Dans les brumes de Capelans, Olivier Norek

Coste est enfin de retour dans ce thriller que l’on attendait tous

Parce qu’il nous l’a déjà démontré à plusieurs reprises, Olivier Norek sait vraiment se renouveler. Il nous offre avec Dans les brumes de Capelans un thriller qui démarre très fort.

Une jeune fille disparaît pendant la nuit alors que ses parents sont endormis. Russo, le flic en charge de l’enquête bloque sur certains éléments mais n’arrive pas à définir l’objet de son trouble. Dix ans plus tard, alors qu’ils traquent un kidnappeurs de jeunes filles, Russo et ses équipes découvrent l’enclos dans lequel le tueur a commis ses méfaits et où il a enfermé Anna, cette jeune fille que chacun imaginait avoir fugué.

Mais le monstre s’avère introuvable, il faut absolument protéger Anna. C’est la planque de Coste qui est privilégiée par la magistrate Fleur Saint-Croix. Celui-là même que nous avions laissé à la fin de Surtension, le troisième opus d’une trilogie qui se passait à la SRPJ du 93. Un capitaine Coste anéanti qui a tourné le dos à son passé.

Victor Coste et sa couverture, la police aux frontières de Saint Pierre, petit coin de France perdu à 4700 kilomètres de la métropole, tout à côté du Groenland.
Victor Coste et sa légende, gardien de repentis invisibles, celui qui pèse les âmes qu’il surveille dans sa tanière au bord de l’océan.

Aujourd’hui, il doit sonder l’âme de cette gamine enlevée à l’age de quatorze ans et qui vient de passer dix années de sa vie auprès d’un monstre insaisissable assassin de jeunes filles.

L’apprivoiser, la mettre en confiance, pour qu’enfin se lève le voile sur ces années noires, pour comprendre comment on échappe au monstre, pourquoi elle n’a pas été exécutée comme les autres, et grâce à elle espérer enfin le retrouver. Comprendre et accepter l’indicible peut-être, ce qui fait que vous restez en vie à n’importe quel prix, et tout ce que vous êtes peut-être capable de faire pour y arriver.

Sur cette île isolée et bientôt envahie par les brumes les plus épaisses de la planète, le danger se rapprocher insidieusement. Si Victor est un homme vulnérable atteint au plus intime, le flic qui sommeille en Coste montre sa parfaite maîtrise du métier. Et le lecteur est totalement happé par l’intrigue !

Ce que j’ai aimé ?

Toute la tension psychologique qui palpite à chaque page, la justesse et la finesse dans l’analyse des différents personnages, en mettant l’accent à la fois sur leur force et leur fragilité, les liens qui se tissent, les questions qui se posent.

J’ai aussi découvert quelques arcanes du très discret programme de protection des témoins, ou des repentis.

J’ai apprécié la parfaite connaissance des lieux par Olivier Norek, en particulier les spécificités d’une île, et surtout de l’île de Saint Pierre pendant cette période unique de l’année. Cela se sent dans les descriptions, dans l’ambiance si particulière qu’il arrive à nous faire ressentir à chaque page, et cela donne une puissance supplémentaire à son intrigue.

Enfin, j’aime la façon dont l’auteur se renouvelle, même si je l’ai déjà dit plus haut. Et bien sûr cette habileté qu’à Olivier Norek pour entraîner son lecteur vers des réponses qui n’en sont pas, lui faire poser encore plus de questions, le perdre avant de l’amener exactement où il veut.

Une belle réussite, n’hésitez pas à découvrir ce nouvel opus que je vous conseille sans hésiter.

Catalogue éditeur : Michel Lafon

Une île de l’Atlantique battue par les vents, le brouillard et la neige. Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense. Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles. Une jeune femme qu’il y garde enfermée. Et le monstre qui les traque. Dans les brumes de Capelans, la nouvelle aventure du capitaine Coste se fera à l’aveugle.

Parution : 07/04/22 / Prix : 20.95 € / ISBN : 9782749942285

Prix Audiolib 2022

J’ai le plaisir de faire partie du Jury de la dixième édition du Prix Audiolib !

Les romans en sélection :

  • Apaiser nos tempêtes de Jean Hegland lu par Maia Baran
  • Enfant de salaud de Sorj Chalandon lu par Féodor Atkine
  • Ce que nous confions au vent de Laura Imai Messina lu par Clara Brajtman
  • L’Ange de Munich de Fabiano Massimi lu par Nicolas Matthys
  • La danse de l’eau de Ta-Nehisi Coates lu par Alex Fondja (parution le 13 avril 2022)
  • Le Parfum des cendres de Marie Mangez lu par Sophie Frison
  • Les Gardiens du Phare d’Emma Stonex lu par Guillaume Orsat et Christine Braconnier (parution le 13 avril 2022)
  • Les Sœurs de Montmorts de Jérôme Loubry lu par Slimane Yefsah (parution le 16 mars 2022)
  • Un jour ce sera vide de Hugo Lindenberg lu par Clément Hervieu-Léger (parution le 16 mars 2022)
  • Mise à feu de Clara Ysé lu par l’autrice (parution le 16 février 2022)

Pour en savoir plus sur le Prix, rendez-vous ici

Simone Veil ou la force d’une femme, Cojean, Bétaucourt, Oburie

Simone Veil, une femme de combats et de convictions

Annick Cojean, grand reporter au Monde, a eu le bonheur rare de rencontrer Simone Veil à différents moments tout au long de sa carrière. Difficile alors de trouver quelqu’un de mieux placé qu’elle pour participer à l’écriture de ce roman graphique en hommage à la force d’une femme au nom quasi mythique.

A la fois factuel et humain, aussi réaliste que parfois admiratif, le portrait est juste et sobre. On y retrouve Simone, née à Nice en 1927. Puis on la suit pendant les années de guerre, la déportation, la solidarité des trois femmes, la mère et ses deux filles. Celle qui était trop jolie pour mourir ne se remettra jamais vraiment du décès de sa mère un mois avant la libération des camps, un deuil comme une plaie ouverte qui ne se refermera jamais totalement. A la libération, avec un tatouage sur le bras, mais dans le silence sur le vécu trop lourd à exprimer, c’est le retour à Paris. Les études, la rencontre avec Antoine, le mariage et leurs quatre enfants. Elle devra abandonner son rêve d’exercer le métier d’avocate pour entreprendre un métier accepté par son mari (chose courante à l’époque, déjà bien qu’il accepte qu’elle travaille !).

Elle vivra des expériences professionnelles différentes, à la direction de l’administration pénitentiaire, puis à la direction des affaires civiles auprès du Garde des Sceaux, au ministère de la justice. Partie prenante essentielle dans l’adoption de la loi sur l’IVG voulu par Giscard d’Estaing en 1974, elle devra supporter stoïquement les insultes et les propos humiliants et grossiers dont elle fait l’objet. Elle part ensuite à la tête du Parlement européen, puis fera son retour comme ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville en 1993. Enfin, elle entre à l’académie française, élue au premier tour en 2008.

Décédée en 20017, Simone Veil a rejoint les grands Hommes du Panthéon, accompagnée dans cette dernière et honorifique demeure par Antoine, l’époux d’une vie.

Cette femme magnifique à la forte personnalité, très combative, a toujours défendu les femmes, leur droit au travail, à une certaine autonomie à la fois financière et professionnelle. Rescapée des camps, épouse et mère, féministe brillante, totalement engagée, ayant une forte exigence morale, Simone Veil a marqué durablement son époque.

Penser à elle, c’est aussi se souvenir, pour ne jamais oublier que rien n’est jamais définitivement gagné, pas même la liberté.

Les différentes années de la vie de Simone Veil s’entendent facilement ici grâce au graphisme fait d’une alternance de tons pastels, jaune, bleu ou gris. Dommage il n’y a pas le vert de ses yeux, mais l’on est très bien projeté d’une temporalité à l’autre. Cela manque peut-être d’un peu de dynamisme, après tout, cette femme s’est battue et a porté haut ses convictions, on aurait pu les imaginer avec parfois un peu plus de luminosité, mais cela passe très bien malgré tout.

Catalogue éditeur : éditions Steinkis & Plon

Un récit intimiste et émouvant sur deux grandes femmes.
Par Annick Cojean, Xavier Bétaucourt, Étienne Oburie

Annick Cojean est grand reporter au Monde.
Au fil de sa carrière, elle a croisé Simone Veil à plusieurs reprises. Au fil de leurs rencontres, une relation singulière s’est installée entre Simone Veil et la journaliste.
Elle signe un portrait subjectif, délicat et parfois surprenant de la femme au-delà de l’héroïne.

Date de parution 28 Mai 2020 / ISBN 9782368462584 / Pages 112 / Prix 18€

Meurtre au Ritz. Michèle Barrière

Meurtre au Ritz

Dans ses romans, Michèle Barrière conte les aventures culinaires de la famille Savoisy sur plusieurs générations. Dans ce nouvel épisode nous découvrons Quentin, journaliste dans la revue « Le Pot-au-feu » et filleul du célèbre cuisinier Auguste Escoffier. L’intrigue débute en 1898, au moment de l’ouverture du Ritz, ce palace parisien dont nous avions oublié que le nom venait de Monsieur César Ritz, son propriétaire. Sur fond d’affaire Dreyfus qui déchire la France et alors que le procès d’Emile Zola passe en cassation, puisqu’il est poursuivi en particulier pour avoir osé son célèbre « j’accuse », les anarchistes en veulent aux bourgeois bienpensants et leurs bombes artisanales ont déjà fait quelques dégâts dans la capitale, l’esprit nationaliste émerge et la ligue antisémitique fait tristement des émules dans le pays.

Les féministes ont osé monter un journal uniquement tenu par des femmes, « La Fronde » et Diane, la belle amie de Quentin, rêve d’y affuter sa plume. Pour le moment elle se cantonne à la rubrique mondaine, mais elle n’est pas en reste pour rencontrer tout ce qui bouge et se rebelle dans cette société des années 1890.

Un cadavre est retrouvé dans la chambre froide du Ritz. César Ritz refuse que l’affaire s’ébruite, l’inauguration de son palace doit être parfaite et sans tâche. L’enquête va donc être confiée à Quentin, qui n’a pourtant rien d’un fin limier. Les péripéties vont s’enchaîner pour arriver à comprendre qui sont les coupables et qu’elles sont leurs revendications.

Une fois de plus, comme dans les autres romans de Michèle Barrière que j’ai déjà lus, tout l’intérêt repose sur la description réaliste des habitudes culinaires d’une époque. La description de l’ambiance et du fonctionnement souvent méconnu des Palaces, l’évocation de la situation politique contemporaine à l’intrigue, au travers de l’affaire Dreyfus qui a tant divisé le pays ou même l’émergence des revendications féministes, enfin les descriptions des métiers autour de la halle et des bouchers de la Villette, le tout emmaillé de quelques délectables recettes, donnent au roman toute sa saveur.

Ce n’est pas un grand polar, même si l’intrigue est un peu plus présente que dans les premiers romans, il y a quelques longueurs. Mais il a le mérite de resituer les évènements dans leur époque et c’est l’assurance de passer un bon moment d’évasion loin de son quotidien. Juste ce que l’on recherche en tournant ces pages, puisqu’on y revient avec plaisir.


Catalogue éditeur

Alors que l’affaire Dreyfus bat son plein, César Ritz est sur le point d’ouvrir les portes de son nouveau palace parisien, dont les cuisines ont été confiées au grand chef Auguste Escoffier. Quel n’est donc pas le choc ressenti lorsque, à quelques jours de l’inauguration, le cadavre d’une jeune femme est retrouvé pendu dans une chambre froide du Ritz. Pour ne pas ébruiter l’affaire, l’enquête est confiée au filleul d’Auguste Escoffier, Quentin Savoisy, jeune journaliste gastronomique au Pot-au-Feu. Épaulé par sa fiancée aristocrate et féministe de la première heure, Quentin est loin d’imaginer qui se cache derrière ce terrible meurtre.

ISBN : 2253173673
Éditeur : Le Livre de Poche (2013)

L’archange du chaos. Dominique Sylvain

Mélange de mysticisme assassin et d’enquête policière, sur un fond de recherche psychologique et d’introspection familiale, l’intrigue de « l’archange du chaos » nous entraine vers des noirceurs et des chemins bien sombres et tortueux. Dominique Sylvain délaisse Ingrid et Lola, ce duo d’enquêtrices de choc auquel j’étais habituée, pour une nouvelle équipe de policiers aussi détonants qu’attachants. Elle a décidé de nous surprendre avec ce nouveau polar et je trouve que c’est plutôt réussi.

Alors qu’un meurtrier épouvante Paris, le commandant Bastien Carrat doit affronter l’ire de son ex coéquipier Colin Mansour, éloigné de l‘équipe suite à ses déboires d’alcoolique. Il reçoit une nouvelle recrue dans son équipe, la brillante Franka Kelhmann, issue de la brigade financière et protégée de la divisionnaire Christine Santini. Franka fait face à ses démons tout droit sortis d’une enfance difficile, une mère disparue bien trop tôt, un père, Bernard Kelhmann, historien de renom, qu’elle a banni de sa vie, et la responsabilité qu’elle ressent à l’égard de son jeune frère Joey, livreur de pizza et photographe aux idées fantasques.

Le corps d’une jeune femme est découvert dans la cave d’un immeuble abandonné, sauvagement mutilée, torturée puis assassinée, le meurtre est perpétué selon des rites qui défient toute logique. L’enquête s’avère difficile pour retrouver ce prédateur aux pratiques mystiques et les meurtres se succèdent. Mais le père de Franka, saura peut-être aider l’équipe de choc de Carat a en dénouer les fils complexes et sombres.

Le début du roman est un peu ardu et l’on s’y perd un peu, car les personnages sont nombreux, de Carat à Colin, de Garut à Bergerin, de Kelhmann à Santini, les intrications entre leurs passés souvent complexes et leur liens inavoués ne sont pas évidentes de premier abord, puisque nous les découvrons. Et pourtant, le style de Dominique Sylvain est toujours impeccable, nerveux, rythmé, les pages tournent seules et le lecteur est surpris d’arriver aussi vite au bout. Les implications mystiques, les évocations des différentes religions, témoins de Jehova ou archange vengeur, châtiments mystiques ou ordalie, viennent rythmer l’enquête qui avance dans le noir et l’inconnu portée par un savant dosage de l’auteur. L’intrigue se déroule, entrainant le lecteur de rebondissement en surprise à la recherche de cet archange du chaos.

Des évocations sur les difficiles liens entre la police et la justice, les procureurs et les avocats, le déroulé d’un enquête ou d’une garde à vue, sont également présentes, nous ramenant à la complexité de la réalité sécuritaire d’aujourd’hui. J’ai refermé ce livre avec une évidente envie de retrouver Carat et son équipe de choc dans de nouvelles enquêtes, dans ce Paris si bien décrit par l’auteur, que l’on marche dans ses rues d’aujourd’hui ou que l’on fasse des incursions dans le Paris historique.

Merci à Babelio et aux éditions Viviane Hamy


Catalogue éditeur

Avec ce nouveau roman et ses nouveaux personnages Bastien Carat – commandant à la tête d’un groupe de policiers fortement déstabilisé – et Franka Kehlmann – une jeune recrue arrivée de la Financière, protégée de la divisionnaire –, Dominique Sylvain nous plonge dans un thriller psychologique, sous très forte tension.
Le corps d’une femme est retrouvé dans la cave d’un immeuble en chantier. Ligotée, tout indique qu’elle a été sauvagement torturée, la victime a eu son bras brûlé et sa langue sectionnée. Un détail étrange attire immédiatement l’attention des policiers : les blessures infligées ont été soignées ante mortem, et le corps martyrisé déposé tel un gisant médiéval rendu à la paix éternelle. Pas d’empreintes, pas de traces d’ADN, le groupe mené par Bastien Carat piétine alors que la hiérarchie et les médias souhaitent des résultats rapides. Une première piste est envisagée, celle de Teddy Brunet : il travaillait sur un chantier, là où a été trouvée la victime et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a un réel problème avec les femmes… Quand d’autres victimes, tuées selon le même mode opératoire, sont retrouvées, l’enquête bascule.
Dans un monde en proie au doute, quelqu’un oserait-il faire justice tout seul ?
L’Archange du chaos renoue avec l’univers sombre et violent de Vox (éd. V.H. 2000) et Cobra (éd. V.H. 2002). Dominique Sylvain joue habilement avec les écrits de la Bible et les pratiques de la justice divine, et nous livre là un roman policier qui interroge sur la foi en l’homme et ramène chaque personnage à ses propres histoires et défaites…

Parution : 29/01/2015 / Collection Chemins Nocturnes /ISBN : 9782878585995 / Pages : 336 p.