L’homme qui arrêta le désert, Yacouba Sawadogo Damien Deville

Quand un homme seul donne de l’espoir à tous

Au Burkina Faso, Yacouba Sawadogo n’est pas un homme ordinaire, même s’il fut un enfant puis un adolescent comme les autres. Né dans les années 50 il a grandi au village et à suivi les conseils avisés de son père pour apprendre à cultiver la terre.

Mais un jour, la terre s’est asséchée et les villageois sont partis à la ville, la faim et la misère étant la seule issue s’ils restaient dans leur village. Yacouba Sawadogo n’a pas fait comme eux.

Enfant, l’école coranique a été sa seule éducation, c’est dire s’il manquait d’outils pour s’engager dans la vie et tenir son échoppe. Il a bénéficié du soutien des cheikhs, qui donnent de sages conseils et aident à trouver la bonne ligne de conduite, œuvrent à perpétuer les tontines et sont garants de paix sociale. Si elle s’avère incomplète pour armer les élèves pour affronter les difficultés de leur vie future, c’est cependant son éducation Coranique et la force de la parole de l’islam qui l’ont aidé lorsque le temps est venu de prendre sa vie en main, et de creuser, de planter, encore et encore. À la richesse éventuelle il a choisi les arbres, réconciliant la nature et la culture pour sauver ses terres de la sécheresse et de la catastrophe annoncées.

C’est son histoire qui nous est racontée ici. Preuve s’il en est que l’œuvre d’un seul homme peut parfois compter bien plus que celle de toute une communauté quand sa finalité est la sauvegarde de la vie et que son action va dans cet unique but.

Usant de techniques ancestrales comme le zaï, qui consiste entre autre à creuser des trous à une certaine distance les uns des autres, trous que l’on arrose et que l’on nourrit régulièrement avant d’y mettre les jeunes plans, mais aussi former des murets de pierres, utiliser la nature dans sa diversité, ici même les termites ont leur place, autant d’éléments qui ont permis le succès de son action. En plantant les arbres, Yacouba a modifié le climat de son territoire.

Un livre intéressant car il nous permet de comprendre la difficulté de vivre lorsque l’ont est un paysan dans ces villages et la puissance de la volonté et du sens humain de certains hommes capables de relever de tels défis.. Il nous montre les changements dus tant au climat qu’à la mondialisation, achat de terre par l’Asie et monoculture étant parmi les effets le plus délétères. Mais aussi l’importance de la religion, Islam étant prépondérant mais subsiste toujours la religion Animiste.

Catalogue éditeur : Éditions Tana

Depuis le Burkina Faso, aux confins des dunes sahariennes, une voix inspirante s’élève : celle de Yacouba Sawadogo. Lauréat du Right Livelihood Award, prix Nobel alternatif, il consacre sa vie à planter des arbres aux portes du désert.
Alors que tout semblait perdu, qu’au début des années 1980, une grande sécheresse décimait les troupeaux et contraignait les familles à l’exil, Yacouba a fait le choix de retourner à la terre. En réinventant la méthode ancestrale du zaï, en renouant avec les héritages de sa propre lignée familiale, les « faiseurs de pluie », et en défrichant les chemins d’une quête spirituelle, il a ressuscité la vie. Les familles se sont réinstallées, les champs ont retrouvé leur fertilité, et l’antilope, le hérisson et l’oiseau ont repris leurs quartiers : le village de Yacouba est redevenu un monde de relations, une oasis verdoyante, une terre de poésie et de partage. …

Date de parution : 20/01/2022 / 15.90 € / EAN : 9791030103977 / Pages : 144

GIGN, tome 3, Laurent André, Pascal Pelletier

Une BD qui retrace une des premières actions du GIGN


En février 1976, à Djibouti, un car scolaire d’enfants de militaires est pris en otage. C’est l’intervention du GIGN, alors commandé par le lieutenant Prouteau et de la légion étrangère qui permettra de les libérer, mais hélas deux enfants y ont laissé la vie.

Si elle se lit très facilement, le graphisme et les textes m’ont semblé cependant assez basiques.

Cet aspect de l’histoire du GIGN et donc de la Gendarmerie nationale est intéressant car sans doute méconnu aujourd’hui, et assez bien retracé pour les amateurs qui s’intéressent au sujet.

Catalogue éditeur : éditions A & H

Laurent ANDRÉ (Scénariste) – Pascal PELLETIER (Dessinateur) 
à retrouver sur le site GIGN
Album: 52 pages / Editions A&H BD (11.2021 ) / ISBN : 979-10-95857-87-7  

Le duel des grands-mères, Diadié Dembélé

Aller aux origines, retrouver ses racines pour trouver son chemin

A Bamako il est de bon ton de mettre ses enfants à l’école française pour qu’ils puissent un jour devenir des fonctionnaires, comme les voisins.

Hamet est de ces enfants qui doivent oublier les dialectes, bambara ou soniké pour ne parler que le français mieux que les français. Mais c’est un enfant indiscipliné qui préfére retrouver les copains, manger en cachette, faire l’école buissonnière, tout plutôt que de risquer d’avoir le symbole, cette pénalité qui s’impose à ceux qui n’ont pas parlé correctement. Alors il parle en signes, c’est plus sûr, alors il fugue en cachant son sac, et doit élaborer des mensonges en espérant ne pas se faire prendre.

Mais lorsque Mr Diarra dévoile le subterfuge à M’ma la leçon est difficile à recevoir, des cours chaque jour de la semaine, et des cours les samedi et dimanche. Puis lorsque le jeune Hamet dépasse les bornes en maquant de respect à l’un de ses proches, la sentence est encore contraignante. P’pa l’a décidé depuis la France où il tente de gagner de quoi faire vivre la famille, Hamet doit quitter Bamako pour être envoyé au village. Le village des origines, là où se trouvent ses deux grands-mères, le village des vraies identités, un terrain miné où tout est danger pour celui qui débarque de la ville.

Là, il va apprendre ce qu’est la vie au village, la nourriture différente de celle à laquelle il était habitué, l’eau au goût saumâtre, le manque de fruits et de légumes frais. Mais surtout les habitudes de chacun, le travail au champs, les regards de ceux pour qui il est un étranger, les rivalités.

Ses journées deviennent autres, travailler au champs, jouer avec les enfants de ce village, et surtout découvrir l’histoire de sa famille.

Peu à peu, Hamet va entrer dans la vie de ce village, comprendre et apprécier ceux qui l’entourent, et enfin entendre les vieilles histoires de famille qui lui permettent de mieux comprendre ses parents restés à Bamako. Car est-il encore besoin de le démontrer, les secrets de famille polluent bien plus que ceux qu’ils ont affecté au départ.

L’écriture est vive, imagée, bourrée de mots de dialecte qui rendent encore plus vivants et réalistes les mots et les sentiments du jeune Hamet. Parfois un peu trop pour suivre sereinement le cours de l’intrigue, mais cela renforce aussi l’impression d’un vécu. Il y a autant d’impertinence que d’émotion, de passion que de sagesse en devenir dans ces moments de vie au contact des autres, à la fois inconnus et pourtant si proches. Un bémol, ce duel sans doute trop attendu, le conflit entre ces grands-mères pas assez présent et qui me laisse comme un goût d’inachevé.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : JC Lattès

Parce qu’il fait l’école buissonnière pour lire, manger des beignets et jouer aux billes, parce qu’il répond avec insolence, parce qu’il parle français mieux que les Français de France et qu’il commence à oublier sa langue maternelle, Hamet, un jeune garçon de Bamako, est envoyé loin de la capitale, dans le village où vivent ses deux grands-mères.
Ses parents espèrent que ces quelques mois lui apprendront l’obéissance, le respect des traditions, l’humilité.
Mais Hamet en rencontrant ses grands-mères, en buvant l’eau salée du puits, en travaillant aux champs, en se liant aux garçons du village, va découvrir bien davantage que l’obéissance : l’histoire des siens, les secrets de sa famille, de qui il est le fils et le petit-fils. C’est un retour à ses racines qui lui offre le monde, le fait grandir plus vite.

Nombre de pages 224 / EAN 9782709668613 Prix du format papier 19,00 € / EAN numérique 9782709668903 Prix du format numérique 13,99 € / Date de parution 05/01/2022

La danse de l’eau, Ta-Nehisi Coates

Quand fantastique et Histoire s’entremêlent pour raconter l’esclavage dans l’Amérique d’avant la guerre de sécession

Ta-Nehisi Coates situe son roman vers 1850/1860, à la veille de la guerre de sécession (1861 à 1865) en Virginie. Comme tant d’autres autour d’elle, la plantation de tabac Lockless, qui appartient à Mr Walker est déclinante, car la terre exploitée de façon intensive depuis trop d’années est désormais exsangue. Les petits propriétaires terriens souhaitent maintenir leur train de vie et garder leurs domaines. Mais cela se fait souvent au prix de la vente d’esclaves. C’est ainsi que la mère d’Hiram a été vendue à une autre plantation. Mais lui reste à Lockless, car il est aussi le fils du maître.

Hiram Walker devient le gardien de son frère. Mais pas de n’importe quel frère. Si Hiram Walker est un esclave fils d’une esclave et du maître, son frère Maynard est l’héritier de la maison Walker.

Hiram a des dons et en particulier une mémoire photographique prodigieuse. Il lui suffit d’entendre ou de voir une fois, et tout est gravé à jamais dans sa mémoire. Éduqué avec le fil du maître, il devient très vite son gardien et son protecteur. Même s’il reste à jamais un asservi, alors que Maynard est un distingué.

Car ici, l’auteur ne parle pas de maître ou d’esclaves, de blanc ou de noir, mais de distingués, ce sont les plus ou moins riches propriétaires des plantations ; de blancs inférieurs, ce sont ceux qui supervisent et contrôlent les esclaves pour les blancs supérieurs ; d’affranchis, ce sont d’anciens esclaves, et enfin d’asservis.

Hiram comprend à l’adolescence qu’il a également un pouvoir très particulier, celui de la conduction. C’est la capacité à se déplacer d’un endroit à l’autre en faisant uniquement appel aux souvenirs. Si les premières années ce pouvoir apparaît lorsqu’il est dans des situations dangereuses ou dramatiques, par la suite il se rend compte qu’il est intiment lié à l’eau, cet élément que domptait déjà sa mère lorsqu’elle pratiquait La Danse de l’eau.

Hiram doit apprivoiser ce don mystérieux lié à l’eau : grâce à la Conduction il peut se transporter d’un endroit à un autre. Mais pour que cela fonctionne, il doit se remémorer les souvenirs traumatiques de son enfance et les moments le plus douloureux de son passé, par exemple à chaque fois lui revient le souvenir de sa mère disparue lorsqu’il avait neuf ans, cette mère qu’il voit pratiquer la danse de l’eau.

L’auteur nous propose un roman initiatique d’un genre tout à fait singulier. Un texte hybride entre récit initiatique, histoire de l’esclavage traitée par le point de vue d’un esclave, mais aussi roman qui montre la puissance de la liberté quand elle permet d’échapper à sa condition.

Ta-Nehisi Coates évoque le mythe des Africains marcheurs sur l’eau, ces esclaves dont on pensait qu’ils avaient sauté des bateaux, ou plus tard s’étaient échappés des plantations, pour se transporter par la force de la volonté sains et saufs vers l’Afrique des origines.

De même il fait allusion à l’Undergournd railroad, que l’on retrouve dans le roman de Colson Withehead, avec ces hommes et ces femmes blancs ou noirs qui aident Hiram, en Virginie, en Pennsylvanie, où qu’il aille, et lui permettent d’intégrer le réseau pour en devenir un membre actif.

J’ai retrouvé également dans ce texte l’allusion à La fièvre qu’évoquait si bien le roman de Sébastien Spitzer (même si là c’était en 1870 à Memphis). Cette fièvre qui dans l’esprit tordu des blancs ne touchait pas les noirs, pauvres noirs qui du coup étaient envoyés au contact des malades et mourraient par milliers.

Enfin, une part importante est donnée à la force de la mémoire, celle de Hiram qui est prodigieuse mais dont pourtant certains souvenirs douloureux se sont effacés, comme pour lui permettre d’avancer malgré tout ; celle qui lui permet de réussir à se déplacer là où d’autres ne peuvent aller, grâce à la conduction ; celle des esclaves avec leurs pratiques, leur magie et leurs croyances d’origine, cette mémoire d’un peuple qui se transmet par delà le temps et l’espace, avec une grande place laissée au surnaturel et à la magie.

Un roman singulier, qui m’a perturbée par moments par ce côté fantastique et magique, mais qui aborde des thèmes passionnants avec une humanité et une maîtrise tout à fait intéressantes.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2022

Catalogue éditeur : Audiolib, Fayard

Le jeune Hiram Walker est né dans les fers. Le jour où sa mère a été vendue, Hiram s’est vu voler les souvenirs qu’il avait d’elle. Tout ce qui lui est resté, c’est un pouvoir mystérieux que sa mère lui a laissé en héritage. Des années plus tard, quand Hiram manque se noyer dans une rivière, c’est ce même pouvoir qui lui sauve la vie. Après avoir frôlé la mort, il décide de s’enfuir, loin du seul monde qu’il ait jamais connu.
Ainsi débute un périple plein de surprises, qui va entraîner Hiram de la splendeur décadente des plantations de Virginie aux bastions d’une guérilla acharnée au cœur des grands espaces américains, du cercueil esclavagiste du Sud profond aux mouvements dangereusement idéalistes du Nord.

Ta-Nehisi Coates est l’auteur d’Une colère noire (Autrement, 2016 ; J’ai lu, 2017 ; lauréat du National Book Award 2015) ; Le Grand Combat (Autrement, 2017 ; J’ai lu, 2018) ; et Huit ans au pouvoir : une tragédie américaine (Présence africaine, 2020). Il est également lauréat d’une bourse MacArthur. La Danse de l’eau, son premier roman, a rencontré un grand succès critique et commercial aux États-Unis, et a été traduit dans quatorze langues. Ta-Nehisi Coates vit à New York avec sa femme et son fils.

Fayard : Parution 18/08/2021 Audiolib Parution le 13/04/2022 Durée : 15h22 lu par Alex Fondja Traduit par Pierre Demarty EAN 9791035408138 Prix 27,50 €

Pourvu qu’il soit de bonne humeur, Loubna Serraj

Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable ?

Maya, 15 ans, belle, jeune, mais pas libre. Depuis quelques mois déjà ses parents ont décidé qu’elle ne pouvait plus aller au collège. Une jeune femme n’a pas besoin de trop apprendre puisque son avenir est d’être marié, savoir être épouse et mère cela suffit bien. Pourtant chaque jour ou presque, de longues discussions avec Marwan, son frère, lui permettent de continuer à apprendre et à débattre sur l’actualité, la géopolitique mondiale, le monde qui l’entoure dans le Maroc des années 40. Jusqu’au jour maudit où on lui annonce qu’elle doit épouser Hicham.

Il est beau ce jeune homme qu’elle découvre le jour du mariage, et la jeune femme est prête à l’aimer et à se soumettre. Mais c’est sans compter sur la violence qui se déchaîne dès la nuit de noce. Violée à plusieurs reprises, frappée, Maya ne sait pas que sa vie vient de basculer dans l’horreur, le silence, la douleur. Celui qui n’a connu que la violence de son propre père répète le schéma à l’envie, pour le plus grand malheur de son épouse.

Si la famille, la mère, les sœurs, ont compris le martyr que vit Maya, aucune voix ne vient s’élever pour faire cesser la violence meurtrière. Seul son dossier médical à l’hôpital témoigne des multiples fractures, viols, souffrances, maltraitances qu’elle a dû subir en silence pendant autant d’années.

Pourtant Maya la soumise, Maya puits de douleur est une femme libre dans sa tête, indomptable et indomptée par celui qui rêvait de la soumettre. Les discussions avec son frère, sa participation à la révolte marocaine face à l’occupant, ses lectures, ses fleurs et ses rêves sont les témoins les plus évidents de cette liberté si chèrement acquise.

Dans le Maroc d’aujourd’hui, Lilya vit une relation heureuse avec son amoureux. Mais elle ne souhaite absolument pas s’engager à ses côtés, car jamais elle n’acceptera de se soumettre au bon vouloir d’un époux. Dans son corps, elle ressent des douleurs et entend des questionnements qui l’interpellent sur sa filiation, qui est elle et d’où vient-elle ? Et si l’âme de Maya, sa grand-mère, était venue la tourmenter pour demander réparation de ses souffrances. Et si Lilya ne s’autorisait tout simplement pas à vivre libre ? Pour le savoir, elle part à la recherche de cette aïeule, soulève le voile du silence et révèle peu à peu la vie de Maya et ses propres contradictions.

De nombreux sujets forts sont abordés dans ce roman. La violence faite aux femmes, que ce soit au Maroc ou ailleurs, le mariage forcé, l’éducation des filles qui n’est pas toujours une évidence. Mais aussi les transmissions transgénérationnelles. La psycho généalogie explique parfois les traumatismes dans des familles où les secrets traversent les générations sans être révélés à ceux chez qui les dégâts sont les plus importants.

Ce sujet difficile est traité d’une manière originale grâce à ces deux générations de femmes qui se retrouvent dans leur soif de liberté, de savoir, d’amour et de vie. Ce roman est le lauréat du Prix Orange du Livre en Afrique 2021, son sujet rejoint Les impatientes, cet autre roman aux multiples récompenses. Souhaitons lui un aussi beau parcours.

Catalogue éditeur : La Croisée des Chemins et Au Diable Vauvert

Deux époques.
Deux couples.
Deux voix. Non, plusieurs voix qui traversent le temps pour raconter une vie, deux vies, leurs vies.
À travers une histoire, tour à tour inscrite dans le passé et le présent, aussi parsemée de violence ordinaire que de passion rebelle, le murmure Pourvu qu’il soit de bonne humeur d’abord inaudible, se renforce, devient mantra et arrache sa propre bulle de liberté, inestimable hier comme aujourd’hui.
Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable ?
Comment résister à une guerre de l’intime où les bruits des canons deviennent ceux de clés tournant dans la serrure d’une porte ou de pas se rapprochant doucement mais sûrement ?
Comment la peur peut s’insinuer dans les couloirs du temps pour faire passer un message ? Quel message ?
Maya. Lilya. Deux voix. Deux femmes. Deux époques.
Une intensité. Celle que provoque la liberté.

Loubna Serraj est éditrice et chroniqueuse radio à Casablanca (Maroc). Elle tient également un blog littéraire social et politique sur des sujets d’actualité. Pourvu qu’il soit de bonne humeur, paru au Maroc aux éditions la Croisée des chemins, est son premier roman.

La Croisée des Chemins ISBN 9789920769563 / Parution 2020 / pages 324

Au Diable Vauvert : Parution : 2021-03-18 / pages : 352 / EAN-ISBN : 9791030704105

Carrefour des veuves, Monique Ilboudo

Une réflexion contemporaine sur la place des femmes face au terrorisme et aux traditions en Afrique subsaharienne

Depuis toujours les femmes sont les premières victimes de la barbarie et du terrorisme. L’auteur pose un regard critique et bienveillant sur celles qui sont victimes et que l’on fait passer pour les bourreaux ou les responsables de tous les maux de l’humanité. Elle parle sans concession du terrorisme et des conflits qui endeuillent la région du Sahel, mais que l’on trouve dans de nombreuses région du globe aujourd’hui.

Tilaine vient de perdre son mari. Isma était douanier, mais il critiquait un peu trop ouvertement l’incurie des institutions en place, malgré les avertissements de sa famille. En représailles mais sous couvert de promotion, il a été envoyé sur la frontière nord du pays. Il a été tué par les djihadistes.

Tout la pousse à se lamenter sur son sort. Mais si elle est triste et affligée par ce deuil, Tilaine est avant tout courageuse et combative. Malgré sa douleur et son chagrin, elle décide de créer urne association pour aider les jeunes femmes victimes comme elle du terrorisme.

C’est pendant une mission pour son association qu’elle rencontre Noura, une fillette brillante mais victime tant du terrorisme que des traditions de pays dans lesquels les filles n’ont nul besoin d’aller à l’école ou de s’instruire. Mais Nora à soif de connaissance, de vie, d’instruction. La rencontre avec cette fillette sera déterminante pour Tilaine qui rêve de lui offrir un avenir à la mesure de sa détermination.

Voilà un roman sans concession qui ose dire qu’elle peut être la vie des hommes et des femmes qui s’insurgent contre le pouvoir en place lorsque celui-ci ne rempli pas sa mission. Qui évoque la dure réalité de certaines vies, la fragilité et l’impuissance des populations et de certains gouvernements face au fléau djihadiste qui tient en coupe réglée de nombreuses régions d’Afrique. Une analyse contemporaine et objective du terrorisme en Afrique sub-saharienne, de la situation politique et de ses compromissions, mais avant tout de l’insécurité permanente et de la place des femmes premières victimes du terrorisme et des traditions.

L’écriture est concise, de qualité, les mots sont justes et précis pour décrire ces situations si complexes. Une lecture très intéressante.

Catalogue éditeur : Les Lettres Mouchetées

Tilaine vient de perdre son mari, Isma, tué par les djihadistes alors qu’il est en poste au nord du pays. Résolue à lutter contre la fatalité qui endeuille son pays, Tilaine décide de créer une association pour venir en aide aux femmes victimes du terrorisme. Un jour, elle croise le chemin de Noura, une petite fille qui va bouleverser sa vie.

Le Carrefour des veuves apparaît comme le triangle de la mort de cette région du Sahel où s’entremêlent confusément les conflits communautaires, le fléau djihadiste et l’impuissance des dirigeants de la région et du monde. Monique Ilboudo décrit avec force et lucidité ce monde qui confine à la folie et dans lequel œuvrent sans relâche des héroïnes du quotidien.

Universitaire et femme de lettres burkinabé, Monique Ilboudo est engagée dans la promotion de la citoyenneté des femmes dans son pays. Éloignée un temps de l’écriture, elle a renoué avec sa passion et publié en 2018, Si loin de ma vie aux éd. Le Serpent à Plumes. Carrefour des veuves marque son retour sur la scène littéraire.

Une maison d’éditions basée à Pointe-Noire, au Congo. Paru septembre 2020 / 160 pages

A la rencontre de Eugène Ébodé

« Revenir à la trace que laissent des personnages réels m’émeut »

Elle a créé l’association des amis du musée de Céret, a été l’amie intime des artistes de son époque, Picasso, Matisse, Haviland, Soutine, Chagall, Masson, Dali… Découvrir la véritable histoire de Mado (Madeleine Petrasch, aujourd’hui âgée de 84 ans) m’a donné envie de partir à la rencontre de Eugène Ébodé, l’auteur de Brûlant était le regard de Picasso.

(c) Photo Le courrier Suisse

Eugène Ébodé est né en 1962 à Douala, au Cameroun. Docteur en littératures française et comparée, diplômé de l’IEP d’Aix-en-Provence, et du CELSA, il est titulaire du CAPES et professeur documentaliste au Vigan (Cévennes) en France. Également critique littéraire, Eugène Ébodé a publié une quinzaine de livres qui évoquent l’Afrique, sa jeunesse, ses arts et ses traditions, mais aussi l’Europe et l’Amérique Son dernier roman Brûlant était le regard de Picasso, raconte l’histoire de Mado, métisse, amie et égérie de Picasso, mais aussi de Matisse, Chagall, Soutine et Dali…

Eugène Ébodé est un auteur à l’actualité chargée, puisque c’est depuis Bamako qu’il a accepté de répondre à mes questions. Là, il a été reçu par la ministre malienne de la culture, Mme Kadiatou Konaré après avoir reçu la distinction de Docteur Honoris Causa à l’Université Mahatma-Gandhi de Conakry. Car l’auteur se prête volontiers à ces exercices de diplomatie culturelle, mais aussi de conversation avec des autorités politiques qui veulent agir de manière différente pour la promotion de la culture.

Mado et les grands artistes de son temps

Brûlant était le regard de Picasso… Mais dans votre roman, on ne voit quasiment aucun des artistes de cette époque, pourquoi ce parti pris ?

Je les ai fait apparaître dans une première version, mais j’ai dû, à mon grand regret me séparer d’eux pour deux raisons : ils sont connus, célèbres et occupent un espace sensible et géographique énorme. Ils avaient déjà, de leur vivant pris une grande place dans la vie de Mado. A un moment, il est bon de laisser les « grands » hommes se reposer. Par ailleurs, le roman est centré sur Mado. Croyez-moi, ça n’a pas été facile de congédier ces immenses artistes, hommes et femmes confondus. Dora Maar à elle seule méritait dix romans. Vous êtes un brin dure, car j’ai entendu les râles des uns et les gronderies des autres et j’ai ainsi parlé de Chagall, Masson, Dali… 

Je dois avouer que j’étais un peu frustrée de ne pas en savoir plus sur les rencontres de Mado avec ces artistes que vous évoquez, ont ils eu des relations suivies, amicales, d’affaires ou autre, avec Mado et Marcel ? Et de fait, quelle a été selon vous l’influence de Mado et Marcel sur la vie artistique de la ville ?

Allez à Céret et on vous dira combien Mado et Marcel se sont impliqués dans l’action culturelle locale. Tenez les 19 et 20 juin 2021, Mado et moi serons à Céret pour le premier salon du livre de la ville. Vous verrez l’accueil que les cérétants lui réserveront.

Mado et sa famille mi-suédoise, mi-camerounaise

Le personnage principal est Mado, née en Afrique d’un père suédois et d’une mère africaine. Qu’est-ce qui vous a donné envie de nous parler d’elle ?

Le malheur qu’elle a connu, enfant de ne pas connaître sa mère et le bonheur qu’elle a eu de servir l’art. Et puis, approchez donc Mado et vous verrez combien elle a une bonté magnétique.

Le lecteur est un peu surpris de voir comment la mère biologique de Mado a été rapidement évincée de sa vie, tant en Afrique qu’ensuite lorsque elle arrive en France. Était-ce quelque chose de courant à cette époque ? Comment l’expliquer ?

Non, ce n’est pas courant. Elle n’a eu qu’un amour : Gosta. Après, elle s’est emmurée dans un monde qui sauvait en elle et son amour et sa fille. Emmurée est un rien excessif, car elle a élevé beaucoup d’enfants au village. Les retrouvailles avec sa fille près de 40 ans après leur séparation sont très émouvantes. Je n’en ai restitué qu’une brève intensité. Le roman peut tout, mais ne lui demandez pas l’innommable !

On se pose la question du pourquoi Mado n’est pas allée la retrouver dès qu’elle a su qu’elle était toujours vivante. En avez-vous parlé avec elle ? Ou est-ce une partie que vous avez délibérément choisie de romancer ?

C’est expliqué dans le roman : chaque fois qu’elle programmait un voyage vers sa maman il se produisait un événement qui reportait ce projet. Là-dessus, je n’ai fait que reprendre les faits. La réalité est souvent plus étourdissante que l’imagination. 

La vie des enfants métis de cette époque ne semble pas facile, un peu comme si on avait refusé aux mères biologiques d’élever et de voir leurs enfants. Savez-vous si c’était courant ?

Le métissage n’a jamais été un long fleuve tranquille. C’était vrai hier, cela le demeure aujourd’hui. Je m’exprime intuitivement sur la question. Tournons-nous vers les sociologues ; ils nous éclaireraient.

Vous évoquez des années de colonisation, avec les douleurs et les ruptures que cela a impliqué. J’ai eu un peu de mal à comprendre l’attitude du père de Mado, qui a abandonné ses deux filles finalement assez facilement il me semble. Cela a dû être terrible pour Mado. Pourtant cela ne semble pas avoir eu de répercussions néfastes sur sa vie en France, savez-vous ce qu’il en était réellement ? D’autant que les parents adoptifs n’étaient pas faciles non plus il me semble.

Difficile d’accepter votre idée de départ, puisque le Suédois a donné son nom à tous ses enfants métis et Collinette, l’aînée, a vécu avec son père et ses fratries en Angola. C’est un abominable accident qui l’a retirée des vivants et de l’affection des siens. Non, la vie de Mado n’a pas été semée de roses en France. L’exil cause des tourments dont je parle avec netteté. Le racisme ajoutait régulièrement sa dose de piquants sur des blessures à vif.

Si ce n’est pas indiscret, savez-vous ce qu’à pensé Mado de votre roman ? S’est elle retrouvée dans ces pages ?

Elle m’a dit : « Merci de m’avoir fait découvrir quantité de choses que j’ignorais de mon père ! »

Si on parlait aussi de vous ?

Quels sont les thèmes que vous aimez aborder dans vos romans, et avez-vous déjà réfléchi au prochain ?

L’Histoire et la bêtise humaine. Les faits et les lieux. Au fond amer de l’histoire à la géographie m’amuse. Revenir à la trace que laissent des personnages réels m’émeut. Le prochain roman ? Oh, lisons et relisons celui-ci ! Le « Brûlant » a des caches qu’il faut savoir soulever pour percer quelques secrets ou confidences.

Si vous deviez nous conseiller de lire un autre de vos romans, ce serait lequel ? Tous !

Vous faites partie cette année du jury du Prix Orange du Livre en Afrique, que pensez vous de ce prix ? Pas seulement cette année. J’y étais déjà l’année dernière.

La fondation Orange est très présente en Afrique, que pensez vous de ses activités autour de la lecture ? Est-ce important de s’investir ainsi à votre avis ? Encourager la lecture est une œuvre de santé publique. Quiconque s’y implique mérite le respect.

Enfin, quelles lectures aimeriez-vous nous conseiller en dehors de cette rentrée ? 

Un livre réjouissant et que je place au cœur du corpus des œuvres que j’enseignerai l’année prochaine à l’université dans mon cours de diplomatie culturelle : Ben Aïcha, roman de Kebir Ammi (Éditions l’Encrier, 2020). Les atouts culturels de l’Afrique, à travers le Maroc, y sont brillamment exposés. Mais elle tarde à les investir et à les utiliser comme ses meilleures armes d’éducation massive.

(Réponses depuis Bamako, Mali, le 29 avril 2021)

Merci infiniment d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.

Vous ne l’avez pas encore lu ? Découvrez à votre tour Brûlant était le regard de Picasso, ce roman qui m’a donné envie d’en savoir plus sur son auteur et sur Mado, sa protagoniste si attachante.

Le passeur, Stéphanie Coste

Passeur de rêves, passeur de vie, un roman bouleversant et indispensable

Ce sera la dernière traversée de l’année, ensuite, il faudra attendre le printemps. Aussi les candidats au départ sont-ils particulièrement nombreux, cantonnés sous de fortes chaleurs dans les entrepôts de Seyoum, sur la côte libyenne. Car loin d’être un voyage d’agrément, cette traversée est le dernier espoir de ceux qui tentent d’atteindre les côtes de l’Europe, et tout d’abord Lampedusa, pour quitter cette terre d’Afrique trop inhospitalière.

Ils ont payé le prix fort aux hommes qui les ont conduit jusque ici depuis l’Éthiopie, le Soudan ou l’Érythrée. Et Seyoum est comme tant d’autres, un passeur de vies. De ces hommes qui font fortune sur la misère des autres. Sans hésiter, il sait user de violence pour se faire respecter. Est-il sans pitié, cet homme qui s’enrichit sur la peur et le désespoir de ses congénères ? D’où viennent ces angoisses qu’il calme avec des doses de Khat et de gin dans cette chambre où il traîne sa misère dans la profondeur et la noirceur de la nuit.

Peu à peu, alors que le dernier chargement d’érythréens vient d’arriver, le passé de Seyoum se dévoile, sombre et meurtri. Car lui aussi est arrivé de ce pays voilà déjà dix ans. La vie familiale heureuse à Asmara, son amour naissant pour Madiha, puis la révolution, la peur, les arrestations et les exécutions, l’embrigadement dans les camps de travail, les tortures, et la fuite, seul. Il se nourrit aujourd’hui de son propre passé, de ses peurs les plus profondes, de ses plaies à vif qui se réveillent en cette ultime nuit.

En deux époques pour conter la vie et la misère de ses différents protagonistes, Libye 2015, Érythrée, de 1993 à 2005, Stéphanie Coste déroule une partie infime de l’histoire politique de l’Afrique. Le désespoir de ceux qui donnent tout, en prenant le risque assumé de perdre leur vie en mer, pour quitter leurs terres et vivre leur rêve de l’autre côté de la méditerranée. Cette mer devenue le tombeau de trop nombreux candidats à l’exil.

Une lecture particulièrement intéressante qui nous donne une vision depuis l’intérieur du monde des passeurs, de ces guerres d’intérêts financiers qui règnent sur les rives libyennes, pour amener jusqu’à nos côtes les migrants qui tentent de réaliser leurs rêves de vie meilleure. Mais lecture émouvante et dérangeante aussi quand elle nous présente des hommes qui ne sont pas des héros, ni totalement bons ni totalement mauvais. La malchance, le sort, le passé, le destin, sont venus se mettre en travers de leur route pour contrecarrer leurs rêves d’avenir et les obliger à en avoir d’autres, plus loin, plus compliqués, plus aléatoires. La détresse, la violence, l’espoir, sont là pour nous dire les drames qui se nouent à quelques encablures de nos côtes, pas bien loin de notre confort quotidien, confinés mais en toute sécurité.

En lisant Le passeur on ne peut s’empêcher de penser au roman magistral d’Olivier Norek Entre deux mondes mais aussi au court recueil de Khaled Hosseini publié pour venir en aide aux migrants Une prière à la mer

Catalogue éditeur : Gallimard

Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, « de l’espoir son fonds de commerce », qu’on est devenu l’un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu’on a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool, est-on encore capable d’humanité ?
C’est toute la question qui se pose lorsque arrive un énième convoi rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi particulier remonte soudain tout son passé : sa famille détruite par la dictature en Érythrée, l’embrigadement forcé dans le camp de Sawa, les scènes de torture, la fuite, l’emprisonnement, son amour perdu…
À travers les destins croisés de ces migrants et de leur bourreau, Stéphanie Coste dresse une grande fresque de l’histoire d’un continent meurtri. Son écriture d’une force inouïe, taillée à la serpe, dans un rythme haletant nous entraîne au plus profond de la folie des hommes.

136 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072904240 / Parution : 07-01-2021 / prix 12,50 €

Brûlant était le regard de Picasso, Eugène Ébodé

Pas un roman sur Picasso mais la biographie romancée d’une femme qui traverse le siècle et parle à nos émotions

J’y découvre une héroïne émouvante et attachante. Mado est née à Édéa en Afrique d’un père suédois et d’une mère camerounaise sur les bord de la rivière rouge et blanche. Toute petite elle est élevée par son père. Mais très vite celui qui est reparti en Suède pour voir sa famille se trouve bloqué là-bas car la seconde guerre mondiale vient de débuter. Tout change alors dans la vie de Mado.
Face à l’inquiétude des combats et de la guerre, et alors que son époux Jacques a pris les armes pour défendre la France libre, sa « mère d’adoption » quitte le Cameroun pour Perpignan, via le Maroc et Constantine. La rencontre avec le général De Gaulle ou l’armée du général Leclerc, les troupes françaises libres qui “blanchissent” leurs régiments à la libération de Paris, sont des épisodes marquants de ces années-là. L’arrivée à Perpignan est pour Mado une plongée dans un autre monde. L’école, la religion qu’elle embrasse sans que ce soit celle d’aucun de ses parents biologiques, tout change. Elle prend désormais conscience de sa couleur de peau, car la belle métisse attire les regards et ce n’est pas toujours un bonheur pour la jeune femme.
Jusqu’au jour où elle rencontre Marcel, l’homme de sa vie. À Céret où ils s’installent, le couple rencontre les grands artistes de son époque, Chagall, Matisse, Dali, Miro, et « Brûlant était le regard de Picasso » sur la belle Mado. Ils œuvrent ensemble pour la promotion et la protection de l’art et des artistes et pour la création du musée d’art moderne qui abrite en particulier les donations de Picasso.

J’ai aimé partager la vie et les tourments de Mado enfant, en quête de sa famille biologique, de cette mère qu’elle a longtemps crue morte mais qu’elle retrouvera finalement. Une héroïne au destin si lumineux malgré les nombreuses blessures de l’enfance, une femme à la fois forte et fragile et que l’on se prend à aimer si fort. Mais également entendre les difficultés des pays africains pendant la colonisation et la décolonisation, par ceux qui les ont vécues, que ce soit le point de vue des colons ou celui des africains.
Il faut dire que l’écriture d’Eugène Ébodé est magnifique, le style travaillé et de grande qualité. Il nous entraîne dans cette vie que nous avons tous envie de connaître. Car Mado, ou Madeleine Petrasch est âgée de 84 ans et vit à Céret. Cette femme forte, mère et grand-mère si attachante, n’est pas sortie de l’imagination de l’auteur mais est bien un personnage important de l’histoire de la ville. La créatrice de l’association des amis du musée de Céret a traversé le siècle et connu tant de chagrins et de joies.
Une superbe biographie romancée que je vous recommande vivement.

Pour aller plus loin, on ne manquera pas d’aller visiter le site de l’auteur https://www.eugene-ebode.fr/

Catalogue éditeur : Gallimard

À quatre-vingts ans passés, Mado, née d’un père suédois et d’une mère camerounaise, vit à Perpignan et se souvient : de son enfance à Edéa, au Cameroun, sur les bords de Rivière blanche et rouge, avant que n’éclate la deuxième guerre mondiale, ses horreurs et ses bouleversements. Elle revoit son départ inattendu vers la France où l’entraîne une mère adoptive aux nerfs fragiles. Les voici en escale à Témara, au Maroc, ovationnant le général de Gaulle venu stimuler la 2ème DB du général Leclerc en route vers le débarquement en Normandie. Lui revient aussi son escale à Constantine, en Algérie, où la Victoire des Alliés s’achève dans des explosions de joie mais aussi de colère. Arrivée à Perpignan, Mado déplore et le froid et les regards de biais sur une Métisse chagrine qui, longtemps, a cru sa mère biologique morte.
C’est à Céret que Mado deviendra l’amie et l’égérie secrète de plusieurs artistes de renom : Picasso, Matisse, Haviland, Soutine, Chagall, Masson, Dali…

Collection Continents Noirs / Publication date: 14-01-2021 / 256 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072914850 / 20,00€

Les yeux de Milos, Patrick Grainville

Un regard envoûtant, deux artistes incontournables du XXe siècle, et l’homme préhistorique dans un roman érudit et déroutant

Dans ce roman il y a indiscutablement la magie de l’écriture de Patrick Grainville, dense, érudite. Magie portée par de nombreux personnages aussi emblématiques que magnifiques.

Picasso et sa créativité débordante, son œuvre pléthorique, multiforme, sans cesse renouvelée, sa folie créatrice. Picasso et ses femmes, ses amantes, ses enfants ignorés, ses amis, sa longévité, son invincibilité.

Nicolas de Staël, son œuvre trop brève mais si lumineuse et novatrice, son dernier tableau, les femmes de sa vie, son suicide bien trop jeune.

L’abbé Breuil et son infatigable vagabondage pour découvrir et analyser les grandes grottes préhistoriques incontournables de la planète, lui qui ne se posait pas trop de questions quant à l’existence de Dieu, mais bien plus sur l’origine, le pourquoi et le comment des œuvres picturales des premiers hommes.

Le bleu irréel des yeux de ce jeune paléontologue singulier que tous admirent ou détestent, parfois en secret. Son regard puissant, intense, foudroyant. Milos passionné par l’origine de l’Homme, mais aussi par ces jeunes beautés qui gravitent autour de lui, Marine, Samantha ou Vivie.

Mais il y a aussi particulièrement prégnants dans ce texte, l’amour, le sexe, partout, toujours et de toutes les façons. Chez Picasso le Minotaure cet infatigable amant aux multiples et indispensables conquêtes, chez de Staël l’amoureux éconduit, chez Milos aux yeux d’azur adulé par ses belles.
Si cela ne me pose pas de problème dans mes lectures en général, là il me semble que cela arrive un peu trop souvent sans apporter quoi que ce soit ni donner une fluidité intéressante au roman. On s’y perd, on s’y enlise même. Dommage, car cela rend souvent la lecture fastidieuse.

Bien sur, l‘auteur fait preuve d’une connaissance incontestable, foisonnante, multiple, et l’on sent l’envie de la partager avec nous. Au risque parfois de paraître un peu trop sentencieux ; de nous faire sentir humbles étudiants d’un cours magistral passionnant mais décalé dans l’univers de Milos.
Cependant, j’ai aimé découvrir tous ces sites préhistoriques de Namibie et parcourir à nouveau ceux de la Vézére, arpenter avec Milos les salles du musée de l’Homme, admirer les tableaux de Pablo Picasso ou de Nicolas de Staël, et tant d’autres œuvres qui m’ont donné envie de faire quelques recherches complémentaires, et donc de belles découvertes sur le net.

Catalogue éditeur : Seuil

Milos vit sa jeunesse, ses études de paléontologie et ses amours à Antibes, sous l’emprise de deux peintres mythiques, Pablo Picasso et Nicolas de Staël, réunis au musée Picasso, dans le château érigé face à la Méditerranée.

Picasso a connu à Antibes des moments paradisiaques avec la jeune Françoise Gilot, alors que Nicolas de Staël se suicidera en sautant de la terrasse de son atelier, à deux pas du musée. Ces deux destins opposés – la tragédie précoce d’un côté, la longévité triomphante de l’autre – obsèdent Milos. Le jeune homme possède un regard envoûtant, d’un bleu mystérieux, quasi surnaturel, le contraire du regard fulgurant et dominateur de Picasso. Les yeux de Milos vont lui valoir l’amour des femmes et leur haine.

Le nouveau roman de Patrick Grainville est l’aventure d’un regard, de ses dévoilements hallucinants, de ses masques, de ses aveuglements. C’est le destin d’un jeune paléontologue passionné par la question de l’origine de l’homme. Milos, l’amant ambivalent, poursuit sa quête du bonheur à Antibes, à Paris, en Namibie, toujours dans le miroir fastueux et fatal de Pablo Picasso et de Nicolas de Staël.

Patrick Grainville est né en 1947 à Villers. En 1976, il a obtenu le prix Goncourt pour Les Flamboyants. Il a été élu à l’Académie française en 2018.

Date de parution 07/01/2021 / 21,00 € / 352 pages / EAN 9782021468663