Un miracle, Victoria Mas

Et si le miracle résidait dans la force de croire en l’invisible et au merveilleux

Que faut-il rassembler pour faire un miracle ? Certainement au moins une religieuse, un voyant, un miracle.

Parce qu’elle a été bercée toute sa jeunesse par Catherine Labouret, sœur Anne sait que Sœur Catherine a vu la Vierge à plusieurs reprises un siècle auparavant. Elle est donc sans aucun doute plus portée sur la croyance que le commun des mortels. C’est là, auprès des Filles de la charité, rue du Bac à Paris que, depuis l’âge de ses treize ans, elle a trouvé la sérénité et le calme. Là-même où Catherine avait eu ses apparitions et créé la médaille miraculeuse à la demande de la vierge.

Mais un jour sœur Rose révèle qu’elle a fait un rêve, la vierge apparaîtra sur une île du côté de Roscoff. Alors celle qui n’a connu que l’abri de la congrégation n’hésite pas une seconde et accepte une mission dans cette Bretagne bercée d’Ankou, de fées et de croyances. Arrivée tout au bout du Finistère Nord, elle travaille sans relâche et espère chaque jour que les prédictions vont enfin se réaliser. C’est sa raison de vivre, d’espérer, de se réaliser. Mais elle attendra en vain cette apparition.

Sur l’île, Isaac vit avec son père Allan. Ce dernier survit plus qu’il ne vit depuis la mort de son épouse, et leur foyer est en décrépitude, la tristesse et des airs de fin du monde se sont installés dans leurs vies.

Hugo est le fils de Michel Bourdieu, venu sur l’île pour soigner sa fille Julia, asthmatique et fragile. Violent, autoritaire, il choisit ceux que son fils peut fréquenter et ce n’est certainement pas le fils d’Allan.

Un soir, Isaac est comme pétrifié, debout sur le promontoire face à la mer, il voit celle que personne ne voit, il entend, il écoute, il sait. Chaque soir, ce moment se répète, la population éblouie cherche à savoir, comprendre, accompagner le voyant.

Quand et comment se produira le miracle, nul ne le sait.

Ce livre est pétri de religion et de croyances, d’une forme de folie à travers les visions de l’adolescent, dans la rage et l’engouement de la foule, de violence aussi dans le rejet de ceux qui refusent de croire. Il est aussi une ode à l’acceptation de la différence, au désir de vivre autre chose. Cette rage qui s’empare de sœur Anne, cette violence qui possède Michel Bourdieu jusqu’à commettre le pire, ne sont finalement que des sentiments terriblement humains, échec, rejet, espoir, envie de croire au merveilleux, au tout puissant, à l’inexplicable pour accepter l’inhumanité du présent.

Ce que j’ai aimé ?

La façon dont Victoria Mas a construit son roman, nous entraînant dans une région particulièrement propice à croire au merveilleux, au surnaturel, à la force de l’invisible, tout en exacerbant les caractères de ses personnages jusqu’au point de non retour, pour finalement nous faire revenir assez brutalement sur terre. Car avouons-le, si l’on cherche le miracle, peut-être faut-il se dire que ce n’est pas forcément là où on l’attend qu’il va se réaliser. Miracle, hasard, destin, chance, nommons-le à notre guise, en se disant qu’il y a toujours une raison d’y croire.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Sœur Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d’une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu’un adolescent prétend avoir eu une vision.

Mais lorsqu’il dit « je vois », les autres entendent : « J’ai vu la Vierge. » Face à cet événement que nul ne peut prouver, c’est toute une région qui s’en trouve bouleversée. Les relations entre les êtres sont modifiées et chacun est contraint de revoir profondément son rapport au monde, tandis que sur l’île, les tempêtes, les marées, la végétation brûlée par le sel et le soleil semblent annoncer un drame inévitable.

Date de parution 17 août 2022 / Édition Brochée 19,90 € / 224 pages / EAN : 9782226474087

Laissez-moi vous rejoindre, Amina Damerdji

Cuba, une histoire d’amour, de révolution et de deuil

Grâce à ce premier roman, je découvre une figure féminise emblématique de la révolution cubaine largement passée sous silence à la suite de son suicide jugé contre révolutionnaire par Fidel Castro. En 1980, Haydée Santamaría se souvient de tout. Elle sait déjà que sa vie va s’arrêter là, et revit pour nous les années les plus fortes de sa jeunesse. Son amour pour son frère Abel, pour le grand Boris, pour la révolution et la lutte. Mais aussi l’amitié, les amours, les combats, les deuils.

Ce personnage que l’autrice place adroitement au seuil de sa vie a du coup assez de recul pour nous en parler avec justesse, et pas comme cela aurait pu être avec la fougue de la jeunesse ou dans la violence du feu de l’action. Dans les années 50, les jeunes idéalistes se révoltent contre la dictature de Batista, arrivé au pouvoir en 52 grâce au soutien des américains. Haydée Santamaría est issue d’un famille relativement aisée. Avec son frère Abel, ils prennent part aux réunions, aux meetings qui ont lieu souvent dans leur appartement, au réveil révolutionnaire, et même créer un journal. Si sa participation est d’avantage issue d’une envie d’être comme les autres amis de son frère, de s’intégrer dans sa bande de copains, rapidement le souci d’égalité, la passion révolutionnaire s’emparent d’Haydée.

Viennent les soirées entre amis, le longue discussions, la rencontre avec Boris, la naissance d’un amour, leur relation plus intime, la présentation du fiancé aux parents circonspects.
Viennent surtout les préparatifs de l’attaque de la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba, pour lesquels elle a une tache importante à accomplir.
Mais ce 26 juillet 1953 marque d’une pierre noire le destin d’Haydée, lorsque certain hommes sont arrêtés, torturés, exécutés. Boris et Abel seront de ceux-là.

C’est une femme meurtrie, amère, blasée, qui se retourne sur son passé et sa jeunesse au seuil de la mort. Les années ont passé, et malgré la vie qu’elle a eu depuis, les blessures ouvertes en 1953 ne se sont jamais refermées, et occupent toute la place en cette année 1980.

J’ai aimé découvrir ce personnage, retrouver le prémices de la révolution chez ces jeunes combatifs et engagés. Cela m’a donné envie de me plonger à nouveau dans l’histoire de Cuba. Et m’a rappelé avec plaisir ma lecture de Le jour se lève et ce n’est pas le tien, le roman de Frédéric Couderc sur cette même période de l’historie de Cuba.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

« Je ne peux pas dire que nous ayons pris les armes pour ça. Bien sûr que nous voulions un changement. Mais nous n’avions qu’une silhouette vague sur la rétine. Pas cette dame en manteau rouge, pas une révolution socialiste. C’est seulement après, bien après que, pour moi en tout cas, la silhouette s’est précisée. »
Cuba, juillet 1980. En cette veille de fête nationale, Haydée Santamaría, grande figure de la Révolution, proche de Fidel Castro, plonge dans ses souvenirs. À quelques heures de son suicide, elle raconte sa jeunesse, en particulier les années 1951-1953 qui se sont conclues par l’exécution de son frère Abel, après l’échec de l’attaque de la caserne de la Moncada.
L’histoire d’Haydée nous plonge dans des événements devenus légendaires. Mais ils sont redessinés ici du point de vue d’une femme, passionnément engagée en politique, restée dans l’ombre des hommes charismatiques. Ce premier roman offre le récit intime et pudique d’une grande dame de la révolution cubaine gagnée par la lassitude et le désenchantement, au seuil de l’ultime sacrifice.

320 pages, 140 x 205 mm / Parution : 26-08-2021 / ISBN : 9782072940439 / 20,00 €

Les nuits bleues, Anne-Fleur Multon

L’amour par temps de confinement

Le confinement et le covid ont inspiré bien des romans. Les relations amoureuses aussi.

Lorsqu’elle rencontre Sara à sa soirée de fin d’année, la narratrice ne sait pas encore qu’elle va comme tant d’autres devoir rester confinée chez elle sans espoir de sortir. Comment imaginer alors vivre une aventure amoureuse et rencontrer l’âme sœur, celle qui apparaît sur les écrans de ses nuits bleues, par internet interposé.

C’est pourtant ce qu’elles vont réussir à faire. Se rencontrer, vivre ensemble cet amour neuf, un peu fou dans ce contexte. L’autrice nous fait vivre les gestes, les caresses, les sentiments amoureux, avec douceur et sensibilité. Mais on tourne vite en rond dans une petit appartement et sans espoir de sortie. Même si parfois l’imagination supplée au manque du monde extérieur.

Un roman sur l’amour et la rencontre, mais fade et sans trop de saveur à mon goût. Je retiens cependant l’originalité de l’écriture, qui se veut singulière parfois à l’excès, la poésie des mots pour dire les sentiments naissants, mais aussi la banalité des émoticônes lorsqu’ils sont décrits et surabondants. Un roman que j’ai cependant lu en une soirée, une histoire d’amour comme tant d’autres, entre deux jeunes femmes qui se cherchent, se trouvent, et partent vivre leurs rêves d’ailleurs, ailleurs.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : L’Observatoire

Dans les rues d’un Paris déserté, la narratrice avance la peur au ventre et la joie au cœur : c’est chez Sara qu’elle se rend, pour la toute première fois. Les premières fois, les deux amantes les comptent et les chérissent, depuis leur rencontre, les messages échangés comme autant de promesses poétiques, le désir contenu, jusqu’à l’apothéose du premier baiser, des premières caresses, de la première étreinte. Leur histoire est une évidence.

Débute une romance ardente et délicate, dont les héroïnes sont également les témoins subjuguées. La découverte de l’autre, de son corps, de ses affects, l’éblouissement sensuel et la douce ivresse des moments partagés seront l’occasion d’apprendre à se connaître un peu mieux soi-même.

Anne-Fleur Multon redonne ses lettres de noblesse et d’humanité au roman d’amour et nous entraîne dans les dédales d’une passion résolument joyeuse, souvent charnelle et parfois mélancolique, mais toujours étourdissante.

Nombre de pages:  208 / ISBN: 979-10-329-2229-3 / Date de parution: 05/01/2022

Les maisons vides, Laurine Thizy

à la fois poétique et fort, un roman singulier sur l’adolescence

Gabrielle a treize ans et sa grand mère Maria vient de mourir. Elle a des parents, un petit frère, et une évidente aptitude pour la gymnastique rythmique.

Gabrielle enfant prématurée, si fragile, si petite, qui crache les araignées qui se terrent dans ses poumons et qu’elle cache à tous pour continuer à vivre comme les autres, ou plutôt comme elle l’a décidé. Qui jeûne pour les faire disparaître à jamais, ah si seulement cela pouvait marcher…

Chaque nuit elle oublie de dormir et se déplace sans bruit hors de la maison jusqu’au cimetière, sur la tombe de Maria. Chaque jour elle oublie de manger, et sans doute aussi parfois de vivre.

Gabrielle explose de beauté, de charme, le dos droit, les pieds plantés au sol, dans une attitude conquérante. Gabrielle ose, défie, aime, dompte, exige d’elle plus que personne n’oserait jamais lui demander. Gabrielle aime à sa façon, mais elle est encore bien jeune, alors elle retient les corps qui se frôlent, se découvrent, s’exaltent.

Les maisons vides est un hymne à l’enfance, à la fidélité à la parole donnée, à la fragilité de l’adolescence, mais aussi à une certaine relation au corps, à la maladie, à la force que l’on puise en soi pour parvenir à son but, pour vivre et devenir. Plusieurs temporalités se succèdent pour éclairer le lecteur et cerner au plus près une Gabrielle fragile, blessée, mais toujours volontaire et forte.

Il y a une puissance et parfois une grande douceur dans ces mots, une fragilité et pourtant aussi une force dans ce personnage de jeune fille qui sort de son cocon d’enfant fragile et dont parle une narratrice dont on se demande tout au long du roman qui elle peut bien être.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : éditions de L’Olivier

Des premiers pas à l’adolescence, dans cette campagne qui l’a vue naître, Gabrielle, avec une énergie prodigieuse, grandit, lutte, s’affranchit. Gymnaste précoce, puis soudain jeune femme, Gabrielle ignore les araignées dans son souffle comme les regards sur son corps. Elle avance chaque jour un peu plus vers la fin de l’enfance.

Porté par une écriture aussi puissante que sensible, Les Maisons vides laisse entendre le vibrant chœur de femmes autour de Gabrielle : Suzanne, Joséphine, María… Générations sacrifiées ou mal aimées, elles ont appris à se dévouer, à faire face et, souvent, à se taire.

Parution 14 janvier 2022 / 140 × 205 mm 272 pages EAN : 9782823617368 18,00 €

Une nuit après nous, Delphine Arbo Pariente

Parler pour faire éclore les souvenirs et atténuer les douleurs de l’enfance

Mona est une jeune femme bien dans sa peau et dans sa vie. Elle a un métier qui lui plaît, elle est architecte, un mari amoureux, Paul est prêt à tout pour elle, trois enfants, et une vie pleinement heureuse et réussie. Mais lorsqu’elle s’inscrit à un cours de tai-chi, elle rencontre Vincent et immédiatement la relation entre eux est une évidence, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

Cette rencontre que lui offre le hasard s’avère être non pas un éveil à l’amour ou un banal adultère, mais au contraire une confiance et une écoute qui lui permettent de s’éveiller à elle-même. Comme si Vincent lui permettait enfin d’ouvrir les vannes secrètes de l’enfance oubliée, des sentiments et du passé enfouis, la relation au père, l’indifférence de la mère, les douleurs jamais racontées, jamais exprimées, pas même verbalisées pour elle-même.

Alors il faut revenir en arrière, remonter trois générations, celles de Juifs séfarades qui chassés d’Espagne à la fin du XVe siècle ont émigré en Tunisie. Puis le départ de Tunisie des grands parents dans les années 60 pour arriver à Marseille. Enfin, la rencontre de ses parents,. Il faut cela pour comprendre l’enfance, la pauvreté, la douleur et l’incompréhension de la différence. Pour comprendre, sans forcément les accepter à la fois le père tyrannique et la mère à la dérive. Pour se désoler de ce que doivent faire les enfants sans percevoir la portée, l’influence sur leur vie future, le pouvoir de destruction massive de certains actes pourtant consentis lorsqu’ils sont réalisés par amour filial, par désir de plaire, encore et toujours.

Au fil des jours, Mona raconte, et avec les mots s’exprime la filiation si difficile, la relation au père, complexe, dévastatrice, ce pouvoir et cette pression psychologiques exercés pendant des années et qui peuvent être parfois plus destructeurs que les violences physiques, et pourtant, les violences physiques elles aussi sont extrêmes. A peine esquissée, la relation incestueuse est pourtant présente, prégnante, l’horreur absolue pour la petite fille. Si l’enfant a longtemps essayé de contenter le père en exécutant toutes les basses tâches qu’il lui confiait, l’adulte a aujourd’hui envie de savoir qui elle est au plus profond d’elle-même, quelle est sa vraie nature, son vrai moi.

C’est un roman fort, Mona n’est pas tendre avec elle même, mais les violences qu’elle a subies enfant ont laissé tellement de traces que seuls ces mots là peuvent en effacer la noirceur. Et si aller au bout des douleurs enfouies de l’enfance lui permettait enfin de savourer la réalité du bonheur présent, ququi elle victoire, quel beau chemin vers la résilience et l’acceptation de soi. Un roman sans tabou, sans jugement, qui écoute et dit, et qui fait réfléchir au temps qu’il faut pour enfin s’autoriser le bonheur quand l’enfance a été aussi dévastatrice.

Catalogue éditeur : Gallimard

« J’ai cru que l’événement de ces dernières semaines, c’était ma rencontre avec Vincent, mais sur ce chemin qui me menait à lui, j’ai retrouvé la mémoire. Et en ouvrant la trappe où j’avais jeté mes souvenirs, la petite est revenue, elle attendait, l’oreille collée à la porte de mon existence. »

Cette histoire nous entraîne sur les traces d’une femme, Mona, qu’une passion amoureuse renvoie à un passé occulté. Un passé fait de violence, à l’ombre d’une mère à la dérive et d’un père tyrannique, qui l’initiait au vol à l’étalage comme au mensonge.
Le silence, l’oubli et l’urgence d’en sortir hantent ce roman à la langue ciselée comme un joyau, qui charrie la mémoire familiale sur trois générations. De la Tunisie des années 1960 au Paris d’aujourd’hui, Une nuit après nous évoque la perte et l’irrémédiable, mais aussi la puissance du désir et de l’écriture.

256 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072926525 / Parution : 26-08-2021 / 19,00 €

Faire corps, Charlotte Pons

Peux-t-on porter un enfant sans devenir mère ?

D’un côté, Sandra, jeune femme bien dans sa peau, sa vie, son emploi, sûre d’elle, aucune envie de devenir mère un jour, et un peu ras-le-bol de tous ceux qui sans cesse lui demandent, alors cet enfant, c’est pour quand ?

De l’autre côté, Romain et Marc. Romain l’ami d’enfance, celui avec lequel Sandra a le plus en commun, souvenirs, vécu, passé, et Marc, son mari pour la vie. Romain et Marc et leur envie folle d’être enfin pères, d’élever un enfant, d’être enfin un couple de parents accomplis. Des années qu’ils suivent toute la procédure, aux USA, pour avoir enfin un bébé avec une mère porteuse. Mais ils vont d’échec en échec et se désespérément. Jusqu’au jour où Sandra cède à la demande en toute amitié de Romain, ou qui sait si elle ne le lui propose pas au fond, il y a un peu des deux sans doute, et la voilà qui accepte de devenir cette mère porteuse qui va réaliser cette GPA pour son ami.

Porter un enfant, mais ne pas devenir mère, car cet enfant, elle n’en veut pas. C’est son credo, son cri, sa certitude. Un bébé contrat, neuf mois à le porter, puis à l’abandonner à ce couple qui l’attend de tout son cœur, de toute son énergie, de tout son amour. Commence alors une période entre deux, porter sans vivre vraiment, jusqu’au jour où elle reçoit ce courrier qui lui indique que dans cinq mois elle sera mère.

Mère, pas du tout, jamais ! Et pourtant ? Neuf mois et puis s’en vont, ou va-t-elle réellement devenir maman ?

Un roman d’amitié, d’entraide, de relation homme femme, de relation à l’autre, mais aussi à ce corps qui change, qui accueille une autre vie, cet autre qui est un étranger mais qui est un peu de vous aussi. L’analyse des personnages et la construction du roman autour de cette évolution, à la fois de la grossesse et des idées, sentiments, envies, angoisses est tout à fait bien explicité, montré à travers les doutes, les questionnements, les certitudes et les craintes de Romain futur et déjà père, comme de Sandra, porteuse mais pas encore mère. Et surtout, qu’est-ce qu’être mère, porter un enfant, le sentir dans son corps, l’élever, l’aimer, un peu de tout ça au fond, et sans doute plus encore.

Si j’ai eu quelques craintes à commencer cette lecture, je l’ai trouvé particulièrement intéressante, émouvante, constructive et forte en questionnements pour tous. L’autrice aborde de nombreux thèmes, pour ou contre parentalité, couple gai, mère porteuse, désir d’enfant, être mère ou pas, que de questions, que de doutes, que d’espoirs.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Flammarion

« Et votre projet, c’en est où ? » Voilà plusieurs années que Sandra observe Romain et son compagnon se confronter au parcours épineux de la GPA aux États-Unis. Ce désir d’enfant que rien ne semble faire vaciller l’intrigue, elle qui est catégorique depuis toujours: elle ne sera jamais mère. À bout, son ami va lui demander de porter son bébé. Commence alors un corps-à-corps avec un enfant qui ne sera pas le sien. Neuf mois de bouleversements physiques que la raison ne peut pas ignorer et qui font naître des sentiments d’une intensité insoupçonnée.
Dans ce deuxième roman à fleur de peau, Charlotte Pons met très subtilement en scène une femme qui consent, sans en mesurer toute la portée, à réparer le mal d’enfant de son ami. Jusqu’où son geste l’emportera-t-elle ?

Paru le 24/02/2021 / 240 pages / 138 x 211 mm / EAN : 9782081486225 / 19€

Les envolés, Étienne Kern

Un incroyable fait divers aussi émouvant que déstabilisant

Le 4 février 1912, un homme se présente à l’aube au pied de la tour Eiffel. Il a obtenu de la préfecture l’autorisation de faire un essai de saut avec un parachute de son invention, saut qui sera effectué par un mannequin. Mais ce matin-là, Franz Reichelt décide qu’il sera le seul à tester sa création, qu’il se jettera des cinquante-sept mètres du premier étage de la tour.

Aucun suspense quant à l’issue de ce saut, ce sera hélas le premier mort filmé de l’histoire du cinématographe. Comment en est-il arrivé là ? Qui est-il ? Et pourquoi en parler aujourd’hui dans ce roman ?

Subjugué par le photos de cet homme qui pose dans un étrange costume bouffant, avec des coutures, des armatures, et du tissus à ne plus savoir qu’en faire, Étienne Kern tente de comprendre qui il était et qu’elle idée folle lui est passée par la tête pour aboutir à ce jour funeste du 4 février.

M., une amie de l’auteur, souffre d’une maladie grave. Il sont très liés, pourtant c’est par un tiers qu’il apprend qu’elle s’est jetée de son balcon pour en finir avec cette vie de souffrance.

Ces deux envolés deviennent alors le fil conducteur de ce roman singulier.

Franz Reichelt est arrivé d’un village près de Prague en Bohème. Issu d’une famille de cordonniers, c’est la couture qui le séduit. Rapidement il fait ses classes puis installe son atelier en France, près de l’Opéra, à Paris. Franz était l’ami d’Antonio, un créateur comme lui. Arrivé d’Espagne, il a enduré lui aussi la méfiance des français envers les émigrés. Tout les rapproche tant qu’ils deviennent amis. Mais un jour, Antonio se prend d’amour et de passion pour les aéroplanes, ces drôles d’engins volants dont on parle de plus en plus et pour lesquels les expériences les plus dingues sont menées par des fous qui n’ont peur de rien. De couturier expérimenté, reconnu et raisonnable, Antonio devient rapidement un expérimentateur aussi dément que les autres, jusqu’au jour où il décède dans son avion, alors qu’Emma, sa jeune épouse, vient de mettre au monde leur fillette.

Emma, jeune veuve et maman de la petite Rose arrive à Paris dans l’ex atelier de son époux,. Elle y trouve du travail. Elle rencontre Franz. Une relation plus intime se noue entre eux. Pour lui plaire, il cherche à réaliser le parachute qui aurait pu sauver la vie de son ami. Lorsqu’un concours est lancé pour récompenser l’inventeur du parachute idéal, Franz se jette dans la compétition. Puis expérimente son invention.

L’auteur pose de nombreuses questions. Pourquoi cet homme qui paraissait sensé décide ce jour-là de tenter lui même le saut qui causera sa perte ? Pourquoi personne dans son entourage n’a essayé de l’en empêcher ? Quelle folie prend ainsi ces hommes qui ont tenté l’impossible pour voler, créer ces merveilleuse machines qui paraissent folles aujourd’hui mais qui ont été les précurseurs de l’aviation contemporaine ?

Le questionnement est intéressant, tout comme le parti pris d’évoquer ces inventeurs pas toujours heureux. J’ai aimé découvrir la folie et le désespoir qui se mêlent à la joie de la réussite.

J’ai aimé découvrir ce personnage totalement fou, qui n’a pas hésité une seconde avant de s’élancer vers sa mort. Ah, si seulement on pouvait savoir ce qu’il a pensé pendant ces quelques secondes avant sa fin annoncée.

Le parallèle avec M., l’amie disparue est émouvant et interpelle. Qui sont ces envolés et comment en arrivent-ils là ? Un roman aussi bouleversant que triste, étonnant qu’instructif, qui m’a donné envie d’aller chercher des informations sur Franz et les autres merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines. Il y a une grande poésie dans ces lignes. L’alternance entre le récit intime de la relation à l’amie, les recherches pour se rapprocher de Franz sans jamais avoir pu le rencontrer, et la façon dont Étienne Kern se l’est approprié pour nous en restituer les sentiments et les interrogations m’a particulièrement séduite.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue édieur : Gallimard

4 février 1912. Le jour se lève à peine. Entourés d’une petite foule de badauds, deux reporters commencent à filmer. Là-haut, au premier étage de la tour Eiffel, un homme pose le pied sur la rambarde. Il veut essayer son invention, un parachute. On l’a prévenu : il n’a aucune chance. Acte d’amour ? Geste fou, désespéré ? Il a un rêve et nul ne pourra l’arrêter. Sa mort est l’une des premières qu’ait saisies une caméra.
Hanté par les images de cette chute, Étienne Kern mêle à l’histoire vraie de Franz Reichelt, tailleur pour dames venu de Bohême, le souvenir de ses propres disparus.
Du Paris joyeux de la Belle Époque à celui d’aujourd’hui, entre foi dans le progrès et tentation du désastre, ce premier roman au charme puissant questionne la part d’espoir que chacun porte en soi, et l’empreinte laissée par ceux qui se sont envolés.

Parution : 26-08-2021 / 160 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072920820 / 16,00 €

Aux amours, Loïc Demey

à bien y réfléchir, les rêveries ne vont pas à la ligne, d’une pensée dépend une autre pensée, une action laisse la place à la prochaine

De la même façon, les pensées du narrateur naviguent vers elle, ou elles, cette femme, cette autre, toutes ces femmes qu’il attend, qu’il espère, qu’il invente, se crée, s’imagine, découvre, comprend, écoute, aime, sent, touche, caresse, toutes celles qui sont, seront, ont été, celle qui enfin, peut-être, sans doute, le comprendra, l’aimera, l’espère à son tour, belle, insignifiante, quelconque, gracieuse, jolie, grande, petite, sublime, qu’importe pourvu que ce soit elle.

Quel étonnant roman, poème, livre, qui se lit sans point ni virgule, sans respiration ni ponctuation, qui se vit, se respire, s’essouffle, s’espère ou se désespère, qui dit, qui rêve, qui cherche, qui découvre, qui attend.

Espoir, espérance, point de suspension et d’interrogation…

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

.. demain vos paroles, votre visage et votre silhouette se seront effacés alors je vous inventerai encore, je vous chercherai encore, je vous attendrai ailleurs et nous nous retrouverons comme si jamais nous ne nous étions quittés, vous serez une autre déambulant dans une nouvelle histoire, la même mais au coeur d’une scène différente que je façonne, inlassablement, jusqu’à ce que vous consentiez à m’apparaître…

Un homme attend une femme qui ne vient pas. Il se lance à sa poursuite en empruntant le chemin des rêveries.

Date de parution : 11/03/2021 / Prix : 12,00 € / Format : 112p. / ISBN : 978-2-283-03461-3

Jour bleu, Aurélia Ringard

Un roman de départ et d’attente, un roman d’amour et d’espoir

Assise au restaurant Le Tain Bleu gare de Lyon, elle attend. Elle attend un homme qu’elle n’a vu qu’une fois, et n’a pas revu depuis trois mois. Sera-t-il là ? Lui est artiste peintre, rencontré lors d’un vernissage. Elle est médecin mais veut changer de vie.

Elle est toute entière portée par cette attente. Elle est venue quelques heures en avance, sereine mais impatiente. Ici, tout lui rappelle l’enfance et l’adolescence, les souvenirs de départ et d’arrivée, d’un père et d’une mère divorcés que frère et sœur allaient retrouver le temps d’un week-end ou pour les vacances. Elle est jeune et pourtant c’est sa vie qui défile au contact de cette multitude qui se croise, s’évite, se quitte, se retrouve, s’embrasse ou pleure, se bagarre ou s’enlace, ces vies multiples que l’on rencontre sans les voir dans toutes les gares du monde.

Bien sûr, il y a aussi le serveur séduit, le numéro de téléphone griffonné sur l’addition, les regards, mais aussi les voyageurs assis près d’elle, leurs instants de vie qu’elle partage sans y être invitée. Bien sûr les déchirures, les exaspérations, les élans, les départs, définitifs, la solitude, les quais de gare, les regards, les pleurs, les rires, les chagrins.

Elle attend et elle sait déjà que sa vie est à une charnière, qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que demain sera autre, différent, inconnu mais comme elle le souhaite, à deux sans doute, heureux peut-être. Ce retour vers l’enfance, vers les rêves qui ne se sont pas réalisés et tous ceux qui pourraient être, vers la vie passée, est aussi un nouveau départ vers l’inconnu, vers celui qui doit arriver, celui qui sera là et qu’elle espère.

Le roman alterne les chapitres, tantôt à la première personne lorsqu’il revient au temps de l’attente, au temps présent, tantôt à la troisième personne, comme pour donner une distance à la rencontre, au passé, aux souvenirs, même si à chaque fois c’est de cette jeune femme qu’il nous parle. Une lecture agréable, et un personnage attachant. Et avouons-le, qui n’a pas essayé un jour dans une gare d’inventer les vies de ces hommes et de ces femmes qui passent, se croisent, se quittent, s’aiment.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Frison-Roche Belles Lettres

Une femme a rendez-vous avec un homme en gare de Lyon. Du moins, c’est ce qu’elle croit. Cela fait trois mois qu’ils se sont rencontrés. Trois mois au cours desquels ils ne se sont pas vus. Elle a décidé de venir très en avance, de prendre ce temps de l’attente, assise au café. Le hall de la gare revêt l’allure d’une salle de spectacle, d’une pièce de théâtre où chaque personnage qu’elle croise la renvoie à ses propres souvenirs, aux moments clefs de la trajectoire qui l’a menée jusqu’ici et qui a façonné le décor de sa vie. Dans ce premier roman, Aurélia Ringard décrit avec minutie une poignée d’heures de la vie d’une femme, dans un huis clos magistral, époustouflant de maîtrise et de mélancolie.

Née en Bretagne, à Guingamp, Aurélia Ringard a d’abord vécu à Washington, aux États-Unis, et à Paris avant de s’installer à Nantes. Diplômée en pharmacie, elle se consacre aujourd’hui à sa passion pour les mots et la littérature. Elle anime des ateliers d’écriture et participe à l’organisation d’événements pour la promotion de la lecture. Suite à sa participation à un concours organisé par l’école d’écriture Les Mots, ce texte reçoit le coup de cœur du jury. Aurélia signe ici son premier roman.

Collection : Ex Nihilo / parution : 01/06/2021 / pages : 164 / EAN : 9782492536106 / Prix : 17.00 €

Aulus, Zoé Cosson

Une incursion nostalgique dans les Pyrénées de la belle époque

Aulus-les-Bains est situé dans le massif des Pyrénées ariégeoises, plus exactement dans le Haut Couserans. L’Espagne se trouve à peine à cinq heures de marche. Si l’activité thermale est connue dans cette région depuis l’époque romaine, elle a pourtant été longtemps seulement un lieu d’exploitation des mines de plomb, au XVIe, au XVIIIe et jusqu’après la seconde guerre mondiale. Pourtant c’est bien au XIXe siècle que l’exploitation des eaux l’emporte sur celle des mines. À partir de 1822, 1845 les cures sont déjà surveillées médicalement. Et les buvettes, l’établissement thermal et les nombreux hôtels font désormais la renommée de la station.

C’est dans ce contexte de fin de règne que le père de la narratrice décide d’acheter un vieil hôtel qui a connu ses heures de gloires à la belle époque. Abandonné de tous, mais pas de ce père original qui tente aille que vaille de restaurer quelques pièces de cette vaste bâtisse qui tombe en décrépitude.

Au cours de ses vacances dans la région, la narratrice qui n’est autre que sa fille va observer non pas simplement la nature, mais bien la nature humaine et les quelques spécimens qui constituent la population permanente du village. Au cours de nombreuses marches dans les sentiers de randonnée du coin, ou aux abords des maisons du village, elle fait des rencontres, apprend à connaître l’autre, celui qui n’a jamais quitté son coin perdu de montagne et qui vit bienheureux là-haut, celui qui aime raconter la nature, les aventures, les anciens, la vie en apparence si simple mais pourtant si complexe pour ceux qui doivent faire avec. Ce sont des chemins, de cascades, des couleurs et des saisons, des feuilles qui bruissent aux arbres et des étendues de neige où rien ne bruisse. Ce sont des rencontres, des disputes, des souvenirs, des attentes ou des espoirs. C’est le père qui tente de faire revivre son hôtel délabré et vide, qui le peuple d’objets à défaut d’humains, qui partage, donne, échange avec les autres, chaque jours, par habitude, par soucis d’intégration, par plaisir finalement.

Si la vie y est souvent difficile, la chaleur des échanges, la beauté de la nature, donnent sa véritable dimension humaine au village et à l’aventure vécue par l’autrice. Le roman est court, l’écriture ciselée, sans un mot de trop, construit autour de quelques cartes postales anciennes, d’instantanés de vies, qui donnent corps et présence à tous ces absents qu’elle n’a pas oubliés. J’ai aimé ces portraits, ces traits de caractère, ces anecdotes qui font revivre avec humour, nostalgie et tendresse les années d’enfance. Mais aussi la façon dont la narratrice narre cette relation entre un père fantasque et malade et une adolescente pas toujours d’accord. Une jeune fille qui vit au plus près de ses émotions et fait preuve d’une capacité d’émerveillement face à l’autre, quel qu’il soit. C’est un roman atmosphère, de vivants, bien plus que de souvenirs enfuis. Alors qui sait si, en passant du côté des Pyrénées ariégeoises, vous n’aurez pas envie vous aussi de continuer votre route pour découvrir Aulus.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

Aulus est une station thermale des Pyrénées construite à la Belle Époque, qui ne compte plus, aujourd’hui, qu’une centaine d’habitants. Depuis son enfance, la narratrice y vient chaque année. Elle réside dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères, point de départ de ses randonnées.
Dans le village et sur les chemins, la narratrice écoute, regarde et recueille habitudes et histoires des Aulusiens : la météo, l’ours, la centrale plantée sur une rivière, les élections… Elle en fait un récit, celui d’un écosystème fragile, où hommes et nature cohabitent comme ils peuvent. Où une ancienne mine pollue dangereusement la montagne. Où tout menace de se défaire, malgré la force millénaire de la roche omniprésente. Un récit actuel, métaphore de notre époque, en perpétuelle rupture d’équilibre.

Parution : 07-10-2021 / 112 pages / ISBN : 9782072958397 / 12,90 €