C’est plein de chlore au fond de la piscine⊠jâai mis mon petit pull marine pour dĂ©couvrir ce roman Ă©tonnant, bizarre et singulierâŠ

Singulier comme cette piscine voulue par Le Corbusier. En 1958, il renonce au mĂštre Ă©talon et se donne pour mesure le Moludor, ou la taille dâun homme dâun mĂštre quatre-vingt-trois⊠(hum, et pourquoi pas dâune femme dâun mĂštre et quelque ?) Piscine qui nâa pas Ă©tĂ© construite par Le Corbusier, mais par son ami et Ă©lĂšve AndrĂ© Wogensky entre 1969 et 1971. Bref, cette piscine situĂ©e dans le village de Firminy vert, dans la Loire, est le lieu oĂč lâauteur va vivre des heures dans lâeau, sous lâeau, autour de lâeau, qui rythme et ponctue ses annĂ©es dâenfance, dâadolescence…
Jâaurais donc appris cela de cet Ă©tonnant rĂ©cit – roman ? ou je ne sais quoi – puisque lâauteur pose sur la feuille des mots et des sentiments comme jetĂ©s Ă la suite les uns des autres. Irma Pelatan se souvient et Ă©grĂšne des souvenirs, des odeurs, celle du chlore bien sĂ»r, mais dâautres aussi, des visions de traces de sang, de pieds tailladĂ©s par le carrelage, de viol sans doute, Ă peine Ă©voquĂ© en une page mais fort et tellement troublant, de couloir courbe, du plaisir de sâexhiber comme les garçons sur ce plongeoir vertigineux avec deux cent yeux tournĂ©s vers elle. Et les annĂ©es sont passĂ©es par-lĂ , les rondeurs et les douleurs aussi dans ce corps qui aujourdâhui dĂ©borde.
Au milieu des bonnets de bain en plastique et des adolescents boutonneux qui sâĂ©veillent aux autres, je me suis pourtant un peu perdue, les doigts fripĂ©s par lâeau trop froide, dans ces odeurs de chlore et de marĂ©es.
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Catalogue éditeur : La contre allée
L’Odeur de chlore, câest la rĂ©ponse de lâusager au programme « Modulor » de lâarchitecte Le Corbusier. Câest la chronique dâun corps qui fait ses longueurs dans la piscine du Corbusier Ă Firminy. Le lieu est traitĂ© comme contrainte dâĂ©criture qui, passage de bras aprĂšs passage de bras, guide la remĂ©moration. Dans ces allers-retours, propres Ă lâentraĂźnement, soudain ce qui Ă©tait vraiment Ă raconter revient : le souvenir enfoui offre brutalement son effarante profondeur.
Quelque chose de trĂšs contemporain cherche Ă se formuler ici : comment dit-on « lâusager » au fĂ©minin ? Comment calcule-t-on la stature de la femme du Modulor ?
Lorsque le corps idĂ©al est conçu comme le lieu du standard, comment sâapproprier son propre corps ? Comment faire naĂźtre sa voix ? Comment dĂ©gager son rĂ©cit du grand rĂ©cit de lâarchitecte ?
Jâai cherchĂ© Ă traduire la langue du corps, une langue qui est toute eau et rythme. DĂ©laissant la fiction, jâai laissĂ© le rĂ©el me submerger. Ă la « machine Ă habiter », je rĂ©ponds avec du corps, de la chair, jusquâĂ rendre visible lâinvisible, jusquâĂ donner une place Ă lâinaudible.
Si tu savais comme je suis bien . Irma Pelatan
Irma Pelatan est
nĂ©e quelque part sur le calcaire pelĂ© du Causse MĂ©jean, vers 1875. Câest
cependant sous lâexact soleil de Tunisie quâelle est morte, en 1957. Sur la
carte entre les pointes du compas, sâouvre tout lâespace de la MĂ©diterranĂ©e, ce
centre flottant â infini terrain de jeu pour sa soif dâailleurs, pour ce fol
esprit aventureux.
Irma Pelatan a pris corps Ă nouveau â mon corps â le neuf mars 2017, dans la
chambre douze de lâhĂŽpital de Vienne. Depuis, elle conquiert du terrain.
ISBN / 9782376650058 / Format 13,5 x 19 CM / Nombre de pages 80 pages / Date de parution 08/03/2019 / Prix 13, 00âŹ