Les ombres blanches, Dominique Fortier

Comment les écrits d’Emily Dickinson sont arrivés jusqu’à nous

Emily Dickinson ombre blanche cloîtrée volontaire entre les quatre murs de sa chambre pendant de très longues années a écrit des centaines de lettres et autant sinon plus de poèmes posés en quelques mots, quelques lignes, sur une multitude de petits bouts de papier de toute sorte.

A son décès le 15 mai 1886, à Amherst, dans le Massachusetts, elle a demandé que toute sa correspondance soit brûlée, ainsi que tous ses papiers. C’est ce qu’a accepté de faire Lavinia, sa sœur, pour les lettres, nombreuses, les journaux intimes, mais le geste s’est fort heureusement arrêté là.

Pourquoi et par quel heureux hasard a-t-elle décidé de ne pas obéir à cette sœur singulière à qui elle n’avait jamais rien refusé ? Impossible de le savoir, mais pour notre plus grand bonheur elle a fini par réunir tous ces bouts de papier, chaque phrase, chaque mot, chaque respiration, chaque soupir d’Emily pour qu’ils soient retranscrits dans des livres.

C’est cette aventure incroyable que nous conte Dominique Fortier dans ce roman.

Pourquoi je l’ai aimé ? D’abord parce qu’il n’est ni une autofiction, ni une captation par un auteur de l’actualité, de l’air du temps, des catastrophes quotidiennes ou des malheurs du monde dont nous entendons parler déjà chaque jour aux informations.

J‘ai aimé cette singularité, cette originalité et surtout rencontrer Emily Dickinson, sa sœur, son frère, mais aussi Mabel, la maîtresse de celui-ci, sa nièce Millicent, les femmes de son entourage qui ont su comprendre l’importance de son œuvre et la faire parvenir jusqu’à nous. Si les premières retranscriptions ont été peu respectueuses des écrits d’Emily, modifiés, corrigés, en particulier pour les majuscules ou les tirets placés en apparence au hasard, la sténographie première de la poétesse lui a été restituée par la suite, offrant ainsi aux lecteurs une œuvre magistrale et unique.

Un roman qui sort du lot en cette rentrée littéraire, à la fois intimiste, poétique, délicat et  intelligent. Il m’a appris beaucoup de choses, et donné envie de relire les vers d’Emily Dickinson. L’autrice a su nous faire entrer dans l’intimité d’une famille affligée par la perte d’un être unique, mais aussi dans la tête d’Emily, de son entourage, nous faire entendre les difficultés d’être une femme poétesse à cette époque et l’accueil parfois dubitatif qui a été fait à sa façon d’écrire.

Catalogue éditeur : éditions Grasset

Emily Dickinson aurait pu ne jamais être pour nous qu’un nom étranger. Celui d’une femme, américaine, moins connue pour son talent littéraire que pour avoir passé la majeure partie de sa vie confinée chez elle. Puisqu’elle s’était toujours farouchement refusée à voir ses écrits publiés, rares sont ceux qui savaient, de son vivant (1830-1886), qu’Emily était aussi une formidable poète. Peu avant son décès, elle demande à sa sœur Lavinia de brûler tous ses papiers personnels. Mais lorsque cette dernière découvre dans sa chambre des centaines de poèmes renversant de beauté, griffonnés sur des morceaux d’enveloppes ou d’emballages, elle est à la fois sidérée et incapable de lui obéir. Jusqu’où la volonté des morts peut-elle changer l’existence des vivants  ? Lire la suite…

Parution : 11 Janvier 2023 / Pages : 256 / EAN : 9782246832553 prix 20.90€ / EAN numérique: 9782246832560 prix 14.99€

Taqawan, Eric Plamondon

Prise de vue à focale multiple sur la politique du Québec envers ses peuples autochtones

Du côté de la Gaspésie, en ce 11 juin 1981, les policiers ont investi la réserve de Restigouche. Ils s’en prennent violemment aux indiens Micmac qui tentent de se rebeller alors qu’une loi veut leur imposer des quotas de pêche. Il faut rappeler que les indiens Mig’maq sont les Premières Nations du Québec, cette région du Canada où ils vivent désormais cantonnés dans les réserves. Alors qu’ils comptent uniquement sur leur environnement pour survivre, cette nouvelle loi totalement inique veut leur faire abandonner la pêche au saumon qu’ils pratiquent depuis toujours.

Océane disparaît ce jour-là. La jeune indienne vient de subir un viol, mais craint de revenir dans sa tribu. Elle est découverte quelques jours après par Yves, un agent de conservation de la faune. Yves vient de donner sa démission, écœuré par la politique menée par le gouvernement et par la violence gratuite exercée par les policiers ce 11 juin. Il va se faire aider par l’institutrice française en poste dans le coin pour s’occuper d’Océane, même si cela s’avère très risqué lorsqu’il découvre le profil des agresseurs.

Tout au long de cette intrigue noire mais relativement classique, viennent s’intercaler de nombreux autres récits. La vie et la mort du saumon, son parcours migratoire et ses différents noms. L’histoire indienne avec la vie et les origines des Micmac, les discriminations subies pendant des années pour leur faire perdre leur singularité, leurs rites et leurs légendes. Puis la politique du Canada des années 80, avec ce mémorable référendum pour l’indépendance du Québec.

Ce que j’ai aimé ?

Taqawan est un livre passionnant qui avec des airs de ne pas y toucher englobe tant de sujets. Écologie, économie, politique, social, et légendes se mêlent avec une grande justesse non dénuée de profondeur. Le tout donne au lecteur une vue panoramique de l’histoire et de la complexité des effets de la politique du Canada envers ses peuples autochtones. Un livre plaidoyer pour la cause amérindienne qui se lit (ou s’écoute!) d’une traite et se savoure pour ce qu’il est, éclectique, politique, et novateur dans sa construction. A se demander d’ailleurs quel est le texte qui draine l’autre, l’intrigue ou tout le reste ?

J’ai apprécié ces chapitres courts et si différents de l’un à l’autre mais qui bizarrement ne perdent pas le lecteur. François-Eric Gendron donne tout le sérieux nécessaire au roman, à son sujet et à l’intrigue. Et ce, même si sa voix n’est pas toujours convaincante quand elle prend des intonations québécoises qui ne me semblent jamais aussi réussies que lorsque j’écoute mes cousins canadiens.

Pour aller plus loin : Premières Nations est le terme utilisé pour désigner les peuples autochtones du Canada autres que les Métis et les Inuits. Les membres des Premières Nations sont les premiers occupants des territoires qui constituent aujourd’hui le Canada et ce sont les premiers Autochtones à être entrés en contact soutenu avec les Européens. (L’encyclopédie canadienne)

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : Quidam et Audiolib

Un livre audio lu par François-Éric Gendron

« Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. »
Le 11 juin 1981, trois cents policiers de la sûreté du Québec débarquent sur la réserve de Restigouche pour s’emparer des filets des Indiens mig’maq. Émeutes, répression et crise d’ampleur : le pays découvre son angle mort.
Une adolescente en révolte disparaît, un agent de la faune démissionne, un vieil Indien sort du bois et une jeune enseignante française découvre l’immensité d’un territoire et toutes ses contradictions. Comme le saumon devenu taqawan remonte la rivière vers son origine, il faut aller à la source…
Histoire de luttes et de pêche, d’amour tout autant que de meurtres et de rêves brisés, Taqawan se nourrit de légendes comme de réalités, du passé et du présent, celui notamment d’un peuple millénaire bafoué dans ses droits.

Né au Québec en 1969, Éric Plamondon a étudié le journalisme à l’université Laval et la littérature à l’UQÀM (Université du Québec à Montréal). Il vit dans la région de Bordeaux depuis 1996 où il a longtemps travaillé dans la communication. Il a publié au Quartanier (Canada) le recueil de nouvelles Donnacona et la trilogie 1984 : Hongrie-Hollywood Express, Mayonnaise et Pomme S, publiée aussi en France aux éditions Phébus. 
Taqawan (Quidam 2018) reçu les éloges tant de la presse que des libraires et obtenu le prix France-Québec 2018 et le prix des chroniqueurs Toulouse Polars du Sud.

Retrouvez ici le blog d’Eric Plamondon

Quidam janv. 2018 /140 x 210mm / ISBN : 978-2-37491-078-9 / 208 pages 20€
Audiolib Date de parution : 14 Octobre 2020 / Durée : 4h08 / Prix public conseillé: 21.90 € / Format: Livre audio 1 CD MP3 Poids (Mo): 569 / EAN Physique: 9791035401245

Indice des feux, Antoine Desjardins

Sept nouvelles venues tout droit du Québec pour réveiller notre conscience écologique

Avec Indice de feux, Antoine Desjardins propose sept textes différents qui éveillent à l’écologie et sont tous très émouvants, parfois bouleversants : À boire debout ; Couplet ; Étranger ; Feu doux ; Fins du monde ; Générale ; Ulmus Americana. Un fil rouge relie ces nouvelles, la préoccupation d’un petit nombre pour la sauvegarde de la planète, lorsque chacun à son niveau œuvre pour améliorer les choses, ou du moins essayer d’endiguer la vitesse à laquelle la détérioration du milieu qui nous entoure évolue. Comme autant de cris d’alerte, un éveil des consciences à niveau d’Homme, celui où chacun de nous pourrait agir.

Ce jeune garçon dont on suit le parcours de fin de vie, car il souffre d’une leucémie et voit les années à vivre se transformer en semaines, en jours. Il s’intéresse pourtant à ce qu’il se passe sur la planète, à cet iceberg géant détaché de la banquise, à ces terres submergées, à ces populations inexorablement déplacées. Cet enfant qui agonise, c’est notre monde qui meurt à petit feu, détruit sans vergogne par des humains irrespectueux de cette nature qui les fait vivre.

Ce grand père qui protège son Orme d’Amérique des maladies qui pourraient le tuer comme une louve protège ses petits, obstinément, inlassablement, cet arbre centenaire et solitaire qui portant va mourir avec lui.

Cette tante, attentive à la vie de sa ferme, à son environnement, qui comprend qu’un grave problème climatique ou écologique est en cours lorsque plus aucun oiseau ne vient chanter dans ses arbres et sur son terrain. Et doit affronter le désintérêt manifeste des autorités qu’elle alerte. Une conséquence évidente de productions agricoles intensives et d’utilisation de pesticides dévastateurs pour la faune.

Ce garçon surdoué qu’une vie confortable attend. Après de brillantes études il fera la fierté de ses parents en entrant dans une grande multinationale ou une entreprise ayant pignon sur rue. Pourtant, il comprend bien avant les autres que le bonheur ne se trouve pas dans nos civilisations du tout et tout de suite, de surconsommation. C’est un précurseur de la décroissance, du retour aux bases et de la simplicité volontaire, qui choisit de vivre en quasi ascète au plus proche de la nature.

Chacune de ces nouvelles a pour fil conducteur la destruction ou la protection de notre environnement. Le couple qui attend un enfant, l’avenir des jeunes d’aujourd’hui, le vieillard qui protège cet arbre qui se meurt, les enfants qui voient disparaître leur terrain de jeu, ces arbres abattus pour construire de pavillons, l’homme qui regarde les coyotes qui investissent la ville sans vergogne. Enfant, adolescent, homme, à tous les stades de la vie il est primordial de prendre en compte cette nature qui nous nourrit, nous protège, nous soigne et que nous maltraitons chaque jour un peu plus. Mais les animaux, ici les oiseaux, ou la végétation, ici les Ormes d’Amérique, là ces arbres que l’on coupe, nous montrent à quel point la fin de notre monde est proche si nous n’en prenons pas soin.

Une réalité qui nous frappe lorsque l’on regarde le monde d’aujourd’hui, les changements climatiques évidents, les inondations à répétitions, les incendies monstrueux que l’on n’arrive pas à fixer, la déforestation, tous les bouleversements que l’on observe dans le temps si court d’une vie d’homme.

J’ai apprécié le message porté sans pathos ni subjectivité et le style de l’auteur, jamais moralisateur, cynique ou défaitiste. Il éveille nos consciences justement parce qu’il nous parle de nous, de nos vies, de ceux que nous côtoyions chaque jour, et pas d’un futur hypothétique ou dystopique. Et toujours avec une pointe d’humour et dans cette langue québécoise que j’aime tant. On appréciera également cette sublime couverture qui fait écho aux inondations qui frappent la France ces jours-ci.
Un message que nous fait passer également Oliver Norek dans son dernier roman Impact.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : La Peuplade

Soumise à la frénésie incendiaire du xxie siècle, l’humanité voit sa relation au monde déséquilibrée et assiste avec impuissance à l’irréversible transformation de son environnement. Explorant cette détresse existentielle à travers sept fictions compatissantes, Antoine Desjardins interroge nos paysages intérieurs profonds et agités. Comment la disparition des baleines noires affecte-t-elle la vie amoureuse d’un couple ? Que racontent les gouttes de pluie frappant à la fenêtre d’un adolescent prisonnier de son lit d’hôpital ? Et, plus indispensable encore, comment perpétuer l’espoir et le sens de l’émerveillement chez les enfants de la crise écologique ? Autant de questions, parmi d’autres, que ce texte illustre avec nuance et tendresse, sans complaisance ni moralisme. 
Indice des feux peint les incertitudes d’un avenir où tout est encore à jouer.

Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître.

Né au Québec en 1989, Antoine Desjardins est enseignant et écrivain. Indice des feux est son premier livre.

 Parution: 21 janvier 2021 / 360 pages / 978-2-924898-87-1 / 20 Euros

Aller aux fraises, Eric Plamondon

La vie ordinaire, dans le froid et la chaleur embrumée d’alcool de la belle province

Rien d’extraordinaire et pourtant rien non plus de simplement ordinaire dans les souvenirs qui émaillent ces trois nouvelles. C’est direct, tendre, très nostalgique et terriblement vivant. De l’auteur, j’avais lu et particulièrement aimé Oyana, un roman également publié chez Quidam. Ici, il nous embarque dans son Québec, au grès des souvenirs de ses protagonistes.

D’abord, Aller aux fraises, où l’on apprend qu’entrer dans l’âge adulte n’est pas toujours facile. l’été, les adolescents font la fête sans s’inquiéter des lendemains. C’est le dernier été chez son père pour celui qui désormais part habiter à Thetford Mines avec sa mère pour y poursuivre ses études. À dix-sept ans, on a la vie devant soi et les conséquences de ses actes n’apparaissent pas vraiment dans toute leur réalité. C’est ce que va apprendre ce jeune homme, car quitter l’enfance ce n’est pas seulement refermer la porte de la maison familiale.

Cendres, ou comment se noyer dans l’alcool. Les souvenirs du père alimentent les légendes du fils. A Saint-Basile , à une heure de Québec, la vie n’est pas facile, il gèle fort et les buveurs de bière font les beaux jours de la taverne du coin. Mais le foie ne suit pas toujours, et lorsqu’un copain décède, il faut bien respecter les promesses qui lui ont été faites, y compris s’il faut affronter l’hiver. Ce qui dans ces contrées là n’est pas tout à fait un détail lorsque la neige se fait intense.

Thetford Mines, où l’on retrouve le protagoniste d’aller aux fraises un an après. C’est une ville minière, on s’en doute. C’était aussi la Californie locale jusqu’à l’interdiction de l’amiante dans les années 80. Dans ces années là, sa blonde étant à Québec, il va faire le chemin inverse à celui de ses dix-sept ans plusieurs fois par mois, par tous les temps. Jusqu’à cet onirique parcours lors d’une mémorable tempête de neige. Parce qu’on le sait bien, à dix-huit ans, tout est possible !

J’ai aimé découvrir ces aventures qui sentent bon la neige et le frimas, qui disent l’amitié, l’amour d’un père pour son fils, le temps qui passe, l’adolescence qui s’efface pour laisser la place à l’âge adulte, celui de tous les chagrins, mais aussi celui de tous les espoirs. De ces longues routes vers demain que l’on emprunte parfois à contre cœur, mais qui font de vous ce que vous êtes. J’ai aimé aussi les expressions et le langage typiquement québécois, merci de ne pas les avoir modifiés pour les mettre au goût d’ici.

Catalogue éditeur : Quidam

Aller aux fraises, c’est une langue qui sillonne les bois, les champs, les usines, les routes sans fin, les bords de rivière. C’est le sort de ceux qui deviennent extraordinaires à force d’être ordinaires. On s’y laisse porter par les souvenirs d’un père qui s’agrègent pour devenir les légendes du fils. Ce fils qui veut construire son propre récit et qui retrouve sa mère le temps d’un nouveau cycle. Eric Plamondon raconte la démesure de l’ordinaire. Sur le vif. C’est aussi drôle qu’émouvant.

Né au Québec en 1969, Éric Plamondon a étudié le journalisme à l’université Laval et la littérature à l’UQÀM (Université du Québec à Montréal). Il vit dans la région de Bordeaux depuis 1996 où il a longtemps travaillé dans la communication. Il a publié au Quartanier (Canada) le recueil de nouvelles Donnacona et la trilogie 1984 : Hongrie-Hollywood Express, Mayonnaise et Pomme S, publiée aussi en France aux éditions Phébus. 
Taqawan (Quidam 2018) reçu les éloges tant de la presse que des libraires et obtenu le prix France-Québec 2018 et le prix des chroniqueurs Toulouse Polars du Sud.

88 pages 12€ / févr. 2021 / 140 X 210mm / ISBN : 978-2-37491-175-5

Modifié, Sébastien L.Chauzu

Humour, tendresse et émotion sont au rendez-vous avec Modifié

Embarquement immédiat pour le New Brunswick, ses grattes et un adolescent étrange et envoûtant.

Martha est une fille Erwin, cette grande famille qui règne en maitre sur la ville. Comme son père avant elle, elle rejette en partie ses origines. Elle vit simplement avec Allan son mari, les deux bichons de de ce dernier qu’elle abhorre presque autant qu’Allison, sa belle-fille. Ils sont tous terriblement envahissants, et la famille est bien déjantée. Martha trouve cependant un certain équilibre entre les conflits familiaux, l’alcool, et quelques passades avec de belles femmes auxquelles elle ne sait pas résister.

Un soir de froid et de neige, elle croise la route d’un étrange animal. Quand Allan arrive à son secours, ils découvrent Modifié. L’adolescent coiffé d’un bonnet à oreilles attend dans un froid polaire l’hypothétique arrivée d’un chasse-neige, d’une gratte.

Martha la reine des énigmes est détective pour les besoins de la multinationale Erwin. D’abord pour le compte du grand-père. Aujourd’hui elle ne sait pas de qui viennent les ordres, mais on lui confie toujours des affaires à élucider. Elle doit enquêter sur le meurtre d’un professeur, trouvé dans la piscine du lycée. Son neveu semble impliqué, à elle de le disculper.

Chaque matin, le jeune Modifié s’installe chez elle, dégage la neige à grands coups de pelle, puis s’assoit sur un banc devant la maison, dans le froid. C’est un garçon différent, étrange, harcelé au lycée, mal aimé, mal compris car autiste. Une entente improbable avec Martha la déjantée, pourtant si peu maternelle, va peu à peu se construire. En parallèle à son enquête, elle découvre plus en profondeur ce gamin attendrissant et parfois terriblement bouleversant.

J’ai aimé le ton de ce roman. L’auteur n’hésite pas à incarner des personnages avec de terribles défauts, des pensées qu’il vaudrait mieux taire, mais qui sont réalistes. Il a su nous présenter un jeune garçon différent et attachant que l’on aimerait comprendre et aider. Modifié le mutique parle peu, cependant Martha lui fait dire ce qui est essentiel – Modifié était authentique. Leurs dialogues et leurs interactions expriment toute la subtilité et les spécificités de sa personnalité. Mais c’est vrai, Modifié dégage le neige comme s’il dégageait les mauvaises pensées et traçait la route. L’attraction qu’il exerce sur Martha et la façon dont son point de vue évolue à son contact sont aussi émouvantes que parfois hilarantes. Enfin, la relation avec la belle-fille est terriblement humaine, amour, haine, difficulté de se comprendre, tout est si bien dit.

Catalogue éditeur : Grasset

Parfois la vie nous réserve de drôles de surprises, capables de faire vaciller les êtres les plus sûrs de leurs principes. Martha Erwin par exemple, dont le mot d’ordre était jusque-là : famille je vous hais. 
Femme d’une quarantaine d’années en couple avec Allan depuis longtemps, préférant le whisky aux enfants et le silence aux longues discussions, Martha menait une existence plutôt tranquille. Détective improvisée pour le groupe Erwin, la quatrième fortune du Canada, dirigée par son oncle, son ambition tenait à son indépendance. Certes, filer les employés du groupe et vivre avec les deux boules de poils qui servent de chiens à Allan, n’est pas exactement ce dont elle avait rêvé. Mais Martha sait se contenter de plaisirs simples, par exemple rendre folle Allison, la fille d’Allan, pour l’empêcher d’emménager chez eux. Jusqu’à un soir d’hiver où un jeune garçon répondant au nom de Modifié se met en travers de sa route. Lire la suite…

Sébastien L. Chauzu est professeur dans un lycée du New Brunswick au Canada. Modifié est son premier roman.

Parution : 11 Mars 2020 / Format : 144 x 205 mm / Pages : 288 / EAN : 9782246821090 Prix : 20.00€ / EAN numérique: 9782246821106 prix : 14.99€

Oyana, Eric Plamondon

De Montréal au Pays Basque, la vie et les rêves d’une héroïne comme on les aime, face à ses engagements et à ses doutes

« S’il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d’expliquer sa vie. »

Elle vit à Montréal, ils se sont rencontrés au Brésil, elle est née au Pays Basque. Comme s’il y avait plusieurs vies en elle, plusieurs rêves, des fuites en avant, des regrets, des remords. Mais aujourd’hui ETA  a rendu définitivement les armes, l’organisation terroriste s’est auto-dissoute. ETA n’est plus et sa jeunesse revient lui claquer au visage et lui dire qu’il est temps.

Elle, c’est Oyana, mais Xavier ne le sait pas. Frappée dès sa naissance par le terrorisme basque, puis actrice de ce même terrorisme, elle a passé vingt-deux ans de sa vie dans le mensonge à propos de ses origines. Aujourd’hui elle revient au pays pour revoir ses parents.

L’auteur alterne avec adresse le récit d’Oyana, avec cette longue lettre qu’elle écrit à celui qui a partagé sa vie pendant tant d’années, et les faits historiques sur ETA et la violence au Pays Basque. Exposés de façon plus brutale, journalistique et sans empathie. De Franco aux terroristes, mort de Carrero Blanco, attentat et nombres de décès, les longues années de guerre interne ont laissé des blessures profondes au sein de nombreuses familles de part et d’autre de la frontière.

Difficile rédemption de celle qui fut terroriste malgré elle, de ceux qui ont combattu pour une cause qu’ils croyaient juste, face à un état répressif du temps de Franco, puis dans une lutte de moins en moins logique et acceptable. Mais peut-on, et faut-il essayer d’expliquer l’inexplicable montée de la violence ?  A travers ses mots, ses questionnements, ses peurs aussi de ce qu’elle a été et de ce qui l’attend, il y a une vie à poursuivre, affronter la mort, le deuil, la perte d’un parent et le mensonge avec lequel elle a dû se construire, puis la fuite et le mensonge avec lequel elle a dû continuer.

Oyana est seule face à elle, Xavier pourrait-il la comprendre, et finalement qui pourrait la comprendre, ce sont les interrogations auxquelles elle devra répondre en affrontant son passé. Interrogations qui sont cruellement d’actualité devant la montée de tous les terrorismes quels qu’ils soient finalement.

J’ai aimé cette double écriture, intime puis générale, pour parler de la lutte d’un pays à travers la vie d’Oyana, de la construction et de l’unité d’un peuple aussi, ces basques voyageurs qui sont partis affronter le monde. Quand la petite histoire des hommes fait la grande Histoire d’un pays. Aujourd’hui encore, les plaies sont profondes dans les campagnes ou les villes basques, de nombreuses familles ont perdu des pères, des frères des amis dans ce conflit qui a dressé les uns contre les autres. En peu de pages, d’une écriture concise et avec une simplicité de façade, Eric Plamondon interroge chacun de nous, comment réagirions-nous, qu’aurions-nous fait, et que reste-t-il de la lutte, de la souffrance, de la culpabilité. Peut-on aussi vivre éternellement dans le mensonge, est-il possible de se construire sainement quand les bases sont faussées. Autant de questions, autant de réponses sans doute, mais avant tout une belle lecture que je vous recommande.

Sur le pays Basque et la lutte pour l’indépendance, on pourra lire également Galeux le roman de Bruno Jacquin.

Vous souhaitez mieux connaître la région des Pyrénées et ses relations étroites au fil de l’histoire avec l’Espagne si proche. Lire aussi Les indésirables, de Diane Ducret, qui évoque les camps de concentration dans lesquels étaient internés les réfugiés espagnols pendant la seconde guerre mondiale,  ou encore les romans d’Isabelle Alonzo, Je peux me passer de l’aube, ou Je mourrai une autre fois.

Catalogue éditeur : Quidam

« S’il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d’expliquer sa vie. » Elle a fait de son existence une digue pour retenir le passé. Jusqu’à la rupture. Elle est née au pays Basque et a vieilli à Montréal. Un soir de mai 2018, le hasard la ramène brutalement en arrière. Sans savoir encore jusqu’où les mots la mèneront, elle écrit à l’homme de sa vie pour tenter de s’expliquer et qu’il puisse comprendre. Il y a des choix qui changent des vies. Certains, plus définitivement que d’autres. Elle n’a que deux certitudes : elle s’appelle Oyana et l’ETA n’existe plus.

Né au Québec en 1969, Éric Plamondon a étudié le journalisme à l’université Laval et la littérature à l’UQÀM (Université du Québec à Montréal). Il vit dans la région de Bordeaux depuis 1996 où il a longtemps travaillé dans la communication. Il a publié au Quartanier (Canada) le recueil de nouvelles Donnacona et la trilogie 1984 : Hongrie-Hollywood Express, Mayonnaise et Pomme S, publiée aussi en France aux éditions Phébus.

Taqawan (Quidam 2018) reçu les éloges tant de la presse que des libraires et obtenu le prix France-Québec 2018 et le prix des chroniqueurs Toulouse Polars du Sud.

 152 pages 16 € /  mars 2019 / 140 x 210mm / ISNB : 978-2-37491-093-2

L’habitude des bêtes, Lise Tremblay

Un roman sur la vie où la nature prend  toute sa place dans le majestueux décor des forêts canadiennes

Domi_C_Lire_l_habitude_des_betes_lise_tremblay_delcourt

Au Québec, dans le parc national du Saguenay, Benoit Lévesque passe des jours tranquilles avec son chien Dan. Depuis des années, il a abandonné Montréal et son métier de dentiste pour venir s’installer dans son chalet au bord du lac.

Dans sa vie d’avant, il y a son ex-femme, qui a refait sa vie et à qui il ne parle plus vraiment … et surtout sa fille Carole, la mal aimée par des parents qui ne l’ont jamais comprise, par elle-même qui rejette sa propre image – elle se veut plate, sans sexe apparent – soignée en psychiatrie quand il aurait certainement fallu comprendre un problème d’identification, de genre et d’acceptation de soi. Il y a surtout Dan, ce chiot arrivé tout à fait par hasard dans son existence, mais qui se meurt aujourd’hui, Dan qui lui a prouvé qu’on pouvait aimer, aimer un chien, aimer les gens autour de soi, aimer l’autre.

A la lisière du parc, dans la forêt, les loups rodent, et dans ces contrées encore isolées, la loi est celle des hommes, pas celle de la justice. Aussi quand les chasseurs décident de « faire le ménage » pour protéger leurs futurs trophées de chasses, ces orignaux blessés et abimés par les loups, la tension monte entre Rémi, qui n’a jamais quitté la région, son neveu Patrice, qui est le garde du parc national, et les chasseurs qui appartiennent aux familles puissantes du village.

Tout au long du roman le lecteur sent une menace qui pèse sur l’équilibre de la population. Une tension monte entre les hommes. Le lecteur perçoit cet équilibre permanent entre la vie et la mort, la maladie et la vieillesse, entre la sauvagerie et la civilisation aussi , même si on peut se demander parfois lequel est le plus civilisé…

L’appréhension de la mort, le fatalisme avec lequel elle est acceptée voire attendue par la vieille Mina est très touchante et m’a fait penser au très émouvant film La Ballade de Narayama dans lequel cette vieille femme part vers les montagnes pour attendre la mort. Les préparatifs de Mina, la façon dont elle règle les choses pour que tout soit facile pour ceux qui devront s’occuper d’elle, est exemplaire.

Finalement, malgré une légère frustration, car cette tension m’a fait attendre une catastrophe qui ne vient pas, L’habitude des bêtes restera pour moi une lecture d’impressions, de moments de vie, d’échanges avec la nature, et de regards envers la mort, celle des êtres qui nous sont chers et la nôtre aussi sans doute. Lise Tremblay nous démontre que dans ces territoires où la nature est toute puissante il ne reste que l’essentiel, les sentiments, la vie, la mort, tout le reste est accessoire.

Catalogue éditeur : Delcourt littérature

« J’avais été heureux, comblé et odieux. Je le savais. En vieillissant, je m’en suis rendu compte, mais il était trop tard. Je n’avais pas su être bon. La bonté m’est venue après, je ne peux pas dire quand exactement. »

C’est le jour sans doute où un vieil Indien lui a confié Dan, un chiot. Lorsque Benoît Lévesque est rentré à Montréal ce jour-là, il a fermé pour la vie son cabinet dentaire et les volets de son grand appartement. Ce n’est pas un endroit pour Dan, alors Benoît décide de s’installer pour de bon dans son chalet du Saguenay, au cœur du parc national. Lire la suite…

Lise Tremblay est née à Chicoutimi. En 1999, son roman La Danse juive lui a valu le Prix du Gouverneur général. Elle a également obtenu le Grand Prix du livre de Montréal en 2003 pour son recueil de nouvelles La Héronnière (Leméac, Babel). Elle a fait paraitre trois romans au Boréal : La Sœur de Judith (2007), Chemin Saint-Paul (2015) et L’Habitude des bêtes (2017).

EAN : 9782413010265 / Parution le 22 août 2018 / 128 pages / 15€

Ceux qui restent, Marie Laberge

Ceux qui restent, ou le difficile retour à la vie des perdants

Comment vivent ceux dont un proche s’est suicidé et qui tentent de comprendre, d’avancer, après ce geste profondément énigmatique.

DomiCLire_marie_laberge

Marie Laberge donne la parole à Ceux qui restent quand ceux qu’on aime s’en sont allés et surtout quand leur départ laisse un gouffre d’interrogation, d’incompréhension, un abime de culpabilité et de silence. Ceux qui restent quand un enfant, un amant, un mari se suicide. Même si tout au long du roman il y a surtout Sylvain, l’absent, celui qui est présent en chacun des personnages. Sylvain a, en apparence au moins, réussi sa vie, malgré un mariage  pas forcément des plus heureux avec Mélanie-Lyne qui lui a donné un fils, Stéphane. Après avoir passé comme à son habitude un moment de sexe « enragé » avec sa maitresse, et sans laisser aucune explication, Sylvain va se suicider dans la maison familiale. Il laisse orphelins ceux qui restent, son fils et tous ses proches, que l’on retrouve quinze ans plus tard.

Voilà un roman à la fois choral, avec les réflexions de trois personnages principaux, un père, une veuve et une maitresse, Vincent, Mélanie-Lyne et Charlène, qui vont tenter de revivre chacun à sa façon « après ça », et plus classique par l’alternance de chapitres qui reprennent le fil de la vie de chacun, où le lecteur va suivre les hésitations, les atermoiements, les désespoirs de ceux qui voudraient comprendre.

Car que faire lorsqu’un proche se suicide, comment expliquer, comment concevoir un tel acte, se pardonner, arrêter de culpabiliser ou seulement accepter le fait de n’avoir pas su, pas vu, pas compris, voilà bien toutes les inconnues posées ici. Je découvre la belle écriture de Marie Laberge avec ce sujet vraiment pas facile, mais traité de telle façon que chacun peut se l’approprier, et se poser qui sait les mêmes questions.

Mais ne pas croire que c’est triste, car dans ce roman il y a la mort, mais il y a aussi et surtout la vie, l’amour, l’amitié, et puis le sexe, intense, fréquent, comme une échappatoire à l’inconcevable, mais également au mal de vivre que ressentent la plupart des personnages. J’ai envie d’ajouter qu’il faut se laisser emporter par l’écriture et ne pas se bloquer avec les expressions cependant si savoureuses de nos cousins Québécois. Elles ne gâchent pas la lecture mais au contraire lui apportent un dépaysement qui rend peut-être le thème abordé plus acceptable.

Catalogue éditeur : Stock et Pocket

En avril 2000, Sylvain Côté s’enlève la vie, sans donner d’explications. Ce garçon disparaît et nul ne comprend. Sa femme Mélanie s’accroche férocement à leur fils Stéphane ; son père Vincent est parti se reconstruire près des arbres muets ; sa mère Muguette a laissé échapper le peu de vie qui lui restait. Seule la si remuante et désirable barmaid Charlène, sa maîtresse, continue de lui parler de sexe et d’amour depuis son comptoir.
Ce n’est pas tant l’intrigue qui fait la puissance hypnotique du roman de Marie Laberge que ses personnages, qui parlent, se déchirent, s’esquivent et luttent dans une langue chahutée, turbulente, qui charrie les émotions et les larmes, atteignant le lecteur au cœur.

Collection : La Bleue / Parution : 04/05/2016 : 576 pages / Format : 140 x 216 mm / EAN : 9782234081338 / Prix: 22.50 €

Quand j’étais Théodore Seaborn, Martin Michaud

Martin Michaud, nous revient avec un sujet terriblement d’actualité, difficile et absolument passionnant

J’aime beaucoup ce talentueux auteur québécois dont j’ai déjà lu deux polars, Je me souviens et Violence à l’origine. Avec cet opus-là, il s’éloigne de l’univers de ses policiers fétiches qui sévissent à la section des crimes majeurs, Victor Lessart et Jacinthe Taillon. Il me semble aussi qu’on y perd un peu de la gouaille typique de nos cousins canadiens, mais qu’importe, voilà encore un sujet traité avec une belle maitrise de l’écriture et du suspense.

Théodore Seaborn est un jeune publicitaire de Montréal. Au chômage et dépressif, il ne quitte plus son domicile et passe ses journées devant sa télé, pas rasé, pas changé, il s’empiffre de Coffee Crisp… Jusqu’au jour où, à court de barres chocolatées, il est contraint de sortir enfin de chez lui et découvre tout à fait incidemment son sosie parfait. Dès lors, sa vie bascule et de péripéties en rencontres, le voilà embarqué par Samir, un inconnu, jusqu’en Syrie. Là vont interférer dans son quotidien les forces djihadistes de l’EI, les services de renseignements français, les réminiscences de son enfance au Liban, mais surtout le voilà confronté aux interrogations sur sa vie, sa famille, son couple, sa fille, et tout ce qui fait le sel et la valeur de ce qui nous entoure.

Propulsé terroriste ou au contraire engagé quasiment par hasard, mais pas forcément contre son gré, dans une opération aux côtés des français, à Racca, il va découvrir l’horreur de la vie des prisonniers de l’EI, subir les tortures, assister aux pires exécutions, et pourtant comprendre également au contact de Samir que dans chaque homme, et malgré ses convictions les plus profondes, un soupçon d’humanité peut encore émerger.

Une certaine incohérence apparait quelques fois dans l’enchainement des rencontres, certaines semblent même improbables, et pourtant un écheveau invisible tisse des liens et finit par rassembler les différents protagonistes. On le sait, Martin Michaud aime nous propulser dans des périodes de temps différentes pour mieux nous emmener dans son intrigue, et là encore il y excelle. Voilà donc un roman que l’on ne peut pas lâcher et qui se lit d’une traite. La déchéance, le fatalisme face aux difficultés, puis la rédemption et la transformation de Théodore Seaborn font un bien fou. La relation prisonnier-bourreau, passeur-émigré, les relations humaines entre les hommes, sont complexes et bien mises en évidence, on veut y croire et on se laisse emporter dans le sillage d’un Théodore d’abord anéanti, puis transformé et combatif, et de plus en plus attachant. Car finalement, aussi loin qu’il aille, c’est au fond de lui-même, de ses convictions, de ses envies, ses sentiments, ses croyances, en l’homme et en la religion, qu’il fait son plus important voyage, et c’est peut-être aussi pour ça qu’on s’y attache autant.

Catalogue éditeur : Kennes éditions

Un récit riche sur un sujet d’actualité brûlant : l’état islamique et le terrorisme

Théodore Seaborn, un jeune publicitaire de Montréal, se remet d’une dépression après avoir été congédié. Marié et père d’une petite fille, il passe ses journées à regarder des enregistrements de la commission Charbonneau et à manger des Coffee Crisp. Le jour où ses réserves de barres chocolatées s’épuisent, il sort de chez lui et croise un homme qui lui ressemble de façon troublante. L’entêtement de Théodore à retracer cet inconnu et, plus tard, à croire qu’il appartient à une cellule terroriste vire bientôt à l’obsession. Mais par quel revers de fortune vat-il se retrouver dans le fief de l’État islamique, en Syrie ? De Montréal à Racca, Théodore affrontera tous les dangers, mais le voyage le plus risqué et le plus insensé de tous est celui qui le mènera au bout de lui-même.

Date de parution : 6 avril 2016 / Nombre de pages : 432 pages / ISBN : 9782875802798

Violence à l’origine, Martin Michaud

« Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même »

Découvrir ou retrouver avec plaisir le sergent détective Victor Lessard, policier au profil atypique, et avoir envie de lire les précédents romans de Martin Michaud.

https://i0.wp.com/static1.lecteurs.com/files/books-covers/507/9782875802507_1_75.jpg

Dans « violence à l’origine » Victor Lessard, qui semble avoir réglé ses comptes avec ses vieux démons, à fort à faire. Et le lecteur aussi, qui commence ce livre par le chapitre 48. Non, ce n’est pas l’erreur d’un éditeur malicieux ou d’un auteur perturbé, mais bien une étonnante façon de sauter à pieds joints au cœur de l’enquête. Viennent ensuite des flashbacks et des changements de points de vue, facilement intégrés dans le fil de l’intrigue.

Avec la ville de Montréal en trame de fond, Victor Lessart enquête sur la mort violente d’un policier haut gradé du SPVM, puis sur une succession de meurtres tous plus horribles les uns que les autres. Contre toute logique ses intuitions le guident vers des noirceurs que le commun des mortels refuse d’admettre. Guidé par un graffiti présent sur les scènes de crimes, par lequel le meurtrier annonce son prochain crime, le dernier à mourir devant être le père Noel, Lessart s’oriente vers un meurtrier qui ouvre des portes, comme un appel à l’aide, en contradiction avec les caractéristiques classiques d’un tueur en série. Les meurtres se succèdent, la hiérarchie souhaite des résultats rapides, les pièges sont cependant nombreux, y compris au cœur de la police pas forcément pressée de voir se rouvrir certains dossiers. Secondé par sa fidèle Jacinthe Taillon, par Loïc, et par son amie Nadja avec qui la relation semble apaisée, Lessard doit résoudre « l’affaire du graffiteur ».

Au cœur de ce roman, trois affaires s’imbriquent, qui permettent de refermer certaines portes laissées ouvertes dans les romans précédents, mais qui ne gênent pas la compréhension si on ne les a pas déjà lus.
L’auteur aborde différents thèmes, l’incapacité de la justice, qui peut inciter à se faire justice soi-même. Si c’est totalement inacceptable dans une société civilisée, la question est pourtant de savoir quelle part en nous accepte ou condamne, et jusqu’à quel point. Victor Lessard sera confronté à cette question difficile. Martin Michaud aborde également le sujet délicat de la manipulation psychologique, en particulier sur des enfants, où seule une dose de folie peut faire poser des questions telles que : avons-nous tous un potentiel de violence à l’origine, et si oui, existe-t-il un moyen de le faire émerger ? Enfin, la traite des êtres humains et les violences faites aux femmes en particulier violences sexuelles.

DCL2016martin michaud.JPG

C’est sombre, mais comme nous le dit Martin Michaud lors de la rencontre, les sources sont à trouver dans la réalité. A Montréal, il y a quelques années des jeunes femmes ont disparu, sans que l’on trouve la moindre piste. Pour le père d’une fille de 18 ans, c’est un sujet sensible, car il ne faut jamais se dire que ça n’arrive qu’aux autres.

L’écriture est portée par cette gouaille typiquement québécoise qui allège en quelque sorte ce roman très noir. Parce que oui, « c’est correct » de parler et d’écrire comme nos cousins du Canada, et moi c’est simple, j’adore ! Ils sont tellement savoureux ces dialogues entre Lessard et Jacinthe.

  • Pis ? Tu l’as pas top magané j’espère ?
  • Eille, méchante perte de temps …. C’est sûr qu’ils nous niaisent !
  • Je t’attends dans le char, mon homme.

Voilà un roman à dévorer d’une traite et qui donne encore envie de vite lire tous les autres.

Du même auteur, retrouvez ma chronique de Je me souviens

Catalogue éditeur : Kennes Éditions

Responsable de la section des crimes majeurs en l’absence de son supérieur, le sergent-détective Victor Lessard se voit confier la mission d’enquêter sur la mort d’un haut gradé du SPVM dont on a retrouvé la tête dans un conteneur à déchets. Formé du jeune Loïc Blouin-Dubois, de l’inimitable Jacinthe Taillon et de Nadja Fernandez, avec qui Victor partage sa vie, le groupe d’enquête qu’il dirige doit faire vite, car l’assassin a laissé un message qui annonce de nouvelles victimes. Confronté à un tueur particulièrement retors, qui peint de lugubres graffitis sur le lieu de ses meurtres et évoque un curieux personnage surnommé le « père Noël », pressé d’obtenir des résultats rapides par sa hiérarchie sans pour autant recevoir l’appui nécessaire, Victor Lessard s’entête envers et contre tout à résoudre « l’affaire du Graffiteur », dédale inextricable d’une noirceur absolue qui ravivera les meurtrissures de son âme, ébranlera ses convictions les plus profondes et le mènera au bord du gouffre.

Date de parution : 17/02/2016 / EAN : 9782875802507
https://www.facebook.com/MartinMichaudAuteur/