Les tourmentés, Lucas Belvaux

Atteindre la face la plus sombre de l’Homme pour enfin trouver la lumière

Le retour au monde des vivants n’est jamais chose simple pour d’anciens militaires qui ont connu de violentes et mortelles zone de guerre. C’est ce qui arrive à Skender. Cet ancien militaire efficace et dur dans la lutte sans merci pour sa vie est aujourd’hui un homme paumé, assailli de souvenirs qui le rongent et l’empêchent de vivre sereinement auprès de Morgan et de ses enfants.

C’est un quasi SDF que Max, l’ami de toujours, le boss, le compagnon de combats, le sauveur, retrouve et accompagne chez Madame, sa patronne. Car Max aussi est revenu du front, mais lui a réussi à s’en sortir auprès de Madame, riche veuve d’un grand chasseur, devenue elle même excellente chasseresse.

Et Madame propose à Skender un marché impossible à refuser pour un homme aux abois qui est prêt à tout pour l’amour et le bien de ses fils, Jordi et Dylan.

Étrange premier roman, le début m’a fait penser que j’allais retrouver l’ambiance du roman d’Anthony Buissonais (Un samedi soir entre amis). Mais non, ce roman choral dans lequel tour à tour Skender, Max, Madame, Morgan et Jordi prennent la parole est bien plus qu’un simple ou machiavélique thriller.

Chacun évolue au fil de ses pensées, de ses actions et sentiments, de ses rencontres et émotions. Chacun envisage les événements sous un angle qui lui est propre. Cela permet au lecteur attentif de voir se transformer les personnages et les relations qui les tiennent entre eux au fil des mois.

Plus roman psychologique que thriller, les sentiments de chacun sont à la fois explicités et terriblement exacerbés par cette lutte de chaque jour pour mener une vie « normale ». Leurs angoisses, leurs faiblesses, leurs attentes et leurs espoirs se révèlent et nous les font découvrir peu à peu, les rendant plus humains.

Loyauté, soumission, domination, amour, amitié, fidélité, fierté, espoir, déception, attente, ils passent par tous les stades et toutes les attentes pour un final à la hauteur des espoirs du lecteur.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Alma éditeur

Dix ans que les deux hommes s’étaient perdus de vue et puis, d’un coup, ils se retrouvaient au détour d’une rue, face à face. Le hasard, paraît-il, fait bien les choses. S’il s’agissait de lui, il aurait mieux fait ce jour-là de se mêler de ce qui le regardait, mais il n’y était pour rien. Skender le comprendrait bientôt, ce n’est pas le hasard qui avait mis Max et Madame sur son chemin.
Il le comprendrait bientôt.

Né à Namur en 1961, Lucas Belvaux est acteur, réalisateur et scénariste. Pour le cinéma, il a réalisé plus d’une dizaine de films dont La Raison du plus faible (2006), Rapt (2009), 38 témoins (2012), Pas son genre (2014), Chez nous (2017), Des hommes (2020). Les Tourmentés est son premier roman.

20 € / 348 pages / Date de parution : 19 août 2022 / ISBN : 978-2-36279-608-1 / ISBN numérique : 978-2-36279-609-8

Demi-pensionnaires, Mona Granjon

Ah que c’est compliqué l’adolescence !


L’entrée en 3e est un moment important de l’adolescence et de la scolarité. C’est la dernière année de collège, celle où l’on est encore avec les amis que l’on connaît souvent depuis plus de quatre ans. Et la dernière année rassurante, car si on connaît le collège le lycée est source d’inquiétude, là où il faudra faire les choix, les projets qui engagent pour les études futures et un métier, une vie.l’adolescence et

Mais Mona et Zoé n’en sont pas encore là. Elles rentrent en 3e et espèrent être encore dans la même classe, c’est si confortable. Hélas, elles seront séparées, mais se retrouveront en classe d’allemand. Et quelle chance, cette année elles vont faire un voyage scolaire à Berlin.

Demi-pensionnaires, copines, intéressées par les garçons, tentées par les bières et les cigarettes proposées lors de soirées encore assez sages, les fêtes d’anniversaire, les copines, les profs pas très cool, tout est là pour leur faire passer une année mémorable.

Et nous rappeler sans doute aussi ces années charnières vécues dans ce même trouble, cette impatience, cette curiosité, cette amitié et parfois cette dose de méchanceté pas toujours comprise ni mesurée.

Le graphisme plutôt sobre, en noir en blanc, est agréable. Le trait grossier esquisse à peine les différents personnages mais l’ambiance est assez bien restituée.

Une fois de plus cette collection virages graphique nous permet de découvrir une jeune autrice au talent prometteur.

Catalogue éditeur : Virages Graphiques

Demi-pensionnaires est une autofiction qui suit deux meilleures amies durant toute leur année scolaire de 3e. L’année commence mal : Mona et Zoé ne sont pas dans la même classe, une première pour les deux amies inséparables depuis la 6e. Mona se retrouve avec «Louis-qui-s’est-branlé-dans les-vestiaires-de-sport» et Zoé avec Coralie, une fille dont le trait de caractère principal est… d’avoir des parents riches. Les deux meilleures amies se voient aux différentes pauses, dont celles du midi réservées aux demi-pensionnaires. Lire la suite…

Date de parution: 12 avril 2023 / Prix: 23€ / Nombre de pages: 136 / Format: 195×260 / EAN: 9782743659035 / ISBN: 978-2-7436-5903-5

Les manquants, Marie-Eve Lacasse

Comment survivre à une disparition ?

Claire, Hélène, et Joan se succèdent dans un bureau au commissariat pour évoquer Thomas, l’époux de Claire qui a disparu depuis deux ans.

Claire et Thomas s’étaient rencontrés à l’université, puis mariés à la surprise de tous car leur caractères et leurs aspirations ne semblaient pas vraiment correspondre. Vingt ans de vie commune, des enfants aujourd’hui adolescents, un changement radical de vie avec l’installation sur les terres des parents de Claire pour reprendre l’exploitation viticole. Désormais Claire sait qu’il faut parler de cette disparition pour enfin pouvoir vivre à nouveau, divorcer d’un absent, ou d’un mort, qui sait, pour reprendre cette liberté dont elle n’a jamais voulu mais qui lui a été imposée par ce mari parti un matin et qui n’est jamais revenu.

Depuis, il y a eu l’attente, l’incompréhension, les questionnements, les doutes, les angoisses, les silences, les peurs, la révolte, les obsessions, les nuits blanches, la méfiance des autres, leurs regards, leurs doutes, et chaque jour le vide abyssal de l’absence inexpliquée.

Depuis, Claire la vigneronne tente de vivre, travailler, penser, élever les enfants, alors que tant de doutes l’assaillent. Amies de toujours, Hélène et Joan sont là pour l’épauler, la faire réagir, l’aider.

Dans un monde en déliquescence, un cataclysme climatique est venu changer à tout jamais la vie des citadins. Où, quand, comment, on ne le saura jamais. Mais Claire et ses amies ont rejoint la Communauté. Là, à l’abri de la pollution, des inondations, du manque de nourriture, elles ont décidé qu’il est temps pour Claire de changer de vie, vendre ses biens, aider la Communauté. Et cela passe par la déclaration de disparition de Thomas.

De chapitre en chapitre, qui tous portent le prénom d’une des trois femmes, le lecteurs découvre la vie de Thomas entre ombre et lumière, mensonge et vérité, amour et amitié. Chacune dévoile la facette du Thomas qu’elle a côtoyé. Cet homme que Claire croyait si bien connaître apparaît peu à peu, semblable ou différent, cet homme brillant qui s’étiolait depuis quelques années dans son travail se révèle un être mystérieux et quasiment inconnu.

Ce que j’ai aimé ?

La façon dont l’autrice traite l’absence, la disparition, la culpabilité, les questionnements et le doute que celle-ci entraîne chez ceux qui restent. Mais aussi la façon dont chacun trouve sa place dans une société qui ne l’accepte pas toujours pour ce qu’il est. La culpabilité de Claire, ce doute qui s’est installé en elle, à se demander ce que Thomas pourrait penser s’il revient un jour et qu’elle ait divorcé sans qu’il l’ait voulu. Avant de se demander si elle a souhaité, elle, se retrouver seule sans la moindre explication. Il semble bien difficile d’accepter l’absence non souhaitée et inexpliquée, de se confronter à une forme de folie intime et violente.

Et si vous vous demandez vous aussi qui sont ces manquants, ce n’est pas seulement Thomas qui manque à l’appel, mais au contraire les pieds de vignes morts ou manquants dans les vignes des parents de Claire, et dans toutes les vignes en fait.

Catalogue éditeur : Seuil

Thomas est parti. Ça fait déjà deux ans. On ne sait pas où. On ne sait ni pourquoi, ni avec qui. On ne sait rien. Et de ce rien il faut bien faire quelque chose. Alerter la police ou non. En parler ou se taire. Rendre cette histoire réelle ou pas. Faire avec. Inventer un récit. Convoquer le fantôme. Vivre avec lui. Ou bien le faire sortir par la porte. L’oublier jusqu’à ce qu’il revienne en rêve. Par la fenêtre. Par la forêt. Par ce détail ou cet objet qui rappelle sa mémoire, sans cesse. Et puis un jour, Claire, sa femme, Joan et Hélène, ses amies, sont convoquées au commissariat. C’est qu’il y a quelque chose de louche autour de la disparition de Thomas Cassar. On ne disparaît pas comme ça. Il y a toujours quelque chose. Il y a toujours quelqu’un.

Marie-Ève Lacasse, née en 1982 au Canada, vit en France depuis 2003. Elle a publié, entre autres, Peggy dans les phares (Flam­marion, 2017) et Autobiographie de l’étranger (Flammarion, 2020). Elle est journaliste-reporter à Libération.

Date de parution 03/03/2023 / 19.00 € TTC / 256 pages / EAN 9782021526769

La musique des âmes, Sylvie Allouche

Une belle histoire d’amitié par temps de guerre


En 1944. Mathias et Simon sont amis. Le père de Simon est un luthier très réputé sur la place de Paris, mais depuis les lois iniques imposées par les nazis, et cette horrible inscription apposée sur la porte de son magasin, plus personne n’ose franchir le seuil d’un établissement juif.
Alors chaque jour il peaufine l’œuvre de sa vie, ce magnifique violon qu’il destine à son fils Simon.

Qu’il est difficile pour la famille de Simon de vivre avec les tickets de rationnement, avec une clientèle qui a disparu, mais surtout avec cette épée de Damoclès sur la tête, le risque d’être raflés par les nazis et déportés en Allemagne dans ce que l’on appelle injustement encore les camps de travail.

Le jour où Mathias découvre que la famille de Simon n’est plus là, malgré son désir d’aider, le risque est trop grand pour lui et pour sa famille de tenter de venir en aide cette famille juive qu’il considère comme ses amis, et ses égaux.

Que peut-il faire, que peuvent faire ceux qui veulent aider dans ces périodes si difficiles. C’est bien la question que pose l’autrice et à laquelle elle tente de répondre.
Un court roman qui pose les bases de cette période si dramatique et difficile de la guerre, mais qui peut être lu par des jeunes afin qu’ils comprennent et n’oublient pas à leur tour.
J’ai apprécié le fait que l’autrice ait su s’arrêter avant d’être obligée de dire l’horreur absolue. Ici les choses sont adroitement effleurées, suggérées et un minimum d’explications peut permettre aux jeunes lecteurs de les comprendre.

Un court roman indispensable qui évoque la rafle du vel’dhiv, la déportation, mais surtout qui parle de force, de loyauté, d’amitié et d’amour.

Catalogue éditeur : Syros jeunesse

Avant, le père de Simon était un luthier renommé, son atelier ne désemplissait pas. Puis il y a eu la guerre, l’occupation et le mot juif placardé en travers de sa vitrine. Alors Simon s’est fait une promesse : il composera une œuvre avec le violon que son père lui fabrique, pour lui dire tout son amour et son admiration. Un après-midi, Matthias, son meilleur ami, trouve l’atelier vide : la famille de Simon a disparu.

10 ans, 11 ans, 12 ans / Date de publication : 14/01/2021 / ISBN : 9782748529869 / 7,50 €

Les douleurs fantômes, Melissa Da Costa

L’amour, l’amitié, la vie

Rosalie et Gabriel, Tim et Anton, et Ambre reviennent à Arvieux, ce village de montagne qui les avait réunis dans un précédent roman, Je revenais des autres.

Ils ont passé des années séparés. Depuis l’accident d’Anton, Ambre n’avait plus jamais pris de leurs nouvelles. Mais aujourd’hui, Rosalie l’appelle à l’aide, Gabriel a disparu. Ambre n’hésite pas une seconde et quitte quelques jours Marc son compagnon, sa vie rangée à Lyon, son travail à la boutique, pour lui porter secours.

Cinq ans ont passé, cinq ans qu’elle n’a pas revu Tim depuis son départ de Frontignan, qu’elle n’a pas revu Anton depuis l’accident qui l’a cloué sur un fauteuil roulant, qu’elle n’est allée voir ni Rosalie, ni Gabriel ni la petite Sophinette.

Pour qui n’a pas lu le roman précédent, pas de problème, car les griefs se dévoilent peu à peu, le passé se dessine, les relations parfois compliquées se révèlent. Et l’on comprend vite que la relation entre Anton et Tim est sans doute forte, mais qu’elle est plombée par la culpabilité de Tim et son besoin d’être présent pour Anton. Qu’Ambre est heureuse avec Marc, mais qu’elle l’était tellement plus avec Tim. Replonger dans le passé ouvre les anciennes blessures, exacerbe les regrets, attise les rivalités.

Alors le lecteur suit avec attention et empathie ces jeunes gens et leur questionnements, leurs attentes, leurs espoirs, leurs certitudes pas si évidentes que ça.

Melissa Da Costa a vraiment l’art de décrire les sentiments, les situations banales qu’elle sait nous rendre vivantes, et qui du coup ne sont plus du tout si ordinaires que ça. Chaque sentiment est posé, décortiqué, pour que ses personnages avancent peu à peu dans leur histoire. Émotions, regrets, espoirs, attentes, amours déçues, révélations aux autres ou à soi-même, tout y est pour nous embarquer dans ces quelques jours d’angoisse qui se transforment en jours d’avant fêtes et de fêtes. Puisque Noël est là, et que c’est une occasion de réunir les amis, et la fin d’année est là, ce moment idéal pour faire des projets de vie. Il y a un peu de longueur à mon goût tant il se passe peu de chose et que finalement tout est terriblement prévisible. Malgré tout je dois dire que j’ai apprécié cette lecture.

La lecture par Aaricia Dubois était un vrai bonheur. Grâce à une voix douce, une aptitude à prendre toutes les intonations, j’étais sûre que Sophinette était là devant moi ! Mais aussi par sa capacité à rendre vivants chacun des personnages par son interprétation des dialogues en particulier. Une réussite et un excellent moment d’écoute.

Catalogue éditeur : Audiolib, AlbinMichel

Rosalie, Gabriel, Tim, Anton et Ambre formaient un groupe d’amis soudé jusqu’à ce qu’un drame les éloigne les uns des autres. C’est pourtant un appel au secours qui, cinq ans après, va à nouveau les réunir. Entre silences amers et regrets, ces retrouvailles vont raviver leurs douleurs fantômes et bousculer leurs certitudes : mènent-ils vraiment la vie dont ils rêvaient ?

Un rendez-vous à la croisée des chemins qui leur prouvera qu’on peut se perdre de vue, mais pas de cœur… Et qu’il n’est jamais trop tard pour changer de vie et être heureux.

Date de parution 11/05/2022 / Durée 12h10 / EAN 9791035409616 Prix du format cd 24,90 € / EAN numérique 9791035408985 Prix du format numérique 22,45 €

Comment font les gens, Olivia de Lamberterie

Une histoire de femmes, état des lieux de la vie d’une parisienne d’aujourd’hui

Peter a mis le cœur d’Anna en mille morceaux. Mais ce soir, sa fille Allegra vient dîner car elle a une importante nouvelle à annoncer. Anna sait déjà qu’il faudra composer pour que tout se passe au mieux. La journée qui s’annonce dense est propice aux souvenirs, aux questionnements, à analyser sa vie.

Anna a cinquante ans, trois filles. L’aînée Allegra, qu’elle voit trop peu pour bien la connaître, Félicité et Joy deux adolescentes qu’elle voit au quotidien mais qu’elle connaît de moins en moins bien. Ainsi va la vie, et à chaque âge ses décalages, sa façon d’être, ses convictions et ses combats.

Sa mère Nine, femme indépendante et féministe convaincue, ne la reconnaît pas toujours. Elle cherche encore à revenir dans son appartement de la rue de la glacière alors qu’elle a pris pension aux Acacias où elle perd la tête chaque jour un peu plus.

Anna doit tout gérer, Peter son époux volage, ses filles, sa mère, et son métier d’éditrice qu’elle adore et qui lui convient parfaitement. Elle a du métier et une certaine assurance mais aujourd’hui, les envies de sa nouvelle directrice d’éditer du feel-good à gogo ne la satisfont plus. Qu’importe il y a toujours ses fidèles et irréductibles copines, celles avec qui elle aime échanger quelques SMS ou un Gin tonic au café du coin et qui trouvent toujours du temps pour se soutenir et se réconforter.

L’histoire de cette famille, à travers vingt-quatre heures de la vie d’une parisienne ne semble avoir été écrite que pour balayer des sujets d’actualité et permettre à l’autrice d’exprimer des opinions au travers de ses personnages.

Le féminin-féministe y tient la première place et l’esprit bobo parisien la seconde.

Féminisme, éducation, publicité, place des femmes et des hommes, – les pauvres ont un bien mauvais rôle lorsqu’ils en ont un, Anna est une fille sans père, alors comment aimer les hommes ?- place de la lecture, amitié, famille, réseaux sociaux, végan, anti-vax, vie dans les EHPAD, tout y passe. Mais aussi Me-too, PPDA, inceste, harcèlement, révolution sexuelle de 68, droits des femmes, célibataires -vivent Bridget Jones et Friends- maternité et mariage, etc..

J’ai donc plongé dans le quotidien d’Anna, intello bobo parisienne, attentive au monde qui l’entoure et à l’actualité, n’ayant aucun soucis d’argent, aimant son métier et sa famille, qui s’interroge sur sa vie et sur ses choix. Mais en me demandant régulièrement si l’autrice avait hésité entre écrire un roman ou un essai, y transposant peut-être une expérience très personnelle en particulier dans le milieu de l’édition. Chaque situation est ponctuée d’exemples souvent tirés de médias qui finissent par énerver, un peu comme ces candidats de jeux télé qui ont réponse à tout.

Le roman est bien écrit, l’écriture semble facile, les dialogues sont pertinents, mais le style laisse une impression de too-much et je m’y suis souvent ennuyée. On comprend vite qu’il ne se passera rien dans cette journée somme toute assez banale et que l’autrice ne nous fera pas voyager bien loin.

La lecture par Julia Piaton m’a parue assez froide au départ, puis je m’y suis habituée. Mais elle n’a pas su me faire adhérer au personnage d’Anna ni me la rendre sympathique. Cela n’est sans doute pas dû à la voix de la lectrice, mais il ne suffit pas d’avoir du talent encore faut-il avoir quelque chose à raconter pour que ce soit intéressant. Dommage, j’avais très envie de découvrir l’écriture d’Olivia de Lamberterie dont j’apprécie par ailleurs les chroniques littéraires.

Catalogue éditeur : Audiolib et Stock

Anna, la narratrice de ce roman à la mélancolie aigre-douce façon Sagan, se débrouille comme elle peut avec la vie. Plutôt mal. Elle encaisse. Elle en rit même. Elle se souvient, aussi. Coincée entre une mère féministe mais atteinte d’une forme de joyeuse démence, trois filles à l’adolescence woke, un mari au sourire fuyant et à la tenue fluo, un cordon sanitaire d’amies, Anna pourrait crier, comme on joue, comme on pleure, « Arrêtez tout ! », mais ça ne marche qu’au cinéma.

Lu par Julia Piaton

EAN 9791035411541 Prix du format cd 22,90 € / EAN numérique 9791035411718 Prix du format numérique 20,45 € / Date de parution 14/09/2022

Faire corps, Charlotte Pons

Peux-t-on porter un enfant sans devenir mère ?

D’un côté, Sandra, jeune femme bien dans sa peau, sa vie, son emploi, sûre d’elle, aucune envie de devenir mère un jour, et un peu ras-le-bol de tous ceux qui sans cesse lui demandent, alors cet enfant, c’est pour quand ?

De l’autre côté, Romain et Marc. Romain l’ami d’enfance, celui avec lequel Sandra a le plus en commun, souvenirs, vécu, passé, et Marc, son mari pour la vie. Romain et Marc et leur envie folle d’être enfin pères, d’élever un enfant, d’être enfin un couple de parents accomplis. Des années qu’ils suivent toute la procédure, aux USA, pour avoir enfin un bébé avec une mère porteuse. Mais ils vont d’échec en échec et se désespérément. Jusqu’au jour où Sandra cède à la demande en toute amitié de Romain, ou qui sait si elle ne le lui propose pas au fond, il y a un peu des deux sans doute, et la voilà qui accepte de devenir cette mère porteuse qui va réaliser cette GPA pour son ami.

Porter un enfant, mais ne pas devenir mère, car cet enfant, elle n’en veut pas. C’est son credo, son cri, sa certitude. Un bébé contrat, neuf mois à le porter, puis à l’abandonner à ce couple qui l’attend de tout son cœur, de toute son énergie, de tout son amour. Commence alors une période entre deux, porter sans vivre vraiment, jusqu’au jour où elle reçoit ce courrier qui lui indique que dans cinq mois elle sera mère.

Mère, pas du tout, jamais ! Et pourtant ? Neuf mois et puis s’en vont, ou va-t-elle réellement devenir maman ?

Un roman d’amitié, d’entraide, de relation homme femme, de relation à l’autre, mais aussi à ce corps qui change, qui accueille une autre vie, cet autre qui est un étranger mais qui est un peu de vous aussi. L’analyse des personnages et la construction du roman autour de cette évolution, à la fois de la grossesse et des idées, sentiments, envies, angoisses est tout à fait bien explicité, montré à travers les doutes, les questionnements, les certitudes et les craintes de Romain futur et déjà père, comme de Sandra, porteuse mais pas encore mère. Et surtout, qu’est-ce qu’être mère, porter un enfant, le sentir dans son corps, l’élever, l’aimer, un peu de tout ça au fond, et sans doute plus encore.

Si j’ai eu quelques craintes à commencer cette lecture, je l’ai trouvé particulièrement intéressante, émouvante, constructive et forte en questionnements pour tous. L’autrice aborde de nombreux thèmes, pour ou contre parentalité, couple gai, mère porteuse, désir d’enfant, être mère ou pas, que de questions, que de doutes, que d’espoirs.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Flammarion

« Et votre projet, c’en est où ? » Voilà plusieurs années que Sandra observe Romain et son compagnon se confronter au parcours épineux de la GPA aux États-Unis. Ce désir d’enfant que rien ne semble faire vaciller l’intrigue, elle qui est catégorique depuis toujours: elle ne sera jamais mère. À bout, son ami va lui demander de porter son bébé. Commence alors un corps-à-corps avec un enfant qui ne sera pas le sien. Neuf mois de bouleversements physiques que la raison ne peut pas ignorer et qui font naître des sentiments d’une intensité insoupçonnée.
Dans ce deuxième roman à fleur de peau, Charlotte Pons met très subtilement en scène une femme qui consent, sans en mesurer toute la portée, à réparer le mal d’enfant de son ami. Jusqu’où son geste l’emportera-t-elle ?

Paru le 24/02/2021 / 240 pages / 138 x 211 mm / EAN : 9782081486225 / 19€

Le goût des garçons, Joy Majdalani

Treize ans, et l’envie de découvrir l’autre sexe avec avidité et réalisme

Dans une ville dont on ne connaîtra jamais le nom, au collège de Notre Dame de l’Annonciation, les jeunes filles de bonne famille espèrent et craignent les premiers émois de l’adolescence. La relation avec les garçons est auréolée de mystère dans ces écoles qui n’ont pas encore connu la mixité.

La narratrice est tourmentée par les prémices de la sexualité, un mystère qu’elle voudrait tant percer seule et le plus vite possible. Lorsque l’on a treize ans, cet autre que l’on ne connaît pas exerce une attraction irrésistible. Mais pour cela, encore faut-il être sûre de soi, connaître son véritable pouvoir d’attraction, sa beauté réelle ou fantasmée. Pas facile lorsque l’on se cherche, en cette période parfois ingrate de l’adolescence, quand seins, hanches, rondeurs et pilosité jusqu’alors inconnues transforment des corps jusque là maîtrisés.

La relation avec les autres filles est également compliquée, celles qui entrent dans le moule sans discuter, ces autres qui se rebellent en douceur, les confidentes, les rivales, les plus belles, celles qui savent déjà, celles qui espèrent. Alors tout est bon pour apprendre, les confidences bien sûr, l’expérience des autres, mais aussi internet, les garçons non désirés mais prêts à vous apprendre comment se fait un premier baiser, comment être et se comporter, au risque de passer pour la P… de service.

Voilà un premier roman terriblement bien construit, à l’écriture travaillée, au vocabulaire cru et réaliste. La narratrice passe de la naïveté de l’enfance à la sexualité plus fantasmée que réelle de l’adolescence avec un style direct qui parfois dérange mais qui surtout parle vrai.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : Grasset

Elles sont «  de bonne famille  ». «  Bien élevées.  » Collégiennes à Notre Dame de l’Annonciation. Elles pourraient aussi bien être dans n’importe quelle institution d’une autre religion ou un très bon collège de la République. Elles ont treize ans, elles sont insoupçonnables. Elles n’ont que le désir en tête.
…..
Légendes, ragots, ignorances, peurs, élans, embûches, alliances, traîtrises, téléphone, Internet, tout tourne autour des garçons et de leur corps mystérieux dans un mélange de fantasmes et de romantisme. Cru et délicat, dévoilant les candeurs comme les cruautés, voici un premier roman d’une véracité implacable qui marquera.

Pages : 176 / EAN : 9782246828310 prix 16€ / EAN numérique : 9782246828327 prix 10,99€ / Parution : 5 Janvier 2022

Le bal des cendres, Gilles Paris

Quand passé et présent se rencontrent au pied d’un volcan

Guillaume de la Salle est le directeur d’un hôtel au pied du volcan Stromboli, sur l’île éolienne homonyme à quelques encablures de la Sicile.
Dans cet hôtel vont se côtoyer Mathéo, son ami de toujours, ancien militaire comme lui, confident, chaperon, protecteur ;
Giulia, sa femme disparue à la naissance de Giulia sa fille désormais adolescente un peu rebelle qui voudrait en savoir plus sur cette mère qu’elle n’a pas connue ;
Thomas, qui pleure Emilio son amour disparu en mer, et Lior, sa nouvelle conquête ;
Anton le séducteur médecin turc et Sevda, l’épouse trompée mais toujours amoureuse et résignée ;
L’américaine Abigale et son amant Eytan, qui chaque jour fidèlement téléphone à l’épouse restée au foyer ;
Sebastian et Ethel, un frère et une sœur qui se sont perdus de vue pendant des années et se sont enfin retrouvés ;
Cécile, la mère de Tom, Louise et Corentin, et Gris le grand frère disparu que ne voient que ceux qui savent ;
Elena, la comtesse italienne et sa discrète infirmière dame de compagnie, qui l’accompagne partout depuis l’accident qui l’a contrainte à vivre dans un fauteuil roulant et le décès de son époux ;

et tant d’autres qui comme eux se retrouvent à l’hôtel Strongyle pour quelques jours de vacances, d’amour, de rencontres, de bonheur, de repos.

Ces hommes et ces femmes nous racontent tour à tour une partie de leur histoire. En chapitres courts et rythmés, parfois déroutants, surtout au début quand la multiplicité des personnages m’a parfois légèrement perdue. Mais je me suis très vite familiarisée avec chacune de ces tranches de vies venues s’échouer dans le lobby de l’hôtel, sur la plage, dans les ruelles du village, sur les pentes abruptes et parfois si dangereuses du volcan.

Au fil des pages, des rencontres, des situations plus ou moins dramatiques, se dessinent un passé, des secrets, des espoirs et des attentes, des déceptions plus ou moins acceptées, des interactions entre ces protagonistes que pourtant rien ne semblait rapprocher au départ.

Un roman polyphonique dans lequel les relations se nouent, les masques tombent, les secrets se dévoilent, sur cette île au paysage à la fois idyllique et sec. Mais si le passé est parfois bien sombre, l’espoir renaît au bout du chemin, toujours porteur de lumière et d’espérance. J’ai aimé les descriptions de l’île, son influence sur le caractère de ses habitants, la chaleur, l’âpreté des paysages avec ce volcan toujours en éruption, mais aussi l’attrait inégalé pour les nombreux touristes qui y viennent chaque année, et dont on sent que l’auteur y a séjourné et les a lui même vécues. Et qui m’a terriblement donné envie d’aller les découvrir à mon tour !

Catalogue éditeur : Plon

Sur l’île de Stromboli, des couples savourent leurs vacances. Ils sont sensibles, lâches, infidèles, égoïstes, enfantins. Elles sont fortes, résilientes, légères, amoureuses. Le réveil du volcan va bouleverser leurs vies. Cet été de tous les dangers sera-t-il le prix à payer pour se libérer enfin ?

L’action se déroule au Strongyle, un hôtel de Stromboli où séjournent plusieurs couples et familles. Il y a aussi un enfant de 10 ans, Tom, qui ne se sépare jamais de ce mystérieux Gris qu’il est seul à voir avec son frère et sa sœur. Il y a enfin une adolescente, Giulia, grandie trop vite après la mort de sa mère.
Tous vont apprendre à se connaître, à s’apprécier, à s’aimer même pour certains, jusqu’à l’éruption du volcan qui décidera du sort de chacun dans ce roman choral. Lire la suite

EAN : 9782259263740 / Nombre de pages : 312 / Date de parution : 07/04/2022 / 19.00 €

Le Fabuleux Voyage du carnet des silences,Clare Pooley

Et si les écrits ouvraient plus facilement les cœurs que les paroles

À la rencontre de Monica dans un café sur Fulham road à Londres. Elle a quitté son lucratif et exténuant métier d’avocat pour réaliser un rêve, ouvrir un café. Mais pas n’importe lequel ! Un café dans lequel on se sent bien, où chacun trouve sa place, où elle connaît les goûts, les habitudes, les envies de chacun.

Pourtant tout n’est pas si simple. Et le jour où un de ses clients oublie un vieux cahier rouge à l’une des tables du café, elle n’a qu’une hâte, le lui rendre. Curieuse de connaître son propriétaire, elle ouvre et commence à lire quelques pages noircies. Oh, surprise, c’est bien l’un de ses client qui a écrit là une partie de sa vie, ses espoirs ses attentes, sa solitude et sa tristesse. Mais bien évidement rien n’indique à le voir que tels peuvent être ses états d’âmes. Intriguée, elle décide de s’en rapprocher.

Mais elle est bien tentée également d’écrire elle aussi dans ce carnet prêt à recueillir les pensées les plus intimes en toute discrétion.

Enfin, discrétion, pas tant que ça finalement, puisque peu à peu, différents protagonistes vont écrire à leur tour dans le carnet, se dévoiler, se confier au silence des pages blanches. Et comme chacun indique son nom et que finalement les limites du quartiers sont plutôt restreintes, chacun des lecteurs suivants connaît tout des précédents rédacteurs.

Commence alors une sorte de chassé-croisé intime et sensible entre les différents protagonistes, qui se cherchent, se dévoilent, se taisent ou se racontent, s’écoutent, et finissent par s’apprivoiser.

Voilà un roman bien agréable à lire et qui m’a fait passer un excellent moment, aucune prise de tête, des instants de vie plus vrais que nature parfois, d’autres un peu moins évidents, mais un ensemble tout à fait harmonieusement constitué. Une écriture aussi très fluide, des personnages attachants, que demander de plus !

Lu dans le cadre du jury du Grand Prix des Lecteurs Pocket catégorie littérature étrangère

Catalogue éditeur : Pocket

Monica a abandonné sa carrière d’avocate pour réaliser son rêve : ouvrir un café sur Fulham Road. Le jour où un de ses clients oublie son carnet sur une table, elle ne peut s’empêcher de le lire. Les premières pages lui révèlent la confession de Julian Jessop, un artiste excentrique, âgé de soixante-dix-neuf ans qui exprime toute sa tristesse et sa solitude depuis la mort de sa femme.
Touchée par cette idée de révéler des sentiments intimes à des inconnus, Monica décide de continuer le carnet avant de le déposer dans un bar à vin.
Au risque de voir son destin bouleversé de manière inattendue…

Traduit par Karine Guerre / Date de parution : 03/02/2022 / EAN : 9782266324892 / pages : 512 / 8.50 € /