Nom, ce sont des mots balancés comme des coups de poings pour dire non. Non à la vie, à l’enfance obéissante, à la bourgeoisie, à la famille. À tout ce qu’elle a été pour se conformer aux règles mais qu’elle a rejeté en bloc et qu’elle ne veut plus jamais être.
Renier sa famille, sachant que ses propres parents sont décédés c’est enfin possible peut être, il faut dire qu’il sont vraiment singuliers, opium, alcool, drogue, violence, une forme de déchéance, pas facile de grandir dans cette famille là.
Renier aussi une sœur des oncles des cousins un mari un fils des amantes des femmes qui passent que l’on aime et puis que l’on n’aime plus.
Renier pour enfin vivre être aimer crier dire exploser se battre rejeter abandonner prendre, parce que c’est ça ou P. L. U. T. Ô. T C. R. E. V. E. R
Rejeter tout héritage matériel ou immatériel, y compris filial, moral, mais pas que. Vivre dans une chambre de bonne ou squatter chez les amis ou chez les rencontres d’un jour. Quitter son métier, sa famille, sa vie. Même son nom, le refuser de toute son âme de tout son corps androgyne fluet mais solide comme un roc. Elle nage vers sa vie, solitaire et forte, après avoir accompagné le père vers sa mort, dans le silence et la communion, enfin. Celui à qui elle ressemble le plus sans doute. Celui qui dénote dans cette famille bourgeoise obéissant aux règles et patriote, qui a fourni ministres et députés, rabbins et médecins, savants et artistes, à la République qu’elle respecte et dont la constitution fut écrite par le grand-père.
C’est une drôle d’expérience de lire un roman de Constance Debré. Explosent à chaque page la négation et le rejet de tout ce qu’elle a été, le désir de ne plus rien posséder, l’envie de tout jeter… même les livres. Et pourtant désormais sa vie ce n’est plus d’être avocate pour défendre les pauvres et les bandits mais écrivain pour publier les livres qui vont réveiller tous ces lecteurs abrutis par la vie confortable ou désespérée qu’ils vivent sans même avoir l’idée de chercher à en sortir. Vous et moi en quelque sorte. Des livres signés Debré quand même. Rejet du nom mais seulement jusqu’à un certain point ?
Ça cogne et ça bouscule dans ces pages, je ne sais pas si l’idée est de choquer le lecteur pour lui donner envie de se réveiller, ou au contraire l’envie de refermer le livre en se contentant de continuer à vivre comme avant. Mais il me semble que ça doit changer bousculer éveiller quelque chose chez chaque lecteur, d’une façon ou d’une autre. A moins que ce ne soit pour se convaincre elle-même du bien fondé de tous ces rejets. Le livre d’une écorché vive peut-être. Si j’ai ressenti une profonde violence dans les mots, la façon de vivre, les actes, la solitude et le dénuement assumés, il m’a semblé aussi percevoir une douleur en trame de fond. Alors bien que l’on soit parfois mal à l’aise ou un peu dubitatif à cette lecture, elle est vraiment intense et j’avoue qu’elle ne m’a pas laissé indifférente.
« J’ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l’héritage, de l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition de la filiation, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi si on peut. »
Un témoignage fort, émouvant, une écriture salvatrice
Elle a quelques semaines lorsque ses parents la déposent dans un orphelinat, et deux ans lorsqu’elle est prise en charge dans la famille de Nanou. Mais Nanou a déjà une fille, Nelly, pourtant, elle souhaite s’occuper aussi d’une autre enfant placée par la DDAS. Alizée devait y rester deux ans, elle y passera son enfance avec toujours dans son cœur la crainte d’être à nouveau abandonnée, rendue à la DDAS, oubliée comme un vulgaire paquet dont on se débarrasse.
Pourtant jamais sa mère biologique ne l’abandonne, lui interdisant tout espoir d’être adoptée et de vivre heureuse dans une autre famille. Alors elle devra toute sa vie composer avec une Nanou qui l’élève tant bien que mal, mais sans vraiment l’aimer, avec une presque sœur Nelly, jalouse, qui ne l’a jamais adoptée ni acceptée, avec les questions qui forcément se posent un jour, d’où vient-elle, pourquoi a-t-elle été abandonnée et pas son frère, pourquoi n’a-t-elle jamais été aimée. Elle grandi pourtant, se marie, étudie et devient professeur de français, mais toujours avec cette blessure à vif impossible à refermer.
Un cancer et de nombreuses séances de psy plus tard, Alizée décide d’écrire son histoire. Catharsis sur plaie ouverte, remède à l’abandon, tentative d’explication, mais c’est tellement difficile pour cette mère de trois enfants de se mettre dans la peau de celle qui l’a abandonnée.
Un témoignage fort, qui montre à quel point les blessures de l’enfance façonnent notre vie entière, qui montre aussi l’égoïsme de certains parents qui jamais ne font le bien de ces enfants qu’ils ont pourtant mis au monde. Une lecture rapide, des moments forts et émouvants, un témoignage intéressant.
Tout à la fois abandonnée et non adoptable, Alizée n’est pas la bienvenue dans ce monde. Elle grandit avec peu d’illusions et peu de rêves, presque invisible, mais cible facile. Plus cruels que des cris ou des coups, les silences de son entourage passé l’enferment davantage et alimentent les questions toujours plus nombreuses : quelles raisons à son abandon initial ? Quelle force lui a permis de s’accrocher à la vie ? Où puise-t-elle l’énergie qui la rend si résistante aux combats ? Comment n’a-t-elle pas renoncé à aimer ? En se saisissant des mots, Alizée affronte ses démons d’hier et se réconcilie peu à peu avec elle-même. Un beau récit de vie et de résilience pour se rappeler que la vie est parfois cruellement belle.
En dépit d’une enfance chaotique et mal engagée dans l’existence, Alizée Amboise trouve, par une détermination sans faille, une forme de stabilité. Mariée et mère de trois enfants, elle exerce pendant plus de vingt-cinq ans le métier d’enseignante. A la cinquantaine, une avalanche de coups l’assaille. A bout de souffle, elle entame une thérapie au cours de laquelle ressurgissent ses traumatismes enfouis. En chemin vers sa libération, elle ose, pour la première fois, prendre la plume et s’exprimer au grand jour.
Cette ville est magique, portée au dessus des flots par des milliers de pieux de bois et de pierre, elle défie les siècles et les marées et séduit tous ceux qui s’y aventurent.
L’auteur nous raconte ses errances vénitiennes par petites touches, de courtes strophes de 4 lignes la plupart du temps, tout y est. La pierre, la couleur, l’eau, les canaux, les églises, les places, les bâtiments anciens au charme intemporel, les ponts, les palais, les musées, les îles, les gondoles, les hommes et les femmes, tous ceux qui vivent visitent découvrent Venise. Mais aussi odeurs, saveurs, parfums.
J’ai aimé cette balade pour le moins singulière ayant pour fil conducteur un abécédaire capricieux mais suffisant pour tout dire et donner envie de revenir poser les pieds, la main, le regard dans la ville aux mille canaux.
A lire et à relire, avant d’aller à Venise ou lorsqu’on en revient, car avouons le, Venise toute m’a férocement donné envie d’y revenir. J’ai aimé le regard porté par l’auteur sur la ville, j’ai eu l’impression de découvrir les petits mots qu’il aurait glissé dans ses poches au détour d’un canal, d’un bâtiment, d’une île, pour ne pas oublier la beauté de ce qu’il voyait. Et j’ai aimé qu’il nous entraîne ainsi dans son intimité voyageuse.
Venise est un défi, un labyrinthe, un archipel, une énigme. Regarder une ville au travers d’un kaléidoscope : voilà, sous forme d’abécédaire, le jeu subtil et malicieux auquel se livre Benoît Casas. Mille éclats, mille facettes, parcours, saisons, couleurs, pensées : on y rencontre Venise. Et tous ceux qui l’ont un jour aimée.
Collection : La rencontre / mai 2022 / 120 pages – 16 € / ISBN : 9782363083036
« On ne peut pas être Avocate ou être Pénaliste seulement la semaine, on l’est tout le temps, on y pense tout le temps »
Bonjour Clarisse, j’ai eu le plaisir de lire ton livre, La lionne du barreau, et d’y découvrir une femme forte, pugnace, droite. J’ai aimé cette lecture qui m’a vraiment embarquée dans les coulisses de ton métier.
Acceptes-tu de répondre à quelques questions à propos de ce livre ?
Qu’est ce qui a motivé l’envie d’écrire ce livre ? Le partage d’expérience, l’envie de montrer l’exemple, ou toute autre raison ?
En 2019 Arnaud Hofmarcher et François Verdoux m’ont contactée pour donner suite à un article de presse dans lequel j’aurais dit que j’avais envie d’écrire (à vrai dire j’ai souvent beaucoup d’idées). Rendez-vous est pris dans un restaurant.
Au début j’ai cru qu’il s’agissait d’une blague. Arrivée au rendez-vous j’ai bien vu que non, je leur ai dit que je ne savais pas écrire. Ils m’ont dit nous ferons des réunions, vous nous raconterez et on écrira. Me voilà rassurée et puis, en fait, la Covid est arrivée et j’ai donc décidé de m’y mettre. J’ai dis à Arnaud que je ne voulais pas d’une autobiographie car cela n’avait aucun intérêt mais qu’en revanche j’avais envie d’écrire des petits chapitres sur différents thèmes (j’ai d’autres thèmes en tête mais qui n’ont pas été écrit, il a bien fallu s’arrêter à un moment).
Je crois que j’avais vraiment envie d’écrire mais que je ne me sentais pas légitime car je ne suis pas écrivaine. Trop de professeurs de français m’avaient dit que j’avais des idées (ça a toujours été le cas) mais que je n’avais aucun style, que c’était lourd (et j’ai parfois un complexe par rapport à l’écrit car il me semble que celui qui sait véritablement écrire c’est mon conjoint).
Mais il y a eu un autre moteur, celui d’écrire en mon nom. Des avocats avaient écrit avec des journalistes mais je me suis dis que ce n’était pas moi, que si je devais parler du livre il fallait qu’il soit moi à 100% et j’ai donc pris la plume non le clavier. Et j’ai eu carte blanche !
Comment trouve-t-on le temps (et l’envie) d’écrire avec d’un côté un métier aussi prenant, et de l’autre une vie de famille, une vie sociale ? Et combien de temps cela t’a pris, serais tu prête à recommencer ?
Le début de l’aventure a commencé en été 2019 je crois, j’ai écrit pendant la covid puis quand l’activité a repris pour nous c’était véritablement en juin 2020 et ensuite il n’y plus eu de rupture, plus eu d’arrêt, j’écrivais quand je pouvais en particulier le soir tard et le dimanche
En fait j’écrivais dans ma tête et quand je me mettais devant l’ordinateur j’ai découvert le syndrome de la page blanche ou de l’écriture qui ne vient pas ! avec les audiences le temps a manqué car en même temps j’étais sur la série pour laquelle je suis auteur.
Le coup d’accélérateur a été janvier de cette année. La couverture du livre avait été validée mais le livre n’était pas fini. Là je vais dans ma librairie habituelle Fontaine à Duroc. Ils me connaissent très bien, au bout de 10 ans j’ai noué des liens forts avec la propriétaire Marie DO qui est citée à la fin du livre(c’est une sacrée bonne femme que j’adore, une vraie librairie, des goûts tranchés, une grande gueule j’ai beaucoup appréhendé sa lecture du livre. Il y a même eu un quiproquo ; elle a lu le livre en août et je n’avais aucun retour ; je me suis dit elle n’a pas aimé et elle ne veut pas me le dire. En fait, elle a adoré, elle a même été touchée à être émue par certains passages dont celui sur la prison). Ce samedi de janvier au moment de payer, Olivier un des libraires plutôt réservé me dit Mme serre: Sonatine et il insiste ! Là je ne comprends pas du tout, je suis à 10 000 lieux de Sonatine et il insiste. Voyant ma tête, il me dit « on a reçu le catalogue Sonatine pour la rentrée de septembre et vous êtes dedans » je le regarde incrédule et lui réponds mais le livre n’est pas fini ! Et donc là il a fallu s’y remettre, le terminer.
En mars, phase de relecture, l’aventure a connu une nouvelle étape. J’ai demandé à ma marraine Monique Risser citée à la fin, bibliothécaire à la retraite de le lire. Depuis que je suis née, elle a toujours guidé mes choix de polar notamment. Elle était bibliothécaire dans un village alsacien Ebersheim. Sans hésiter elle a accepté. Elle avait un plan en 3 phases une lecture totale pour avoir une vue d’ensemble, une deuxième lecture pour les fautes puis une troisième lecture pour relecture finale.
Je dois dire qu’elle était la première lectrice en dehors de la maison d’édition et donc son avis était crucial.
Elle est très pudique, peu démonstrative, mon opposée en somme et là le verdict est tombé. Elle m’a dit j’ai découvert le monde judiciaire que je ne connaissais pas, et au-delà finalement je t’ai aussi découvert et ne m’imaginai pas du tout ce que tu vivais.
Qu’elles ont été les réactions de tes collègues avocats, comprennent-il cette démarche, et surtout ce que cela implique de ce que tu dévoies de ta personnalité et des difficultés d’être femme dans ce milieu ?
Le livre a été très bien accueilli par le milieu je n’ai que des compliments beaucoup me disent on aurait pu écrire ce livre car tout ce que tu écris est tellement juste.
Ceux qui ne sont pas du milieu me disent que le livre rend accessible la justice, que ce que je dis est clair. Je crois que je n’en reviens pas de tous ces compliments.
Il y a les collègues, mais il y a aussi, ou surtout, les clients. As-tu eu besoin, ou envie, d’en parler avant à certains clients que tu évoques, même si c’est sans les nommer ? Si oui, comment l’ont-ils pris ?
Mme H a été d’accord pour être enregistrée et a donné son accord une fois qu’elle a relu le livre, c’est une véritable preuve de confiance. Je pensais qu’en dévoilant les fragilités cela pourrait faire fuir les clients et en fait pas du tout, il faut dire que je ne mens pas et j’essaie de faire au mieux.
Penses-tu que ce livre sera utile à d’autres ? Et si oui, pour qui et comment. Je pense en particulier à de jeunes femmes avocates qui débutent dans le métier, mais ça peut-être aussi n’importe qui d’autre. As-tu des exemples ?
Quand j’ai écrit ce livre j’avais envie de parler de gens dont on parle peu les greffiers, de thèmes #metoo, de la relation avocat /magistrats, de dire ce que je pense mais je ne pensais pas à toutes les retombées.
Ce qui est certain c’est que depuis 10 ans beaucoup de jeunes veulent exercer au pénal mais je constate qu’ils ont une méconnaissance de la réalité et donc sans vouloir les décourager je voulais leur raconter mon vécu.
On ne peut pas être Avocate ou être Pénaliste seulement la semaine, on l’est tout le temps, on y pense tout le temps.
Je pense et je l’espère que ce livre sera utile pour donner l’envie de franchir les grilles des palais de justice.
J’aime quand je vais sur les plateaux télé et qu’on me dis grâce à vous on comprend mieux et on réfléchit autrement.
Quelles sont les réactions de tes lecteurs ? Penses-tu que tu pourrais susciter des vocations ?
Je reçois des messages tellement élogieux que j’en suis gênée, tant du milieu judiciaire que du non-judiciaire. On me dit souvent que je suis un modèle et franchement ça me met mal à l’aise je n’ai aucune prétention a être un modèle. C’est absolument nécessaire qu’il y ait toujours des Pénalistes, des avocats de la défense.
Je ne veux donc pas décourager les jeunes mais juste leur dire que Pénaliste c’est une vie consacrée à la Défense sans répit.
Ce n’est pas la branche du droit dans laquelle on fait fortune mais pour moi c’est certainement la plus exaltante
Je pense qu’il faudrait demander à mon conjoint, à mes enfants car vivre avec moi n’est pas une sinécure !!!!! je suis toujours en action c’est fatigant pour eux.
Maintenant par orgueil si à Noël mon livre se trouve sous le sapin, j’en serai très fière. Je ne rechigne pas mon plaisir mais je veux surtout dire qu’on n’a rien sans rien, que le travail est une valeur cardinale de mon éducation et que mon seul regret c’est l’absence de mes parents.
Tu parles de la difficulté de ce métier, qu’est-ce qui t’a paru le plus difficile au départ ? Est-ce toujours vrai aujourd’hui avec le recul et ton expérience ?
Le plus difficile c’est de s’imposer. Cela prend beaucoup de temps
Plus qu’un métier c’est une vocation pour moi ! C’est toujours aussi difficile et cela le sera toujours car il s’agit de situation de crise, de tristesse, de douleurs.
Mais alors, si c’était à refaire, referais-tu le même métier, et de la même façon ?
Je ne sais rien faire d’autre
Merci Clarisse d’avoir accepté de répondre à mes questions, et j’espère que de nombreux autres lecteurs vont apprécier ton témoignage autant que moi.
J’espère aussi que notre expérience de l’INHESJ et surtout de l’association Féminhes va pouvoir reprendre, en tout cas elle m’a permis cette belle rencontre avec toi !
Au Burkina Faso, Yacouba Sawadogo n’est pas un homme ordinaire, même s’il fut un enfant puis un adolescent comme les autres. Né dans les années 50 il a grandi au village et à suivi les conseils avisés de son père pour apprendre à cultiver la terre.
Mais un jour, la terre s’est asséchée et les villageois sont partis à la ville, la faim et la misère étant la seule issue s’ils restaient dans leur village. Yacouba Sawadogo n’a pas fait comme eux.
Enfant, l’école coranique a été sa seule éducation, c’est dire s’il manquait d’outils pour s’engager dans la vie et tenir son échoppe. Il a bénéficié du soutien des cheikhs, qui donnent de sages conseils et aident à trouver la bonne ligne de conduite, œuvrent à perpétuer les tontines et sont garants de paix sociale. Si elle s’avère incomplète pour armer les élèves pour affronter les difficultés de leur vie future, c’est cependant son éducation Coranique et la force de la parole de l’islam qui l’ont aidé lorsque le temps est venu de prendre sa vie en main, et de creuser, de planter, encore et encore. À la richesse éventuelle il a choisi les arbres, réconciliant la nature et la culture pour sauver ses terres de la sécheresse et de la catastrophe annoncées.
C’est son histoire qui nous est racontée ici. Preuve s’il en est que l’œuvre d’un seul homme peut parfois compter bien plus que celle de toute une communauté quand sa finalité est la sauvegarde de la vie et que son action va dans cet unique but.
Usant de techniques ancestrales comme le zaï, qui consiste entre autre à creuser des trous à une certaine distance les uns des autres, trous que l’on arrose et que l’on nourrit régulièrement avant d’y mettre les jeunes plans, mais aussi former des murets de pierres, utiliser la nature dans sa diversité, ici même les termites ont leur place, autant d’éléments qui ont permis le succès de son action. En plantant les arbres, Yacouba a modifié le climat de son territoire.
Un livre intéressant car il nous permet de comprendre la difficulté de vivre lorsque l’ont est un paysan dans ces villages et la puissance de la volonté et du sens humain de certains hommes capables de relever de tels défis.. Il nous montre les changements dus tant au climat qu’à la mondialisation, achat de terre par l’Asie et monoculture étant parmi les effets le plus délétères. Mais aussi l’importance de la religion, Islam étant prépondérant mais subsiste toujours la religion Animiste.
Depuis le Burkina Faso, aux confins des dunes sahariennes, une voix inspirante s’élève : celle de Yacouba Sawadogo. Lauréat du Right Livelihood Award, prix Nobel alternatif, il consacre sa vie à planter des arbres aux portes du désert. Alors que tout semblait perdu, qu’au début des années 1980, une grande sécheresse décimait les troupeaux et contraignait les familles à l’exil, Yacouba a fait le choix de retourner à la terre. En réinventant la méthode ancestrale du zaï, en renouant avec les héritages de sa propre lignée familiale, les « faiseurs de pluie », et en défrichant les chemins d’une quête spirituelle, il a ressuscité la vie. Les familles se sont réinstallées, les champs ont retrouvé leur fertilité, et l’antilope, le hérisson et l’oiseau ont repris leurs quartiers : le village de Yacouba est redevenu un monde de relations, une oasis verdoyante, une terre de poésie et de partage. …
Date de parution : 20/01/2022 / 15.90 € / EAN : 9791030103977 / Pages : 144
Haruki Murakami ou l’art du dérisoire. Un t-shirt, rien de plus banal, peut-être aussi rien de plus amusant, personnel, offert, différent, singulier.
C’est en faisant une sorte de liste à la Prévert de ses T-shirts préférés que l’auteur a décidé de nous parler de lui.
Lui et son amour de tel ou tel modèle, les circonstances de l’achat, du cadeau, les mots échangés, les sourires ou les silences. Pourquoi, quand, avec qui, il y a tout cela et plus encore. Comme par exemple un t-shirt qui fait la publicité pour de hamburger, ou au contraire pour Murakami lors de la parution d’un de ses livres. Ceux des magasins de disques, ceux qui parlent d’animaux, ceux avec quelques mots, le moins possible, écrits dessus, ceux achetés lors de concerts mythiques ou du moins que l’on a vraiment aimé, bref, il y en a pour toutes les occasions, et c’est ce que l’auteur nous rappelle ici.
En fin du livre, on trouve deux intéressantes interview de l’auteur à propos de sa collection de t-shirts.
D’ailleurs, et vous, si vous deviez chercher lequel de vos t-shirts vous aimez le plus ? Ou celui dont vous n’arrivez pas à vous séparer ? Pour ma part, je pense que ce sont les deux qui sont sur la photo, ils ont près de vingt ans, mes enfants les avaient offerts à leur père pour une fête -des pères sans doute- ils ont bien vieillis, mais je les aime toujours autant ! Difficile de m’en séparer. Et en lisant ce livre, j’ai eu envie de faire un peu le tour de mes étagères, si je ne collectionne pas les t-shirt, je me souviens d’où ils viennent. Merci à l’auteur de m’avoir plongée dans quelques souvenirs avec parfois un brin de nostalgie ! Comme quoi, la lecture mène à tout.
C’est toujours une bonne surprise de lire les textes de Haruki Murakami, et cette édition avec sa couverture cartonnée est du plus bel effet. Alors n’hésitez-pas, qui sait, avec l’éternel T-shirt que vous offrez à vos amis à Noël, il pourrait bien y avoir aussi ce livre !
Seul le maître Haruki Murakami pouvait choisir de raconter sa vie à travers sa collection de T-shirts. Inédite en France, joliment illustrée de surprenantes photos, une autobiographie unique, à la fois nostalgique, piquante et cocasse, qui ouvre une brèche sur la personnalité un brin excentrique d’un auteur notoirement secret.
Lequel de mes T-shirts a le plus de prix pour moi ? Je crois que c’est le jaune, celui qui porte l’inscription « Tony Takitani ». Je l’ai déniché sur l’île Maui, dans une boutique de vêtements d’occasion et je l’ai payé un dollar ; après quoi, j’ai laissé vagabonder mon imagination : quel genre d’homme pouvait bien être ce Tony Takitani ? Puis j’ai écrit une nouvelle dont il était le protagoniste, nouvelle qui ensuite a même été adaptée en film.
EAN : 9782714497192 / Nombre de pages : 200 / 24.00 € / Date de parution: 10/11/2022
Dire pour ne pas oublier, un beau roman de filiation et de transmission
Les années 80, si certains l’ont oublié depuis longtemps, sont restées dans les mémoires comme étant les années SIDA. Ce cancer gay comme on a pu si injustement le nommer a touché de nombreux jeunes, et en particulier de jeunes accros aux injections de drogues fortes.
Dans la famille d’Anthony Passeron, famille installée depuis longtemps dans un village des hauteurs de Nice, c’est l’aîné, Désiré, le fils aimé, celui dont les parents attendait tout, qui a un jour pris ces chemins de traverse qui l’ont mené droit vers une mort annoncée.
Pourtant, avant, il y a une l’enfance et l’adolescence au village. Les parents qui tiennent une boucherie prospère. Une famille installée à l’ascension sociale emblématique de ces années que l’on a appelées les trente glorieuses, dans cette après guerre où tout était à reconstruire et où les courageux pouvaient se faire un nom et une place dans la société. Deux fils, l’un quitte l’école très tôt pour aider et sans doute succéder au père, l’autre rêve d’ailleurs, loin de ce coin de province où certes le soleil brille et le ciel est bleu mais où la jeunesse s’ennuie.
Ce seront donc Amsterdam, sa jeunesse cosmopolite, ses paradis artificiels, sa musique qui fait danser, ses filles que l’on aime avec tant de simplicité. Et sa drogue qui coule à flot dans les veines, celle des seringues que l’on s’échange, des enfants qui s’endorment à même le sol, seringue plantée dans le bras.
Mais une fois revenu au pays, ramené docilement au bercail familial par son jeune frère, Désiré va développer cette maladie inconnue dont on parle peu et que seuls quelques rares médecins parisiens ou américains essaient de comprendre à l’aube de ces années 90.
Tout le talent de l’auteur est ici non pas de nous parler de sa famille comme s’il souhaitait réaliser une catharsis, mais bien de nous faire vivre au rythme de la vie et des aspirations déçues de la jeunesse des années 80. Et en alternance, dans les recherches, les hésitations, les échecs et les découvertes de la médecine des deux côtés de l’atlantique. Le parallèle est alors fait entre l’intime et le social. D’une part avec le cocon familial dans ce qu’il a de plus secret, même dans un village où tout se sait. Et d’autre part avec la vie des médecins et des chercheurs de l’époque, la complexité de leur travail, les refus, le poids et la charge affective de cette maladie dans une société intolérante et pas préparée, où la méconnaissance du virus, de la façon dont il se propage, a engendré bien des solitudes, des désespoirs et des incompréhensions dans les familles des malades, autour d’eux et jusque dans la société.
Ce livre est d’autant plus intéressant que les proches des malades de l’époque sont ceux qui peuvent encore dire, eux qui ont été les témoins de leurs souffrances et du rejet de la société, à un moment où la jeunesse oublie parfois un peu trop que la maladie, loin d’être éradiquée, touche encore beaucoup de monde alors que la médecine n’a toujours pas de solution pour la guérir.
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d’interroger le passé familial. Évoquant l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l’apparition du sida dans une famille de l’arrière-pays niçois – la sienne – et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d’un paria.
Passeur de mots, passeur d’Histoire, transmission d’un fils pour son père
Quatre vingt ans après, Stéphane Émond refait le chemin qu’avait fait sa famille pour fuir la guerre. Alors qu’il vit désormais très loin du berceau familial, il a ressenti le besoin de refaire le parcours sur ces pauvres routes de France depuis l’Argonne vers le département de l’Aube pour y trouver un peu des siens, de leurs angoisses, de leurs espoirs, de la mort et de la vie.
Armé de deux très vieilles photographies et de l’alliance si fine et fragile héritée du grand-père, l’auteur part sur les routes retrouver les siens, pour comprendre la peur, pour vivre les terreurs des femmes et des enfants, pour entendre les bombardements et la mort de la grand-mère. Refaire le chemin à l’envers pour se rapprocher du passé, imaginer les préparatifs, que garder, que laisser, reviendra-t-on un jour dans cette maison que l’on quitte. Partir sans s’arrêter, passer des villes en flammes, faire partie de cette cohorte de réfugiés qui fuient la guerre sous le fracas de la mitraille. Tant de questions, tant d’incertitudes, tant de craintes sans doute.
Ce pèlerinage au sources est ici raconté à la première personne par un auteur sans fard et d’une grande sincérité quant à ses propres interrogations, lui qui a quitté depuis si longtemps la terre des ancêtres. Alternant entre présent et passé, il fait le récit d’une introspection, mais également celui d’une fresque familiale avant l’oubli, pour que ceux qui viendront après sachent et connaissent. Stéphane Émond se fait passeur d’histoire avec un petit mais aussi avec un grand H, de l’histoire familiale à celle de cette région de France creuset de tant de combats, envahie par les conquérants et meurtrie par les guerres à travers les âges.
On retrouve ici le besoin de transmettre de cette seconde génération qui n’a pas connu directement les événements dont elle parle, et dont les parents, qui eux ont vécu l’exode et la guerre, n’ont jamais évoqué leur expérience. Passeur de mots, passeur d’Histoire, transmission d’un fils pour son père.
Merci d’avoir pensé à insérer une carte de ces régions en début du récit.
En juin 1940, comme des milliers de Français, une famille fuit son village d’Argonne. Quatre-vingts ans plus tard, tandis que l’auteur refait ce voyage jusqu’à un village de l’Aube où sa grand-mère fut tuée par le mitraillage d’un avion allemand, les souvenirs affluent. Son père, paysan et menuisier comme ses ancêtres enracinés au seuil de la grande forêt, sa mère qui divague, les voisins, les maisons, la guerre qui plusieurs fois en un siècle fit passer le fer et les flammes sur cette terre des confins de Champagne et de Lorraine… Stéphane Émond, qui a quitté son pays et fait sa vie ailleurs, loin des outils du père, au milieu des livres, recueille l’histoire universelle des siens, tantôt sévère, tantôt riante, toujours laborieuse, et l’unit dans ce récit aux champs, aux arbres, aux rivières, à la terre où ils reposent.
Paru le 18/08/2022 / 128 pages / ISBN : 9791037109934 / 16,00€
Cet homme qui a voulu tuer Hitler, ou quand la narrative non fiction se lit comme un roman
En novembre 1938 un homme seul tente d’assassiner le Führer. Ce jeune suisse, ancien séminariste de 22 ans est prêt à tout pour parvenir à ses fins, au risque d’y laisser la vie.
Pendant ses années au séminaire, Marcel Bauvaud a appartenu à la confrérie du mystère. C’est une association quasi secrète de jeunes très motivés pour asseoir le pouvoir et la force du catholicisme. Et les agissement du Führer en ces années 1936 sont contraires aux préceptes de leur religion, il convient donc de l’empêcher d’agir par tous les moyens. Et quel autre moyen serait plus efficace que la mort.
Marcel Bauvaud est un jeune homme intrinsèquement bon qui refuse de faire le mal et veut appliquer à la lettre les commandements, mais dans le cas qui l’intéresse, tuer un futur assassin, est-ce réellement une faute ? En tout cas, si c’en est une, il est prêt à l’assumer.
Après avoir quitté le séminaire, la rigueur et l’ordre ne sont plus ses priorités, et sur les injonctions de son amis le délirant Marcel Gerbohay qui se prend parfois pour un rescapé du massacre de la famille du Tsar, il décide de partir accomplir son destin. Il quitte Neuchâtel et le voilà en Allemagne, de Munich à Berlin, de Baden-Baden à Berchtesgaden, il traque le petit caporal qui foule aux pieds l’Église catholique, l’humanisme, le pacifisme, l’indépendance de la Suisse.
Son échec sera cuisant, il sera arrêté, torturé puis condamné à mort par la très efficace Gestapo qui protège comme une louve la vie de son führer.
Il faut dire que Hitler a été la cible de nombreuses tentatives d’assassinat hélas non abouties. Pourtant celle-ci est longtemps restée inconnue, le silence qui a été fait au moment des faits a longtemps perduré, y compris en Suisse.
À partir d’éléments d’archives, Jean-Baptiste Naudet construit un récit prenant qui restitue le contexte de l’époque et le destin de Maurice Bavaud. C’est tout à fait passionnant, parfois dur, mais tellement vrai. Une véritable leçon à la fois de courage et d’inconscience. Ce récit se lit comme un roman, se vit comme un moment d’Histoire. De plus, comment ne pas lui trouver d’écho dans l’actualité internationale.
Un homme seul va tenter de tuer Hitler. Un homme isolé, désintéressé qui, de sa propre initiative, sans rien dire à personne, sans aide aucune, a décidé d’éliminer le Führer. Pendant des semaines, il va traquer le dictateur dans une Allemagne nazie quadrillée par la Gestapo. Inspiré par sa foi catholique, cet ancien séminariste est prêt à tout, y compris à sacrifier sa vie.
172 pages ; 200 x 130 cm ; broché / ISBN 978-2-492301-07-0 / EAN 9782492301070 / 17,90 €
Suivre Dora Maar, la femme, l’amante, la muse, l’artiste, La femme qui pleure
Depuis le temps que j’avais envie de le lire, je trouve la démarche, le hasard, les recherches fascinants.
Photographe, peintre, muse de Pablo Picasso, Dora Maar est une femme qui a évolué dans le cercle des artistes, surréalistes, intellectuels des années 50. Alors trouver dans un étui acheté par correspondance le carnet d’adresses de Dora Maar, ou même seulement imaginer que cela soit possible est une véritable gageure. C’est pourtant ce qui est arrivé à l’autrice qui a eu la bonne idée, lorsqu’elle est tombée sur des adresses toutes plus incroyables les unes que les autres, de poursuivre ses recherches.
En partant de ces numéros de téléphone et de ces adresses elle remonte le fil de la vie de Henriette Théodore Markovitch, née en novembre 1907 à Paris. Muse du peintre le plus emblématique du XXe. Belle intelligente farouche volontaire hautaine entière volcanique coléreuse exaltée orgueilleuse digne cultivée snob… Les qualificatifs ne manquent pas pour l’évoquer. Et cependant, qui peut se targuer de dire qu’à part citer le si célèbre tableau de Picasso, la femme qui pleure, il ou elle connaît le personnage, sa vie, sa carrière. Cocteau, Chagall, Giacometti, Balthus, Breton, Lacan, Éluard… vétérinaire, plombier, architecte… Et Picasso, à qui elle donne sa vie, son amour, qui lui vaudra sa défaite et sa légende.
Ce que j’ai aimé ?
Embarquer dans ce carnet, parcourir les adresses, retrouver les numéros et les noms parfois oubliés, suivre un parcours de vie, celui de Dora Maar, la femme, l’amante, la muse, l’artiste, la désespérée.
J’ai aimé que le cheminement ne soit pas simplement guidé par un ordre alphabétique ou qu’il se concentre seulement sur des noms connus, mais que s’y mêlent aussi ceux qui ont côtoyée Dora Maar dans sa vie de tous les jours, qui ont vécu eux à son époque. De plus je suis une inconditionnelle de Picasso. J’aime lire tout ce qui m’en apprend un peu plus sur cet homme qui a brisé plus d’un cœur, mais qui a marqué sont époque par son art et sa créativité. J’ai passé un excellent moment de lecture.
Il était resté glissé dans la poche intérieure du vieil étui en cuir acheté sur Internet. Un tout petit répertoire, comme ceux vendus avec les recharges annuelles des agendas, daté de 1951. A : Aragon. B : Breton, Brassaï, Balthus… J’ai feuilleté avec sidération ces pages un peu jaunies. C : Cocteau, Chagall… E : Éluard… G : Giacometti… Chaque fois, leur numéro de téléphone, souvent une adresse. Vingt pages où s’alignent les plus grands artistes de l’après-guerre. Qui pouvait bien connaître et frayer parmi ces génies du XXe siècle ? Il m’a fallu trois mois pour savoir que j’avais en main le carnet de Dora Maar. Il m’a fallu deux ans pour faire parler ce répertoire, comprendre la place de chacun dans sa vie et son carnet d’adresses, et approcher le mystère et les secrets de la « femme qui pleure ». Dora Maar, la grande photographe qui se donne à Picasso, puis, détruite par la passion, la peintre recluse qui s’abandonne à Dieu.
7,70€ / 288 pages / Date de parution : 10/11/2021 / EAN : 9782253820444