Nom, Constance Debré

Elle n’écrit pas, elle boxe

Nom, ce sont des mots balancés comme des coups de poings pour dire non. Non à la vie, à l’enfance obéissante, à la bourgeoisie, à la famille. À tout ce qu’elle a été pour se conformer aux règles mais qu’elle a rejeté en bloc et qu’elle ne veut plus jamais être.

Renier sa famille, sachant que ses propres parents sont décédés c’est enfin possible peut être, il faut dire qu’il sont vraiment singuliers, opium, alcool, drogue, violence, une forme de déchéance, pas facile de grandir dans cette famille là.

Renier aussi une sœur des oncles des cousins un mari un fils des amantes des femmes qui passent que l’on aime et puis que l’on n’aime plus.

Renier pour enfin vivre être aimer crier dire exploser se battre rejeter abandonner prendre, parce que c’est ça ou P. L. U. T. Ô. T  C. R. E. V. E. R

Rejeter tout héritage matériel ou immatériel, y compris filial, moral, mais pas que. Vivre dans une chambre de bonne ou squatter chez les amis ou chez les rencontres d’un jour. Quitter son métier, sa famille, sa vie. Même son nom, le refuser de toute son âme de tout son corps androgyne fluet mais solide comme un roc. Elle nage vers sa vie, solitaire et forte, après avoir accompagné le père vers sa mort, dans le silence et la communion, enfin. Celui à qui elle ressemble le plus sans doute. Celui qui dénote dans cette famille bourgeoise obéissant aux règles et patriote, qui a fourni ministres et députés, rabbins et médecins, savants et artistes, à la République qu’elle respecte et dont la constitution fut écrite par le grand-père.

C’est une drôle d’expérience de lire un roman de Constance Debré. Explosent à chaque page la négation et le rejet de tout ce qu’elle a été, le désir de ne plus rien posséder, l’envie de tout jeter… même les livres. Et pourtant désormais sa vie ce n’est plus d’être avocate pour défendre les pauvres et les bandits mais écrivain pour publier les livres qui vont réveiller tous ces lecteurs abrutis par la vie confortable ou désespérée qu’ils vivent sans même avoir l’idée de chercher à en sortir. Vous et moi en quelque sorte. Des livres signés Debré quand même. Rejet du nom mais seulement jusqu’à un certain point ?

Ça cogne et ça bouscule dans ces pages, je ne sais pas si l’idée est de choquer le lecteur pour lui donner envie de se réveiller, ou au contraire l’envie de refermer le livre en se contentant de continuer à vivre comme avant. Mais il me semble que ça doit changer bousculer éveiller quelque chose chez chaque lecteur, d’une façon ou d’une autre. A moins que ce ne soit pour se convaincre elle-même du bien fondé de tous ces rejets. Le livre d’une écorché vive peut-être. Si j’ai ressenti une profonde violence dans les mots, la façon de vivre, les actes, la solitude et le dénuement assumés, il m’a semblé aussi percevoir une douleur en trame de fond. Alors bien que l’on soit parfois mal à l’aise ou un peu dubitatif à cette lecture, elle est vraiment intense et j’avoue qu’elle ne m’a pas laissé indifférente.

Catalogue éditeur : J’ai lu, Flammarion

« J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut. »

Paru le 01/02/2023 / 7,00€ / 160 pages / EAN : 9782290380321

Au long des jours, Nathalie Rheims

Rencontre avec un homme remarquable

Nathalie Rheims se raconte de roman en roman, et j’avoue que j’aime cette écriture intime et universelle à la fois. Ici, c’est un vieux Polaroid la représentant à dix-huit ans avec un homme et pris par sa sœur qui est à l’origine de son 23e roman.

Dans Au long des jours, le lecteur part à la rencontre d’une jeune Nathalie de 18 ans. Depuis des années elle rêve de faire du théâtre. Une condition imposée par son père lorsqu’il rend les armes et accepte qu’elle quitte l’école si elle réussit à rentrer au Conservatoire. C’est chose faite alors qu’elle a tout juste 15 ans. Et la voilà qui joue rapidement avec des troupes d’acteurs plus âgés qu’elle, jeune artiste en devenir, adolescente sage qui s’endort avant les autres lors des tournées dans les théâtres de province.

Un soir, une amie arrive dans sa loge avec son ami qui est accompagné d’un homme bien plus âgé qu’elle. Pour Nathalie c’est le coup de foudre, immédiat, instantané. Un regard, quelques mots échangés, et lui vient aussitôt l’envie d’aller l’écouter chanter, car elle l’a reconnu et aime ce qu’il propose aux spectateurs et amateurs de ses textes et de sa musique.

C’est cette rencontre que l’autrice nous fait vivre ici. Mais aucunement de façon déplacée, au contraire, il y a la fois fois une grande pudeur et une étonnante sincérité dans les mots qui disent les regards, les échanges, les discussions, les gestes, qu’elle a avec cet homme qui a plus de 35 ans de plus qu’elle mais dont elle se sent si proche.

Si elle ne donne jamais son nom, sa photo en couverture du livre, son sourire, mais surtout les textes de ses chansons nous le dévoilent sans aucune hésitation. Mouloudji, français par sa mère, musulman par son père comme il le chantait, est un beau brun ténébreux au sourire dévastateur. C’est aussi un homme marié qui aime les femmes et ne s’en lasse pas, sans doute une conséquence de son enfance malheureuse auprès d’une mère malade. Loin de vouloir être voyeur ou d’étaler son intimité, ce roman, car c’en est un, nous faire pénétrer dans l’âme et les sentiments d’une jeune fille des années 70 bien dans sa vie, dans sa peau, dans son cœur et son corps.

Le livre est émaillé de noms d’artistes de cette époque, d’amis de Mouloudji, auteurs, poètes, écrivains, acteurs. C’est également un bel hommage à cet artiste un peu oublié aujourd’hui, à ses écrits, ses textes, sa voix et son œuvre que l’autrice m’a donné envie de redécouvrir.

J’ai aimé la suivre, les suivre, vivre leur amitié, leurs élans, et les douces pensées qu’il en reste aujourd’hui chez celle qui a vécu ces quelques mois d’une liaison heureuse et libre, bien que cachée et tue pendant tant d’années. L’écriture de Nathalie Rheims est toujours aussi agréable à découvrir, ni trop ni pas assez, et ce qu’il faut d’émotion pour nous emporter avec elle.

Catalogue éditeur : Léo Scheer

En 1977, la narratrice vient d’avoir 18 ans. Trois ans plus tôt, elle a fait ses débuts de comédienne. Un soir, après le spectacle, un visiteur se présente dans sa loge du Théâtre de la Ville pour la saluer. Commence alors, avec cet homme hors du commun, de trente-sept ans son aîné, une véritable passion amoureuse. C’est en voyant réapparaître par hasard, au fond d’un tiroir, un Polaroid pris par sa sœur à l’époque, que la romancière a eu, après toutes ces années, le désir de raconter cette histoire restée secrète.

Parution le 11 janvier 2023 / 176 pages / 17 euros / EAN 9782756114040

Les aiguilles de l’oubli, Alizée Ambroise

Un témoignage fort, émouvant, une écriture salvatrice

Elle a quelques semaines lorsque ses parents la déposent dans un orphelinat, et deux ans lorsqu’elle est prise en charge dans la famille de Nanou. Mais Nanou a déjà une fille, Nelly, pourtant, elle souhaite s’occuper aussi d’une autre enfant placée par la DDAS.
Alizée devait y rester deux ans, elle y passera son enfance avec toujours dans son cœur la crainte d’être à nouveau abandonnée, rendue à la DDAS, oubliée comme un vulgaire paquet dont on se débarrasse.

Pourtant jamais sa mère biologique ne l’abandonne, lui interdisant tout espoir d’être adoptée et de vivre heureuse dans une autre famille. Alors elle devra toute sa vie composer avec une Nanou qui l’élève tant bien que mal, mais sans vraiment l’aimer, avec une presque sœur Nelly, jalouse, qui ne l’a jamais adoptée ni acceptée, avec les questions qui forcément se posent un jour, d’où vient-elle, pourquoi a-t-elle été abandonnée et pas son frère, pourquoi n’a-t-elle jamais été aimée.
Elle grandi pourtant, se marie, étudie et devient professeur de français, mais toujours avec cette blessure à vif impossible à refermer.

Un cancer et de nombreuses séances de psy plus tard, Alizée décide d’écrire son histoire. Catharsis sur plaie ouverte, remède à l’abandon, tentative d’explication, mais c’est tellement difficile pour cette mère de trois enfants de se mettre dans la peau de celle qui l’a abandonnée.

Un témoignage fort, qui montre à quel point les blessures de l’enfance façonnent notre vie entière, qui montre aussi l’égoïsme de certains parents qui jamais ne font le bien de ces enfants qu’ils ont pourtant mis au monde.
Une lecture rapide, des moments forts et émouvants, un témoignage intéressant.

Catalogue éditeur : éditions LC

Tout à la fois abandonnée et non adoptable, Alizée n’est pas la bienvenue dans ce monde. Elle grandit avec peu d’illusions et peu de rêves, presque invisible, mais cible facile. Plus cruels que des cris ou des coups, les silences de son entourage passé l’enferment davantage et alimentent les questions toujours plus nombreuses : quelles raisons à son abandon initial ? Quelle force lui a permis de s’accrocher à la vie ? Où puise-t-elle l’énergie qui la rend si résistante aux combats ? Comment n’a-t-elle pas renoncé à aimer ? En se saisissant des mots, Alizée affronte ses démons d’hier et se réconcilie peu à peu avec elle-même. Un beau récit de vie et de résilience pour se rappeler que la vie est parfois cruellement belle.

En dépit d’une enfance chaotique et mal engagée dans l’existence, Alizée Amboise trouve, par une détermination sans faille, une forme de stabilité. Mariée et mère de trois enfants, elle exerce pendant plus de vingt-cinq ans le métier d’enseignante. A la cinquantaine, une avalanche de coups l’assaille. A bout de souffle, elle entame une thérapie au cours de laquelle ressurgissent ses traumatismes enfouis. En chemin vers sa libération, elle ose, pour la première fois, prendre la plume et s’exprimer au grand jour.

ISBN : 9782376961475 / 187 pages / 17,00€

Moon River, Fabcaro

Découvrir enfin l’univers singulier et décalé de Fabcaro

Dans les années 50 à Hollywood, sur le tournage d’un western, l’inspecteur doit mener l’enquête. Betty Mennuway, l’actrice qui tient le rôle phare a été agressée chez elle pendant la nuit, c’est très grave.

Le voilà arrivé sur place pour découvrir l’horreur absolue, ce dessin au feutre noir qu’un inconnu lui a fait sur la joue gauche. Enfin, pas n’importe quel dessin !
Et en plus, l’agresseur a oublié son cheval sur la scène du crime.
Commence alors une enquête minutieuse pour démasquer le coupable. D’autant que l’affaire fait la une de tous les journaux.

Totalement déjanté, en particulier avec les jeux des acteurs et les dialogues couchés sur le papier, des situations plus comiques que catastrophiques, des personnages plus farfelus que réalistes. Et en alternance quelques scènes de la vie d’un personnage qui pourrait bien être l’auteur lui-même.

Se lit vite, en prenant malgré tout le temps d’apprécier les jeux de mots et les situations décalées et suggérées. Une parodie singulière du Hollywood de l’époque des grands western parfois très caricaturaux.
C’est ma première lecture de Fabcaro, il semble que ce ne soit pas la meilleure alors il me faudra tenter les autres pour apprécier pleinement toutes les facettes de cet auteur.

Catalogue éditeur : 6 pieds sous terre

Hollywood, années 50. Au cœur de l’usine à rêves du cinéma, l’immense actrice Betty Pennyway est victime d’un crime sans précédent et particulièrement abominable. L’affaire fait la une de toute la presse et l’Amérique entière est en émoi.

La police de l’État fait appel au peu orthodoxe inspecteur Hernie Baxter pour mener cette délicate enquête qui secoue tout le petit monde du 7ème Art.

C’est une investigation sombre et mystérieuse fouillant dans les recoins les plus obscurs de la ville de Los Angeles qui s’engage, un périple aux confins de la folie qui risque bien de le mener jusqu’aux portes de l’enfer…

Date de parution16 sept. 2021 / 18 €

Les enfants endormis, Anthony Passeron

Dire pour ne pas oublier, un beau roman de filiation et de transmission

Les années 80, si certains l’ont oublié depuis longtemps, sont restées dans les mémoires comme étant les années SIDA. Ce cancer gay comme on a pu si injustement le nommer a touché de nombreux jeunes, et en particulier de jeunes accros aux injections de drogues fortes.

Dans la famille d’Anthony Passeron, famille installée depuis longtemps dans un village des hauteurs de Nice, c’est l’aîné, Désiré, le fils aimé, celui dont les parents attendait tout, qui a un jour pris ces chemins de traverse qui l’ont mené droit vers une mort annoncée.

Pourtant, avant, il y a une l’enfance et l’adolescence au village. Les parents qui tiennent une boucherie prospère. Une famille installée à l’ascension sociale emblématique de ces années que l’on a appelées les trente glorieuses, dans cette après guerre où tout était à reconstruire et où les courageux pouvaient se faire un nom et une place dans la société. Deux fils, l’un quitte l’école très tôt pour aider et sans doute succéder au père, l’autre rêve d’ailleurs, loin de ce coin de province où certes le soleil brille et le ciel est bleu mais où la jeunesse s’ennuie.

Ce seront donc Amsterdam, sa jeunesse cosmopolite, ses paradis artificiels, sa musique qui fait danser, ses filles que l’on aime avec tant de simplicité. Et sa drogue qui coule à flot dans les veines, celle des seringues que l’on s’échange, des enfants qui s’endorment à même le sol, seringue plantée dans le bras.

Mais une fois revenu au pays, ramené docilement au bercail familial par son jeune frère, Désiré va développer cette maladie inconnue dont on parle peu et que seuls quelques rares médecins parisiens ou américains essaient de comprendre à l’aube de ces années 90.

Tout le talent de l’auteur est ici non pas de nous parler de sa famille comme s’il souhaitait réaliser une catharsis, mais bien de nous faire vivre au rythme de la vie et des aspirations déçues de la jeunesse des années 80. Et en alternance, dans les recherches, les hésitations, les échecs et les découvertes de la médecine des deux côtés de l’atlantique. Le parallèle est alors fait entre l’intime et le social. D’une part avec le cocon familial dans ce qu’il a de plus secret, même dans un village où tout se sait. Et d’autre part avec la vie des médecins et des chercheurs de l’époque, la complexité de leur travail, les refus, le poids et la charge affective de cette maladie dans une société intolérante et pas préparée, où la méconnaissance du virus, de la façon dont il se propage, a engendré bien des solitudes, des désespoirs et des incompréhensions dans les familles des malades, autour d’eux et jusque dans la société.

Ce livre est d’autant plus intéressant que les proches des malades de l’époque sont ceux qui peuvent encore dire, eux qui ont été les témoins de leurs souffrances et du rejet de la société, à un moment où la jeunesse oublie parfois un peu trop que la maladie, loin d’être éradiquée, touche encore beaucoup de monde alors que la médecine n’a toujours pas de solution pour la guérir.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Globe

Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d’interroger le passé familial. Évoquant l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l’apparition du sida dans une famille de l’arrière-pays niçois – la sienne – et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.

Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d’un paria.

288 pages / 20 € / 978-2-38361-120-2 / Parution : 25 août 2022

Le duel des grands-mères, Diadié Dembélé

Aller aux origines, retrouver ses racines pour trouver son chemin

A Bamako il est de bon ton de mettre ses enfants à l’école française pour qu’ils puissent un jour devenir des fonctionnaires, comme les voisins.

Hamet est de ces enfants qui doivent oublier les dialectes, bambara ou soniké pour ne parler que le français mieux que les français. Mais c’est un enfant indiscipliné qui préfére retrouver les copains, manger en cachette, faire l’école buissonnière, tout plutôt que de risquer d’avoir le symbole, cette pénalité qui s’impose à ceux qui n’ont pas parlé correctement. Alors il parle en signes, c’est plus sûr, alors il fugue en cachant son sac, et doit élaborer des mensonges en espérant ne pas se faire prendre.

Mais lorsque Mr Diarra dévoile le subterfuge à M’ma la leçon est difficile à recevoir, des cours chaque jour de la semaine, et des cours les samedi et dimanche. Puis lorsque le jeune Hamet dépasse les bornes en maquant de respect à l’un de ses proches, la sentence est encore contraignante. P’pa l’a décidé depuis la France où il tente de gagner de quoi faire vivre la famille, Hamet doit quitter Bamako pour être envoyé au village. Le village des origines, là où se trouvent ses deux grands-mères, le village des vraies identités, un terrain miné où tout est danger pour celui qui débarque de la ville.

Là, il va apprendre ce qu’est la vie au village, la nourriture différente de celle à laquelle il était habitué, l’eau au goût saumâtre, le manque de fruits et de légumes frais. Mais surtout les habitudes de chacun, le travail au champs, les regards de ceux pour qui il est un étranger, les rivalités.

Ses journées deviennent autres, travailler au champs, jouer avec les enfants de ce village, et surtout découvrir l’histoire de sa famille.

Peu à peu, Hamet va entrer dans la vie de ce village, comprendre et apprécier ceux qui l’entourent, et enfin entendre les vieilles histoires de famille qui lui permettent de mieux comprendre ses parents restés à Bamako. Car est-il encore besoin de le démontrer, les secrets de famille polluent bien plus que ceux qu’ils ont affecté au départ.

L’écriture est vive, imagée, bourrée de mots de dialecte qui rendent encore plus vivants et réalistes les mots et les sentiments du jeune Hamet. Parfois un peu trop pour suivre sereinement le cours de l’intrigue, mais cela renforce aussi l’impression d’un vécu. Il y a autant d’impertinence que d’émotion, de passion que de sagesse en devenir dans ces moments de vie au contact des autres, à la fois inconnus et pourtant si proches. Un bémol, ce duel sans doute trop attendu, le conflit entre ces grands-mères pas assez présent et qui me laisse comme un goût d’inachevé.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : JC Lattès

Parce qu’il fait l’école buissonnière pour lire, manger des beignets et jouer aux billes, parce qu’il répond avec insolence, parce qu’il parle français mieux que les Français de France et qu’il commence à oublier sa langue maternelle, Hamet, un jeune garçon de Bamako, est envoyé loin de la capitale, dans le village où vivent ses deux grands-mères.
Ses parents espèrent que ces quelques mois lui apprendront l’obéissance, le respect des traditions, l’humilité.
Mais Hamet en rencontrant ses grands-mères, en buvant l’eau salée du puits, en travaillant aux champs, en se liant aux garçons du village, va découvrir bien davantage que l’obéissance : l’histoire des siens, les secrets de sa famille, de qui il est le fils et le petit-fils. C’est un retour à ses racines qui lui offre le monde, le fait grandir plus vite.

Nombre de pages 224 / EAN 9782709668613 Prix du format papier 19,00 € / EAN numérique 9782709668903 Prix du format numérique 13,99 € / Date de parution 05/01/2022

Enfant de salaud, Sorj Chalandon

Enfin, trouver le père

Depuis toujours Sorj Chalandon cherche son père, ses vérités, ce qu’il a été avant lui, et en parle dans ses romans. Cette image tutélaire qui permet en général de se construire a été totalement brouillée par la mythomanie du père.

L’auteur a été reporter de guerre, correspondant judiciaire et a en particulier suivi le procès de Klaus Barbie en 1987, reportage pour lequel il a reçu le prix Albert-Londres. Ces deux éléments étaient déjà en eux même assez forts pour donner un sens à l’écriture d’un roman.
Si Sorj Chalandon joue avec les dates pour construire son roman, la réalité du père qu’il évoque est bien celle qu’il a découvert en 2020. Un père qui n’était pas du bon côté, qui a porté l’uniforme allemand, mais pas seulement. Un homme qui a eu mille vies, porté cinq uniformes différents, s’est évadé, a risqué le peloton d’exécution, a terminé sa guerre en prison.

Celui qu’il avait déjà décrit comme fantasque dans Profession du père se révèle ici imprévisible, saltimbanque, manipulateur, affabulateur. Un véritable chat qui retombe sur les pattes quelle que soit l’aventure tordue dans laquelle il s’est embarqué.

Il y a de nombreuses questions dans cette quête du père, mais aussi beaucoup d’amour pour celui qui pourtant n’a jamais su parler à son fils, lui dire qui il était, l’aider à se construire, échanger, dialoguer, dire vrai.
Que d’émotion lors des chapitres qui évoquent le procès Barbie, les enfants d’Ysieux, les noms des disparus, la visite de l’auteur à la maison qui a abrité cette colonie d’enfants juifs avant la rafle. Une intensité douloureuse, un devoir de dire ce qui a été, ce que les derniers témoins ont exprimé lors du procès, dire encore une fois avant l’oubli, pour l’Histoire.

La voix de Féodor Atkine a une tonalité parfois dure, parfois douloureuse, une personnalité qui donne envie de faire silence pour écouter, pour entendre, pour participer plus intensément à cette quête et à ce devoir de mémoire.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2022

Catalogue éditeur : Grasset

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
– Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté  : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud !  »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un «  collabo  », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un «  Lacombe Lucien  » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.

Lire la suite…

Format : 140 x 205 mm / Pages : 336 / EAN : 9782246828150 / Parution : 18 Août 2021

Le pain perdu, Édith Bruck

Trouver les mots pour dire l’innommable, écrire pour ne jamais oublier

Parce qu’elle a senti que sa mémoire allait être bientôt défaillante, à 90 ans Édith Bruck a décidé d’écrire, pas un simple texte à ajouter à ses déjà nombreux écrits, non, mais un récit unique. Le récit impossible d’une vie, celle d’une des dernières grande voix, d’un des derniers témoins de la Shoah. Édith Bruck est née en Hongrie, et a vécu en Italie la plus grande partie de sa vie.

Le pain perdu, c’est celui que la famille n’a jamais pu manger car les soldats sont arrivés pour leur faire prendre le train qui devait les emmener dans le camp de concentration.

Le pain perdu, c’est la famille disloquée, la mère qui part à gauche, là où est le feu, les filles à droite, et Édith qui s’accroche à sa mère mais que le soldat fait changer de file, Édith qui ne finira pas dans la fumée du camp comme tant d’autres femmes, enfants, vieillards, hommes, arrivés là en même temps, avant ou après elle.

C’est une enfant née le 3 mai 1931 dans une famille juive pauvre, l’enfance heureuse d’une fillette qui travaille bien à l’école ; ce sont les premières manifestations de racisme contre les juifs dans son petit village de Tiszabercel, près de la frontière ukrainienne, un village jusque là plutôt tranquille ; puis a 13 ans en avril 1944, c’est la déportation, le matricule 11152, Birkena, Auschwitz, Kaufering, Dachau, Bergen-Belsen, les camps d’extermination, les privations, la faim, l’épuisement, les morts, les longues marches dans le froid ; la libération en 1945 ; l’exil en Israël, et toujours, ensuite, tenter de vivre après ça.

C’est n’avoir aucun mot pour dire, pas d’échange possible avec ceux qui n’ont pas connu cette horreur, et tant de questions, tant de pourquoi, tant de douleur. C’est le rêve fou d’aller en Israël, la désillusion, puis la vie en Italie, et les mots, toujours, pour dire.

C’est un récit autobiographique à la lecture nécessaire, douloureuse, indispensable. Le témoignage des survivants, ceux qui bientôt ne seront plus là, ceux qui encore peuvent nous dire, à nous les générations suivantes ce que fut le mal absolu.

On ne peut que penser aux témoignages de Primo Levi, Marceline Loridan, Charlotte Delbo et tant d’autres en lisant ce livre qui se termine sur une lettre à Dieu, mais quel Dieu, celui qui a laissé faire tout cela ? Le pain perdu, à faire lire, encore et encore, pour ne jamais oublier.

« Je t’écris à Toi qui ne liras jamais mes gribouillis, ne répondras jamais à mes questions, à mes pensées ruminées pendant toute une vie. »

Édith Bruck a publié une trentaine d’ouvrages en six décennies d’écriture, mais Le pain perdu, publié aux Éditions du sous-sol, lui a valu, à 90 ans, une aussi soudaine que tardive notoriété en Italie. Le livre a remporté le prix Strega Giovani, équivalent du Goncourt des lycéens, le prix Viareggio.

Catalogue éditeur : éditions du Sous-Sol

Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle.”

En moins de deux cents pages vibrantes de vie, de lucidité implacable et d’amour, Edith Bruck revient sur son destin : de son enfance hongroise à son crépuscule. Tout commence dans un petit village où la communauté juive à laquelle sa famille nombreuse appartient est persécutée avant d’être fauchée par la déportation nazie. L’auteur raconte sa miraculeuse survie dans plusieurs camps de concentration et son difficile retour à la vie en Hongrie, en Tchécoslovaquie, puis en Israël. Elle n’a que seize ans quand elle retrouve le monde des vivants. Elle commence une existence aventureuse, traversée d’espoirs, de désillusions, d’éclairs sentimentaux, de débuts artistiques dans des cabarets à travers l’Europe et l’Orient, et enfin, à vingt-trois ans, trouve refuge en Italie, se sentant chargée du devoir de mémoire, à l’image de son ami Primo Levi.

« Pitié, oui, envers n’importe qui, haine jamais, c’est pour ça que je suis saine et sauve, orpheline, libre. »

Édith Bruck, née Steinschreiber, voit le jour le 3 mai 1931 à Tiszabercel en Hongrie. À sa déportation, elle consacre à partir de 1959 plusieurs récits et poèmes dans la langue italienne qu’elle a adoptée en choisissant de vivre à Rome, dès 1954. Épouse du poète et cinéaste Nelo Risi, elle évoque souvent cette passion dans ses romans. Journaliste, scénariste, documentariste, comédienne, cinéaste, dramaturge, elle a multiplié les activités, sans jamais renoncer à témoigner de son expérience et sans jamais recourir à la haine.

Traduit de l’italien par René de Ceccatty / 176 p. / 16,50 euros / paru le 7 janvier 2022 / ISBN : 9782364686090

Le consentement, Vanessa Springora

Un témoignage fort sur l’emprise et la manipulation, une lecture indispensable

D’abord, il y a V. cette toute jeune fille qui se laisse séduire sans trop le vouloir ni s’en rendre compte par celui qui aurait pu être son père. Le père absent justement, cet homme maniaque jusqu’à l’obsession, jusqu’à la violence, que sa mère ose quitter avant que leur vie de couple ne tourne au drame. Un père qui peu à peu disparaît des radars, qui ne viendra jamais s’occuper de sa petite fille.

Et cette mère qui a tant de mal à joindre les deux bouts, mais qui aime la fête, qui aime aussi sa fille mais d’une façon si maladroite. Un soir elle participe à un dîner de travail avec V, qui a tout juste treize ans. Elles y rencontrent G, un écrivain en vue. Ce cinquantenaire séduisant en diable plaît bien à sa mère. Mais c’est avec la fille qu’il va entrer en relation épistolaire, relation séduisante sur le papier, bien qu’insistante, et qui devient vite une relation charnelle et amoureuse. Possession, manipulation, déclaration, tout y passe et la jeune fille va réellement tomber amoureuse de cet homme qu’elle apprécie, qui lui fait ressentir qu’elle existe vraiment. Cet amant qui l’aime pour ce qu’elle est. C’est du moins ce dont elle va longtemps se persuader.

Il n’est pas nécessaire d’en dire plus, car il me semble qu’on a presque tout dit sur ce livre. Je l’ai écouté lu par Guila Clara Kessous, et j’ai eu l’impression que V était là, à coté de moi, pour m’en parler. Elle me disait ce qu’a été sa vie, cette désillusion de l’amour à mesure qu’elle comprenait qui était réellement G, qu’elle réalisait ce vol qui lui a été fait de son enfance, de son adolescence. Car à l’age où l’on connaît ses premiers émois amoureux et où l’on en parle avec ses copines, elle vivait déjà une véritable relation amoureuse avec un homme de cinquante ans dans un hôtel, loin de sa famille, loin de ses camarades de classe, classe qu’elle fréquentait d’ailleurs de moins en moins au risque d’hypothéquer toutes ses chances d’avenir. L’attitude de sa mère est aussi confondante qu’incompréhensible. Mais ne faut il pas aussi se replonger dans les mentalités post soixante-huitardes où tant de choses semblaient permises pour le bonheur de tous, la liberté sexuelle étant l’une des plus grandes conquêtes des femmes de ces années là. Il semble que dans ce cas la frontière entre liberté pour les femmes et droits des adolescentes soit allégrement franchie.

Ce texte est d’une grande sincérité. L’auteur décortique le cheminement de l’emprise puis de sa rupture avec ce prédateur sexuel qu’elle reconnaît enfin pour tel. Elle se sent trahie, se demande si elle est complice, consentante, puis comprend enfin qu’elle est avant tout victime. Un statut que lui nient une partie de ceux qui l’entourent et qui ont été bien complaisants avec le pédophile que tout le monde adulait. Car la presse, les politiques, le milieu de la télévision, les confrères du monde de l’édition, mais aussi Cioran pour ne citer que lui, ont fait longtemps les beaux jours de G sans jamais s’offusquer de ses voyages avoués en Malaisie pour y rencontrer de très jeunes garçons, ou de son amour immodéré pour les jeunes écolières de moins de seize ans, largement développés dans toute son œuvre littéraire. Et l’on enrage de voir à quel point la police, à travers la brigade des mineurs et malgré de nombreux courriers anonymes explicites, mais aussi l’hôpital et ce gynécologue d’opérette vont agir avec une jeune fille de quatorze ans qui appelle à l’aide par les maladies quelle déclenche.

Jusqu’au jour où l’évidence est là, il faut prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. Il aura fallu trente ans à V pour dire, écrire les mots qui soulagent, les mots qui je l’espère pardonnent à la jeune fille abusée qu’elle a été alors. Pour décortiquer aussi les mécanismes de l’emprise qui bien souvent passent inaperçu ou incompris dans l’entourage de ceux qui les subissent. L’écriture est maîtrisée de bout en bout, le ton est sincère et factuel, sans fioriture et sans compromis, pas même à son égard. Elle écrit sans jamais s’apitoyer sur ce qui lui est arrivé, et ce témoignage pourra peut-être ouvrir les yeux à des proches ou des parents trop laxistes ou aveugles face à de telles situations. Parler pour libérer la parole de ceux qui subissent, parler pour montrer aussi que ce genre de perversion n’a ni frontière ni milieu social, mais peut au contraire toucher tout le monde.

J’ai apprécié cette version audio qui m’a aussi permis de prendre quelques pause salutaires pendant l’écoute, comme pour prendre le temps d’absorber l’importance des mots, leur portée, leur signification. La voix de la lectrice est très posée, agréable, j’avais l’impression d’être à ses côtés et de l’écouter me parler d’elle. Les différentes intonations situent bien les deux personnages principaux, la subtilité de leurs échanges et de cette relation délétère entre le manipulateur et sa proie.

Enfin, le plus de cette version audio est aussi de pouvoir écouter un entretien avec Vanessa Springora en fin de lecture.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : Audiolib, Grasset, Le Livre de Poche

Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
«  Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence  : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre  », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.
Vanessa Springora est éditrice. Le Consentement est son premier livre.

Audiolib : Date de parution : 10 Juin 2020 / Prix public conseillé : 20.90 € /   Livre audio 1 CD MP3 – Suivi d’un entretien avec l’autrice / EAN Physique : 9791035403430
Grasset : Format : 130 x 210 mm / Pages : 216 / EAN : 9782246822691 prix 18.00€ / EAN numérique : 9782246822707 prix 7.49€

Certains cœurs lâchent pour trois fois rien, Gilles Paris

Un récit à la fois intime et universel dans lequel l’auteur se livre sans concession

L’enfance, le départ du père et ce deuil impossible de l’amour par cette mère abandonnée à cinquante ans qui restera seule, à vivre dans le souvenir du mari volage toute sa vie. La relation au père, sa violence tant verbale que physique, les silences, la douleur du manque d’amour paternel et de reconnaissance.
Comment se construire sur autant de violence et aussi peu d’amour.

Un métier, attaché de presse, avec ses hauts et ses bas, mais toujours exercé par passion.
Des amours et des amants de passage puis la rencontre avec Laurent, mari, ami, amant, fidèle jusque dans la maladie, les crises, les dépressions. L’indispensable soutien depuis vingt ans.

Et ces dépressions qui ponctuent la vie d’années de silence, d’hospitalisation, de traitements, avant la lumière qui enfin apparaît à celui qui se tient là, sur un banc et soudain revit. Huit dépressions plus ou moins longues, pour lesquelles il est parfois difficile de guérir. Mais toujours une forme de lumière pour ce warrior qui va renaître à chaque crise de ses propres cendres pour le meilleur et pour la vie.

Un récit sans concession je l’ai dit, et surtout d’une grande sincérité. La violence de cette relation père fils est presque incompréhensible pour qui ne l’a pas vécue. On est admiratif face à l’énergie déployée pour s’en sortir malgré tout. Malgré les obstacles, les chutes, les aléas de la vie.

Si j’avais quelques hésitations à entrer dans ce récit, des dépressions ce n’est pas forcément vendeur à priori, je dois avouer que je n’ai pas du tout eu envie de le lâcher avant la fin. Il n’y a rien de morbide ou d’exhibitionniste dans ces révélations, mais au contraire une certaine pudeur à dire l’amour ou le désamour, une force aussi à parler de ses failles les plus intimes, de ses combats pour s’en sortir, qui rendent l’auteur encore plus attachant. Un récit à la fois intime et universel, tant il nous parle de lui et sans doute un peu de nous à travers lui.

Catalogue éditeur : Flammarion

Une dépression ne ressemble pas à une autre. Gilles Paris est tombé huit fois et, huit fois, s’est relevé. Dans ce récit où il ne s’épargne pas, l’auteur tente de comprendre l’origine de cette mélancolie qui l’a tenaillé pendant plus de trente ans. Une histoire de famille, un divorce, la violence du père. Il y a l’écriture aussi, qui soigne autant qu’elle appelle le vide après la publication de chacun de ses romans. Peut-être fallait-il cesser de se cacher derrière les personnages de fiction pour, enfin, connaître la délivrance. «Ce ne sont pas les épreuves qui comptent mais ce qu’on en fait », écrit-il. Avec ce témoignage tout en clair-obscur, en posant des mots sur sa souffrance, l’écrivain nous offre un récit à l’issue lumineuse. Parce qu’il n’existe pas d’ombre sans lumière. Il suffit de la trouver.

Paru le 27/01/2021 / 224 pages – 138 x 208 mm / ISBN : 9782081500945 / Prix : 19€