Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez

Dédier sa vie à la sauvegarde de l’art et d’une culture universelle

1979, c’est la révolution dans les rues de Téhéran, celle que l’on appellera plus tard la révolution islamique, mais celle que les jeunes et les iraniens de la rue de cette époque pensaient être la révolution tout court. Celle qui allait les débarrasser du Cha des Chas, de l’empereur Mohammad Reza Pahlavi, descendant d’une lignée millénaire de souverains de l’empire Perse.

Cyrus a 23 ans. Lassé des petits boulots qui permettent à peine de les faire vivre, lui et sa mère, il se dirige vers le tout nouveau bâtiment qui va abriter le musée d’art moderne voulu par la Chabanou. L’impératrice Farah Pahlavi a souhaité que l’Iran se dote d’un musée digne des plus grands, et a fait acheter les plus belles toiles d’artistes contemporains et modernes disponibles sur le marché à cette époque. Picasso, Andy Warhol, Lischtenstein, Jackson Pollock, Paul Gauguin, Francis Bacon, mais aussi Mark Rothko, Claude Monet ou Vincent van Gogh, Salvador Dali, Max Ernest Chagall et Degas. Tous les grands noms des maîtres de l’art sont réunis ici en quelques années.

Cyrus va devenir le chauffeur discret et efficace qui récupère ses toiles inestimables à leur arrivée sur le territoire pour les convoyer jusque dans les sous-sols du musée. Peu à peu, ce monde qu’il ignorait totalement va le séduire et lui apporter bonheur et sérénité. Côtoyer les œuvres des grands maîtres est comme trouver son paradis, entrer dans un Havre de paix inaccessible et intime. Chaque jour dans son carnet à couverture de cuir noir, il prend des notes, écoute, observe, tente de comprendre ce qui le bouleverse autant dans l’art. Mais chaque jour aussi à l’extérieur la révolution gronde.

Bientôt renversé par les mollah, le Chah prend la fuite et l’ayatollah Khomeony quitte son exil français à Neauphle-le-Château pour arriver vainqueur et conquérant en Iran. Pourtant, si la révolution des Iman n’est pas celle voulue par le peuple, il faudra bien courber l’échine, voiler les femmes, respecter les règles strictes.

Et qui dit révolution dit destruction en masse et sans aucun esprit critique de ce qui était. Ici, ce ne sont pas forcément les têtes qui tombent, quoi que le sang coule à flot dans les rues de Téhéran, mais ce sont les symboles qui sont anéantis. En particulier tout ce qui représente l’occident et les États-Unis. Plus de cinéma, de musique, de couple marchant dans les rues en se tentant les mains, plus question de boire un verre ensemble. Plus d’alcool, d’éducation pour les filles, de travail pour les femmes, tout est réduit, contrôlé, interdit.

Cyrus sait bien que la prochaine étape sera la destruction des œuvres inestimables qui peuplent le sous-sol du musée. Toutes ces toiles, ces sculptures, mises à l’abri des regards dès les débuts de la révolution et que plus personne à part lui n’a plus jamais revu. Gardien fidèle et silencieux, droit et incorruptible, il protège le trésor mieux qu’il ne l’aurait fait de la propre vie.

J’ai aimé découvrir les détails de cette incroyable histoire, la vie de Cyrus, sa fidélité sans faille au respect et à la sauvegarde d’un patrimoine universel. Qu’il est bon de savoir que les œuvres ont été sauvées et qu’aujourd’hui encore elles se trouvent pour la plupart dans la cave du musée. Même si elles sont considérées comme impropres à être contemplées par un peuple qui se conforme aux règles strictes d’une religion d’état plus terroriste qu’aimante.

Le roman n’est ni trop fastidieux ni trop léger, les explications sont données mais l’intrigue romanesque est malgré tout présente. Grâce à cela c’est l’assurance d’une lecture agréable et intelligente. Qu’il est rassurant de savoir que plus de quarante ans après le trésor est toujours là. Qu’il est profondément regrettable malgré tout de savoir qu’une grande partie du monde est toujours privée du plaisir de le contempler.

Un roman de la première sélection du Prix Orange du Livre 2023.

Catalogue éditeur : Plon

Printemps 1979, Téhéran. Alors que la Révolution islamique met les rues de la capitale iranienne à feu et à sang, les Mollahs brûlent tout ce qui représente le modèle occidental vanté par Mohammad Reza Pahlavi, le Chah déchu, désormais en exil.
Seul dans les sous-sols du musée d’Art moderne de Téhéran, son gardien Cyrus Farzadi tremble pour ses toiles. Au milieu du chaos, il raconte la splendeur et la décadence de son pays à travers le destin incroyable de son musée, le préféré de Farah Diba, l’Impératrice des arts. Près de 300 tableaux de maîtres avaient permis aux Iraniens de découvrir les chefs d’œuvre impressionnistes de Monet, Gauguin, Toulouse-Lautrec, le pop art d’Andy Warhol et de Roy Lichtenstein, le cubisme de Picasso ou encore l’art abstrait de Jackson Pollock.
Mais que deviendront ces joyaux que les religieux jugent anti islamiques ? Face à l’obscurantisme, Cyrus endosse, à 25 ans à peine, les habits un peu grands de gardien d’un trésor à protéger contre l’ignorance et la morale islamique. 

Stéphanie Perez est née en 1973. Grand reporter pour France Télévisions depuis plus de vingt-cinq ans, chargée de l’international, elle s’est rendue plusieurs fois en Iran et a couvert plusieurs conflits, comme la guerre en Irak et en Syrie, ou récemment en Ukraine. Elle a remporté le Prix Bayeux des lycéens en 2018 et le Laurier du grand reporter en 2020 (Prix Patrick Bourrat). Le gardien de Téhéran est son premier roman.

EAN : 9782259315470 / Nombre de pages : 240 / Format : 140 x 225 mm / 20.00 € / Date de parution : 02/03/2023

Hors cadre, Johann Naldi et Rodolphe Trouilleux

Rien ne prédisposait Johann Naldi à devenir un expert du monde de l’art…


A priori, rien ne prédisposait Johann Naldi à devenir un expert du monde de l’art.
A priori seulement…

S’il a commencé sa carrière en travaillant dans un EHPAD, c’est la rencontre avec le peintre Pierre Saint-Sorny qui a tout déclenché.
L’artiste lui fait découvrir l’art, et lui apprend tout ce qu’il sait des arts picturaux.
Commence alors quelques achats d’œuvres sur eBay, achat, revente, et la spirale s’enclenche puisque le voilà bientôt assez confortable financièrement pour arrêter son ancien métier et se consacrer uniquement à l’art.

Suivront ensuite d’incroyable découvertes, un regard sûr et une passion qui permettent toutes les assurances lors de découvertes auxquelles personne à priori là non plus ne croyait.
Quelle aventure cette baigneuse de Delacroix présentée en salle de vente avec le bon intitulé et qui a laissé les autres experts de marbre et totalement septiques.

Il faut y croire pour les voir sans doute, ces chefs d’œuvres qui dorment dans les greniers.
Avoir la foi et la passion.
La curiosité et l’œil averti jamais blasé.


J’ai rencontré Johann Naldi lors de l’exposition les arts incohérents refont l’Olympia l’an dernier. Et avec cette exposition j’avais donc découvert la folle aventure de ces 17 œuvres iconiques perdues depuis 140 ans qu’il avait retrouvées et qui depuis ont été classées trésor national par le ministère de la culture.

J’ai aimé le découvrir plus avant en lisant ce très beau livre accessible à tous et tout à fait passionnant.

Un livre superbe dans lequel les reproductions prennent toute leur place grâce à un papier de grande qualité qui lui donne toute sa beauté.

Moi qui aimait tant courir les vide greniers depuis tant d’années, je regrette bien qu’ils ne soient plus que des vide placard ou vide coffre à jouets… Il est malgré tout toujours permis de rêver.

Catalogue éditeur : éditions Herscher

Mais comment découvre-t-on des tableaux de grands maîtres ? Où faut-il chercher ? Comment s’assurer de leur authenticité ? Combien peuvent-ils valoir ?
Un beau-livre unique en France, qui s’adresse à tous et entraîne le lecteur dans une fabuleuse chasse au trésor.2

Date de parution : 05/04/2023 / Pages : 304 / EAN : 9782733504581 Prix : 29.00 €

L’archiviste, Alexandra Koszelyk

Je suis attirée par la couleur pure, couleurs de mon enfance, de l’Ukraine, Sonia Delaunay

Alexandra K est une passeuse de mots, d’âmes, d’histoires, celles d’un peuple qui depuis trop longtemps doit plier face à l’envahisseur. Ce peuple qui a été contraint d’abandonner sa langue déjà depuis les années 1930, et donc sa mémoire, son histoire. Ce peuple aujourd’hui encore envahi et meurtri par la puissance soviétique qui rêve de l’anéantir.

K vit avec une montre arrêtée à 19h06, l’heure de l’invasion, de la guerre, de la défaite. Elle s’occupe de sa mère malade à qui elle ne dit rien de la situation en ville et dans le pays. Elle a une sœur jumelle, Mila, partie photographier les combats, dont elle est sans nouvelle.
K est archiviste. Elle a refusé de fuir. Les œuvres d’art, livres, sculptures, tableaux majeurs du pays ont été mis à l’abri dans sa bibliothèque aux sous-sols infinis. Chaque jour elle protège ces richesses, accompagnée d’ombres invisibles et protectrices qui veillent avec elles. Mais c’est sans compter sur la visite de l’homme au chapeau qui doit mener à bien un grand projet de révisionnisme d’état. Il représente l’envahisseur et demande à K d’annihiler les traditions et la culture de son pays en falsifiant et en détournant un certain nombre d’œuvres majeures. K peut-elle se soustraire à ses ordres alors qu’il détient sa sœur jumelle sur qui il a droit de vie ou de mort.

De chapitre en chapitre, l’homme au chapeau lui présente les œuvres ou les artistes sur lesquels elle doit travailler. Et chacun est prétexte à nous parler avec poésie et dans une atmosphère fantastique et envoûtante qui allège les douleurs, de la culture et des traditions de l’Ukraine, ce pays cher au cœur d’Alexandra Koszelyk.

J’y retrouve ce qui constitue un pays, ses traditions, son histoire, sa culture, et découvre ces artistes qui ont agit pour que vive et survive leur art.

Si le tournesol est l’une des fleurs emblématiques de l’Ukraine, ici ce sont les soucis qui fleurissent. Cette fleur orange appelée la chornobryvtsi est plantée partout et prolifère dans les jardins et au bord des routes ;
L’hymne national créé par Mukhailo Verbytsky en souvenir de l’Hematat, premier état ukrainien fondé par les cosaques en 1649, et les coutumes des cosaques ;
Mais aussi Kharkiv et les tentatives de faire taire à jamais les joueurs de bandoura, l’instrument de musique traditionnel de l’Ukraine ;
Les vitraux d’Alla Horska, artiste assassinée comme tant d’autres dans les années 70, et la poésie de Taras Chevchenko ou de Lessia Oukraïnka ;
Les peintures naïves de Maria Primatchenko, dénigrée et rejetée par l’académie mais certaine d’être dans la bonne voie ;
La littérature de Mykola Gogol et son envie de parler de son pays même en exil à Paris ;
L’artiste peintre Sonia Delaunay et ses magnifiques œuvres colorées pour peindre les sentiments les émotions ;

Chacun à sa manière donne sa force à K, lui montre le chemin, ombres bénéfiques qui veillent sur elle et sur la culture et les traditions d’un pays meurtri.

Comment ne pas évoquer enfin les grands événements qui ont marqué le pays. L’Holodomor, la grande famine orchestrée par Staline pour vider l’Ukraine de ses habitants, mais aussi Tchernobyl ou la révolution de Maïdan. Ces événements meurtriers que l’on peut rapprocher de ce que vit l’Ukraine aujourd’hui.

Ce que j’ai aimé ?

Découvrir cette culture que je connais trop peu et bien mal, et j’ai vraiment envie de m’y plonger plus avant pour mieux découvrir les œuvres et les artistes. D’ailleurs, si j’ai mis quelques jours à le lire, c’est surtout par envie de noter des noms, de les chercher sur internet pour commencer à mieux connaître ces artistes. Merci Alexandra K pour ce magnifique roman, l’écriture est vraiment la plus belle façon de prendre les armes. A vous maintenant de lire L’Archiviste ce roman qui nous fait mieux comprendre le pouvoir que détiennent les livres et la culture pour forger une nation.

Catalogue éditeur : Aux forges de Vulcain

K est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur des œuvres d’art. Lors de l’évacuation, elles ont été entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d’un des envahisseurs, qui lui demande d’aider les vainqueurs à détruire ce qu’il reste de son pays : ses tableaux, ses poèmes et ses chansons. Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l’enjeu est l’espoir, espoir d’un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.

18.00 € / 272 pages / ISBN : 978-2-373-05655-6 / Date de parution : 07 Octobre 2022

La valeur des rêves, Marie Lebey

Les œuvres d’art, valeur sûre ou relative ?

Simon Bret, commissaire-priseur s’est perdu un week-end de mai du coté d’Aix-en-Provence. Alors qu’il cherche une station service, ses pérégrinations le conduisent tout à fait par hasard dans le village vacances de La Trâine-les-Pins.

Là, il tombe en arrêt devant le curieux échafaudage métallique sur lequel les vacanciers ont coutume d’accrocher maillots mouillés et serviettes de plage. Mais l’œil averti du marchand d’art lui fait repérer un objet incroyable en ces lieux, cette structure monumentale en acier qu’il attribue immédiatement à Alexandre Calder. Et au centre du stabile, il repère même le monogramme CA que l’artiste avait l’habitude d’inscrire sur ses œuvres.

Dès lors, Simon Bret n’a de cesse de faire authentifier le stabile et son origine, tout comme sa propriété actuelle, afin de le réintégrer le plus rapidement et légalement possible dans le milieu très fermé de l’art. Il lui faut au minimum prouver que le stabile était là depuis au moins trente ans, ou en trouver l’origine.

Pour cela, il engage la jeune et jolie Lucie de Clichy, qui doit mener l’enquête pour lui. Elle part alors à la rencontre des lieux, des personnes, des témoignages de ceux qui ont connu ou côtoyé Calder afin de déterminer si oui ou non il aurait pu fabriquer ce stabile.

Cette enquête est prétexte pour l’autrice pour nous parler de l’artiste et de son œuvre, mais surtout de la folie du marché de l’art, et de la valeur si relative d’une œuvre d’art ou d’un magnifique et dérisoire tas de ferraille. Car avouons-le, s’il n’est pas reconnu comme étant une œuvre d’art, c’est bien à la casse que ce stabile devrait partir, alors que si il s’avère être une œuvre d’art, il va tutoyer les sommets de la gloire et son prix va s’envoler lors d’une prochaine vente aux enchères. Ah, la subtilité et la relativité des œuvres. Forcément on ne peut que penser aux œuvres de Bansky, ou aux NFC et à leur étrange volatilité.

Quelques personnages assez nombreux viennent étoffer le roman, on s’y perd parfois, mais cela ne m’a pas du tout gênée pour apprécier cette lecture. C’est un roman qui se lit aisément, nous entraîne dans une enquête simple mais pas désagréable, avec des personnages décalés et attachants.

Pour aller plus loin :

Le sculpteur américain est connu pour avoir créé un certain nombre de stabiles et de mobiles (le stabile étant une structure immobile quand le mobile est une structure mouvante) en ferraille, qui valent aujourd’hui quelques millions de dollars. Car tout comme les pionniers de la peinture abstraite qu’il fréquentait, il a souhaité faire des œuvres différentes, faire des Mondrian qui bougent pour intégrer des formes radicales dans un espace tridimensionnel.

Catalogue éditeur : Léo Scheer

Comment Moustipic, chef-d’œuvre d’Alexander Calder, a-t-il pu atterrir dans un club de vacances, où il servait d’étendoir pour maillots de bain ? Lucie de Clichy ne comprend rien à l’art contemporain, où même « rien » signifie quelque chose mais, pour Simon Bret, le commissaire-priseur fantasque qui l’a embauchée, elle devra retrouver l’origine de cette sculpture monumentale ; si elle réussit, Moustipic passera du statut de porte-serviettes à celui de stabile – soit une œuvre d’art majeure, susceptible de battre un record en salle des ventes…
Dans ce roman plein de fantaisie et d’érudition, Marie Lebey élabore une véritable enquête peuplée de personnages hauts en couleur, comme le petit monde de l’art sait les agiter, et nous montre l’incroyable destin de Moustipic, simple tas de ferraille ou authentique trésor. N’est-ce pas cela, la valeur des rêves ? Marie Lebey vit à Paris. La Valeur des rêves est son septième roman.

Parution le 1er février 2023 / 176 pages / 18 euros / EAN 9782756114095

L’exposition Charles Camoin, un fauve en liberté, Musée de Montmartre

« En tant que coloriste, j’ai toujours été et suis encore un fauve en liberté »

« Souvent qualifié de fauve méditerranéen, Charles Camoin (1879-1965) s’est inscrit, par ses liens avec Paris et la bohème montmartroise, dans le cercle de l’avant-garde internationale. Affilié au fauvisme, lié à Matisse, Marquet et Manguin, il n’a pour autant jamais renoncé à son indépendance artistique. L’exposition permet de redécouvrir l’œuvre du peintre en intégrant une centaine de tableaux et dessins, dont certains inédits. Elle approfondit différents épisodes historiques et thématiques de la vie de l’artiste et analyse l’évolution de son langage pictural, fondé sur la sensation colorée. »

L’espace organisé par chronologie et par thématiques, paysages, portraits, nu féminin, Saint Tropez ou Maroc, etc, permet de se faire une idée de l’étendue de la créativité de cet artiste. Couleurs éclatantes, scènes d’extérieur digne des meilleurs tableaux impressionnistes, jeux de lumière en particulier celles du sud, ou même l’ombre est une lumière qu’il faut savoir capturer, sont parfaitement maîtrisés. En digne enfant de Marseille, Camoin connaît cette lumière si particulière et excelle à la retranscrire sur ses toiles.

Dans une salle, on peut voir des toiles qui font partie de celles qu’il avait détruites dans son atelier et qui avaient été récupérées, restaurées et vendues sans son autorisation. Le procès qui a suivi, et les retentissement de cette affaire étant en partie à l’origine d’un épisode majeur du droit français, à savoir la la législation sur la propriété intellectuelle.

Dans ce joli musée niché au cœur de Montmartre, qui a été également l’un des ateliers de Charles Camoin, le visiteur découvre aussi les salles consacrés à Suzanne Valadon et Utrillo, en particulier l’atelier et la chambre d’Utrillo.

Après l’exposition, le visiteur poursuit sa découverte par la deuxième partie du musée consacrée à l’histoire de Montmartre, en passant par le jardin Renoir et ses jolis rosiers.

Le jour de ma visite un film se tournait dans les jardins, il était impossible de profiter du café et de se poser là, mais la pluie était aussi de la partie, alors j’ai eu moins de regrets.

Musée de Montmartre – Jardins de Renoir
Adresse : 12 rue Cortot 75018 Paris

Site Internet : https://museedemontmartre.fr/

Looking for Banksy, La légende du street art, Francesco Matteuzzi, Marco Maraggi

à la recherche de l’artiste inconnu

Alors qu’il est en train de réaliser des tags la nuit dans les rues de Londres, un jeune homme est surpris par une jeune femme qui est à la recherche du mystérieux Banksy, cet artiste que nul n’a jamais vu. Elle souhaite faire un reportage sur l’artiste et sa façon de travailler. Mais ils sont tous deux arrêtés par la police et doivent faire un travail d’intérêt général qui pourrait les rapprocher de son but, nettoyer les graffitis sauvages qui dénaturent les murs de la capitale anglaise.

Voilà l’accroche de ce roman graphique dans lequel la rencontre de ces deux jeunes gens est prétexte à expliquer la carrière, ou plutôt les actions, créations, performances de l’artiste inconnu.

Car Banksy est un véritable mystère. Qui, quand, comment, pourquoi, autant d’interrogation restées encore à présent sans réponses. Est-il unique ou protéiforme ? Homme ou femme ? Anglais ou étranger ? Que cherche-t-il à démontrer en réalisant ces œuvres et coups médiatiques ? Se faire connaître ? Choquer, surprendre, réveiller les spectateurs endormis d’un système trop figé ? Ici point de réponse, mais beaucoup de questions et un intéressant tour d’horizon des actions et réalisations de Banksy.

Et après tout, à qui appartient l’art ? À celui qui le réalise, à l’acheteur, au propriétaire des murs sur lequel s’étalent fresques ou dessins ? Quelle est la durée de vie d’une œuvre, quand comme c’est ici le cas elle est réalisée sur un mur d’une ville qu’elle quelle soit ?

Banksy bouleverse l’art et les principes établis, change la donne de la propriété intellectuelle et artistique pour un réveil évident des consciences et du sens de la protection de l’œuvre artistique. Le graphisme particulièrement sombre m’a un peu gênée. Couleurs foncées et papier mat renforcent l’impression que l’on a du besoin d’anonymat de Banksy. Mais après tout c’est aussi le reflet de l’univers de Banksy, la nuit, l’anonymat, l’interdit, la non reconnaissance de l’artiste et du lien indéfectible qui le relie à son œuvre.

Une autre façon d’envisager l’art ? A l’ère des métavers et de la numérisation qui s’invite y compris dans le travail artistique, rien ne nous surprend plus. Alors si vous lisez cet intéressant roman graphique vous ne saurez pas plus qui est Bansky, mais au moins vous aurez pénétré son univers et compris en partie sa philosophie.

Catalogue éditeur : Hugo

Banksy et le street art sont au cœur de l’aventure vécue par deux jeunes gens, un tagueur amateur et une Youtubeuse, arrêtés par la police pour vandalisme. Leur punition : nettoyer les graffitis de Londres. C’est l’occasion pour eux de remonter l’histoire de ce mouvement et de sa plus célèbre incarnation, Banksy, et d’analyser les œuvres les plus marquantes de l’artiste (Girl With Balloon, Love in the Air, Can’t Beat That Feeling, The Kissing Coppers…).

Parution 15/09/2022 / ISBN papier : 9782755699708 / prix :19,95 €

Keith Haring, Le Street art ou la vie, Paolo Parisi

« Quand je serais grand je voudrais être un artiste en France, parce que j’aime bien dessiner »

Keith Haring est né le 4 mai 1958 à Reading, il décède du sida à l’âge de 31 ans le 16 février 1990, de cette terrible maladie alors trop méconnue et si longtemps injustement cataloguée et cantonnée au milieu homosexuel.

Il y a quelques années, la Tour Keith Haring, une grande fresque qu’il avait dessinée à l’hôpital Necker de Paris pour illuminer la vie des enfants malades a été rénovée. Je l’avais découverte à cette occasion. Mais bien sûr qui ne connaît pas ses personnages et surtout son « radiant baby » aussi célèbre que copié. Uniclo a d’ailleurs fait quelques belles reproductions de ses personnages colorés sur des vêtements destinés à tous les âges.

De la même génération que Jean Michel Basquiat, dans la mouvance d’Andy Warhol et des artistes des années 80, qui était réellement Keith Haring et d’où venait il ? Issu d’une famille de Pennsylvanie, frère aîné de trois sœurs, le jeune Keith a eu très tôt la frénésie de dessiner encore et encore, sur tous les supports, à tout moment.

L’ennui étant l’animation la plus répandue dans son village, on comprend vite que l’enfant, puis l’adolescent, a cherché dans l’art un échappatoire et un moyen de développer sa créativité naissante. Avec une seule idée en tête, devenir un artiste. C’est un adolescent qui se cherche et qui va trouver dans la religion, puis dans la drogue, mais surtout dans l’art qu’il explore sous toute ses formes et avec la plus grande diversité de matériaux, un moyen de s’épanouir. Arrivé à New-York en 1978, il développe sa créativité, et prend pleinement conscience de son homosexualité.

Le roman graphique de Paolo Parisi nous explique son parcours, ses rencontres, sa passion pour l’art quels que soient les supports sur lesquels il s’exprime. Métro, fresques géantes, graffitis, toiles, performances, tout est adapté à l’expression, au langage, au message qu’il veut faire passer. Et que celui-ci parle au plus grand nombre possible de spectateurs. Les années noires des nombreux décès du sida sont bien montrées, ce cataclysme qui frappe la jeunesse et les artistes des années 80. Les couleurs flashies à dominante rose, jaune et bleu restituent l’univers à la fois singulier et emblématique de l’œuvre de Keith Haring.

Catalogue éditeur : Hugo et Cie

Le premier roman graphique consacré au petit génie du street art

Paolo Parisi / 15/09/2022 / ISBN papier : 9782755699715 / 19,95 €

Alsace, rêver la province perdue 1871-1914, Musée national Jean-Jacques Henner

A la suite de la guerre de 1870 et du traité de Francfort la France doit céder l’Alsace et une partie de la Lorraine à l’Allemagne. Cela va durer 47 ans. Ces territoires qui sont alors nommés les « Provinces perdues » vont dès lors faire l’objet d’un véritable culte dans le reste du pays.

Jean-Jacques Henner en fera un tableau emblématique « L’Alsace, elle attend » ainsi que de nombreux autres visibles dans le musée.
De l’Alsace pittoresque à l’image des provinces perdues, des alsaciens exilés à Paris au culte populaire et à la revanche, l’exposition fait un tour des productions diverses et variées que les provinces ont inspiré.

On y retrouve Jean-Jacques Henner bien sûr, lui même alsacien, mais aussi Auguste Bartoli et son lion de Belfort ou sa statue « frontière », ainsi que d’autres artistes de l’époque.
Des femmes aux coiffes typiques au nœud bleu ou brodé qui devient noir en signe de deuil, image iconique et mélancolique qui a grandement aidé à diffuser le mythe de la province perdue à reconquérir.

Le panorama offert par le musée nous entraîne dans plusieurs décennies de regrets et de souhait de revanche, mais aussi de création artistique sur ce thème. Sont présentés dans l’exposition peintures, sculptures, objets d’art et du quotidien (j’ai apprécié découvrir les différentes coiffes des alsaciennes), dessins, affiches, estampes…

J’aime beaucoup ce musée situé dans cet hôtel particulier emblématique des maisons d’artistes de la plaine Monceau, qui était la demeure et l’atelier du peintre Guillaume Dubufe (1853-1909). Le musée Jean-Jacques Henner est un peu trop confidentiel à mon goût, il mérite vraiment la visite. Cette exposition est proposée en partenariat avec le musée Alsacien de Strasbourg.

Où : Musée national Jean-Jacques Henner, 43 av de Villiers Paris 17 billets : Plein tarif : 6 €
Quand : jusqu’au 7 février 2022

Artifices, Claire Berest

Le cheval, le loup et le renard, un chassé croisé où l’art se mêle aux souvenirs sous les feux d’Artifices

Qui est Abel Bac, ce flic insomniaque et solitaire qui ne quitte plus son quartier, sauf pour ses déambulations nocturnes à travers les rues de Paris. Au bureau, il a peu d’amis, en dehors de sa collègue Camille. Mais il vient d’être mis à pied suite à une enquête déclenchée par une dénonciation anonyme. Abel est hanté par des cauchemars qui le tourmentent chaque nuit. Il s’occupe avec minutie et amour des dizaines d’orchidées qui peuplent sa vie et son appartement.

Camille, la collègue sans doute un peu amoureuse de ce gentil et beau flic de trente neuf ans. Qui tente comme elle peut de l’aider à retrouver sa place.

Qui est Elsa, la voisine collante qui tente de pénétrer chez lui une nuit d’ivresse. Elsa qu’il croise sans cesse et qui est de plus en plus proche d’Abel. Pourtant, ils ne se connaissent pas et lui ne tient pas à se laisser envahir. Mais elle semble si bien le comprendre.

Qui est Mila, l’artiste mystérieuse aux performances déstabilisantes, souvent controversées et largement commentées. Mila qui ne s’est jamais dévoilée auprès du public ou des médias qui encensent ou critiquent ses œuvres. Mila, une artiste singulière qui voudrait changer de vie, exister mais pas seulement à travers ses œuvres.

Que viennent donc faire ce cheval lusitanien dans la bibliothèque du Centre Pompidou, ces loups qui festoient au musée de la Chasse pour célébrer un 14 juillet aussi pétillant que déjanté, ces installations au musée d’Orsay.

Pour le savoir, il faut découvrir ce roman qui démarre comme un roman policier, avec flics et enquête, et fait rapidement la part belle à l’art contemporain, aux happenings et autres performances artistiques. Assez vite les personnalités sombres et ténébreuses des différents protagonistes s’imposent, et l’intérêt se porte sur la psychologie, le passé, les caractères de chacun d’eux, cherchant à comprendre les traumatismes qui les ont marqués, psychologiques ou familiaux, bien loin finalement de la simple enquête de police. Car chacun détient une partie du puzzle dont les pièces vont peu à peu s’assembler sous le regard du lecteur qui tâtonne, écoute, et comprend pourquoi l’autrice les a rassemblés ici.

J’ai aimé la lecture de Thierry Blanc qui donne le rythme sans jamais surjouer, alternant avec justesse les intonations pour coller aux personnalités de ces femmes fortes et déterminées, fragiles et tourmentées, de ce flic un peu paumé au passé que l’on devine lourd à porter. Un roman qui nous fait pénétrer peu à peu dans les méandres obscurs des pensées des principaux protagonistes. Après Gabriële écrit avec sa sœur Anne, et Rien n’est noir, Claire Berest a l’art de nous surprendre à chaque nouveau roman, pour notre plus grand plaisir.

Catalogue éditeur : Stock, Audiolib

Abel Bac, flic solitaire, évolue dans une atmosphère étrange depuis qu’il a été suspendu. Son identité se dissout entre cauchemars et déambulations nocturnes.
C’est cette errance qu’interrompt Elsa, sa voisine, lorsqu’elle atterrit ivre morte devant sa porte. C’est cette bulle que vient percer Camille, sa collègue, inquiète de son absence. C’est son fragile équilibre que mettent en péril des événements mystérieux qui semblent tous avoir un lien avec Abel.
Pourquoi a-t-il été mis à pied ?
Qui a fait entrer par effraction un cheval à Beaubourg ? Qui dépose des exemplaires du Parisien où figure ce même cheval sur son palier ?
À quel passé tragique ces coïncidences le renvoient-elles ? Pris dans l’œil du cyclone, le policier déchu mène l’enquête.

Collection : La Bleue / Parution : 25/08/2021 / 308 pages / Format : 140 x 216 mm / EAN : 9782234089983 / Prix : 21.50 €

Audiolib : Parution : 08/12/2021/ Durée : 7h10 / lu par Thierry Blanc / EAN 9791035407520 / Prix du format physique 23,45  €

Les cœurs inquiets, Lucie Paye

Un beau roman qui déborde d’amour et d’espoir

Lui, artiste peintre qui excelle dans les paysages sans aucun personnage, a quitté l’île Maurice pour Paris. Son galeriste envisage une nouvelle expo en septembre, mais est-il capable de répondre à cette exigence.
Son inspiration du moment ? Une femme, pas un modèle, pas une amoureuse, pas une voisine, mais une femme surgie des limbes de son imaginaire sans qu’il arrive à comprendre l’urgence qui s’est emparée de lui.

Elle, on le comprend vite, est malade. Elle saisi les moments de sérénité et de lucidité qu’il lui reste pour écrire à l’amour de sa vie qui a disparu depuis si longtemps.
Qui est-il cet homme qu’elle a cherché pendant tant d’années, que veut-elle de lui, et pourquoi a-t-il disparu ?

Lui et elle, vont-ils être deux destins parallèles ou leurs trajectoires vont-elles se croiser un jour ?

Ce que j’ai aimé ?

L’auteur nous propose des tranches de vie qui émeuvent et bouleversent, mais qui en même temps nous procurent un sentiment de sérénité.
Ces lettres qui débordent d’amour, de regrets, mais qui sont tellement positives et généreuses envers celui qui devrait les recevoir. L’amour d’une mère, absolu et définitif.
Les secrets de famille et les silences qui détruisent inexorablement ceux qui les acceptent.
Cet homme qui trouve une inspiration dans une femme inconnue qui le bouleverse sans qu’il en connaisse la raison. La force de amour filial suggérée ainsi.
Cet amour de l’art et de la peinture qu’ils ont en commun, cette façon qu’à l’auteur de distiller la beauté des œuvres et de nous en faire apprécier le beauté et à parfois le sens.

Un premier roman particulièrement réussi que l’on n’arrive pas à lâcher avant la fin.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

«J’ai lutté, pour te retrouver, de toutes mes forces. L’espoir m’a fait vivre. Mille fois je me suis levée convaincue que ce serait aujourd’hui. Mille fois mon cœur a bondi en croyant t’apercevoir. Mille fois je me suis couchée en voulant croire que ce serait demain. Le jour où je te reverrais.»

Un jeune peintre voit apparaître sur ses toiles un visage étrangement familier. Ailleurs, une femme écrit une ultime lettre à son amour perdu. Ils ont en commun l’absence qui hante le quotidien, la compagnie tenace des fantômes du passé. Au fil d’un jeu de miroirs subtil, leurs quêtes vont se rejoindre.
Ce roman parle d’amour inconditionnel et d’exigence de vérité. De sa plume singulière, à la fois vive, limpide et poétique, Lucie Paye nous entraîne dès les premières pages vers une énigme poignante.

Parution : 05-03-2020 / 52 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072847301 / 16,00 €