Les ombres blanches, Dominique Fortier

Comment les écrits d’Emily Dickinson sont arrivés jusqu’à nous

Emily Dickinson ombre blanche cloîtrée volontaire entre les quatre murs de sa chambre pendant de très longues années a écrit des centaines de lettres et autant sinon plus de poèmes posés en quelques mots, quelques lignes, sur une multitude de petits bouts de papier de toute sorte.

A son décès le 15 mai 1886, à Amherst, dans le Massachusetts, elle a demandé que toute sa correspondance soit brûlée, ainsi que tous ses papiers. C’est ce qu’a accepté de faire Lavinia, sa sœur, pour les lettres, nombreuses, les journaux intimes, mais le geste s’est fort heureusement arrêté là.

Pourquoi et par quel heureux hasard a-t-elle décidé de ne pas obéir à cette sœur singulière à qui elle n’avait jamais rien refusé ? Impossible de le savoir, mais pour notre plus grand bonheur elle a fini par réunir tous ces bouts de papier, chaque phrase, chaque mot, chaque respiration, chaque soupir d’Emily pour qu’ils soient retranscrits dans des livres.

C’est cette aventure incroyable que nous conte Dominique Fortier dans ce roman.

Pourquoi je l’ai aimé ? D’abord parce qu’il n’est ni une autofiction, ni une captation par un auteur de l’actualité, de l’air du temps, des catastrophes quotidiennes ou des malheurs du monde dont nous entendons parler déjà chaque jour aux informations.

J‘ai aimé cette singularité, cette originalité et surtout rencontrer Emily Dickinson, sa sœur, son frère, mais aussi Mabel, la maîtresse de celui-ci, sa nièce Millicent, les femmes de son entourage qui ont su comprendre l’importance de son œuvre et la faire parvenir jusqu’à nous. Si les premières retranscriptions ont été peu respectueuses des écrits d’Emily, modifiés, corrigés, en particulier pour les majuscules ou les tirets placés en apparence au hasard, la sténographie première de la poétesse lui a été restituée par la suite, offrant ainsi aux lecteurs une œuvre magistrale et unique.

Un roman qui sort du lot en cette rentrée littéraire, à la fois intimiste, poétique, délicat et  intelligent. Il m’a appris beaucoup de choses, et donné envie de relire les vers d’Emily Dickinson. L’autrice a su nous faire entrer dans l’intimité d’une famille affligée par la perte d’un être unique, mais aussi dans la tête d’Emily, de son entourage, nous faire entendre les difficultés d’être une femme poétesse à cette époque et l’accueil parfois dubitatif qui a été fait à sa façon d’écrire.

Catalogue éditeur : éditions Grasset

Emily Dickinson aurait pu ne jamais être pour nous qu’un nom étranger. Celui d’une femme, américaine, moins connue pour son talent littéraire que pour avoir passé la majeure partie de sa vie confinée chez elle. Puisqu’elle s’était toujours farouchement refusée à voir ses écrits publiés, rares sont ceux qui savaient, de son vivant (1830-1886), qu’Emily était aussi une formidable poète. Peu avant son décès, elle demande à sa sœur Lavinia de brûler tous ses papiers personnels. Mais lorsque cette dernière découvre dans sa chambre des centaines de poèmes renversant de beauté, griffonnés sur des morceaux d’enveloppes ou d’emballages, elle est à la fois sidérée et incapable de lui obéir. Jusqu’où la volonté des morts peut-elle changer l’existence des vivants  ? Lire la suite…

Parution : 11 Janvier 2023 / Pages : 256 / EAN : 9782246832553 prix 20.90€ / EAN numérique: 9782246832560 prix 14.99€

Albert Einstein, un enfant à part, Théâtre de la Tour Eiffel

Ce sont les dernières représentations, ne les manquez surtout pas !

Un dimanche matin je suis allée avec mes petits fils voir l‘excellente adaptation du roman de Brigitte Kernel au théâtre.
Pendant un peu plus d’une heure, le spectateur se régale avec les facéties du jeune Albert admirablement bien joué par Sylvia Roux, espiègle, décalé, solitaire, amoureux des maths et des étoiles, bridé dans ses envies de lecture par des parents qui ne comprennent pas sa soif d’apprendre et surtout l’étendue de ses capacités.

Le couple Tadrina Hocking et Thomas L’empire dans le rôle des parents, mais aussi sœur grands parents instituteur médecin amis de la famille meilleur ami d’Albert etc. nous bluffe par leur talent à interpréter autant de différents personnages.

Une belle leçon de vie pour des jeunes qui auraient quelques doutes sur leurs capacités. Car si Albert Einstein est devenu le Savant que l’on sait, l’enfant quant à lui était totalement en décalage avec ses camarades de classe. S’il excellait dans les mathématiques au point de corriger son professeur, il était totalement nul dans les autres matières.

Quel excellent moment aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Les miens ont aimé, en ont a parlé ensuite à leurs parents, ayant bien pris la mesure de la singularité d’Albert, du fait qu’il ne faut pas juger les autres sur des apparences et que finalement l’espoir de réussir dans la vie n’est pas uniquement conditionné par la seule réussite scolaire.

Auteur : Adaptée du roman de Brigitte Kernel
Artistes : Sylvia Roux, Tadrina Hocking, Thomas Lempire
Metteur en scène : Victoire Berger-Perrin

Si vous allez par là n’oubliez pas d’admirer l’immeuble Lavirotte situé tout à côté.

Laissez-moi vous rejoindre, Amina Damerdji

Cuba, une histoire d’amour, de révolution et de deuil

Grâce à ce premier roman, je découvre une figure féminise emblématique de la révolution cubaine largement passée sous silence à la suite de son suicide jugé contre révolutionnaire par Fidel Castro. En 1980, Haydée Santamaría se souvient de tout. Elle sait déjà que sa vie va s’arrêter là, et revit pour nous les années les plus fortes de sa jeunesse. Son amour pour son frère Abel, pour le grand Boris, pour la révolution et la lutte. Mais aussi l’amitié, les amours, les combats, les deuils.

Ce personnage que l’autrice place adroitement au seuil de sa vie a du coup assez de recul pour nous en parler avec justesse, et pas comme cela aurait pu être avec la fougue de la jeunesse ou dans la violence du feu de l’action. Dans les années 50, les jeunes idéalistes se révoltent contre la dictature de Batista, arrivé au pouvoir en 52 grâce au soutien des américains. Haydée Santamaría est issue d’un famille relativement aisée. Avec son frère Abel, ils prennent part aux réunions, aux meetings qui ont lieu souvent dans leur appartement, au réveil révolutionnaire, et même créer un journal. Si sa participation est d’avantage issue d’une envie d’être comme les autres amis de son frère, de s’intégrer dans sa bande de copains, rapidement le souci d’égalité, la passion révolutionnaire s’emparent d’Haydée.

Viennent les soirées entre amis, le longue discussions, la rencontre avec Boris, la naissance d’un amour, leur relation plus intime, la présentation du fiancé aux parents circonspects.
Viennent surtout les préparatifs de l’attaque de la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba, pour lesquels elle a une tache importante à accomplir.
Mais ce 26 juillet 1953 marque d’une pierre noire le destin d’Haydée, lorsque certain hommes sont arrêtés, torturés, exécutés. Boris et Abel seront de ceux-là.

C’est une femme meurtrie, amère, blasée, qui se retourne sur son passé et sa jeunesse au seuil de la mort. Les années ont passé, et malgré la vie qu’elle a eu depuis, les blessures ouvertes en 1953 ne se sont jamais refermées, et occupent toute la place en cette année 1980.

J’ai aimé découvrir ce personnage, retrouver le prémices de la révolution chez ces jeunes combatifs et engagés. Cela m’a donné envie de me plonger à nouveau dans l’histoire de Cuba. Et m’a rappelé avec plaisir ma lecture de Le jour se lève et ce n’est pas le tien, le roman de Frédéric Couderc sur cette même période de l’historie de Cuba.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

« Je ne peux pas dire que nous ayons pris les armes pour ça. Bien sûr que nous voulions un changement. Mais nous n’avions qu’une silhouette vague sur la rétine. Pas cette dame en manteau rouge, pas une révolution socialiste. C’est seulement après, bien après que, pour moi en tout cas, la silhouette s’est précisée. »
Cuba, juillet 1980. En cette veille de fête nationale, Haydée Santamaría, grande figure de la Révolution, proche de Fidel Castro, plonge dans ses souvenirs. À quelques heures de son suicide, elle raconte sa jeunesse, en particulier les années 1951-1953 qui se sont conclues par l’exécution de son frère Abel, après l’échec de l’attaque de la caserne de la Moncada.
L’histoire d’Haydée nous plonge dans des événements devenus légendaires. Mais ils sont redessinés ici du point de vue d’une femme, passionnément engagée en politique, restée dans l’ombre des hommes charismatiques. Ce premier roman offre le récit intime et pudique d’une grande dame de la révolution cubaine gagnée par la lassitude et le désenchantement, au seuil de l’ultime sacrifice.

320 pages, 140 x 205 mm / Parution : 26-08-2021 / ISBN : 9782072940439 / 20,00 €

L’inventeur, Miguel Bonnefoy

Le soleil est l’avenir…

Qui était Augustin Mouchot, un génie de l’ombre ou un fou illuminé ? Ce fils de serrurier né le 7 avril 1825, cet enfant toujours malade qui a pourtant résisté à tous les assauts dont son corps a souffert, ce professeur de mathématiques banal et solitaire, ou ce savant génial découvreur de la force de l’énergie solaire à une époque où la science ne lui fait pas la part belle ?

Il était tout cela à la fois et avec la verve qu’on lui connaît Miguel Bonnefoy fait de cet homme oublié de tous un héros du quotidien et de la science.

Reconnu par l’académie qui l’aide pour le financement de sa drôle de machine à vapeur, la première est baptisée Octave ;
Remarqué par Napoléon III et par les militaires qui voient déjà des débouchés dans ses créations bizarres ;
Porté aux nues par la presse de l’époque après son extravagante expérience lors de l’exposition universelle de 1878 ;
Isolé dans le désert d’Algérie où il perd à la fois la vue et cette énergie créatrice qui fait sa singularité ;
Ruiné, ayant vendu ses brevets et ses machines à l’ingénieur Abel Pifre, cet homme qu’il avait embauché pour l’aider à compenser ses failles en communication, il trouve refuge chez une pauvre femme aussi solitaire que repoussante, qui pourtant prendra un minimum soin de lui.

Mais il a vécu non pas à l’ère du solaire et des énergies renouvelables, mais à celle du charbon que l’ont part chercher dans les mines, c’est plus sûr et moins onéreux.

Malgré le mot glissé dans sa poche, comme il le faisait dans son enfance, ce Bien que j’en aie l’air, je ne suis pas mort, ce héros de la science meurt comme il a vieillit, dans le dénuement total quasiment oublié de tous.

J’ai aimé retrouver dans ces phrases et dans ces lignes, dans les différents personnages qui évoluent autour de Mouchot, la fougue et le dynamisme, l’intonation et la fore de persuasion de l’auteur, l’imaginant être là près de nous pour évoquer Mouchot, cet homme qu’il ramène à la vie sous nos yeux intrigués. Et de fait, il arrive à rendre un brin magique la vie si peu réussie, la mort bien triste, l’échec cuisant de cet inventeur oublié qui était comme c’est souvent le cas très certainement en avance sur ce que la société était prête à entendre. Et tout cela en réussissant à faire un clin d’œil à son héros Lonsonnier que le lecteur avait pu rencontrer dans son précédent roman, Héritage.

Catalogue éditeur : Rivages

Voici l’extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXe siècle, découvre l’énergie solaire.
La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil.
Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot que l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant « fleurir le désert » sous le soleil d’Algérie.

ISBN: 978-2-7436-5703-1 / Parution : août, 2022 / 208 pages / Prix :19,50€

Aquitania La vengeance d’Aliénor d’Aquitaine, Eva García Saenz de Urturi

Aliénor d’Aquitaine, ou la jeunesse d’une souveraine courageuse et volontaire

Aliénor d’Aquitaine, sans savoir qui elle était, chacun d’entre nous connaît pourtant au moins son nom. Ce roman au souffle picaresque retrace une partie de la jeunesse de l’héritière de la couronne de cette région tant convoitée qu’était l’Aquitaine au XIIe siècle.

Petite fille de Guillaume IX le Troubadour, Aliénor a treize ans lorsque son père Guillaume X décède mystérieusement à Compostelle le jour du Vendredi Saint en 1137. Sur son corps s’affichent les marques d’une horrible torture nommée l’aigle de sang. Aliénor n’accepte pas ce qui lui est rapporté comme étant les cause de cette mort étrange et décide de venger son père.

Pour arriver à ses fins, elle n’hésite pas à faire bouger les lignes en influençant le conseil elle obtient le droit d’épouser le futur Louis VII, fils de Louis Le Gros, le rival de son père. Ce digne descendant de la lignée des capétiens est aussi l’héritier du royaume de France.

Quand le jour de la noce Louis VI dit Le Gros décède à son tour, le mystère s’épaissit. Le couple commence à mieux se connaître, et les sentiments d’Aliénor pour son époux changent au fil des ans. C’est donc avec son époux qu’elle va tenter de faire la lumière sur ces deux morts suspectes. Pendant toutes ces années, rien ne lui sera épargné. La jeune femme n’arrive pas à donner un héritier aux capétiens, ni à se faire une place au Conseil, et ses manœuvres ne sont pas toujours de francs succès.

Tour à tour, Aliénor, Louis, et l’enfant vont exposer leur vision des faits tout au long de ces années. De 1137 à 1149, de Bordeaux à Poitiers, de Normandie à Paris, et jusqu’en terre sainte lors de la croisade menée par Louis VII, Aliénor sait tenir sa place et son rang. Issue de la région la plus prospère du territoire, sa richesse lui donne un pouvoir et un attrait irrésistibles. Le royaume de France cherche à faire les alliances et à gagner les guerres qui lui permettront de gouverner les Comté et Seigneuries dont il a besoin pour étendre son pouvoir. Douze années pendant lesquelles aquitains et capétiens luttent pour le pouvoir. Aux côtés d’Aliénor et de Louis, apparaissent tour à tour son oncle Raymond de Poitiers qui deviendra prince d’Antioche, puis l’abbé Suger en sa basilique Saint Denis, enfin Bernard de Clairvaux, ainsi que quelques chats aquitains qui rôdent dans les couloirs des sombres châteaux parisiens.

Je n’ai pas eu envie d’aller vérifier tous les détails historiques du roman, même si je suppose que l’autrice a su parfois laisser libre court à son imagination. J’ai eu envie de me laisser porter par l’énergie qui s’en dégage, par cette Aliénor que nous découvrons dans sa jeunesse auprès d’un époux sans doute mieux assorti que ce qu’elle avait pu imaginer de prime abord. Un roman comme on les aime, intelligent, vivant, rythmé, qui nous entraîne dans un souffle picaresque à travers batailles, jalousies, incestes, deuils, trahisons, amour, haine, regrets, sans que l’on ait envie de le refermer avant la fin.

Catalogue éditeur : Fleuve

Compostelle, 1137. Le duc d’Aquitaine – territoire convoité par la France pour ses richesses – est retrouvé mort, le corps bleu et portant la marque de l’« aigle de sang », une effroyable torture normande. La jeune Aliénor, portée par sa soif de vengeance, décide d’épouser le fils du roi Louis VI le Gros qu’elle croit être le meurtrier de son père. Son objectif : décimer la lignée des Capétiens et imposer le sang aquitain. Mais, le jour des noces, Louis VI est assassiné à son tour.
Les époux, Aliénor et Louis VII devront alors apprendre à se connaître afin d’infiltrer le royaume de France et démasquer l’instigateur de cette machination. Quel qu’en soit le prix à payer…

Traduit par Judith Vernant

21.90 € / EAN : 9782265155527 / Nombre de pages : 384 / Date de parution : 20/10/2022

Argonne, Stéphane Émond

Passeur de mots, passeur d’Histoire, transmission d’un fils pour son père

Quatre vingt ans après, Stéphane Émond refait le chemin qu’avait fait sa famille pour fuir la guerre. Alors qu’il vit désormais très loin du berceau familial, il a ressenti le besoin de refaire le parcours sur ces pauvres routes de France depuis l’Argonne vers le département de l’Aube pour y trouver un peu des siens, de leurs angoisses, de leurs espoirs, de la mort et de la vie.

Armé de deux très vieilles photographies et de l’alliance si fine et fragile héritée du grand-père, l’auteur part sur les routes retrouver les siens, pour comprendre la peur, pour vivre les terreurs des femmes et des enfants, pour entendre les bombardements et la mort de la grand-mère. Refaire le chemin à l’envers pour se rapprocher du passé, imaginer les préparatifs, que garder, que laisser, reviendra-t-on un jour dans cette maison que l’on quitte. Partir sans s’arrêter, passer des villes en flammes, faire partie de cette cohorte de réfugiés qui fuient la guerre sous le fracas de la mitraille. Tant de questions, tant d’incertitudes, tant de craintes sans doute.

Ce pèlerinage au sources est ici raconté à la première personne par un auteur sans fard et d’une grande sincérité quant à ses propres interrogations, lui qui a quitté depuis si longtemps la terre des ancêtres. Alternant entre présent et passé, il fait le récit d’une introspection, mais également celui d’une fresque familiale avant l’oubli, pour que ceux qui viendront après sachent et connaissent. Stéphane Émond se fait passeur d’histoire avec un petit mais aussi avec un grand H, de l’histoire familiale à celle de cette région de France creuset de tant de combats, envahie par les conquérants et meurtrie par les guerres à travers les âges.

On retrouve ici le besoin de transmettre de cette seconde génération qui n’a pas connu directement les événements dont elle parle, et dont les parents, qui eux ont vécu l’exode et la guerre, n’ont jamais évoqué leur expérience. Passeur de mots, passeur d’Histoire, transmission d’un fils pour son père.

Merci d’avoir pensé à insérer une carte de ces régions en début du récit.

Catalogue éditeur : La Table Ronde

En juin 1940, comme des milliers de Français, une famille fuit son village d’Argonne. Quatre-vingts ans plus tard, tandis que l’auteur refait ce voyage jusqu’à un village de l’Aube où sa grand-mère fut tuée par le mitraillage d’un avion allemand, les souvenirs affluent. Son père, paysan et menuisier comme ses ancêtres enracinés au seuil de la grande forêt, sa mère qui divague, les voisins, les maisons, la guerre qui plusieurs fois en un siècle fit passer le fer et les flammes sur cette terre des confins de Champagne et de Lorraine…
Stéphane Émond, qui a quitté son pays et fait sa vie ailleurs, loin des outils du père, au milieu des livres, recueille l’histoire universelle des siens, tantôt sévère, tantôt riante, toujours laborieuse, et l’unit dans ce récit aux champs, aux arbres, aux rivières, à la terre où ils reposent.

Paru le 18/08/2022 / 128 pages / ISBN : 9791037109934 / 16,00

Looking for Banksy, La légende du street art, Francesco Matteuzzi, Marco Maraggi

à la recherche de l’artiste inconnu

Alors qu’il est en train de réaliser des tags la nuit dans les rues de Londres, un jeune homme est surpris par une jeune femme qui est à la recherche du mystérieux Banksy, cet artiste que nul n’a jamais vu. Elle souhaite faire un reportage sur l’artiste et sa façon de travailler. Mais ils sont tous deux arrêtés par la police et doivent faire un travail d’intérêt général qui pourrait les rapprocher de son but, nettoyer les graffitis sauvages qui dénaturent les murs de la capitale anglaise.

Voilà l’accroche de ce roman graphique dans lequel la rencontre de ces deux jeunes gens est prétexte à expliquer la carrière, ou plutôt les actions, créations, performances de l’artiste inconnu.

Car Banksy est un véritable mystère. Qui, quand, comment, pourquoi, autant d’interrogation restées encore à présent sans réponses. Est-il unique ou protéiforme ? Homme ou femme ? Anglais ou étranger ? Que cherche-t-il à démontrer en réalisant ces œuvres et coups médiatiques ? Se faire connaître ? Choquer, surprendre, réveiller les spectateurs endormis d’un système trop figé ? Ici point de réponse, mais beaucoup de questions et un intéressant tour d’horizon des actions et réalisations de Banksy.

Et après tout, à qui appartient l’art ? À celui qui le réalise, à l’acheteur, au propriétaire des murs sur lequel s’étalent fresques ou dessins ? Quelle est la durée de vie d’une œuvre, quand comme c’est ici le cas elle est réalisée sur un mur d’une ville qu’elle quelle soit ?

Banksy bouleverse l’art et les principes établis, change la donne de la propriété intellectuelle et artistique pour un réveil évident des consciences et du sens de la protection de l’œuvre artistique. Le graphisme particulièrement sombre m’a un peu gênée. Couleurs foncées et papier mat renforcent l’impression que l’on a du besoin d’anonymat de Banksy. Mais après tout c’est aussi le reflet de l’univers de Banksy, la nuit, l’anonymat, l’interdit, la non reconnaissance de l’artiste et du lien indéfectible qui le relie à son œuvre.

Une autre façon d’envisager l’art ? A l’ère des métavers et de la numérisation qui s’invite y compris dans le travail artistique, rien ne nous surprend plus. Alors si vous lisez cet intéressant roman graphique vous ne saurez pas plus qui est Bansky, mais au moins vous aurez pénétré son univers et compris en partie sa philosophie.

Catalogue éditeur : Hugo

Banksy et le street art sont au cœur de l’aventure vécue par deux jeunes gens, un tagueur amateur et une Youtubeuse, arrêtés par la police pour vandalisme. Leur punition : nettoyer les graffitis de Londres. C’est l’occasion pour eux de remonter l’histoire de ce mouvement et de sa plus célèbre incarnation, Banksy, et d’analyser les œuvres les plus marquantes de l’artiste (Girl With Balloon, Love in the Air, Can’t Beat That Feeling, The Kissing Coppers…).

Parution 15/09/2022 / ISBN papier : 9782755699708 / prix :19,95 €

Keith Haring, Le Street art ou la vie, Paolo Parisi

« Quand je serais grand je voudrais être un artiste en France, parce que j’aime bien dessiner »

Keith Haring est né le 4 mai 1958 à Reading, il décède du sida à l’âge de 31 ans le 16 février 1990, de cette terrible maladie alors trop méconnue et si longtemps injustement cataloguée et cantonnée au milieu homosexuel.

Il y a quelques années, la Tour Keith Haring, une grande fresque qu’il avait dessinée à l’hôpital Necker de Paris pour illuminer la vie des enfants malades a été rénovée. Je l’avais découverte à cette occasion. Mais bien sûr qui ne connaît pas ses personnages et surtout son « radiant baby » aussi célèbre que copié. Uniclo a d’ailleurs fait quelques belles reproductions de ses personnages colorés sur des vêtements destinés à tous les âges.

De la même génération que Jean Michel Basquiat, dans la mouvance d’Andy Warhol et des artistes des années 80, qui était réellement Keith Haring et d’où venait il ? Issu d’une famille de Pennsylvanie, frère aîné de trois sœurs, le jeune Keith a eu très tôt la frénésie de dessiner encore et encore, sur tous les supports, à tout moment.

L’ennui étant l’animation la plus répandue dans son village, on comprend vite que l’enfant, puis l’adolescent, a cherché dans l’art un échappatoire et un moyen de développer sa créativité naissante. Avec une seule idée en tête, devenir un artiste. C’est un adolescent qui se cherche et qui va trouver dans la religion, puis dans la drogue, mais surtout dans l’art qu’il explore sous toute ses formes et avec la plus grande diversité de matériaux, un moyen de s’épanouir. Arrivé à New-York en 1978, il développe sa créativité, et prend pleinement conscience de son homosexualité.

Le roman graphique de Paolo Parisi nous explique son parcours, ses rencontres, sa passion pour l’art quels que soient les supports sur lesquels il s’exprime. Métro, fresques géantes, graffitis, toiles, performances, tout est adapté à l’expression, au langage, au message qu’il veut faire passer. Et que celui-ci parle au plus grand nombre possible de spectateurs. Les années noires des nombreux décès du sida sont bien montrées, ce cataclysme qui frappe la jeunesse et les artistes des années 80. Les couleurs flashies à dominante rose, jaune et bleu restituent l’univers à la fois singulier et emblématique de l’œuvre de Keith Haring.

Catalogue éditeur : Hugo et Cie

Le premier roman graphique consacré au petit génie du street art

Paolo Parisi / 15/09/2022 / ISBN papier : 9782755699715 / 19,95 €

Céleste : Bien sûr, monsieur Proust, Chloé Cruchaudet

A la recherche de Céleste, celle qui a accompagné Marcel Proust pendant huit ans

Pendant huit ans, Céleste Albaret a accompagné Marcel Proust dans quasiment toutes les phases de sa vie, de la création et de la maladie.
Celui qui a passé tant de journées dans son lit, se levant vers 16h pour passer les nuits au Ritz ou dans d’autres lieux de plaisir, a tout exigé de cette femme qui ne savait rien faire, sauf peut être qu’elle s’adresse à lui à la troisième personne.

La jeune épouse a passé de longues journées à attendre un coup de sonnette qui lui demande de lui apporter un café, ou simplement de l’écouter, l’accompagner, d’aller porter des paquets de feuilles chez ses éditeurs, d’accueillir les visiteurs, d’écouter les doléances, de répondre au téléphone et enfin, de coller les corrections, ces multitudes de petits papiers qui rendaient fous ses éditeurs et que l’on a pu voir lors de l’expo consacrée à l’écrivain au musée Carnavalet ou à la galerie Gallimard à Paris.

J’ai aimé le graphisme utilisé par l’autrice, et ces couleurs pastels dans les tonalités de vert, mauve, noir sont tout à fait surannées mais parfaitement bien adaptées à l’histoire qui nous est contée.

Tout sa vie, Céleste a vécu avec le souvenir de sa rencontre avec Marcel Proust. Elle a accepté de l’évoquer vers la fin de sa vie, lors d’entretiens enregistrés qui permettent de mieux cerner la personnalité de l’écrivain et la relation étrange qui l’a lié à Céleste.

Catalogue éditeur : Delcourt Soleil

À l’occasion du centenaire de la mort de Marcel Proust, ce diptyque, signé Chloé Cruchaudet, repose sur une structure en miroir et s’intéresse au lien qui unit Céleste Albaret et l’écrivain de génie.
Grâce à de multiples sources, Chloé Cruchaudet tisse le portrait dévoué et passionné de Céleste Albaret, gouvernante et parfois secrétaire de Marcel Proust jusqu’à sa mort, en 1922. Elle révèle leur lien, l’écrivain sous toutes ses aspérités, l’atmosphère d’une époque et les dessous de la construction d’une fiction. Monde réel et monde fantomatique s’entremêlent pour nourrir ce sublime diptyque.

scénariste, Illustrateur, coloriste Chloé Cruchaudet

Collection Noctambule bd / EAN 9782302095700 / Nombre de pages 116 / 18€95 / Paru le  15 Juin 2022 / Prix RTL Juin 2022

Je suis le carnet de Dora Maar, Brigitte Benkemoun

Suivre Dora Maar, la femme, l’amante, la muse, l’artiste, La femme qui pleure

Depuis le temps que j’avais envie de le lire, je trouve la démarche, le hasard, les recherches fascinants.

Photographe, peintre, muse de Pablo Picasso, Dora Maar est une femme qui a évolué dans le cercle des artistes, surréalistes, intellectuels des années 50. Alors trouver dans un étui acheté par correspondance le carnet d’adresses de Dora Maar, ou même seulement imaginer que cela soit possible est une véritable gageure. C’est pourtant ce qui est arrivé à l’autrice qui a eu la bonne idée, lorsqu’elle est tombée sur des adresses toutes plus incroyables les unes que les autres, de poursuivre ses recherches.

En partant de ces numéros de téléphone et de ces adresses elle remonte le fil de la vie de Henriette Théodore Markovitch, née en novembre 1907 à Paris. Muse du peintre le plus emblématique du XXe. Belle intelligente farouche volontaire hautaine entière volcanique coléreuse exaltée orgueilleuse digne cultivée snob… Les qualificatifs ne manquent pas pour l’évoquer. Et cependant, qui peut se targuer de dire qu’à part citer le si célèbre tableau de Picasso, la femme qui pleure, il ou elle connaît le personnage, sa vie, sa carrière.
Cocteau, Chagall, Giacometti, Balthus, Breton, Lacan, Éluard…
vétérinaire, plombier, architecte…
Et Picasso, à qui elle donne sa vie, son amour, qui lui vaudra sa défaite et sa légende.

Ce que j’ai aimé ?

Embarquer dans ce carnet, parcourir les adresses, retrouver les numéros et les noms parfois oubliés, suivre un parcours de vie, celui de Dora Maar, la femme, l’amante, la muse, l’artiste, la désespérée.

J’ai aimé que le cheminement ne soit pas simplement guidé par un ordre alphabétique ou qu’il se concentre seulement sur des noms connus, mais que s’y mêlent aussi ceux qui ont côtoyée Dora Maar dans sa vie de tous les jours, qui ont vécu eux à son époque. De plus je suis une inconditionnelle de Picasso. J’aime lire tout ce qui m’en apprend un peu plus sur cet homme qui a brisé plus d’un cœur, mais qui a marqué sont époque par son art et sa créativité. J’ai passé un excellent moment de lecture.

Catalogue éditeur : Stock, Le Livre de Poche

Il était resté glissé dans la poche intérieure du vieil étui en cuir acheté sur Internet. Un tout petit répertoire, comme ceux vendus avec les recharges annuelles des agendas, daté de 1951.
A : Aragon. B : Breton, Brassaï, Balthus… J’ai feuilleté avec sidération ces pages un peu jaunies. C : Cocteau, Chagall… E : Éluard… G : Giacometti… Chaque fois, leur numéro de téléphone, souvent une adresse. Vingt pages où s’alignent les plus grands artistes de l’après-guerre. Qui pouvait bien connaître et frayer parmi ces génies du XXe siècle ?
Il m’a fallu trois mois pour savoir que j’avais en main le carnet de Dora Maar.
Il m’a fallu deux ans pour faire parler ce répertoire, comprendre la place de chacun dans sa vie et son carnet d’adresses, et approcher le mystère et les secrets de la « femme qui pleure ». Dora Maar, la grande photographe qui se donne à Picasso, puis, détruite par la passion, la peintre recluse qui s’abandonne à Dieu.

7,70€ / 288 pages / Date de parution : 10/11/2021 / EAN : 9782253820444