Cinq petits indiens, Michelle Good

Un roman choral bouleversant d’humanité, de douleur, d’espoir

Il y a Maisie, Clara, Lucy, Kenny et Howie et tous les autres, tous ceux qui ne sont plus là, disparus pour certains, silencieux pour la grande majorité d’entre eux.

Qui sont-ils ? Ce sont des indiens autochtones canadiens. Alors qu’ils n’étaient que des enfants, le gouvernement a décidé de les enlever à leurs familles pour ôter l’indien en eux, les faire vivre selon les préceptes de la religion catholique, dans des écoles qui devaient leur apprendre à devenir des blancs vivants à l’occidentale. Mais un indien reste à jamais indien, fort heureusement, et cet épisode douloureux de l’histoire récente du Canada signe l’échec de cette « invisibilisation » forcée des Premières Nations.

Michelle Good a voulu nous faire connaître leurs vies à travers le destin de cinq enfants devenus adultes. Leur prime enfance souvent heureuse, l’arrachement aux familles, les années noires du pensionnat, là où rien ne leur sera épargné, puis leur avenir à partir du jour où ils sont tout simplement mis à la porte du pensionnat à leurs 16 ans.

Chacun à son tour, les cinq petits indiens se racontent, du présent au passé, de l’enfance à l’adolescence, les peurs, les pleurs, la souffrance, les violences subies, les visites nocturnes du Père, tant aux filles qu’aux garçons, les silences de sœur Mary et sa cruauté, le soutien et l’entraide reçus de la part d’autres enfants.

Et le départ dans la vie, loin de la Mission, tellement difficile quand on a reçu ni amour, ni une éducation correcte pour pouvoir s’en sortir.

Un très beau roman, terriblement émouvant, empreint d’un réalisme qui fait mal tant les maltraitances sont flagrantes, la violence physique et morale destructrice pour ces adultes en devenir. Les dernières écoles ont fermé en 1996 à peine. De nombreux enfants sont passé par là, un grand nombre n’en est jamais revenu.

Des pratiques sordides que d’aucuns ont eues également ailleurs. En lisant ce roman on pense également aux enfants enlevés aux républicains par le gouvernement espagnol de Franco pour les élever dans la ligne du parti au pouvoir. Ici, c’est la nation indienne qui est niée en bloc. Fort heureusement, depuis des procès ont eu lieu, certains anciens pensionnaires ont pu s’exprimer au nom de tous ceux qui étaient passés par là, et une forme de reconnaissance essaye de voir le jour. Mais cela ne pourra jamais éclipser la cruauté de ce qu’ils ont subit pendant autant d’années.

J’ai aimé les écouter, les suivre, eu mal avec eux des outrages subits et de leurs difficultés à s’en sortir. J’ai suivi les traces de John Lennon et les pas des cinq petits indiens que je n’oublierai pas de sitôt.

Michelle Good, est une autrice crie qui appartient à la nation Red Pheasant. Elle a été l’avocate des survivants des pensionnats pendant de nombreuses années. Ce sont leurs voix qu’elle nous fait entendre, leurs douleurs, leurs vies. Certes romancées, mais le fonds est là, un roman choral bouleversant d’humanité, de tristesse, de douleur, mais aussi d’espoir et d’empathie.

Pour aller plus loin, lire par exemple l’article Découverte de corps d’enfants autochtones : comme si le Canada « se réveillait d’une longue amnésie »

« Ces pensionnats autochtones – on en dénombre officiellement 140 – ont été mis en place dans les années 1880. Le dernier a fermé en 1996″, »Le plus souvent gérés par l’Église catholique, leur objectif était de ‘civiliser’ les enfants des Premières Nations. »

Pendant près d’un siècle, l’État a ainsi arraché plus de 150 000 enfants amérindiens, métis ou inuits, à leur famille pour les assimiler à la culture blanche dominante », poursuit-elle. Un rapport publié en 2015 estime qu’entre 4 000 et 6 000 seraient morts dans ces institutions sous l’effet de maladies, de sous-nutrition, de maltraitances ou d’abus sexuels. 

Catalogue éditeur : Seuil, Voix autochtones

Traduit par : Isabelle Maillet

Canada, fin des années 1960. Des milliers de jeunes autochtones, libérés des pensionnats, essaient de survivre dans le quartier d’East Vancouver, entre prostitution, drogue et petits boulots.
Il y a Maisie, qui semble si forte ; la discrète Lucy, épanouie dans la maternité ; Clara, la rebelle, engagée dans l’American Indian Movement ; Kenny, qui ne sait plus comment s’arrêter de fuir, et, enfin, Howie, condamné pour avoir rossé son ancien tortionnaire.

D’une plume saisissante, Michelle Good raconte les destins entremêlés de ces survivants. Un roman choral bouleversant.

Michelle Good est une autrice crie appartenant à la nation Red Pheasant. Elle a travaillé comme avocate auprès des survivants des pensionnats autochtones pendant plus de 20 ans et elle a également publié de la poésie, des essais et des nouvelles dans de nombreux magazines et anthologies. Cinq Petits Indiens a reçu, entre autres, le prix du Gouverneur général 2020 et le prix du public Canada Reads de Radio-Canada.

Date de parution 10/03/2023 / 22.00 € TTC / 352 pages / EAN 9782021502626

Azincourt par temps de pluie, Jean Teulé

Jean Teulé raconte avec son écriture reconnaissable entre mille un épisode peu glorieux de la guerre de cent ans

La guerre de cent ans, il y a bien longtemps que je l’avais oubliée tant le programme scolaire est loin ! Jean Teulé raconte dans ce roman l’échec sanglant des français face aux anglais en ce 25 octobre 1415, sur le champ de bataille situé tout près de la commune d’Azincourt, dans le nord de la France.

Les anglais avaient débarqué en août de la même année avec plus de 9000 hommes et pour asseoir leurs prétention à la couronne de France, fait le siège de Harfleur. Après plus de deux mois, ses troupes étant affaiblies, Henry V décide de rejoindre le port de Calais et d’embarquer pour l’Angleterre. Entre temps, plus de 12 000 hommes côté français se sont lancés à leur poursuite et ont bloqué toutes les issues maritimes possibles jusqu’à la Somme. Trempés, affamés et surtout malades de dysenterie, (ah ces moules ! Ils les ont voulues, elles les ont eus), ils sont finalement bloqués par les français du coté d’Azincourt.

C’est une armée dépenaillée, en déroute, malade, que doivent affronter alors les fringants et valeureux chevaliers français. Seigneurs de haut rang, princes de sang, hauts dignitaires ou rejetons des plus grandes familles du royaume, tout ce que le royaume de France compte comme élite est présent à Azincourt.

Le 24 octobre, il n’ont plus d’autre issue que de se battre, les troupes en déroute du roi Henri V doivent affronter celles de Charles VI.

Après une nuit de beuverie et de disputes pour savoir qui de tel ou tel noble va constituer l’avant-garde, et donc en retirer toute la gloire, les chevaliers s’apprêtent à combattre. Mais alourdis par leurs armures métalliques ornées comme à la parade, ils vont s’embourber. Le champ récemment labouré, fortement détrempé par les pluies qui s’abattent sans interruption, s’est transformé en véritable piège. Bloqués, alourdis, mal préparés, trop sûr d’eux, plus de 6000 hommes meurent là, sous des pluies de flèches pour la plupart, étouffés sous la masse des hommes et des chevaux en armures, incapables de bouger, mais aussi exécutés sur ordre du roi Henri V alors qu’ils avaient été faits prisonniers. Les combats sont intenses et la défaite écrasante malgré le nombre inégal de part et d’autre.

Pourquoi j’ai aimé ?

Jean Teulé, avec sa verve et son ironie inimitable, montre ici toute l’absurdité de ces combattants valeureux sans doute, mais si mal préparés. Les armures et les lances totalement hors de propos, les chevaux caparaçonnés qui s’embourbent et tombent sous le poids des hommes qu’ils doivent transporter. L’armée française compte alors un grand nombre de morts, et surtout déplore la disparition quasi complète de l’élite de la chevalerie. Un comble.

J’ai aimé ces images, ce vocabulaire, ces personnages truculents, cette fleur de Lys au châle jaune (apparemment synonyme de fille à soldat) qui dans sa simplicité et sa logique toute paysanne est aussi la voix de la sagesse, chose impossible à comprendre ou simplement entendre pour ces nobles si sûrs d’eux-mêmes. Même si parfois la violence des combats, des représailles, le vocabulaire cru et imagé, fait frémir, on s’y croit et on la sent si bien dégouliner sur les épaules des hommes, les armures, la terre déjà bien imbibée, cette pluie qui n’en fini pas de tomber sur les champs de bataille d’Azincourt, dans un nord de la France au ciel bas et gris.

Catalogue éditeur : J’ai lu, Mialet-Barrault

Azincourt, un joli nom de village, le vague souvenir d’une bataille perdue. Ce 25 octobre 1415, il pleut dru sur l’Artois. Quelques milliers de soldats anglais se retrouvent pris au piège par des Français en surnombre. Bottés, casqués, cuirassés, armés jusqu’aux dents, brandissant fièrement leurs étendards, tout ce que la cour de France compte d’aristocrates se précipite pour participer à la curée. Ils ont bien l’intention de se couvrir de gloire, dans la grande tradition de la chevalerie française. Aucun n’en reviendra vivant. Un désastre grandiose !

Avec la verve qu’on lui connaît et son sens du détail qui tue, Jean Teulé nous raconte ces trois jours dantesques où, sous une pluie battante, des milliers d’hommes se sont massacrés dans un affrontement sanglant d’autant plus désastreux que cette bataille était parfaitement inutile.
Paru le 04/01/2023 / 7,80€ / 224 pages / EAN : 9782290377048

Hors d’atteinte, Frédéric Couderc

Hors d’atteinte de la justice des hommes, l’éternel tourment de savoir ces nazis impunis

Hambourg, en 2018, Paul Breitner est un écrivain à succès qui cherche le sujet de son prochain roman. Le jour où son grand père Viktor disparaît puis réapparaît sidéré, soudain muet, il sent qu’il tient là une source d’inspiration, mais sans forcément savoir dans quelle voie il va s’orienter.

Viktor vit sur la colline des millionnaires, à Blankenese. Un endroit sujet à interrogations, pourquoi est-il parti habiter là-bas alors que rien ne l’y prédestinait. Et lorsque Viktor réapparaît, une lettre froissées entre les mains, Paul se rend compte qu’il ne connaît rien de la vie de son grand-père. Si ce n’est qu’il a plus ou moins quitté sa femme et son fils pour vivre seul. Et lorsque son père s’est tué dans un accident, Paul s’est rapproché de son grand-père, la figure masculine devenue indispensable pour combler le vide. Mais cette complicité ne suffit pas pour comprendre son attitude actuelle. En bon romancier, Paul part sur les traces de Viktor. Il découvre que sa famille n’a pas été seulement décimée sous les bombes qui ont détruit Hambourg mais que Vera, la jeune sœur de Viktor, a subi un tout autre sort.

Un matin de 1940, Vera avait embarqué dans un de ces bus charitables qui transportaient des patients vers le centre du château de Sonnenstein. C’est à cette période que les nazis décident de mettre en place le programme de la mort miséricordieuse qui est offerte aux malades pour nettoyer le pays de toutes ces bouches inutiles. Autrement dit, Aktion T4, ou l’élimination de plusieurs milliers de malades mentaux. L’horreur absolue perpétrée à grande échelle. L’un des docteurs qui dirigent ce programme n’est autre que Horst Schumann, un médecin SS que l’on peut comparer à l’ignoble Mengele. Horst Schumann a ensuite réalisé sans relâche des expériences au rayons X et des castrations à la chaîne sur des cobayes humains, de jeunes hommes et femmes, dans le bloc 10 à Auschwitz.

À l’été 47, Viktor est enrôlé par la SS dans la Kriegsmarine et affecté au Danemark. A son retour en Allemagne, il apprend la disparition de ses parents, sa famille comme sa maison sont anéantis. C’est alors qu’il découvre l’action de Horst Schumann dans la guerre, le massacre de tant de femmes et d’hommes dans les camps, et son rôle dans la disparition de sa sœur. À partir de cette date, hanté par le souvenir de Vera, il n’aura de cesse de le retrouver. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre Nina, une jeune rescapée qui fuit vers Israël. Nina qui restera à jamais dans le cœur de Viktor.

Pourquoi j’ai aimé lire ce livre ?

J’ai été déstabilisée au départ car l’action se situe en Allemagne, je n’étais pas forcément à l’aise avec certains lieux, mots, etc. Mais le choix m’a vite paru évident pour se glisser dans la peau d’une victime directe du programme Aktion T4. Qui mieux que Viktor pouvait avoir vécu dans sa chair l’horreur que cela représente, qui mieux que Paul, son petit fils, pour mener l’enquête qui le mène vers l’homme qui a échappé jusqu’au bout à la justice des hommes. Car si Horst Schumann décède dans son lit, la traque des criminels nazis en Amérique du sud, du Nord, en Europe ou en Afrique a été bien réelle. Hélas bien peu ont été retrouvés, même Mengele finira ses jours en Amérique du Sud et ne sera jamais jugé.

Frédéric Couderc fait alterner le présent avec Paul, cet écrivain qui cherche Viktor, puis à comprendre la vie de son grand-père et son action dans la chasse aux SS. Et le passé avec la jeunesse de Viktor pendant la guerre, la famille décimée, cette obsession qui va le poursuivre toute sa vie, retrouver celui qui a décidé de la mort de sa sœur, et ses amours contrariés avec Nina.

En romançant leur histoire, il sait faire émerger cette part d’humanité indispensable pour supporter l’horreur. Donner un visage, des sentiments, des personnalités à ceux qui ont connu, vécu, enduré le mal pour qu’il soit à la fois plus présent et plus vivant. Cela permet aussi de rendre plus audibles les éléments historiques qui émaillent le roman, procès, jugements, archives, actions des nazis dans les camps, expériences, victimes, et la fuite incompréhensible de tous ces hommes dont on sait qu’ils ont été protégés partout où ils se sont terrés. La plupart sont morts de leur belle mort, qui dans un lit, qui sur une plage, sans être tourmentés. Ils ont commis des actes tellement inimaginables qu’ils ont besoin d’être dilués dans le romanesque pour pouvoir être lus par tous. Une fois de plus, Frédéric Couderc a su mêler la fiction et l’humain pour nous révéler cet homme dilué dans les méandres de notre Histoire récente, avec toujours ce credo, dire pour ne jamais oublier, car il faut toujours garder à l’esprit que le mal peut à nouveau émerger des profondeurs.

Pour aller plus loin

Ne pas hésiter à lire ces romans dont j’ai déjà parlé ici :
L’ordre du jour. Eric Vuillard sur la façon dont les industriels allemands ont participé au financement des nazis.
La disparition de Josef Mengele. Olivier Guez  sur la chasse incroyable de ce criminel de guerre jamais capturé.
Hadamar, Oriane Jeancourt Galignani sur un des centres dans lesquels s’est mis en place le programme Aktion T4.

Catalogue éditeur : Les Escales

Hambourg, été 1947. Le jeune Viktor Breitner arpente sa ville dévastée. Un jour, il croise Nina, une rescapée des camps dont il tombe éperdument amoureux. Elle disparaît, son absence va le hanter pour toujours, autant que le fantôme de sa sœur Vera, morte au début de la guerre.
Soixante-dix ans plus tard, Viktor s’évanouit à son tour. En se lançant à sa recherche, son petit-fils Paul découvre avec effroi que celui-ci est mystérieusement lié à un doktor SS d’Auschwitz semblable à Mengele : Horst Schumann. Paul est un écrivain à succès, l’histoire de son grand-père, c’est le genre de pépite dont rêvent les romanciers. Mais il redoute par-dessus tout la banalisation de la Shoah, et sa soif de vérité le mènera jusqu’aux plaines d’Afrique, dans une quête familiale aussi lourde que complexe.

23.00 € / Date de parution : 05/01/2023 / EAN : 9782365696685 / pages : 512

La porte du vent, Jean-Marc Souvira

Quand le vent de l’Histoire souffle sur le présent, un polar humain et intelligent

Dans ce nouveau roman tant attendu, Jean-Marc Souvira nous entraîne auprès de clans mafieux qui réalisent ensemble des opérations financières frauduleuses à grande échelle, alors que tout devrait les séparer, culture, origine, religion.

D’un côté le clan Nathan, ce sont des juifs qui habitent du côté de Saint Mandé et aiment faire démonstration de leur force et de leur richesse.
De l’autre côté l’empire du chinois Shen Li. Le patriarche prend soin de gérer son empire sans jamais montrer son immense fortune. Une vieille voiture, des gardes du corps habillés comme de simple travailleurs, une société du côté d’Aubervilliers, il habite avec sa famille en Seine et Marne. Il ne se mêle jamais de trafic de drogue, c’est trop risqué à tout point de vue pour toute sa famille, c’est même absolument interdit.
Pourtant, à la suite de l’exécution en pleine rue de Richard Nathan, de son chauffeur et du garde du corps, que les bruits imputent à Shen Li, puis en représailles celle de son ami Sun Hao exécuté devant chez lui, il semble évident que quelqu’un parmi les siens a franchi la limite. Les morts violentes ne s’arrêtent pas là et bientôt les mafieux et les flics sont confrontés à une véritable hécatombe.

L’enquêteur en charge de ces affaires est Paul Dalmate, il doit tout mettre en œuvre pour élucider ces meurtres. Ancien séminariste, ce flic solitaire aime la musique, surtout depuis que Mistral (ceux qui ont lu les précédents roman de l’auteur apprécieront) lui a fait découvrir autre chose que les musiques sacrées. Dalmate traîne aussi quelques traumatismes venus d’une enfance difficile et qui vont se dévoiler peu à peu.

Tout le 36 est sur le pont, il ne faudrait pas que tout Paris s’embrase. Mais le mystère s’épaissit lorsque Avi Richter et Guo Tran, deux puissants responsables d’organisations criminelles débarquent à Paris. Ces vieillards sont des chefs incontestés qui ne se déplacent jamais. L’un arrive d’Israël l’autre de Chine. Ils partent se recueillir devant une tombe chinoise du plus grand cimetière de guerre du Commonwealth en France, et emmènent avec eux un fils Nathan et un fils Shen.

La suite du roman bascule alors dans le passé et nous propulse en automne 1916, en France, au plus près des combats. On y rencontre de nouveaux personnages, d’abord en Chine dans le village de Kaifeng, puis à Boulogne-sur-mer et à l’arrière de la ligne de front. Un retour en arrière qui éclaire d’un jour nouveau les liens entre les différents protagonistes.

Dans ces années 1916/1917, on compte déjà des milliers de pertes humaines. Les femmes ont remplacé les hommes dans les usines, mais on manque encore de bras. Les gouvernements de la France et de l’Angleterre, deux pays présents en Chine, ont l’idée d’enrôler des paysans chinois pour aller faire les manutentionnaires à l’arrière du front, ou dans le port de Boulogne-sur-mer. Il est indispensable de pallier à la logistique défaillante pour apporter le soutien nécessaire aux soldats qui se battent sans relâche dans les tranchées. Payés une misère, ces quelques 140 000 chinois ont signé un contrat de plusieurs années, ils reçoivent un salaire de misère, mais peuvent ainsi envoyer de l’argent au pays.

C’est dans ce passé et sur ces zones de guerre que se trouvent les racines de la fraternité aujourd’hui en miette entre les deux clans, celui des Nathan et celui des chinois de Shen Li. Là aussi que l’on comprend le pourquoi de la venue des deux chefs de guerre Avi Richter et Guo Tran.

Un thriller qui m’a entraînée bien au-delà de ce que j’imaginais. Merci Jean-Marc Souvira d’être allé chercher ces histoires oubliées, pour les mêler à celles des violence d’aujourd’hui, et surtout d’en faire un polar aussi intelligent, instructif, que passionnant, mêlant habilement une intrigue policière actuelle à un véritable roman historique. J’ai aimé découvrir la vie de ces chinois sur le front, dans les tranchées de la première guerre mondiale. Mais aussi retrouver les coins que Paris que je connais et les voir ainsi d’une tout autre façon. Tout au long du roman, on sent la maîtrise à la fois des métiers de la police et de ceux qu’elle doit combattre. Jean-Marc Souvira est un commissaire divisionnaire qui a exercé pendant trente ans dans la police judiciaire. Ce grand flic possède une excellente connaissance de l’institution mais aussi de ceux contre lesquels elle doit lutter.

Merci d’avoir réveillé pour nous cet épisode méconnu de l’Histoire, d’avoir donné une âme et une profonde humanité à ces personnages capables aussi de bienveillance et de solidarité.

Catalogue éditeur : Fleuve éditions

Pourquoi ces deux vieillards, venus l’un de Chine et l’autre d’Israël, ont-ils décidé de se recueillir ensemble sur cette mystérieuse tombe chinoise d’un cimetière militaire picard de la Première Guerre mondiale ? Pour le commandant Dalmate, la présence de ces personnages sur le territoire national n’augure rien de bon. En effet, ils sont, chacun dans leur pays, à la tête d’organisations criminelles dont les ramifications s’étendent jusqu’en France.
Or, depuis peu, les règlements de comptes entre ces communautés s’intensifient ; une escalade de violence qui semble échapper au contrôle des forces de l’ordre. Mais le monde ne date pas d’aujourd’hui, et c’est peut-être dans le passé que se trouvent les réponses capables d’apaiser les esprits. Dans des amitiés nées il y a bien longtemps, au cœur des tranchées…

Date de parution : 05/01/2023 / EAN : 9782265156623 / Nombre de pages : 592 / 22.90 €

La revanche des orages, Sébastien Spitzer

Cette boule est la chose la plus puissante…depuis que l’homme est sur terre

Qu’est-ce qui fait qu’un homme ordinaire, pilote engagé dans la seconde guerre mondiale, devient malgré lui celui qui participe aux vols des B-29 qui ont largué la bombe sur Hiroshima le 6 août 1945. Celui qui dit Donc, c’est bon pour lancer les opérations et le largage de Little Boy.

Claude Eatherly rencontre Anna et tout de suite c’est le coup de foudre entre la belle Italienne actrice et l’apprenti pilote, le futur héros. Claude Eatherly s’est engagé pour faire comme tous les petits gars du Texas, qui veulent venger l’attaque de Pearl Harbor et ne peuvent pas rester au pays sans rien faire. Un mariage et un fils plus tard, le major Eatherly est envoyé sur une base aux confins du Pacifique pour réaliser l‘opération la plus importante de l’Histoire. Là, il va piloter un B-29, la plus grosse forteresse volante construite à cette époque.

Pourtant aujourd’hui il sort de l’hôpital psychiatrique où il a subit les traitements les plus terribles pour oublier la voix qui lui rappelle Enola Gay, Hiroshima et la bombe qui a fait des dizaines de milliers de morts sous les nuages. Qui est-il et pourquoi doit-il subir ces traitements… Car il est celui qui entend les voix des jeunes filles perdues, touchées par la bombe, à jamais bannies de leur propre pays tant la peur est grande des conséquences. Cette voix en particulier qui parle et qui raconte ce qu’elle a vu en ce jour qui n’est autre que le début de l’enfer, pour elle qui était vivante au milieu de ombres.

Si vous aviez oublié cet épisode terrible de la fin de la seconde guerre mondiale, il est ici décrit avec force détails, comme si nous étions sur les bases américaines, dans la tête des pilotes, dans la vie des femmes restées au pays et qui attendent le retour du héros, des parents qui espèrent revoir leurs fils, fiers de savoir qu’ils sont partis combattre l’ennemi pour venger leurs morts, mais qui attendent dans la douleur et l’inquiétude le retour des vivants.

J’ai aimé cette écriture brève, incisive, ce style reconnaissable entre mille d’un auteur que j’apprécie de roman en roman.

J’ai aimé cette façon d’appréhender l’histoire par la petite porte, celle des hommes oubliés, rejetés, blessés, anéantis. Et cette façon de nous montrer comment chez ce héros malgré lui d’une mission qui va le hanter toute sa vie, les remords et les regrets anéantissent sa vie et celle de sa famille. Une fois de plus il a su déterrer l’inconnu, celui dont personne ne parle mais qui pourtant était là, sans doute au mauvais endroit au mauvais moment, qui a vécu au plus près un moment fort de notre histoire récente. Il nous le rend proche, humain, fragile, terriblement blessé au plus profond de lui-même par un acte que d’aucuns ont pourtant qualifié d’héroïque et indispensable pour arrêter le conflit mondial là-bas, du côté du Japon.

Pour aller plus loin :

Les victimes : Hiroshima : 68 000 à 140 000 morts ; Nagasaki : 35 000 à 80 000 morts ; Total : 103 000 à 220 000 morts … (Wikipédia)

Les ombres d’Hiroshima : Lorsque l’onde frappe une personne, son corps en absorbe l’énergie. Il sert alors de bouclier à ce qui se trouve derrière. Ainsi, tout ce qui se trouve autour est décoloré par la puissance de l’onde lumineuse. Il en résulte une ombre, de la forme de ce qui se trouvait sur le passage de l’onde, empêchant la décoloration de la surface derrière elle. (Toms guide)

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Voici l’histoire vraie du jeune pilote Claude Eatherly qui, le 6 août 1945, a participé au bombardement d’Hiroshima. Démobilisé, il est accueilli en héros mais s’enferme dans le mutisme. Une étrange voix le hante. Qui est-elle ? Que veut-elle ? Et si c’était la voix de sa conscience ? Tandis que les autorités le font passer pour fou, Eatherly entraîne sa femme et ses enfants dans une chute inexorable.

17 août 2022 / 21,90 € / 400 pages / EAN : 9782226464675

La musique des âmes, Sylvie Allouche

Une belle histoire d’amitié par temps de guerre


En 1944. Mathias et Simon sont amis. Le père de Simon est un luthier très réputé sur la place de Paris, mais depuis les lois iniques imposées par les nazis, et cette horrible inscription apposée sur la porte de son magasin, plus personne n’ose franchir le seuil d’un établissement juif.
Alors chaque jour il peaufine l’œuvre de sa vie, ce magnifique violon qu’il destine à son fils Simon.

Qu’il est difficile pour la famille de Simon de vivre avec les tickets de rationnement, avec une clientèle qui a disparu, mais surtout avec cette épée de Damoclès sur la tête, le risque d’être raflés par les nazis et déportés en Allemagne dans ce que l’on appelle injustement encore les camps de travail.

Le jour où Mathias découvre que la famille de Simon n’est plus là, malgré son désir d’aider, le risque est trop grand pour lui et pour sa famille de tenter de venir en aide cette famille juive qu’il considère comme ses amis, et ses égaux.

Que peut-il faire, que peuvent faire ceux qui veulent aider dans ces périodes si difficiles. C’est bien la question que pose l’autrice et à laquelle elle tente de répondre.
Un court roman qui pose les bases de cette période si dramatique et difficile de la guerre, mais qui peut être lu par des jeunes afin qu’ils comprennent et n’oublient pas à leur tour.
J’ai apprécié le fait que l’autrice ait su s’arrêter avant d’être obligée de dire l’horreur absolue. Ici les choses sont adroitement effleurées, suggérées et un minimum d’explications peut permettre aux jeunes lecteurs de les comprendre.

Un court roman indispensable qui évoque la rafle du vel’dhiv, la déportation, mais surtout qui parle de force, de loyauté, d’amitié et d’amour.

Catalogue éditeur : Syros jeunesse

Avant, le père de Simon était un luthier renommé, son atelier ne désemplissait pas. Puis il y a eu la guerre, l’occupation et le mot juif placardé en travers de sa vitrine. Alors Simon s’est fait une promesse : il composera une œuvre avec le violon que son père lui fabrique, pour lui dire tout son amour et son admiration. Un après-midi, Matthias, son meilleur ami, trouve l’atelier vide : la famille de Simon a disparu.

10 ans, 11 ans, 12 ans / Date de publication : 14/01/2021 / ISBN : 9782748529869 / 7,50 €

Les orangers de Versailles, Annie Pietri

Intrigue à la cour du Roi-Soleil

Marion est la fille d’un des jardiniers du château de Versailles. Élevée par son père depuis le décès de sa mère, elle connaît tous les secrets des plantes que se trouvent dans le parc. Dans la France de Louis XIV, nombreux sont les courtisans qui vivent à Versailles. La favorite du Roi-soleil est alors Athénaïs de Montespan. Une marquise adulée par son époux qui refuse que sa femme soit favorite du roi à la cour, mais a-t-on son mot à dire face aux désirs d’un monarque.

Le Roi fait tout pour satisfaire sa dulcinée, rien n’est trop beau pour elle. Exigeante, arriviste, jalouse de la Reine, elle choisit Marion comme demoiselle de compagnie. Et découvre rapidement que cette jeune fille n’est absolument pas quelqu’un d’ordinaire. Elle sait lire et écrire, ce qui est fort rare chez les jeunes femmes de sa condition, et elle connaît parfaitement les parfums. Elle est même capable d’en composer à la demande.

La vie n’est pas toujours facile pour les servantes de la cour du Roi, mais fort heureusement, l’amitié existe même entre demoiselles de compagnie. Il est bien doux alors d’avoir une oreille attentive à qui confier secrets et doutes. Le jour où la Montespan est malade, troublée par le diagnostic du médecin, Marion comprend vite qu’il faut ruser lorsque l’on s’adresse aux puissants. Toute vérité n’est pas toujours bonne à dire et il est parfois plus sage de s’abstenir.

Fine psychologue, perspicace et douée d’un sens aigu de l’observation, Marion comprend rapidement que la Montespan se joue d’elle et complote contre la Reine. Elle trouve vite un allier en la personne du médecin. Ensemble ils vont devoir jouer très finement pour déjouer tous les pièges qui se dressent devant eux.

Un roman très agréable et une lecture parfaite, la voix de Emmylou Homs est posée, douce, rythmée, et nous fait aimer d’emblée cette jeune fille bien courageuse et si singulière.

Si l’épisode qui est évoqué ici et les personnages sont adaptés pour une lecture par des enfants à partir de 11 ans, l’intrigue est pourtant bien basée sur des faits historiques. Une bien jolie façon d’apprendre un pan de notre histoire avec l’affaire des poisons à la cours du Roi Louis XIV. Et n’allez pas croire que ce roman est pour les filles, les garçons qui l’ont écouté avec moi étaient également très intéressés. L’enquête menée par Marion et le médecin, les tentatives de la Montespan, le coté historique et la visite du Versailles de cette époque doivent y être pour beaucoup !

Catalogue éditeur : Audiolib

Marion, la fille d’un jardinier du château de Versailles, a été choisie pour servir la favorite du Roi-Soleil, madame de Montespan. La marquise est exigeante et capricieuse ; il est bien difficile de la satisfaire. Heureusement, Marion possède un don rare : elle sait créer des parfums extraordinaires qui plaisent à sa maîtresse. Mais la Montespan a plus d’un vilain tour dans son sac. Bientôt, Marion découvre qu’un terrible complot se trame contre la reine…

Lu par Emmylou Homs

Dès 11 ans / Éditeur d’origine Bayard Jeunesse / Durée 2h37 / EAN 9782367627649 Prix du format cd 13,90 € / EAN numérique 9782367627298 Prix du format numérique 12,45 € / Date de parution 12/09/2018

L’inventeur, Miguel Bonnefoy

Le soleil est l’avenir…

Qui était Augustin Mouchot, un génie de l’ombre ou un fou illuminé ? Ce fils de serrurier né le 7 avril 1825, cet enfant toujours malade qui a pourtant résisté à tous les assauts dont son corps a souffert, ce professeur de mathématiques banal et solitaire, ou ce savant génial découvreur de la force de l’énergie solaire à une époque où la science ne lui fait pas la part belle ?

Il était tout cela à la fois et avec la verve qu’on lui connaît Miguel Bonnefoy fait de cet homme oublié de tous un héros du quotidien et de la science.

Reconnu par l’académie qui l’aide pour le financement de sa drôle de machine à vapeur, la première est baptisée Octave ;
Remarqué par Napoléon III et par les militaires qui voient déjà des débouchés dans ses créations bizarres ;
Porté aux nues par la presse de l’époque après son extravagante expérience lors de l’exposition universelle de 1878 ;
Isolé dans le désert d’Algérie où il perd à la fois la vue et cette énergie créatrice qui fait sa singularité ;
Ruiné, ayant vendu ses brevets et ses machines à l’ingénieur Abel Pifre, cet homme qu’il avait embauché pour l’aider à compenser ses failles en communication, il trouve refuge chez une pauvre femme aussi solitaire que repoussante, qui pourtant prendra un minimum soin de lui.

Mais il a vécu non pas à l’ère du solaire et des énergies renouvelables, mais à celle du charbon que l’ont part chercher dans les mines, c’est plus sûr et moins onéreux.

Malgré le mot glissé dans sa poche, comme il le faisait dans son enfance, ce Bien que j’en aie l’air, je ne suis pas mort, ce héros de la science meurt comme il a vieillit, dans le dénuement total quasiment oublié de tous.

J’ai aimé retrouver dans ces phrases et dans ces lignes, dans les différents personnages qui évoluent autour de Mouchot, la fougue et le dynamisme, l’intonation et la fore de persuasion de l’auteur, l’imaginant être là près de nous pour évoquer Mouchot, cet homme qu’il ramène à la vie sous nos yeux intrigués. Et de fait, il arrive à rendre un brin magique la vie si peu réussie, la mort bien triste, l’échec cuisant de cet inventeur oublié qui était comme c’est souvent le cas très certainement en avance sur ce que la société était prête à entendre. Et tout cela en réussissant à faire un clin d’œil à son héros Lonsonnier que le lecteur avait pu rencontrer dans son précédent roman, Héritage.

Catalogue éditeur : Rivages

Voici l’extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXe siècle, découvre l’énergie solaire.
La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil.
Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot que l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant « fleurir le désert » sous le soleil d’Algérie.

ISBN: 978-2-7436-5703-1 / Parution : août, 2022 / 208 pages / Prix :19,50€

Aquitania La vengeance d’Aliénor d’Aquitaine, Eva García Saenz de Urturi

Aliénor d’Aquitaine, ou la jeunesse d’une souveraine courageuse et volontaire

Aliénor d’Aquitaine, sans savoir qui elle était, chacun d’entre nous connaît pourtant au moins son nom. Ce roman au souffle picaresque retrace une partie de la jeunesse de l’héritière de la couronne de cette région tant convoitée qu’était l’Aquitaine au XIIe siècle.

Petite fille de Guillaume IX le Troubadour, Aliénor a treize ans lorsque son père Guillaume X décède mystérieusement à Compostelle le jour du Vendredi Saint en 1137. Sur son corps s’affichent les marques d’une horrible torture nommée l’aigle de sang. Aliénor n’accepte pas ce qui lui est rapporté comme étant les cause de cette mort étrange et décide de venger son père.

Pour arriver à ses fins, elle n’hésite pas à faire bouger les lignes en influençant le conseil elle obtient le droit d’épouser le futur Louis VII, fils de Louis Le Gros, le rival de son père. Ce digne descendant de la lignée des capétiens est aussi l’héritier du royaume de France.

Quand le jour de la noce Louis VI dit Le Gros décède à son tour, le mystère s’épaissit. Le couple commence à mieux se connaître, et les sentiments d’Aliénor pour son époux changent au fil des ans. C’est donc avec son époux qu’elle va tenter de faire la lumière sur ces deux morts suspectes. Pendant toutes ces années, rien ne lui sera épargné. La jeune femme n’arrive pas à donner un héritier aux capétiens, ni à se faire une place au Conseil, et ses manœuvres ne sont pas toujours de francs succès.

Tour à tour, Aliénor, Louis, et l’enfant vont exposer leur vision des faits tout au long de ces années. De 1137 à 1149, de Bordeaux à Poitiers, de Normandie à Paris, et jusqu’en terre sainte lors de la croisade menée par Louis VII, Aliénor sait tenir sa place et son rang. Issue de la région la plus prospère du territoire, sa richesse lui donne un pouvoir et un attrait irrésistibles. Le royaume de France cherche à faire les alliances et à gagner les guerres qui lui permettront de gouverner les Comté et Seigneuries dont il a besoin pour étendre son pouvoir. Douze années pendant lesquelles aquitains et capétiens luttent pour le pouvoir. Aux côtés d’Aliénor et de Louis, apparaissent tour à tour son oncle Raymond de Poitiers qui deviendra prince d’Antioche, puis l’abbé Suger en sa basilique Saint Denis, enfin Bernard de Clairvaux, ainsi que quelques chats aquitains qui rôdent dans les couloirs des sombres châteaux parisiens.

Je n’ai pas eu envie d’aller vérifier tous les détails historiques du roman, même si je suppose que l’autrice a su parfois laisser libre court à son imagination. J’ai eu envie de me laisser porter par l’énergie qui s’en dégage, par cette Aliénor que nous découvrons dans sa jeunesse auprès d’un époux sans doute mieux assorti que ce qu’elle avait pu imaginer de prime abord. Un roman comme on les aime, intelligent, vivant, rythmé, qui nous entraîne dans un souffle picaresque à travers batailles, jalousies, incestes, deuils, trahisons, amour, haine, regrets, sans que l’on ait envie de le refermer avant la fin.

Catalogue éditeur : Fleuve

Compostelle, 1137. Le duc d’Aquitaine – territoire convoité par la France pour ses richesses – est retrouvé mort, le corps bleu et portant la marque de l’« aigle de sang », une effroyable torture normande. La jeune Aliénor, portée par sa soif de vengeance, décide d’épouser le fils du roi Louis VI le Gros qu’elle croit être le meurtrier de son père. Son objectif : décimer la lignée des Capétiens et imposer le sang aquitain. Mais, le jour des noces, Louis VI est assassiné à son tour.
Les époux, Aliénor et Louis VII devront alors apprendre à se connaître afin d’infiltrer le royaume de France et démasquer l’instigateur de cette machination. Quel qu’en soit le prix à payer…

Traduit par Judith Vernant

21.90 € / EAN : 9782265155527 / Nombre de pages : 384 / Date de parution : 20/10/2022

Le soldat désaccordé, Gilles Marchand

Un roman d’amour et de guerre

Merci mille fois Gilles Marchand de m’embarquer à chaque fois avec tes personnages singuliers, décalés, et tellement attachants. Merci pour ces oubliés de la grande Histoire qui font la beauté de tes histoires, celles que l’on aime tant découvrir et qui nous enchantent à chaque fois malgré les vies cassées et parfois difficiles que tu leur fait vivre. Le soldat désaccordé en est de nouveau la preuve, et comme à chaque nouveau roman il m’a été impossible de lâcher ce livre, avec une fois terminé un puissant sentiment de frustration d’avoir déjà terminé cette lecture émouvante et réjouissante à la fois.

Le narrateur a fait la guerre, la moche, enfin moche elles le sont toutes forcément. Mais la sienne devait durer le temps d’un été et de fait elle s’est embourbée pendant quatre ans dans les tranchées obscures et pouilleuses du Nord de la France. Retour plus vite que prévu avec une main en moins. Une chance là aussi, quand il regarde ces gueules cassées et tous ces soldats désespérés qui n’ont jamais retrouvé une vie normale, il se trouverait presque chanceux.

Nous sommes dans les années 20, il cherche pour sa mère éplorée un soldat qui a disparu. C’est devenu son activité à plein temps, rechercher les disparus, savoir où et quand ils sont tombés ou si finalement ils ne se seraient pas évaporés. Cela ferait tellement de bien à leurs proches de pouvoir mettre un nom dans la bonne colonne, celle des morts plutôt que celle des disparus, de savoir enfin. Et à la veuve qui pourra ainsi toucher sa pension, ou à la commune qui ajoutera un nom sur son monument aux morts. Mais aussi réhabiliter les fusillés pour l’exemple.

Alors il enquête, qu’est devenu Émile Joplain ?

De rencontre en investigation, le voilà sur la piste de Lucie, jeune alsacienne dont Émile se serait épris. Comment, une alsacienne, l’ennemie, l’allemande, et qui plus est une domestique ! Un amour prohibé et rejeté par sa mère. Il faut dire que Jeanne Joplain a des principes et dans ceux-là n’entre pas le bonheur de son fils. Pourtant dans les tranchées, sous les bombes et les coups de canons, malgré la pluie le froid les poux la faim, Émile écrit chaque jour à sa bien-aimée. Car l’amour est aussi ce qui permet à ces jeunes soldats de tenir le coup.

Il faut remonter l’histoire, mener l’enquête, sous les pluies obus, à Verdun, sur les champs de bataille, dans la boue des tranchées et suivre le fil des combats, des déplacements, des disparitions. Partir dans les hôpitaux à l’arrière, sur le front à Arras, à Vimy, rencontrer la Fille de la Lune, les amérindiens et leur langage codé, soutien des Canadiens venus renforcer les armées déjà bien malmenés par tant d’années de guerre. Mais aussi des morceaux de canassons, des moustaches, des corps sans tête, des bouches sans personne…

Et un jour, qui sait, écouter les paroles d’un accordéoniste aveugle…

Gilles marchand a les mots pour dire l’horreur, l’indicible, les souffrances et le silence de ceux qui sont revenus, les blessures, les ordres irresponsables qu’il faut exécuter au risque d’être fusillé, la folie qui guette ces hommes autant que la mort sous le feu ennemi. Et ces deux provinces, l’Alsace et la Lorraine restées allemandes depuis quarante ans et qu’il faut libérer. À tord ou à raison, étaient-ils français ou allemands, difficile de savoir. Pour dire la folie de la guerre qu’elle qu’elle soit. Il a aussi les mots pour dire l’amour, absolu, immortel, éternel, et rendre à la vie sa beauté.

Catalogue éditeur : Aux Forges de Vulcain

Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’Enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.

Prix 18.00 € / 208 pages / ISBN : 978-2-373-05648-8 / Date de parution : 19 Août 2022