celui d’Elsa, l’engagement révolutionnaire de sa jeunesse, sa cavale sous des identités diverses pour échapper à l’image qu’on lui a assignée. Revisitant les utopies des années 1968, sondant le travail du temps et la distance lucide qu’il instaure entre les événements et soi, Wanted est aussi une invitation au dépouillement et à la sérénité.

Claire Delannoy est éditrice et auteure de plusieurs romans, dont La guerre, l’Amérique (Goncourt du premier roman) et Méfiez-vous des femmes exceptionnelles. 

17,90 € / 01 février 2023 / 128 pages / EAN : 9782226480033

L’archiviste, Alexandra Koszelyk

Je suis attirée par la couleur pure, couleurs de mon enfance, de l’Ukraine, Sonia Delaunay

Alexandra K est une passeuse de mots, d’âmes, d’histoires, celles d’un peuple qui depuis trop longtemps doit plier face à l’envahisseur. Ce peuple qui a été contraint d’abandonner sa langue déjà depuis les années 1930, et donc sa mémoire, son histoire. Ce peuple aujourd’hui encore envahi et meurtri par la puissance soviétique qui rêve de l’anéantir.

K vit avec une montre arrêtée à 19h06, l’heure de l’invasion, de la guerre, de la défaite. Elle s’occupe de sa mère malade à qui elle ne dit rien de la situation en ville et dans le pays. Elle a une sœur jumelle, Mila, partie photographier les combats, dont elle est sans nouvelle.
K est archiviste. Elle a refusé de fuir. Les œuvres d’art, livres, sculptures, tableaux majeurs du pays ont été mis à l’abri dans sa bibliothèque aux sous-sols infinis. Chaque jour elle protège ces richesses, accompagnée d’ombres invisibles et protectrices qui veillent avec elles. Mais c’est sans compter sur la visite de l’homme au chapeau qui doit mener à bien un grand projet de révisionnisme d’état. Il représente l’envahisseur et demande à K d’annihiler les traditions et la culture de son pays en falsifiant et en détournant un certain nombre d’œuvres majeures. K peut-elle se soustraire à ses ordres alors qu’il détient sa sœur jumelle sur qui il a droit de vie ou de mort.

De chapitre en chapitre, l’homme au chapeau lui présente les œuvres ou les artistes sur lesquels elle doit travailler. Et chacun est prétexte à nous parler avec poésie et dans une atmosphère fantastique et envoûtante qui allège les douleurs, de la culture et des traditions de l’Ukraine, ce pays cher au cœur d’Alexandra Koszelyk.

J’y retrouve ce qui constitue un pays, ses traditions, son histoire, sa culture, et découvre ces artistes qui ont agit pour que vive et survive leur art.

Si le tournesol est l’une des fleurs emblématiques de l’Ukraine, ici ce sont les soucis qui fleurissent. Cette fleur orange appelée la chornobryvtsi est plantée partout et prolifère dans les jardins et au bord des routes ;
L’hymne national créé par Mukhailo Verbytsky en souvenir de l’Hematat, premier état ukrainien fondé par les cosaques en 1649, et les coutumes des cosaques ;
Mais aussi Kharkiv et les tentatives de faire taire à jamais les joueurs de bandoura, l’instrument de musique traditionnel de l’Ukraine ;
Les vitraux d’Alla Horska, artiste assassinée comme tant d’autres dans les années 70, et la poésie de Taras Chevchenko ou de Lessia Oukraïnka ;
Les peintures naïves de Maria Primatchenko, dénigrée et rejetée par l’académie mais certaine d’être dans la bonne voie ;
La littérature de Mykola Gogol et son envie de parler de son pays même en exil à Paris ;
L’artiste peintre Sonia Delaunay et ses magnifiques œuvres colorées pour peindre les sentiments les émotions ;

Chacun à sa manière donne sa force à K, lui montre le chemin, ombres bénéfiques qui veillent sur elle et sur la culture et les traditions d’un pays meurtri.

Comment ne pas évoquer enfin les grands événements qui ont marqué le pays. L’Holodomor, la grande famine orchestrée par Staline pour vider l’Ukraine de ses habitants, mais aussi Tchernobyl ou la révolution de Maïdan. Ces événements meurtriers que l’on peut rapprocher de ce que vit l’Ukraine aujourd’hui.

Ce que j’ai aimé ?

Découvrir cette culture que je connais trop peu et bien mal, et j’ai vraiment envie de m’y plonger plus avant pour mieux découvrir les œuvres et les artistes. D’ailleurs, si j’ai mis quelques jours à le lire, c’est surtout par envie de noter des noms, de les chercher sur internet pour commencer à mieux connaître ces artistes. Merci Alexandra K pour ce magnifique roman, l’écriture est vraiment la plus belle façon de prendre les armes. A vous maintenant de lire L’Archiviste ce roman qui nous fait mieux comprendre le pouvoir que détiennent les livres et la culture pour forger une nation.

Catalogue éditeur : Aux forges de Vulcain

K est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur des œuvres d’art. Lors de l’évacuation, elles ont été entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d’un des envahisseurs, qui lui demande d’aider les vainqueurs à détruire ce qu’il reste de son pays : ses tableaux, ses poèmes et ses chansons. Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l’enjeu est l’espoir, espoir d’un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.

18.00 € / 272 pages / ISBN : 978-2-373-05655-6 / Date de parution : 07 Octobre 2022

Nom, Constance Debré

Elle n’écrit pas, elle boxe

Nom, ce sont des mots balancés comme des coups de poings pour dire non. Non à la vie, à l’enfance obéissante, à la bourgeoisie, à la famille. À tout ce qu’elle a été pour se conformer aux règles mais qu’elle a rejeté en bloc et qu’elle ne veut plus jamais être.

Renier sa famille, sachant que ses propres parents sont décédés c’est enfin possible peut être, il faut dire qu’il sont vraiment singuliers, opium, alcool, drogue, violence, une forme de déchéance, pas facile de grandir dans cette famille là.

Renier aussi une sœur des oncles des cousins un mari un fils des amantes des femmes qui passent que l’on aime et puis que l’on n’aime plus.

Renier pour enfin vivre être aimer crier dire exploser se battre rejeter abandonner prendre, parce que c’est ça ou P. L. U. T. Ô. T  C. R. E. V. E. R

Rejeter tout héritage matériel ou immatériel, y compris filial, moral, mais pas que. Vivre dans une chambre de bonne ou squatter chez les amis ou chez les rencontres d’un jour. Quitter son métier, sa famille, sa vie. Même son nom, le refuser de toute son âme de tout son corps androgyne fluet mais solide comme un roc. Elle nage vers sa vie, solitaire et forte, après avoir accompagné le père vers sa mort, dans le silence et la communion, enfin. Celui à qui elle ressemble le plus sans doute. Celui qui dénote dans cette famille bourgeoise obéissant aux règles et patriote, qui a fourni ministres et députés, rabbins et médecins, savants et artistes, à la République qu’elle respecte et dont la constitution fut écrite par le grand-père.

C’est une drôle d’expérience de lire un roman de Constance Debré. Explosent à chaque page la négation et le rejet de tout ce qu’elle a été, le désir de ne plus rien posséder, l’envie de tout jeter… même les livres. Et pourtant désormais sa vie ce n’est plus d’être avocate pour défendre les pauvres et les bandits mais écrivain pour publier les livres qui vont réveiller tous ces lecteurs abrutis par la vie confortable ou désespérée qu’ils vivent sans même avoir l’idée de chercher à en sortir. Vous et moi en quelque sorte. Des livres signés Debré quand même. Rejet du nom mais seulement jusqu’à un certain point ?

Ça cogne et ça bouscule dans ces pages, je ne sais pas si l’idée est de choquer le lecteur pour lui donner envie de se réveiller, ou au contraire l’envie de refermer le livre en se contentant de continuer à vivre comme avant. Mais il me semble que ça doit changer bousculer éveiller quelque chose chez chaque lecteur, d’une façon ou d’une autre. A moins que ce ne soit pour se convaincre elle-même du bien fondé de tous ces rejets. Le livre d’une écorché vive peut-être. Si j’ai ressenti une profonde violence dans les mots, la façon de vivre, les actes, la solitude et le dénuement assumés, il m’a semblé aussi percevoir une douleur en trame de fond. Alors bien que l’on soit parfois mal à l’aise ou un peu dubitatif à cette lecture, elle est vraiment intense et j’avoue qu’elle ne m’a pas laissé indifférente.

Catalogue éditeur : J’ai lu, Flammarion

« J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut. »

Paru le 01/02/2023 / 7,00€ / 160 pages / EAN : 9782290380321

La sélection des titres en lice pour le Prix Audiolib 2023

Cette année encore, pour mon plus grand bonheur, je vais participer au jury du Prix du meilleur livre audio avec les éditions Audiolib.

Mais alors, quels sont les livres dans la course pour remporter le Prix Audiolib 2023 ? Et surtout, le prix Audiolib, qu’est-ce que c’est ?

Il a été créé en 2013 et récompense chaque année le meilleur livre audio des éditions Audiolib.
Le jury des blogueurs dont je vais faire partie va devoir sélectionner les 5 finalistes après l’écoute attentive des 10 titres en lice. Ensuite, les lecteurs – vous par exemple ?- éliront leur ouvrage préféré lors d’un vote en ligne qui déterminera le lauréat du Prix Audiolib 2023.

En 2022, c’est Laura Imai Messina qui a été récompensée pour Ce que nous confions au vent, traduit par Marianne Faurobert et lu par Clara Brajtman.

La sélection 2023 :

Comme vous pouvez vous en douter, j’ai vraiment hâte de recevoir ces nouveaux titres et de les découvrir !

Et si vous voulez lire les avis des jurées qui vont partager l’aventure avec moi, voici le liens vers leurs blog ou leurs chaînes Youtube :