Un incroyable fait divers aussi émouvant que déstabilisant

Le 4 fĂ©vrier 1912, un homme se prĂ©sente Ă l’aube au pied de la tour Eiffel. Il a obtenu de la prĂ©fecture l’autorisation de faire un essai de saut avec un parachute de son invention, saut qui sera effectuĂ© par un mannequin. Mais ce matin-lĂ , Franz Reichelt dĂ©cide qu’il sera le seul Ă tester sa crĂ©ation, qu’il se jettera des cinquante-sept mètres du premier Ă©tage de la tour.
Aucun suspense quant Ă l’issue de ce saut, ce sera hĂ©las le premier mort filmĂ© de l’histoire du cinĂ©matographe. Comment en est-il arrivĂ© lĂ ? Qui est-il ? Et pourquoi en parler aujourd’hui dans ce roman ?
SubjuguĂ© par le photos de cet homme qui pose dans un Ă©trange costume bouffant, avec des coutures, des armatures, et du tissus Ă ne plus savoir qu’en faire, Étienne Kern tente de comprendre qui il Ă©tait et qu’elle idĂ©e folle lui est passĂ©e par la tĂŞte pour aboutir Ă ce jour funeste du 4 fĂ©vrier.
M., une amie de l’auteur, souffre d’une maladie grave. Il sont très liĂ©s, pourtant c’est par un tiers qu’il apprend qu’elle s’est jetĂ©e de son balcon pour en finir avec cette vie de souffrance.
Ces deux envolés deviennent alors le fil conducteur de ce roman singulier.
Franz Reichelt est arrivĂ© d’un village près de Prague en Bohème. Issu d’une famille de cordonniers, c’est la couture qui le sĂ©duit. Rapidement il fait ses classes puis installe son atelier en France, près de l’OpĂ©ra, Ă Paris. Franz Ă©tait l’ami d’Antonio, un crĂ©ateur comme lui. ArrivĂ© d’Espagne, il a endurĂ© lui aussi la mĂ©fiance des français envers les Ă©migrĂ©s. Tout les rapproche tant qu’ils deviennent amis. Mais un jour, Antonio se prend d’amour et de passion pour les aĂ©roplanes, ces drĂ´les d’engins volants dont on parle de plus en plus et pour lesquels les expĂ©riences les plus dingues sont menĂ©es par des fous qui n’ont peur de rien. De couturier expĂ©rimentĂ©, reconnu et raisonnable, Antonio devient rapidement un expĂ©rimentateur aussi dĂ©ment que les autres, jusqu’au jour oĂą il dĂ©cède dans son avion, alors qu’Emma, sa jeune Ă©pouse, vient de mettre au monde leur fillette.
Emma, jeune veuve et maman de la petite Rose arrive Ă Paris dans l’ex atelier de son Ă©poux,. Elle y trouve du travail. Elle rencontre Franz. Une relation plus intime se noue entre eux. Pour lui plaire, il cherche Ă rĂ©aliser le parachute qui aurait pu sauver la vie de son ami. Lorsqu’un concours est lancĂ© pour rĂ©compenser l’inventeur du parachute idĂ©al, Franz se jette dans la compĂ©tition. Puis expĂ©rimente son invention.
L’auteur pose de nombreuses questions. Pourquoi cet homme qui paraissait sensĂ© dĂ©cide ce jour-lĂ de tenter lui mĂŞme le saut qui causera sa perte ? Pourquoi personne dans son entourage n’a essayĂ© de l’en empĂŞcher ? Quelle folie prend ainsi ces hommes qui ont tentĂ© l’impossible pour voler, crĂ©er ces merveilleuse machines qui paraissent folles aujourd’hui mais qui ont Ă©tĂ© les prĂ©curseurs de l’aviation contemporaine ?
Le questionnement est intĂ©ressant, tout comme le parti pris d’Ă©voquer ces inventeurs pas toujours heureux. J’ai aimĂ© dĂ©couvrir la folie et le dĂ©sespoir qui se mĂŞlent Ă la joie de la rĂ©ussite.
J’ai aimĂ© dĂ©couvrir ce personnage totalement fou, qui n’a pas hĂ©sitĂ© une seconde avant de s’élancer vers sa mort. Ah, si seulement on pouvait savoir ce qu’il a pensĂ© pendant ces quelques secondes avant sa fin annoncĂ©e.
Le parallèle avec M., l’amie disparue est Ă©mouvant et interpelle. Qui sont ces envolĂ©s et comment en arrivent-ils lĂ ? Un roman aussi bouleversant que triste, Ă©tonnant qu’instructif, qui m’a donnĂ© envie d’aller chercher des informations sur Franz et les autres merveilleux fous volants dans leurs drĂ´les de machines. Il y a une grande poĂ©sie dans ces lignes. L’alternance entre le rĂ©cit intime de la relation Ă l’amie, les recherches pour se rapprocher de Franz sans jamais avoir pu le rencontrer, et la façon dont Étienne Kern se l’est appropriĂ© pour nous en restituer les sentiments et les interrogations m’a particulièrement sĂ©duite.
Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois
Catalogue édieur : Gallimard
4 février 1912. Le jour se lève à peine. Entourés d’une petite foule de badauds, deux reporters commencent à filmer. Là -haut, au premier étage de la tour Eiffel, un homme pose le pied sur la rambarde. Il veut essayer son invention, un parachute. On l’a prévenu : il n’a aucune chance. Acte d’amour ? Geste fou, désespéré ? Il a un rêve et nul ne pourra l’arrêter. Sa mort est l’une des premières qu’ait saisies une caméra.
Hanté par les images de cette chute, Étienne Kern mêle à l’histoire vraie de Franz Reichelt, tailleur pour dames venu de Bohême, le souvenir de ses propres disparus.
Du Paris joyeux de la Belle Époque à celui d’aujourd’hui, entre foi dans le progrès et tentation du désastre, ce premier roman au charme puissant questionne la part d’espoir que chacun porte en soi, et l’empreinte laissée par ceux qui se sont envolés.
Parution : 26-08-2021 / 160 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072920820 / 16,00 €