On n’efface pas les souvenirs, Sophie Renouard

Cela pourrait être la romance de l’année, c’est un premier roman noir addictif aux personnages humains et attachants. Pourquoi on aime « On n’efface pas les souvenirs » de Sophie Renouard.

D’abord il y a la rencontre avec l’auteur et son regard bleu acier qui vous pénètre et vous donne immédiatement envie de parler avec elle du roman et du contexte de l’écriture, et son sourire qui vous y incite avec bienveillance. Un beau moment de partage, de discussion et d’échange.

Ensuite, il y a ce roman, On n’efface pas les souvenirs, qui se lit comme un thriller à la façon d’un inspecteur Colombo. Car le lecteur comprend rapidement les éléments de l’enquête, mais c’est normal car là ne réside pas l’intérêt du roman. Au contraire, il est indispensable de se laisser guider par les sentiments, les impressions, les personnages et leurs caractères si singuliers et attachants que l’on a rapidement envie de suivre, de découvrir, de comprendre.

Après un chapitre choc, le lecteur fait la connaissance d’Annabelle. Elle mène une vie confortable de bourgeoise aisée. Heureuse en ménage avec Gaspard, deux fillettes adorables Zélie et Violette, une gouvernante Françoise qui l’accompagne et la soutient depuis son enfance. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes. Le jour du baptême de Violette, après la cérémonie et parce qu’une fois de plus son mari doit travailler, elle part seule avec ses fillettes rejoindre son père du côté de Lyons la forêt. Un voyage sans difficulté depuis Paris. Lorsque son bébé à faim, Annabelle fait un stop dans une auberge pour lui donner le biberon. Là, frappée violemment dans les toilettes de l’établissement, elle disparait. L’alerte est donnée, son mari rejoint la famille, l’enquête de police commence.

Le lecteur a dès le départ un avantage puisqu’il suit Annabelle dans le coffre d’une voiture jusqu’au coin de montagne des Pyrénées Basques où elle est laissée pour morte. Puis découverte par Émile, un vieil homme qui vit seul dans la montagne. Il la soigne pendant plusieurs semaines. Convalescente fragile, amnésique, elle doit apprendre à se connaitre, retrouver la mémoire, ses souvenirs et le fil de sa vie. Elle qui a tout perdu, à qui l’on a arraché la vie, va se reconstruire doucement protégée par cet homme taiseux et solitaire. De son coté, son mari et sa famille doivent apprivoiser l’absence, l’inquiétude, la solitude. Gaspard est aidé par Mikkie, une cousine envahissante au comportement étrange qui inquiète Zélie.

L’auteur nous transporte alternativement dans ces deux univers parallèles. La solitude réparatrice de la montagne pour Annabelle, et le foyer devenu dangereux dans lequel Gaspard tente de survivre à l’absence. La tension monte et l’intrigue se dévoile, tissant sa toile  autour du drame qui lie les différents protagonistes  jusqu’au dénouement final.

Mi roman, mi thriller, voilà une intrigue adroitement menée. J’ai aimé les différents personnages et leurs personnalités aussi attachantes que singulières. Caractères forts, solitaires ou psychotiques, chacun trouve sa place dans ce premier roman qui ne laisse pas indifférent. Un roman idéal pour les lectures d’été !

Souvenir d’une jolie rencontre avec Sophie Renouard

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Comment retrouver son chemin quand on a tout perdu ?
Annabelle a une vie merveilleuse. Un mari qui l’aime, deux petites filles adorables, une famille soudée.
Jusqu’à ce jour de septembre où elle est brutalement arrachée à ses proches, laissée pour morte au milieu de la forêt. Lorsqu’elle reprend conscience, sa mémoire s’est effacée. Plus de traces… Pour remonter le fil de sa vie, Annabelle va devoir affronter la face cachée d’un bonheur qu’elle croyait parfait.
Avec une extrême sensibilité, Sophie Renouard explore les zones d’ombre d’une existence ordinaire. Captivant.

Prix : 19.90 € / 27 Mars 2019 / 140mm x 205mm / 272 pages / EAN13 : 9782226441102

Pauline de Perval, L’or du chemin

« L’or du chemin » de Pauline de Perval nous transporte au cœur de la Renaissance italienne, à la recherche de l’amour, dans le milieu des artistes qui ont fait la gloire de l’Italie.

Couverture du livre "L'or du chemin" Pauline de Perval blog Domi C Lire

Parvenu au bout du chemin, Giovanni se tourne vers son passé. Cet artiste florentin (né de l’imagination de l’auteur) rêvait d’absolu, jeune apprenti dans l’atelier de ses maitres successifs (bien réels quant à eux !). Il écrit une lettre, mais à qui ? La réponse, comme sans doute une partie des réponses à sa quête d’absolu, n’arrivera qu’à la fin du roman.

Au début de la Renaissance, cet apprenti d’à peine 16 ans déjà très doué pour la peinture, souhaite plus et mieux. Ce ne sont pas les mathématiques qui doivent lui indiquer le chemin, point de codification ou de règle, seuls ses sentiments, son art, et ses recherches doivent le guider. Il veut produire des œuvres qui iront au plus près de l’émotion, puisant la force de ses réalisations au plus fort de sa passion, cherchant à atteindre le beau à travers son inspiration, en transfigurant la réalité pour accéder au sublime.

Il rencontre la belle Léonora, les deux jeunes gens tombent amoureux, mais ils ne font pas partie de la même classe de la société, toute union est impossible entre eux. Le jour où le père de Léonora lui choisit un mari, tous deux s’enfuient loin de la ville pour vivre leur amour cachés. Mais le sort et la morale les rattrape, et Léonora est enfermée au couvent, inaccessible et invisible. Giovanni part alors en quête de cet absolu qu’il tentait de poser sur la toile, pratiquant maints métiers manuels, cherchant à trouver L’or du chemin, vers sa vérité intérieure, par cet éloignement et les épreuves qu’il s’impose.

Dans l’Italie du XVe siècle et les débuts du Quattrocento, la peinture et les commandes sont essentiellement des sujets religieux. La richesse de l’église lui permet de s’offrir ces merveilles réalisée par les plus grand maitres qui sont parvenues jusqu’à nous. C’est dans ce contexte que Giovanni ressent un besoin d’absolu. Par son art, comme d’autres par la prière ou par l’amour du prochain, il tente de donner un véritable sens à sa vie. En fuyant, c’est sa vérité qu’il tente de trouver.

L’auteur a ancré son intrigue dans la réalité, restituant les techniques de la peinture de l’époque, la complexité de l’usage des pigments, le rôle de chacun dans un atelier, les tensions entre riches familles et gouvernants qui dirigent en partie la vie du pays. L’Histoire est présente tout au long de l’ouvrage, même si le sentiment principal qui persiste à la suite de cette lecture est celui d’une certaine poésie et de l’importance d’aller au bout de la quête de soi, quel que soit le contexte … En cela, le roman est intéressant et agréable. Il m’a pourtant manqué un peu plus profondeur, de réalité, ou un je ne sais quoi pour m’attacher vraiment à Giovanni. J’ai eu l’impression de rester devant la toile sans entrer réellement dans sa vérité.

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Catalogue éditeur : Albin-Michel

Qu’est-ce qu’aimer ? Comment mener une vie qui vise à l’essentiel ? Comment œuvrer à rendre l’homme meilleur ?
Ces questions d’hier et d’aujourd’hui sont au cœur de la quête de Giovanni,  un peintre florentin du début de la Renaissance. Pauline de Préval nous raconte son parcours singulier : les épreuves qu’il traverse, son combat contre ses doutes, mais aussi contre l’emprise de l’argent qui façonne la société de son temps, comme sa volonté de doter sa vie de sens. Léonora, sa bien-aimée, Brunelleschi, son ami, Starnina, son maître, le guident tour à tour vers le plus intime de lui-même.
Dans l’Italie enfiévrée du XVème siècle, un roman initiatique porté par une émotion intense, qui propose à chacun de retrouver la clef du paradis.

Édition brochée : 14.00 € / 30 Janvier 2019 / 140mm x 205mm / 144 pages / EAN13 : 9782226438874

Femme qui court, Gérard de Cortanze

Femme exceptionnelle incomprise par ses pairs, Violette Morris est l’héroïne singulière et attachante du dernier roman de Gérard de Cortanze « Femme qui court » publié chez Albin-Michel

Sportive de haut niveau à une époque où l’on ne se posait pas la question de savoir si les filles et les femmes pouvaient ou devaient faire du sport, Violette Morris fait figure d’exception. Au début du XXe siècle, la place des femmes est au foyer, à pondre des bébés et s’occuper du mari. La pratique du sport leur permet à la rigueur d’améliorer leur santé pour fabriquer de beaux enfants ! Cette place-là, Violette la refuse d’emblée. Elle a compris que le sport qu’elle aime tant sous toutes ses formes pouvait être une passion assumée et réalisée avec succès.

Amoureuse des femmes, passionnée par le sport, par la vitesse, elle affirme ses différences et ses goûts en faisant fi des contraintes. Elle s’affiche en pantalon à une époque où son port est stigmatisé chez les femmes (on se souvient à l’occasion que l’interdiction du port du pantalon pour les femmes a été officiellement levée dans les années 2010 !). Après un mariage raté avec Cyprien Gouraud, mariage qui se termine par un divorce, cette homosexuelle assumée a vécu librement et sans entrave. Souvent mise au ban de cette société qui refuse les différences, qui les craint et les stigmatise. Rejetée de tous du fait de sa singularité et de son caractère entier, y compris par les femmes de son époque.

Femme libre avant l’heure, elle a tout essayé, la course à pied, le lancer du javelot ou du disque, la boxe, le cyclisme et les courses automobiles. Tout au long de sa carrière elle accumule les coupes, trophées, médailles, titres de championne dans de multiples disciplines. Il faut dire qu’à cette époque il n’était pas rare de pratiquer des sports différents et d’y exceller. On était loin alors de la spécialisation à l’extrême de nos sportifs actuels. Violette Morris a par exemple souvent participé à des courses cyclistes ou automobiles en étant la seule femme parmi les hommes. Tout comme il existait des équipes mixtes, faute de participants suffisants dans le cas contraire.

Ses succès sportifs, mais surtout  ses incartades à répétition vont pousser les fédérations nationales à lui retirer toute possibilité de concourir, sa radiation par la FFSF en 1930 la détruisant à petit feu. Elle quitte les champs de course et devient l’amie intime des vedettes de son époque. Joséphine Baker, Yvonne de Bray, Jean Cocteau et Jean Marais partageront quelque temps son quotidien, sur sa péniche ancré en bord de Seine. Avec eux, elle va même s’essayer à la chansonnette et au théâtre. Mais la France des années post Première Guerre Mondiale est terriblement patriarcale, Violette se distingue, donc Violette dérange. Pendant la guerre, partagée entre sa passion du sport et des femmes et ses ennuis financiers, elle va être accusée de collaborer avec l’ennemi.

L’auteur a l’art de dénicher des personnalités singulières, et de nous les dévoiler avec passion. Avec Femme qui court, Gérard de Cortanze restitue à Violette Morris la place qui lui revient, et surtout nous fait découvrir cette femme exceptionnelle. Ce roman est particulièrement bien construit, étayé par une longue recherche, cela se sent sans être prégnant, et donne du corps à l’intrigue. J’ai vraiment aimé la suivre et la voir vivre dans son époque, elle si éblouissante et en même temps si humaine dans ses interrogations, ses luttes, ses succès, ses déceptions, sa quête insatiable d’amour.

Retrouvez mon avis sur la BD Violette Morris, et l’interview de Gérard de Cortanze A la rencontre de Gérard de Cortanze … Du même auteur, vous pouvez également retrouver ma chronique de Zazous ici.

Et poursuivre avec l’avis de Henri-Charles du blog ma collection de Livres.

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Catalogue éditeur : Albin-Michel

Elle s’appelait Violette Morris. Sportive de haut niveau, figure des nuits parisiennes et du music-hall, elle fut aussi une grande amoureuse : Joséphine Baker et Yvonne de Bray, grâce à qui elle rencontra Cocteau et Marais, furent parmi ses conquêtes. Inclassable, extravagante, résolument moderne, féministe engagée, lesbienne assumée, elle suscita la crainte et le rejet d’une France corsetée dans son conformisme, dont elle incarna tous les démons refoulés. Lire la suite

Édition brochée : 22.90 € / parution : 2 Janvier 2019 / 150mm x 220mm / 416 pages / EAN13 : 9782226400215

Le malheur du bas. Inès Bayard

Un premier roman coup de poing, qui parle de violence faite aux femmes, de solitude et de mort

Domi_C_Lire_le_malheur_du_bas_ines_bayardDès la première scène, j’ai l’impression d’avoir ouvert Chanson douce de Leila Slimani, tant le parallèle est édifiant.  Ici, le roman s’ouvre sur un repas de famille, une jeune maman, son fils, son mari…
Un repas de famille, une jeune femme qui empoisonne son fils, son mari, puis se suicide.
Pourquoi tant de violence, comment une jeune mère peut-elle décider de tuer son petit, son bébé, la chair de sa chair ?

Flash-back dans la vie de Marie. Cette jeune et jolie femme est bien mariée à un époux qu’elle aime et qui le lui rend bien. Lui est un avocat qui commence à être reconnu, leur vie est relativement aisée, un appartement confortable, une famille aimante, un métier à la banque qui sans la satisfaire démesurément, lui convient parfaitement pour avoir une vie confortable. Leur prochain projet. Avoir un enfant, pour parfaire ce bonheur quotidien.

Jusqu’au jour où son vélo est détérioré et elle doit rentrer à pieds ou se faire raccompagner par quelqu’un, qu’elle connaît, en qui elle a confiance… puis la sidération, l’incompréhension, la scène de viol, dévastatrice, violente, dérangeante, puis le retour… se laver, se débarrasser de l’infamie, enfin la douleur, le silence, obstiné, confus, honteux… la vie qui devrait reprendre mais qui subitement s’est interrompue un soir d’automne.

Avouer le viol, c’est accepter le regard de l’autre, son mépris, ses interrogations, imaginer qu’elle est même fautive peut-être ? Ce sera donc le silence, la haine qui peut à peu va s’insinuer en elle, le changement qui s’opère dans la vie, dans le cœur, dans la tête de Marie. Revenir au bureau, blaguer avec les amis, être légère, amoureuse, heureuse dans son couple, quand tout au fond d’elle la haine et les ressentiments prennent toute la place. Alors Marie va faire comme si, avancer mais ne pas oublier, garder la douleur au fond d’elle.

Pourtant, l’enfant attendu par le couple va arriver… mais l’angoisse et les interrogations de Marie sont plus forts que tout, plus forts que l’amour d’une mère, plus forts que ces bras, ce sourire, cette peau de bébé qu’elle rejette autant qu’elle le peut. Pour elle cet enfant est l’enfant du viol, l’enfant du monstre,  il ne peut en être autrement. Lui viennent alors des envies d’abandon, de meurtre… Peu à peu, la haine s’installe, violente, exclusive, dévorant jusqu’à ses pensées, sa vie, son intimité. Jamais la jeune femme ne pourra aimer cet enfant, jamais elle ne pourra lui pardonner, sombrant peu à peu dans une folie cruelle et quasi inhumaine, dévastatrice.

Il y a dans ce roman une analyse étonnante et bouleversante des réactions d’une femme violée, de la façon dont la situation se retourne contre elle, coupable d’avoir été violée au moins à ses propres yeux, blessée, meurtrie, mais niée au fond d’elle, et sombrant dans la folie de l’incompréhension en s’enfermant dans sa solitude intérieure et son désespoir. Pourtant il y a aussi des scènes et situations par trop invraisemblables pour faire accepter l’ensemble de l’intrigue, l’ami intime, gynécologue, le mari rêveur qui ne comprend décidément rien, la mère qui découvre sa fille dans un état second et ne réagit pas… Alors bien sûr, il s’agit d’un premier roman, avec ses imperfections forcément, mais j’ai eu un peu de mal à être touchée, et surtout convaincue par cette brutalité des mots, de l’écriture, brusque, ardente, réaliste et terriblement violente. Il est difficile pourtant de lâcher ce roman, tant la descente aux enfers de cette jeune femme émeut, bouleverse, dérange. Étrange attirance d’ailleurs, car la violence du verbe et la fin dramatique sont connus des lecteurs dès les premières pages…

Catalogue éditeur : Albin Michel

« Au cœur de la nuit, face au mur qu’elle regardait autrefois, bousculée par le plaisir, le malheur du bas lui apparaît telle la revanche du destin sur les vies jugées trop simples. »
Dans ce premier roman suffoquant, Inès Bayard dissèque la vie conjugale d’une jeune femme à travers le prisme du viol. Un récit remarquablement dérangeant.

Édition brochée 18.50 € / 22 Août 2018 / 140mm x 205mm / EAN13 : 9782226437792

Les prénoms épicènes. Amélie Nothomb

Renouer avec l’écriture lapidaire et le sens de la tragédie (moderne) d’Amélie Nothomb

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Deux de mes prénoms, Dominique et Claude, l’un est Lui, l’autre est Elle. Voilà ce que sont les prénoms épicènes, ceux qui sont tant masculins que féminins … Ennui des parents, manque d’imagination, incertitude sur celui ou celle qui arrive et qui n’était pas celui ou celle que l’on attendait ? Toujours est-il que dans le roman d’Amélie Nothomb Claude rencontre Dominique

Claude est amoureux de sa Reine, avec elle l’amour semble une évidence depuis cinq ans, mais elle le quitte pour épouser Jean-Louis. Car avec lui la vie confortable est une évidence, pas forcément l’amour, mais Reine est une jeune femme qui veut réussir sa vie, enfin, au moins en apparence.

Un jour, Dominique rencontre Claude à la terrasse d’un café de province. Un verre de champagne, quelques bavardages et quelque coups de téléphone plus tard, voilà Dominique et Claude mari et femme. Ils s’installent à Paris. La vie passe, une fille va naître, nommée Épicène, en rapport avec leurs deux prénoms, le succès professionnel est au rendez-vous pour Claude, mais une soif de s’élever dans la société le taraude, il demande à Dominique de se rapprocher d’une famille qui va lui permettre de réaliser ses rêves de grandeur.

Dans tout ce roman se pose la question de ce que veut réellement dire aimer, son mari, sa femme, sa fille, son père… Et surtout comment Épicène, cette fille qui nait de l’union de Claude et Dominique, mais que son père ne saura jamais aimer,  peut-elle se construire ? Car peut-on aimer un parent qui ne vous aime pas ? Cruelle démonstration de haine partagée, Claude n’aime pas sa fille, comme si elle n’existait tout simplement pas, sa fille se paye donc ce luxe inouï et destructeur de détester ce père absent et tellement égoïste.

Ce qui est étonnant dans les romans d’Amélie Nothomb, c’est toujours qu’en si peu de mots, si peu de pages, l’essentiel du message qu’elle veut faire passer est dit. La substantifique moelle des sentiments, amour, haine, violence, désespoir, est tirée, mise en exergue. Tout est là, vengeance, amour, colère, tout est ressenti au plus profond de soi, c’en est parfois glaçant ! Avec ce roman, je renoue un peu avec l’engouement que j’avais connu en lisant Stupeur et tremblement, mais qui m’avait pourtant abandonnée par la suite.

Citation :

-J’ai écrit une thèse sur le verbe « to crave ».
-Peux-tu traduire ?
-Cela signifie « avoir un besoin éperdu de »
To crave. Eh bien, c’était le verbe de ma vie et je ne le connaissais pas. J’en ai pourtant sacrément exploré le sens.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

« La personne qui aime est toujours la plus forte. »

17.50 € / 22 Août 2018 / 130mm x 200mm / EAN13 : 9782226437341

Bakhita. Véronique Olmi

Véronique Olmi et Bakhita, ou la rencontre singulière d’un auteur et d’une esclave soudanaise canonisée par Jean-Paul II.

Domi_C_Lire_bakhitaAssister à une rencontre-lecture, à l’alliance française, avec Véronique Olmi autour de son roman Bakhita, quel bonheur.
Alors qu’elle visitait l’église de Langeais, pays de la duchesse de Balzac, Véronique Olmi a découvert dans l’église le portrait de Bakhita. Intriguée par les éléments biographiques qu’elle y découvre, elle décide d’approfondir ses recherches. Littéralement happée par le personnage, elle abandonne son roman en cours et part à la rencontre de cette femme à la « storia meravigliosa », lui consacrant deux années entières. Elle dit avoir rencontré l’âme de Bakhita lorsqu’elle est allée arpenter les lieux où elle a vécu en Vénétie, mais n’est pas encore allée au Darfour. Elle avoue même être partie « bille en tête », comme lorsqu’on tombe en amour tant elle l’a adorée et lui voue une admiration que l’on ressent en lisant ce roman qui transpire d’humanité, alors qu’il montre tout ce que la cruauté et le manque d’humanité peuvent engendrer de souffrances.

Voilà donc un roman inspiré d’une histoire réelle, celle de Sainte Guiseppina Bakhita, religieuse d’origine soudanaise première Africaine canonisée par le pape Jean-Paul II. D’une  enfance anéantie lorsqu’elle est enlevée à l’âge de sept ans (vers 1875) et qu’elle est vendue comme esclave à sa conversion au catholicisme, elle passera une vie au service des enfants et des femmes. Cette femme, célébrée contre son gré et certainement sans même s’en rendre vraiment compte par l’Italie fascisme de Mussolini, va faire preuve sa vie durant d’une résilience incroyable.

Bakhita signifie « la chanceuse », mais l’est-elle cette enfant qui au seuil d’une vie heureuse et choyée, dans ce village du Darfour où elle est aimée de sa mère et de sa fratrie, va être enlevée puis vendue comme esclave ?

Elle a tout juste 7 ans, sa sœur a déjà disparu, emportée lors d’une razzia dont sont coutumiers les négriers musulmans, marchands d’esclaves par tradition. Elle sera vendue plusieurs fois, ira de famille en famille, de souffrance en souffrance, d’abandon en séparation, mais toujours elle aura cette force en elle qui lui a permis de vivre, belle et invincible, peut-être doit-on en trouver l’origine dans une enfance choyée, aimée, insouciante. Dans l’oubli de son prénom aussi sans doute, qui marque à jamais la perte des siens, de ceux qu’elle aura cependant cherché en vain toute sa vie. Elle connaitra les chaines, la violence, physique et mentale, l’abandon, l’oubli, la maltraitance de ceux qui s’attribuent les êtres comme ils le feraient des objets, pour les prendre et les jeter. Souffre-douleur des fillettes à qui elle est offerte, objet sexuel et creuset des souffrances infligées par leur frère, torturée et scarifiée pour le plaisir par la femme d’un général Turc, elle saura survivre en regardant la lune, le ciel, les étoiles, souvenir lointain du bonheur quotidien et familial, beauté immuable et salvatrice. Jusqu’à sa rencontre avec le consul italien, qui va une fois de plus bouleverser sa vie. Son année passée chez les sœurs Canossiennes de Venise, sa volonté farouche qui lui fera dire « je sors pas ». La Moretta décide enfin de son sort et veut consacrer sa vie à el Paron, ce Dieu qu’elle vénère à son tour, une vie exceptionnelle tout au long de cette période tourmentée de la première moitié du XXe siècle.

Bakhita est un roman émouvant, bien que parfois difficile, superbe par son écriture, à la fois visuelle et sensuelle, faite d’ombre et de lumière, ni revancharde, ni pleurnicheuse, ni dans le pathos, toujours dans une grande justesse de mots et de sentiments, emplis de cette humanité que dégage tout le roman. J’ai été émue par ces mots qui font comprendre, au-delà de la souffrance et de l’esclavage, que l’on peut porter très haut un flambeau d’espérance. Ces mots qui très certainement vont changer notre regard porté sur les autres, esclaves des temps modernes, migrants, enfants abandonnés dans les rues de nos villes capitales, ou ailleurs.

« il n’y a que Dieu qui puisse donner l’espérance aux hommes victimes des formes d’esclavage anciennes ou nouvelles. » Jean Paul II

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Catalogue éditeur : Albin Michel

Elle a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour et a connu toutes les horreurs et les souffrances de l’esclavage. Rachetée à l’adolescence par le consul d’Italie, elle découvre un pays d’inégalités, de pauvreté et d’exclusion.
Affranchie à la suite d’un procès retentissant à Venise… Lire la suite

Édition brochée / 22.90 € / 23 Août 2017 / 140mm x 205mm / EAN13 : 9782226393227

Véronique Olmi, lauréate du prix du roman Fnac 2017 avec Bakhita

Lithium. Aurélien Gougaud

Lithium, le premier roman d’Aurélien Gougaud, nous entraine pendant une semaine à la suite de ses deux personnages désenchantés dans un univers typiquement parisien.

Domi_C_Lire_Lithium.jpgIl y a Il, il y a Elle, il y a Paris, la ville. Deux trajectoires, deux jeunes gens de cette génération Y née avec les smartphones et les réseaux sociaux, légèrement décalés, blasés, par la vie qui ne leur promet pas grand-chose d’excitant et ni de vraiment nouveau…

Il se lève tous les matins pour regagner les tours de la Défense où il exerce un emploi qui n’a vraiment rien de glorieux, partage son appartement avec Édouard, son colocataire, sa vie parfois avec Sofia, la petite amie qu’il n’aime pas mais dont l’existence le rassure et lui permet de ne pas se sentir totalement seul.
Elle se lève chaque jour à l’heure où les autres rentrent de boite de nuit, pour se rendre à la radio, ce lieu quasi mythique dont elle a rêvé plus jeune, mais où elle traine un ennui mortel à préparer les répliques d’un animateur radio star de l’audiovisuel, pédant, désobligeant, incompétent. Désenchantement, désillusion, contact froid avec le monde égocentré et souvent faux du travail et des relations entre collègues.
Leurs seuls échappatoires, chacun de son côté, l’alcool, les soirées avec les potes, les joints qu’on fume et qu’on se passe, les filles qu’on note ou qu’on critique, les mecs qu’on juge ou qu’on jette. Chronique parfois grinçante d’une jeunesse en mal de repères qui s’oublie dans l’alcool et la drogue pour arrêter de penser à tous ses rêves de réussite et de bonheur. Rêves qui semblent le plus souvent inatteignables et totalement utopiques. Jeunesse qui parle, rencontre, écoute, au travers de son smartphone et des réseaux sociaux, là où chacun s’expose, se découvre, se cherche et se retrouve.

La structure du roman, une semaine égrenée jour par jour, deux personnages, deux points de vue, pour une rencontre, est intéressante. Même si à certains moments ce côté blasé et désespéré est un peu déprimant, il est sans doute également le reflet d’une société qui n’a pas grand espoir à donner à sa jeunesse. Premier roman attachant d’un jeune auteur qui semble raccord avec ses personnages tant il nous fait vivre dans leurs têtes et leurs sentiments.

Quelques extraits :

  • La sortie du bureau de la Défense ressemble à un exode urbain. Chacun se hâte porté par l’espoir illusoire d’éviter une foule inévitable.
  • Il n’y a pas de meilleur confident que la parfait inconnu, celui qui s’en fout, sans attentes ni jugement.
  • « Bon courage » car il est invité à la pendaison de crémaillère d’un couple d’amis fraichement propriétaire d’une maison en banlieue. Or, pour un vrai Parisien, tout trajet impliquant un changement de département s’apparente forcément à une expédition. La banlieue ce n’est pas Paris. Si ce n’est pas Paris, c’est la province. La province, c’est loin. Raisonnement implacable.

 #RL2016


Catalogue éditeur : Albin Michel

Elle, vingt-trois ans, enfant de la consommation et des réseaux sociaux, noie ses craintes dans l’alcool, le sexe et la fête, sans se préoccuper du lendemain, un principe de vie. Il vient de terminer ses études et travaille sans passion dans une société où l’argent est roi. Pour eux, ni passé ni avenir. Perdus et désenchantés, deux jeunes d’aujourd’hui qui cherchent à se réinventer.

Dans un texte crépusculaire, Aurélien Gougaud entremêle leurs voix, leurs errances, leur soif de vivre, touchant au plus près la vérité d’une génération en quête de repères. Un premier roman d’une surprenante maturité, qui révèle le talent d’un jeune auteur de vingt-cinq ans.

Édition brochée 16.00 € / 17 Août 2016 / 140mm x 205mm/ 192 pages /EAN13 : 9782226329752

Comment tu parles de ton père. Joann Sfar

On ne présente plus Joann Sfar, enfin presque plus, car qui n’a pas lu, ou au moins vu la série de BD « Le chat du Rabin » dont il est dessinateur et scénariste ? Avec « Comment tu parles de ton père » je le découvre et je l’apprécie dans un registre totalement différent.

Pourtant à priori le sujet est plutôt triste, il s’agit de la mort de son père, « né l’année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933 »… comme mon père, parti trop tôt lui aussi…. et c’est cette phrase en 4e de couverture qui m’a au départ attirée vers ce livre. Mais je n’ai rien projeté de personnel ensuite dans la lecture de ce roman, je me suis laissé porter par les mots de l’auteur.

Joann Sfar parle de son père et de son grand-père aux personnalités fortes l’un comme l’autre, mais aussi de souvenirs, d’enfance, de famille, de parents et d’amis, de sa vie et de ses amours. Il évoque largement la souffrance de n’avoir pas su que sa mère était morte, lorsqu’à trois ans et demi, son père a préféré lui dire qu’elle était partie en voyage…souffrance inutile de l’enfant qui attend et qui ne comprend pas l’abandon de sa mère…Ni compris alors que son père voulait le protéger, et sans doute se protéger également, de la douleur de cette perte inéluctable.

Ce livre se lit avec bonheur, même s’il évoque la tristesse et la perte d’un être cher, qui plus est d’un parent. On sent au fil des pages l’amour d’un fils pour son père, teinté de respect, d’admiration, d’affection. Il égrène les souvenirs et tout ce qui ne sera jamais plus, et en parallèle, forcément la vie qui avance, inéluctable, jusqu’au prochain deuil, à la prochaine naissance, aux prochaines amours. Je l’ai ressenti comme une prière, qu’elle soit israélite, chrétienne ou païenne, mais aussi comme une ode à la vie et à tous ceux qui ne sont plus, à la fois émouvant et empreint d’humour, comme la vie en somme.

Extraits :

« Papa m’a toujours dit que si un jour il me cognait, j’aurais le droit de me défendre. Le jour où il me semblera que ce danger s’éloigne, j’abandonnerai la lutte.
Cela se produit à la mort du père : on n’a plus personne à épater. »

« Chers fidèles, il m’arrive d’avoir peur que le judaïsme ne consiste qu’en de semblables ruminations : craindre le futur et louper l’instant. »

« J’ai tant parlé de sa beauté parce que je souhaite convoquer les souvenirs de mon père en jeune homme. Sur les tombes juives, on interdit de faire figurer des photographies afin que la mémoire ne se fixe pas sur un moment de l’existence du défunt. Il faut beaucoup d’imagination pour remonter le temps et laisser derrière soi les images de l’agonie ou de la vieillesse. »

#rl2016

Retrouvez l’avis de Jean-Paul sur son blog


Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Papa est né l’année où tonton Adolf est devenu chancelier : 1933. C’est l’année où pour la première fois on a découvert le monstre du Loch Ness. C’est l’année, enfin, où sortait King Kong sur les écrans. Mon père, c’est pas rien. »

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir un père comme André Sfar. Ce livre pudique, émouvant et très personnel, est le Kaddish de Joann Sfar pour son père disparu. Entre rire et larmes.

Edition brochée 15.00 € : 1er Septembre 2016 / 140mm x 205mm / 160 pages / EAN13 : 9782226329776

Zazous. Gérard de Cortanze

Les Zazous, c’est l’affirmation d’une jeunesse contestataire aux cheveux longs et aux tenues excentriques, qui écoute du swing et qui enflamme la France des années 40 en refusant l’ordre établi.

« Le Zazou refuse l’ordre nouveau qui lui est imposé. C’est une attitude politique qui dicte le comportement du zazou, un peu comme les incroyables ou les muscadins…. »

Ils sont nombreux les Zazous du café Eva, on a parfois un peu de mal à les reconnaitre au début du roman. Il y a Odette, Marie, l’artiste qui chante dans les cabarets, Lucienne, modiste, Sarah la jeune fille juive, Josette, Jean et Pierre les lycéens, Charlie, l’américain qui devient français-antillais pour survivre, et Gerhard, le soldat allemand qui aime tant la musique. Ils vivent tous les maux des jeunes grandis trop vite dans les tourments de l’histoire. Qu’il s’agisse d’amour ou d’amitié, leurs aventures sont celles des jeunes de leur âge, relations torturées, compliquées ou évidentes, heureuses ou tristes, mais souvent réalistes. Et ce malgré tous les interdits, qui paraissent tellement incroyables, énormes ou dérisoires, mais qui lorsqu’on les brave chaque jour deviennent mortellement dangereux.

Au fil des pages l’auteur nous présente un panorama très complet de la vie artistique, de la musique, de la mode, de la vie en somme, de cette jeunesse qui vit dans un Paris occupé mais pas vaincu. Vision que l’on trouve rarement dans les romans traitant de cette époque. C’est étonnant et permet de comprendre comment chacun a réussi à se débrouiller pour vivre, s’habiller, faire bonne figure, pour trouver ce semblant de normalité qui même dans l’excès prouve que l’on existe.
Petit bémol peut être, au fil de la lecture, on se demande d’où viennent ces jeunes qui vont si souvent au cinéma et au concert l’après-midi – puisqu’il faut rentrer avant le couvre-feu et parce que tout s’arrête le soir- et qui chaque jour ou presque se retrouvent au café Eva. Quand vont-ils au travail, quelle est leur vie, où sont leurs familles et que fait leur entourage, sont-ils des étudiants sans parents, qu’elle est donc leur réalité dans ce monde des années 40 ?

Dans ce roman de Gérard de Cortanze, l’occupation et les années sombres de la seconde guerre mondiale sont décrites en musique et avec beaucoup d’originalité, car le phénomène Zazous est peu connu et peu décrit finalement. Tout le monde à plus ou moins entendu le mot sans toujours savoir ce qu’il recouvre. Nous voilà donc un peu moins ignorants, et sans doute un peu admiratifs de ces jeunes de 15 à 20 ans qui, sous couvert d’insouciance, cherchaient malgré tout à montrer leur refus de vivre sans agir dans un Paris aux mains de l’ennemi, après l’armistice signée par un général Pétain collaborateur et tellement décevant.

Le texte est parsemé de très nombreuses anecdotes et de faits historiques, j’aurais presque souhaité un deuxième tome, rendant ainsi plus fluide l’histoire de cette bande de zazous auxquels on met un peu de temps à s’attacher. C’est cependant un roman très complet, intéressant et passionnant surtout lorsqu’on s’intéresse à la petite histoire, celle qui par ses actions combinées forme la grande Histoire. Et qui nous donne très certainement envie d’aller écouter un air de swing !

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Albin Michel

On n’est pas sérieux quand on a quinze ans – même en pleine Occupation. Chaque jour, au café Eva, une bande de zazous se retrouve pour écouter du jazz. Josette, Pierre et Jean sont lycéens, Sarah est coiffeuse, Charlie trompettiste, Marie danseuse, Lucienne apprentie mannequin. Dans un Paris morose, ils appliquent à la lettre les mots d’ordre zazous : danser le swing, boire de la bière à la grenadine, lire des livres interdits, chausser en toutes circonstances des lunettes de soleil et enfiler de longues vestes à carreaux. Lire la suite

mars 2016 / Format : 220 mm x 150 mm / 544 pages / EAN : 9782226324047 / Prix : 22.50 €

Trois jours et une vie. Pierre Lemaitre

Au lendemain du succès phénoménal de son  « Goncourt » « Au revoir là-haut », Pierre Lemaitre nous revient avec « Trois jours et une vie », roman noir édité chez Albin Michel.

Trois jours et une vie de Pierre Lemaitre

Je n’ose même pas imaginer quel doit être le stress d’un auteur dont tout le monde attend le prochain roman, en particulier après avoir reçu un prix Goncourt. Comme se renouveler ? Comment rester serein pour garder sa créativité, son inventivité, ses talents de conteur ? Comment s’accomplir dans son métier d’écrivain sans chercher simplement à plaire à ses lecteurs, à ne pas les décevoir au lendemain d’un succès phénoménal. Avec « Trois jours et une vie », Pierre Lemaitre y réussi. Certains puristes vont peut-être avancer qu’être auteur de polar ce n’est pas le top du talent, qu’il y a beaucoup plus littéraire. Tant pis, une fois de plus, je l’avoue, j’ai aimé ce roman qui nous propose une histoire autour d’un personnage central, à trois époques d’une vie.
Antoine vit en province, dans ces villages ou petites villes tranquilles où chacun se connait. Ses parents sont séparés, sa mère l’élève et travaille. Il va à l’école mais est rejeté par les autres. Il est mis à l’écart par une mère qui ne veut pas le voir jouer à cette horrible PlayStation qui captive tous les gamins. Alors Antoine trouve d’autres plaisirs, il va construire sa cabane dans les arbres, celle qui les épatera tous quand ils pointeront enfin le bout de leur nez dans les bois. Antoine adore le chien des voisins, d’autant qu’il n’a pas de droit d’en avoir. Et Rémi, le fils des voisins, adore et admire Antoine. Nous sommes en 1999, le chien meurt, Rémi disparait, et deux tempêtes terribles s’abattent sur la France et dévastent le paysage et la vie des habitants de Beauval. La vie d’Antoine en est entièrement bouleversée.

Singulier, certes ! Amoral, certes ! Mais j’y retrouve cet art de la manipulation, des non-dits, que j’apprécie dans les polars de Pierre Lemaitre, quand le narrateur ou le personnage principal sont coupables, mais pas trop, ou par hasard, quand ils ne regrettent pas assez pour avouer ; quand la morale voudrait que… mais que finalement la vie fait qu’on laisse faire ; quand ce qui devrait être n’est pas et que finalement cela satisfait tout le monde. Secret lourd à porter mais indispensable, drame, mais aussi culpabilité, silence, remords, aveux, puis chantage, compassion, amour passionnel ou ébats d’un soir qui transforment toute une vie, tel est pris qui croyait prendre, tout y passe.
Les personnages sont complexes, parfois noirs, parfois tendres, mais souvent attachants, on a envie de les plaindre, et pourtant parfois on les déteste, ils ne laissent jamais indifférents. Ils sont décrits avec cynisme et un soupçon de cruauté, mais tellement de réalisme, qu’ils semblent être là, tout près, et nous font réagir en voyeur de leurs tourments ou de leurs turpitudes. Scènes peu ordinaires d’une vie pourtant bien ordinaire qui étonnent et perturbent le lecteur. Unité de lieu, unité de personnage, ou presque, multiplicité de sentiments, voilà tout l’art d’un auteur talentueux qui sait tenir son lecteur en haleine. J’ai lu ce roman d’une traite et je vous le conseille !


Catalogue éditeur : Albin Michel

« À la fin de décembre 1999, une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt.
Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir.
Pour Antoine, qui fut au centre de ce drame, tout commença par la mort du chien… »

Mars 2016 / Format : 205 mm x 140 mm / 288 pages / EAN13 : 9782226325730 / Prix : 19.80 €