Albert Einstein, un enfant à part, Théâtre de la Tour Eiffel

Ce sont les dernières représentations, ne les manquez surtout pas !

Un dimanche matin je suis allée avec mes petits fils voir l‘excellente adaptation du roman de Brigitte Kernel au théâtre.
Pendant un peu plus d’une heure, le spectateur se régale avec les facéties du jeune Albert admirablement bien joué par Sylvia Roux, espiègle, décalé, solitaire, amoureux des maths et des étoiles, bridé dans ses envies de lecture par des parents qui ne comprennent pas sa soif d’apprendre et surtout l’étendue de ses capacités.

Le couple Tadrina Hocking et Thomas L’empire dans le rôle des parents, mais aussi sœur grands parents instituteur médecin amis de la famille meilleur ami d’Albert etc. nous bluffe par leur talent à interpréter autant de différents personnages.

Une belle leçon de vie pour des jeunes qui auraient quelques doutes sur leurs capacités. Car si Albert Einstein est devenu le Savant que l’on sait, l’enfant quant à lui était totalement en décalage avec ses camarades de classe. S’il excellait dans les mathématiques au point de corriger son professeur, il était totalement nul dans les autres matières.

Quel excellent moment aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Les miens ont aimé, en ont a parlé ensuite à leurs parents, ayant bien pris la mesure de la singularité d’Albert, du fait qu’il ne faut pas juger les autres sur des apparences et que finalement l’espoir de réussir dans la vie n’est pas uniquement conditionné par la seule réussite scolaire.

Auteur : Adaptée du roman de Brigitte Kernel
Artistes : Sylvia Roux, Tadrina Hocking, Thomas Lempire
Metteur en scène : Victoire Berger-Perrin

Si vous allez par là n’oubliez pas d’admirer l’immeuble Lavirotte situé tout à côté.

La mystérieuse histoire de Thomas Polgarast, Théo théâtre

De, avec, et mise en scène Taha Mansour

Thomas rentre chez lui après avoir enregistré une émission de télévision. Mais comme ce soir là il devait passer la soirée avec son épouse, elle a décidé de lui faire une surprise et de venir le rejoindre. Elle décède ce soir-là et il n’arrive pas à accepter cette idée. Depuis il cherche en vain à la contacter par tous les médiums possibles mais se rend bien compte que ce ne sont que des supercheries. Jusqu’au jour à-où un coffre apparaît mystérieusement.

À partir de cette histoire, et de ce coffre, Taha Mansur, ou Thomas Polgarast, c’est selon, va utiliser tous les moyens à sa disposition pour nous faire un numéro magistral de voyance et de mentalisme. Utilisant à la fois l’intrigue de cette histoire montée de toutes pièces, il mêle adroitement les spectateurs à la résolution de son énigme, entrer en contact avec l’épouse défunte.

Mais nous sommes bien au delà de la simple pièce de théâtre, et pour autant également éloignés du numéro de mentalisme ou d’hypnose basique. Impressionnant, étonnant, Thomas Polgarast nous interpelle quand Taha Mansour nous devine, nous dévoile et résout des interrogations des spectateurs montés sur scène, endormis, étonnés, surpris, bouleversés. Voyant, hypnotiseur, il endosse tous les rôles, et chacun devient également acteur de la pièce et partenaire du numéro qu’il nous propose. La frontière est ténue entre les deux et nous la franchissons allégrement pour notre plus grand plaisir.

Impossible d’oublier ce spectacle, tellement perturbant que j’ai mis plusieurs jours pour en parler tant les questionnements sont nombreux. Où est la réalité, où s’arrête la fiction, où commence l’illusion ? Une réussite !

Au Théo Théâtre, Paris

J’ai vu ce spectacle en décembre, il revient du 20 janvier au 28 avril 2023, alors n’hésitez pas !
Durée : 1h15

Les vengeurs, Le flower killer, au Théo théâtre


Envie de passer un bon moment en compagnie de John Steed et d’Emma Peel sa complice ? À vous remémorer les séries télé des années 80, enfin celles d’avant et d’après aussi n’ayez crainte, vous ne serez pas dépaysé quelles que soient vos références en la matière.

Deux pervenches viennent de décéder de façon très suspecte. Les deux enquêteurs so British arrivent aussitôt pour mener l’enquête. Car enfin, qui peut bien en vouloir à deux pauvres femmes que rien ne rapproche ? Pourquoi et surtout comment sont-elles décédées ?
Enfin, s’il n’y avait qu’elles, car l’hécatombe continue et nos enquêteurs ne sont pas au bout de leurs peines pour découvrir le coupable.

Une comédie envolée et déjantée, une équipe de comédiens à la hauteur du pari, des blagues, jeux de mots, phrases ou titres extraits des séries télé des quarante dernières années, voire plus, on rit, on écoute, on découvre, dans la joie et la bonne humeur. Trop sérieux s’abstenir, en venant voir Les Vengeurs, laissez vos idées reçues à la porte du théâtre et oubliez toutes vos contrariétés, vos soucis, venez juste passer un bon moment.

De Carlos Lafuente et Jennifer Moret
Compagnie JM Productions
Mise en scène Jennifer Moret
Avec Michaël Mishid, Hervé Terrisse, Jennifer Moret, Françoua Garrigues – Julie Boris – Carlos Lafuente

Au Théo théâtre 20 Rue Théodore Deck 75015 Paris

Votre Maman au studio Hébertot

Baissez la télé, j’entends plus la radio !

Dans un Ehpad qui ressemble à tant d’autres, un fils vient chaque jour voir sa mère.
Il a de nombreux échanges avec le directeur de l’établissement qui est largement dépassé et pense davantage à son budget qu’à ses pensionnaires.
Il retrouve cette mère fantasque qui vire à coup de parapluie les autres petits vieux indélicats, qui ne veut plus bouger, qui craint encore et toujours le bruit des bottes et les aboiements des chiens.
Et chaque jour attend son fils, cet ingrat qui ne vient jamais la voir.

J’ai adoré ! Cette ambiance qui nous rappelle étrangement tous ces reproches que l’on a fait dernièrement aux établissements médicaux pour les personnes âgées. Cette mère fantasque, coquine et drôle, qui ne manque pas d’humour malgré sa situation, sa mémoire qui s’enfuit et fait émerger les souvenirs lointains. Ce fils attendrissant et fidèle, qui vient voir celle qui peu à peu l’oublie.
Enfin, comme toujours avec Jean-Claude Grumberg plane le souvenir des temps anciens, des camps, de la Shoah, thème qui est en filigrane de toute son œuvre.

Et cette mise en scène par Wally Valerina Bajeux intéressante et singulière. Ce filet tendu entre les acteurs et les spectateurs, dérangeant au départ mais qui prend vite toute sa signification. Un jeu d’acteurs fort, chacun avec sa personnalité passe le message d’un bout à l’autre de la pièce. Et si l’on sourit et même rit franchement parfois, on ne peut s’empêcher d’être ému, touché et même de verser quelques larmes.


Formidable soirée, n’hésitez pas une seconde, allez voir « Votre maman ».

Un texte de Jean-Claude Grumberg
Mis en scène par Wally Valerina Bajeux
Avec Marc F. Duret, Jean-Paul Comart, Colette Louvois et en alternance Titouan Laporte, Morgan Costa Rouchy, Mathis Duret.
Au Studio Hebertot Durée : 1h20
Jusqu’au 19 avril 2023 Lundi, mardi, mercredi

El Maestro, au Théâtre de La Reine Blanche

Avec Mouss Zouheyri sur un texte de Aziz Chouaki

Algérie, années 90, El Maestro fait répéter son orchestre. L’enjeu est de taille car ils jouent leur place en finale pour aller représenter l’Algérie à Genève.
Mais qu’il est difficile et fastidieux d’intéresser et de motiver les musiciens.
Comment impulser le rythme auquel il pense, comment le leur faire comprendre.

Il utilise toutes les images possibles pour éveiller leur intérêt. Les couleurs, les odeurs, les saveurs de la cuisine, les herbes aromatiques s’opposent ici au harissa, les personnages typiques de ces quartiers d’Alger dans lesquels ils évoluent. La mer, omniprésente, amie ou ennemie, familière et docile, qui prête au voyage et qui nourrit.

Un moment incroyable, un jeu d’acteur puissant. Quelle performance, tenir la scène seul avec un texte fort même s’il semble parfois abscons pour les non initiés. Il me semble que connaître l’histoire récente de l’Algérie, en particulier de ces années 80/90 est un plus, même si ce n’est pas indispensable pour apprécier la pièce. Seul face aux spectateurs El maestro réussi à nous faire voir et entendre tous ceux à qui il s’adresse, même ces hommes qui frappent à la porte. Mêlant le français l’arabe et le kabyle il impulse un élan à la fois vibrant, tendre et désespéré à ce texte souvent triste, parfois loufoque, toujours humain.

Au théâtre de la Reine Blanche à Paris jusqu’au 18 décembre 2022
Texte : Aziz Chouaki
Jeu : Mouss Zouheyri
Regard extérieur : Jacques Séchaud
Création musicale : Jean Luc Girard

Rosa bonheur et l’atelier de By, A la FolieThéatre

à la découverte de l’artiste animalière Rosa Bonheur

Au château de By, l’artiste Rosa bonheur vit enfin comme elle le souhaite, proche de la nature, entourée d’animaux qu’elle peux peindre à satiété, sans être constamment importunée dans son atelier par un défilé de visiteurs hautement improductifs.
En ce 14 août 1863 elle attend impatiemment un courrier important, son marchand d’art Ernest Gambart vient la trouver pour lui apprendre une mauvaise nouvelle de vive voix.

C’est dans cette atmosphère d’attente que se déroule la pièce. Chaque personnage, chaque élément est prétexte à nous présenter la vie et l’œuvre de l’artiste dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance.

La pièce et les acteurs emplissent toute la salle de leur énergie, leur maîtrise du texte, et nous plongent deux siècles en arrière le temps de la représentation.

J’ai été transportée avec bonheur dans ce château à l’orée de Fontainebleau qu’elle a occupé pendant plus de quarante ans. J’ai aimé mieux connaître la femme indépendante et affirmée, l’artiste reconnue par les collectionneurs anglo-saxons quand la France lui refusait encore le droit d’entrer à l’académie de peinture, la grande spécialiste de la peinture de paysages, d’animaux, de nature, en opposition aux standards de son époque et qui a laissé de somptueuses œuvres picturales.

Une pièce formidable d’une heure et quart mais surtout des minutes qui défilent à toute allure tant on se plaît en compagnie de Rosa et de celles et celui qui l’accompagnent ici.

Pour aller plus loin :
Une exposition Rosa Bonheur va débuter en octobre au musée d’Orsay.
Une visite du château de By en Île de France pour tous ceux qui veulent approfondir leur connaissance de cette artiste.
Un roman J’ai l’énergie d’une lionne dans un corps d’oiseau publié aux éditions Albin Michel, Patricia Bouchenot-Dechin

Auteur : Barbara Lecompte
Artistes : Aurélia Frachon, Laurent Ledermann, Hélène Phénix, Sabine Pisani, Marie-Line Grima, Martine Piat-Raffier, Myriam Descoutures
Metteur en scène : Yves-Patrick Grima, Marie-Line Grima
@rosabonheur_lapiece
A La Folie Théâtre – Grande Salle
6 rue de la Folie-Méricourt 75011 Paris
Jeudi, samedi, dimanche

Casting, Guichet Montparnasse

La pièce est présentée dans une salle dans laquelle le spectateur est si proche des acteurs qu’il a l’impression d’entrer dans leur vie. Et ça tombe bien, ici le sujet s’y prête fort bien.

Un directeur de Casting totalement accroc aux post-it est submergé d’appels et de rendez vous.

Pourtant, tôt ce matin là Arthur et Louise, un couple d’acteurs en vogue arrive pour signer les contrats de leur prochain long-métrage. Enfin, c’est ce qu’a prévu Arthur mais pas vraiment ce qu’il va se passer.

Car le rôle qui devait lui être attribué est âprement discuté par ce directeur de Casting pas ordinaire.

Très rapidement l’ambiance est tendue, les rôles se font plus flous, la frontière entre désirs et réalité n’est plus aussi nette qu’il y paraît. Qui sont réellement ces trois personnages, quel est le rôle de chacun et pourquoi sont-ils là. C’est ce que le spectateur va découvrir dans cet échange qui nous plonge dans une ambiance à la Shutter Island. C’est à dire de ces ambiances qui vous mettent mal à l’aise jusqu’à ce que vous ayez vraiment eu toutes les clés pour les décrypter.

Le jeu des acteurs, l’intrigue qui peu à peu se dévoile, tout est là pour vous embarquer, laissez vous faire, vous serez surpris et convaincu.

Auteur : François Rivière
Artistes : Nicolas Argudin-Clavero, Roxane Fomberteau, Maxime Peyron
Metteur en scène : François Rivière, Maxime Peyron

Durée : 1h10 Tous les Jeudis à 19h jusqu’au 24 novembre 2022

Guichet Montparnasse
15, rue du Maine 75014 Paris

Double Je, par Joshua Lawrence, Au Théo théâtre

Parce qu’on a tous en nous quelque chose de Michel Berger

Oh le joli spectacle auquel j’ai assisté hier soir.
Un bel hommage à celui qui a bercé notre jeunesse ou notre adolescence, que ce soit parce que nous l’écoutions ou parce que les parents l’écoutaient en boucle. Enfin perso, c’est moi qui l’écoutait en boucle..

Michel Berger ce sont des textes émouvants et inoubliables, des mots juste pour dire l’amour triste, l’abandon, la rupture puis la passion amoureuse.
C’est une musique qui nous entraîne, nous attriste, nous soulage, nous émeut et nous console, nous fait danser et chanter avec lui. C’était l’amour passion avec Véronique Sansom, puis avec France Gall la muse, l’épouse, la mère de ses deux enfants, la complice sur scène comme dans la vie.
C’était l’amitié indéfectible et le chagrin de la perte avec l’inoubliable Daniel Balavoine, et cette minute de silence que l’on a fait ce soir en pensant à eux trois, Michel, France, Daniel.

Un beau spectacle qui passe à une vitesse folle, pendant lequel on se surprend à fredonner ces airs qui, on s’en rend vite compte, sont tous tellement ancrés dans nos mémoires. Fredonner, mais pas trop fort car Joshua Lawrence a une bien belle voix et une sacré présence sur scène, et après tout on est surtout venus là pour l’écouter.
J’ai apprécié qu’il nous fasse aussi découvrir des chansons moins connues du répertoire de Michel Berger, et cette sensibilité que l’on ressent lorsqu’il évoque cet artiste inoubliable.

Alors on savoure, on déguste, on voyage dans le temps et dans nos souvenirs, puis on revient enfin, parce qu’il le faut bien, de ce paradis blanc que l’on voudrait ne jamais quitter.

C’est au Théothéâtre, et ensuite, pour les chanceux, au théâtre le Verbe Fou au Festival Off d’Avignon du 7 au 30 Juillet.
Joshua Lawrence a également écrit deux romans et une pièce de théâtre (Joshua Laffont-Cohen) et produit quelques CD disponibles à la fin du spectacle.

Authentique par Clémence Baron, théâtre BO Saint Martin

Elle est authentique, parole de Clémence, et de la parole, elle en a et nous en fait profiter avec humour, malice et humanité

La rencontre avec son futur mari, les frères trisomiques tellement attachants, drôles, déroutants, mais qui apportent tant à leurs familles, la réaction des parents, des deux côtés d’ailleurs, pas facile d’accepter les mariages mixtes qu’elle que soit la famille à laquelle on appartient.

Le mariage, le confinement avec les beaux-frères. Commencer sa vie à deux à quatre, ce n’est décidément pas simple pour se retrouver, se connaître, s’aimer.
Et pourtant que d’humour, de drôlerie, d’affection profondes pour son mari, sa famille, ses frères. Malgré les bagarres, les voix qui tonnent, les exaspérations ou les silences, ici les disputes se vêtent de chaleur, de finesse, de sensibilité.

Clémence baron tient la scène pendant plus d’une heure et son public se régale à l’écouter, vibre à ses excès, ses vérités, son humour décalé et sa profonde humanité.

C’est au théâtre BO 19 bd Saint Martin Paris métro République
Les mercredis jusqu’au 29 juin à 19h30
Puis au Sham’s Théâtre – Avignon à 13h au Festival OFF d’Avignon.

Qui va là ? Thierry de Pina, Théâtre Les Déchargeurs

Alors que les spectateurs attendent l’acteur resté dans sa loge, un homme arrive dans la salle et s’approche de la scène. Un sac en plastique à la main, chaussé de baskets qui ont connu bien des sentiers, Alexandre Cabari reconnaît le fauteuil posé sur la scène. C’est celui dans lequel sa mère s’asseyait le soir, après ses longues journées de labeur. Cette mère qui l’a élevé et accompagné lorsque le père les a quittés, qui est « partie » et qu’il a portée si longtemps dans son sac plastique de Mr Édouard Leclerc. Dans cette urne dans laquelle il l’a retrouvée au détour d’une fugue parmi tant d’autres. Cette mère à qui il pense chaque jour.

Les souvenirs s’égrennent, les jours heureux, la chambre et le trou qu’il creusait chaque soir un peu plus dans le mur, contraint de rester là alors qu’il rêvait d’ailleurs, de jouer en bas au foot avec les autres, de tout sauf de cet univers restreint dans lequel ils évoluaient tous les deux.

L’abandon du père et ce nom qu’il porte comme une croix, celui d’un inconnu. Le travail et la fatigue de la mère, le décès, la solitude. Les trains de nuit qu’il prend sans billet mais en observant les dormeurs sereins qui passent un paisible trajet sans penser qu’on les observe. Et les souvenirs qui s’emmêlent et qu’il a du mal à remettre en place. Qu’importe puisque ce soir le lien est créé, les souvenirs lui viennent, il nous raconte et se retrouve dans les mots.

Un acteur incroyable que l’on se prend à croire et qui nous fait hésiter à lui répondre lorsqu’au détour d’un souvenir, d’une phrase, il nous questionne et nous sort de notre petit confort. Que l’on se sent privilégié, un peu bête, trop gâté, face à tant de solitude, d’inconfort, de silence, de tristesse. Même ses blagues tombent à plat, idiots que nous sommes, spectateurs de son désarroi, de sa tristesse, de son deuil, de son abandon.

Merci pour ce seul en scène émouvant, poignant et bouleversant qui passe les mardi et mercredi à 21h jusqu’au 25/05 à Paris avant de partir pour Avignon… En train de nuit peut être ?

Superbe texte d’Emmanuel Darley