La discrétion, Faïza Guène

Une famille, deux cultures, un roman universel contemporain

De Faïza Guène, j’avais lu et apprécié Un homme ça ne pleure pas qui évoquait déjà l’émigration algérienne en France. Dans La discrétion, l’écriture a mûri, la légèreté s’est envolée, le lecteur part à la rencontre de Yamina, et de différents membres de sa famille.

Yamina est née en 1949 dans l’Algérie colonisée, dans la province de Msirda Fouaga. Famine, sécheresse, fragilité des récoltes et dureté de la vie sont le lot quotidien de ses parents, dans ce pays soumis aux affres de la guerre. De son enfance, Yamina retient les années d’école, le bonheur d’apprendre, puis la retour à la maison, seule fille de la fratrie elle doit aider la mère et abandonner cartable et cahiers. Ce sera plus tard la fuite vers le Maroc, puis l’exil vers la France avec Brahim, ce mari plus âgé qu’on lui a choisi.

Yamina déborde d’amour pour les siens, vit discrètement, accepte son sort et celui imposé aux émigrés, jamais vraiment acceptés dans ce pays qui pourtant devient aussi le leur, même si la génération d’après née sur le sol français est toujours une génération d’étrangers. Yamina et Brahim ont eu des filles et Omar, le fils chéri. Des années plus tard, Omar est taxi Uber. Pas facile de gagner sa vie, même quand on est issu d’une famille qui a toujours eu du travail, où l’on a toujours mangé à sa faim et que l’on a fait des études.

Le mariage de l’aînée est un échec retentissant et inacceptable pour les parents. Et quand leur plus jeune fille décide de quitter le domicile familial sans être mariée c’est totalement incompréhensible pour ces parents aux traditions encore fortement ancrées, malgré une vie passée en région parisienne.

Le roman alterne les récits de plusieurs époques et différents personnages, montrant ces disparités familiales, ceux qui suivent encore la tradition, ceux qui essaient de s’en libérer, le divorce comme un fléau pour les femmes, mais pas pour les hommes, la place des filles, à la maison, les études, les mariages arrangés, des règles que tous appliquent avec plus ou moins de rigueur, en pensant faire au mieux pour le bonheur de tous. Toujours présent également l’amour des parents pour leurs enfants, et l’amour filial et le respect qui empêchent parfois un enfant de vivre pleinement sa vie. Enfin, ce cruel dilemme des enfants de la deuxième génération qui ne trouvent leur place ni dans le pays d’origine de leurs parents, ni dans leur pays de naissance. Jusqu’à quand ? Combien faudra-t-il de générations avant que chacun accepte l’autre pour ce qu’il est, et arrête de voir uniquement d’où il vient.

L’écriture est précise, sans fioriture, elle décrit sans jugement, sans partis pris, sans rancune. Elle donne l’exacte dimension des sentiments de Yamina, son amour pour ses enfants, leur réussite, les souffrances de l’enfance, les regrets, mais aussi un bonheur simple enfin accessible.

Catalogue éditeur : Plon

« Ses enfants, eux, ils savent qui elle est, et ils exigent que le monde entier le sache aussi »

Yamina est née dans un cri. À Msirda, en Algérie colonisée. À peine adolescente, elle a brandi le drapeau de la Liberté.
Quarante ans plus tard, à Aubervilliers, elle vit dans la discrétion. Pour cette mère, n’est-ce pas une autre façon de résister ?
Mais la colère, même réprimée, se transmet l’air de rien.

Née en 1985, Faïza Guène est romancière et scénariste. Kiffe kiffe demain, traduit en vingt-six langues, la fait connaître à l’âge de dix-neuf ans.
Dans La Discrétion, elle rassemble les fragments d’une histoire intime qui vient bouleverser le roman national.

Parution : 27/08/2020 / EAN : 9782259282444 / Nombre de pages : 256

Carnaval, Hector Mathis

Un roman de l’urgence, sombre et caustique sur l’adolescence et le temps qui passe

Avec Carnaval, Hector Mathis nous plonge immédiatement dans la suite de K.O, ce premier roman qui l’avait révélé en 2018. Le personnage principal, Sitam, verlan ou palindrome quasi parfait du nom de l’auteur, continue ses pérégrinations et porte en lui un sentiment d’urgence qui transparait dans chacun de ses mots.

Il avait fui ses amis et surtout Capucine à la suite de la déroutante découverte de la maladie grave qui le frappait, la sclérose en plaque. Sur le même rythme, soutenu, haché, vif, direct, au style parlé dynamique et exalté, il parcourt à nouveau la route et tente de retrouver cette Capu qui lui manque tant. Mais encore faudrait-il la localiser, et qu’elle veuille encore de lui.

Le chemin pour la retrouver n’a rien d’un fleuve tranquille, d’autant qu’entre temps il apprend le décès d’un de ses inséparables amis d’enfance. C’est alors le retour obligé vers la banlieue grise de l’enfance. Il part avec un de ses amis pour assister aux obsèques. Les souvenirs affluent alors, en vrac, vivants, bruyants, mouvementés, colorés, gais et tristes, qu’importe. Ils sont là pour rappeler ces années où les amis ont été présents, l’avenir était ouvert, la vie s’annonçait belle malgré les bêtises, les incartades, la soif de découvertes, les quatre-cent coups faits par les adolescents d’hier. Aujourd’hui, l’avenir est sombre, la situation triste, et Capu n’apparait toujours pas. Fort de cette quête, il avance sur le difficile chemin de l’acceptation de cette maladie lourdement invalidante et sournoise.

Un roman à l’écriture aussi étonnante que le premier, sombre et caustique, parfois triste, souvent mordant et joyeux. Qui se lit quasi sans respirer, dans l’urgence absolue. Réaliste et pessimiste aussi, mais pourtant au bout du chemin apparait peut-être une lumière.

Roman lu dans le cadre du jury du Prix littéraire de la Vocation 2020

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

Lorsqu’il apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, Sitam quitte tous ceux qui partageaient son existence. Quelques mois plus tard, conscient de son erreur, il cherche à retrouver sa compagne. Mais après de multiples tentatives infructueuses, il se résigne à mener une vie solitaire. Alors qu’il semble abandonner tout espoir, un coup de fil de son vieil ami Benji l’oblige à quitter Paris pour revenir dans sa banlieue natale : la grisâtre. Un des leurs est mort. Il faut l’enterrer.

Ce voyage en banlieue replonge Sitam dans le passé et son enfance. Ils étaient un groupe de copains qui ont grandi entre la déconne, les problèmes d’argent et une soif immodérée d’aventure. Sitam retrouve ses anciens compères, s’aperçoit de l’attraction qu’exerce sur eux la banlieue et de la dureté de l’existence qui s’est imposée à eux.

Parution : 20/08/2020 / Format : 13×19 cm, 224 p., 16,00 € / ISBN 978-2-283-03225-1

Le premier qui tombera, Salomé Berlemont-Gilles

La désillusion du rêve français et la difficulté de l’intégration au pays de la liberté, égalité, fraternité

Hamadi noie sa vie dans l’alcool, prostré sur un brancard, c’est aujourd’hui un ivrogne perdu dans la blancheur de l’hôpital. Sa longue déchéance ne pouvait pas se terminer autrement, mais comment en est-il arrivé là ?

Il est arrivé en France avec ses parents trente ans auparavant. Ce pays porteur d’espoir, de liberté et d’égalité qui accueille, éduque, protège ceux qui souffrent et doivent fuir leur pays.

C’est une famille aisée et confortablement installée dans la vie qui quitte Conakry en Guinée pour fuir le régime de Sékou Touré. Le père Chirurgien, la mère et la fratrie s’installent en région parisienne dans une banlieue hostile. Là, les espoirs s’envolent lorsque le Chirurgien comprend qu’il ne pourra pas exercer son métier, celui pour lequel il était largement reconnu et apprécié dans son pays. Marie, la mère, une belle femme d’origine peule, n’a jamais travaillé. Mais elle trouve rapidement un emploi de caissière, car il faut faire vivre la famille. Le Chirurgien ne parvient pas à trouver d’emploi  et doit accepter de devenir un simple.

Hamadi est l’enfant chéri, le fils préféré de sa mère, bon élève au pays, il est celui qui doit montrer l’exemple et protéger les frères et sœurs. La tâche est lourde de sens, le poids trop grand pour ses épaules. A l’école, après des débuts prometteurs, c’est avec une bande de voyous qu’il s’accoquine pour se faire accepter du quartier, pour enfin s’autoriser à vivre. Devenu à son tour membre de la Fraternité, petit voyou comme eux, ils entre rapidement dans la spirale de la délinquance. Et quitte l’école pour des emplois plus généreux et plus faciles. Si les frères ont beaucoup de mal à s’intégrer, les filles et la mère portent une fois encore sur leurs épaules l’unité et l’espoir de la famille.

Hamadi, que l’on suit à trois étapes importantes de sa vie, est un personnage attachant, aussi fort et toujours prêt à se relever que faible et émouvant. La dimension de la famille, l’attachement à la fratrie, la difficulté d’être et de s’insérer, et de magnifiques descriptions de ces vies compliquées dans des banlieues parfois sordides rendent ces personnages terriblement humains.

L’écriture est dense et précise, faite de détails et de descriptions qui ne sont pourtant jamais de trop. Ce roman social sur l’exil, la banlieue, la jeunesse est d’une puissance incroyable. Il est à la fois émouvant, prenant, réaliste et dur. L’autrice explore avec intelligence et acuité la difficulté qu’il y a à se faire accepter pour les réfugiés ou migrants dans notre société souvent hostile face à ces inconnus qui perdent rapidement leurs illusions sur l’accueil et le rêve français. Un roman de vie, qui parle d’hommes et de femmes que l’on pourrait côtoyer chaque jour sans même les voir ni s’en rendre compte, qui ouvre les yeux et donne à réfléchir. Une réussite pour un premier roman que je n’ai pas lâché jusqu’à la dernière page.

Roman lu dans le cadre du jury du Prix littéraire de la Vocation 2020

Catalogue éditeur : Gasset

Lorsqu’il quitte Conakry avec sa famille pour fuir Sékou Touré, Hamadi a 11 ans, des parents qui s’aiment, un père respecté qu’on appelle Le Chirurgien, une mère douce et belle de qui il est le préféré, trois frères et sœurs dont il se sent déjà responsable. 40 ans plus tard, c’est un homme rompu qui hurle sur un brancard dans un hôpital parisien, ivre pour la énième fois. Ce jour-là, ses frères et sœurs, ceux venus d’Afrique et les deux nés Français, décident de le faire interner. Hamadi n’est plus l’aîné, fierté de la lignée, mais sa honte. Que s’est-il passé  entre-temps ?

Dans ce puissant premier roman, Salomé Berlemont-Gilles retrace les cinquante premières années d’un petit garçon tendre et fort qui se cognera vite aux murs de notre société pour découvrir le mensonge des mots inscrits au frontispice des bâtiments de notre République. C’est l’histoire d’un homme qui tombe, comme des milliers d’autres aujourd’hui. Mais c’est aussi celle des personnages qui, autour de lui, se battent pour le sauver et s’en sortir eux-mêmes, et parfois réussissent. Avec une poésie et une force foudroyantes, cette jeune auteur de seulement 26 ans signe son entrée en littérature.

Parution : 29 Janvier 2020 / Format : 141 x 206 mm / Pages : 288 / EAN : 9782246814382 prix 19.00€ / EAN numérique : 9782246814399 prix 13.99€

Ma part de gaulois, Magyd Cherfi

Une lecture réjouissante et grave

Dans la cité nord de Toulouse, dans les années 80, il ne fait pas bon vouloir lire des romans pour une fille, avoir des rêves de diplôme pour un garçon, et pourtant, avec opiniâtreté on y arrive doucement et sûrement.

C’est là que le jeune Magyd va au lycée pour passer son bac. Là qu’il va le réussir, contre toute attente. Et Magyd sera le premier lauréat de sa cité à posséder ce sésame. Diplôme en poche, il s’embarquera non pas pour des études de droit ou pour devenir ingénieur, comme l’auraient rêvé ses parents, mais bien pour faire de la musique, puisqu’il a également remporté avec son copain un concours qui sera déterminant pour sa carrière.

Mais tout l’intérêt de ce livre tient davantage dans le ton, les situations, les moments de vie de Magyd et sa bande de copains de la cité. Quand le jeune Magyd prend un livre, il se fait toujours traiter de pédale par les autres gamins, quand une fille prend un livre, elle se fait tabasser par père et frère, car une femme doit rester humble, soumise, à la maison, pas besoin de se polluer la tête avec des romans à l’eau de rose ou des choses top intellectuelles. Bien sûr, impossible de porter plainte, car c’est la honte pour elle, pour la famille, reflet de la condition des femmes et des filles de toute une époque.

Alors il y a la mère, qui veut le succès de son fil, le père, les copains, les filles et les française, ce ne sont pas les mêmes bien sûr, car celles de la cité, on n’y touche pas. Il y a aussi la violence faite aux femmes, éternellement présente, évidement cachée, jamais dénoncée, même si ces jeunes là en sont le plus souvent témoins. Il y a les bagarres, les ruptures avec ceux qui ne comprennent pas l’envie de lire, que l’on ose cette trahison qui est d’apprendre, de vouloir maîtriser la langue de Flaubert.

L’écriture est superbe, taillée à la serpe dans les expressions de cette banlieue à la fois déroutante et attachante. Les mots sont justes, posés sur les sentiments, les événements, les situations cocasses ou dramatiques. Et surtout, il y a ce double niveau de langage que l’on retrouve tout au long du texte – et ici avec encore plus d’acuité car dit avec le bel accent de Toulouse par l’auteur-, celui des bandes de la cité, vulgaire, simple, éventuellement étant un mot bien trop compliqué pour être employé, et puis le bonheur que l’on sent à manier la langue, la belle, celle de Brassens ou des auteurs classiques, celle qui rend heureux celui qui l’emploie pour écrire ou pour déclamer.

De ce roman en grande partie autobiographique, dit par Magyd Cherfi, je retiens surtout une ambiance qui exhale dans toutes ces phrases, qui laisse entrevoir à la fois révolte et acceptation de ce qui est et que l’on ne peut changer, nostalgie de cette période malgré ses difficultés, et tout au long, cette pugnacité qui l’a mené au bout de ses rêves, sans jamais abandonner les copains, la famille, et toujours présente, la cité.
Celui qui nous avait fait « Tomber la chemise », puisque parolier et chanteur du groupe Zebda, est ici poète des mots et artisan de son enfance, de son adolescence, de sa vie future. Cette vie qu’il réussira à construire en trouvant avec sa part de Gaulois, sa véritable identité, lui qui possède une double culture, originaire d’Algérie et cependant tout à fait français.

Catalogue éditeur : Audiolib

Printemps 1980, l’avènement de Mitterrand est proche. Pour Magyd – lycéen beur d’une cité de Toulouse – c’est le bac. Il sera le premier lauréat de sa cité, après un long chemin parcouru entre la pression de sa mère et les vannes des copains. Ce récit intime, unique et singulier, éclaire la question de l’intégration et les raisons de certains renoncements. 
Avec gravité et autodérision, Ma part de Gaulois raconte les chantiers permanents de l’identité et les impasses de la république. Souvenir vif et brûlant d’une réalité qui persiste, boite, bégaie, incarné par une voix unique, énergie et lucidité intactes. Mix solaire de rage et de jubilation, Magyd Cherfi est ce produit made in France authentique et hors normes : nos quatre vérités à lui tout seul ! 

Date de parution : 19 Avril 2017 / Durée : 6h14 / Éditeur d’origine : Actes Sud / Date de parution : 17/08/2016 / EAN : 9782330066529

K.O. Hector Mathis

K.O. ou chaos ? Et si c’était la question que pose finalement ce premier roman d’Hector Mathis…

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Par un soir étrange, dans la cabane du garde-chasse en bordure d’un château tout au fond de la forêt, au son d’un saxo joué ou imaginé par le vieux Archibald, qui tousse et écoute, écoute et tousse, le lecteur emboite le pas de Sitam. Le narrateur est un jeune homme amateur de jazz, poète à ses heures – un double romancé de l’auteur peut-être ? – tout comme Sitam pourrait être un double imparfait et inversé de Mathis ?

Avant cette cabane, avant cette rencontre, il y a eu Paris, un logement prêté, une vie de bohème. Sitam et sa môme Capu,  fauchés comme les blés, s’aiment en musique en savourant chaque seconde. Puis survient le chaos, les coups de feu, les attentats, les bombes et la ville qui bientôt  pourrait se refermer sur eux. Ils partent, vite, loin, vers Grisaille, l’ancienne ville de Sitam…

Cette fuite sonne le début de leur longue marche à travers la campagne vers la zone, la banlieue, puis l’autre ville. Rejoints par Benji, amoureux fou d’une aubergiste folle, la vie passe loin du vacarme. Jusqu’au jour où… Là ce sera non pas seulement la banlieue, mais Amsterdam, une autre ville, une autre langue, un autre pays.

Au même moment, Sitam ressent d’étranges douleurs. Examens, hôpital, personnel soignant débordé, la maladie est là, sournoise, qui va le détruire peu à peu. Une fois de plus, il quitte tout.

Dans le rythme et le style du personnage principal, il y a un soupçon de la course effrénée du voyageur au bout de la nuit… Dans cette fuite, dans la maladie, la folie, la pauvreté, mais aussi la solidarité des va-nu-pieds, l’amitié, la poésie parfois. C’est écrit dans un style étonnant, mais qui m’a rapidement lassée, surtout dans la relation avec Archibald. Car cette écriture m’a comment dire, fatiguée. Il m’a manqué quelque chose, un je ne sais qui qui m’aurait rendu attachants ces différents personnages. Là je les ai à peine survolés, sans pouvoir réellement ni les entendre, ni les comprendre, ni les aimer ou les haïr d’ailleurs.

Dans ce texte il y a la musicalité des mots, l’écriture et la poésie, c’est rythmé et ça balance parfois comme la vie, bercé par l’éphémère et le provisoire. Même s’il m’a manqué un je ne sais quoi, peut-être parce que ce rythme m’a rappelé d’autres auteurs et surtout m’a embarquée dans trop de situations, un bon souvenir de lecture.

Roman lu également dans le cadre de ma participation au jury du prix littéraire de la Vocation 2019.


Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

Sitam, jeune homme fou de jazz et de littérature, tombe amoureux de la môme Capu. Elle a un toit temporaire, prêté par un ami d’ami. Lui est fauché comme les blés. Ils vivent quelques premiers jours merveilleux mais un soir, sirènes, explosions, coups de feu, policiers et militaires envahissent la capitale. La ville devient terrifiante…

Bouleversés, Sitam et Capu décident de déguerpir et montent in extremis dans le dernier train de nuit en partance. Direction la zone – « la grisâtre », le pays natal de Sitam. C’est le début de leur odyssée. Ensemble ils vont traverser la banlieue, l’Europe et la précarité…

Nerveux, incisif, musical, K.O. est un incroyable voyage au bout de la nuit. Ce premier roman, né d’un sentiment d’urgence radical, traite de thèmes tels que la poésie, la maladie, la mort, l’amitié et l’errance. Il s’y côtoie garçons de café, musiciens sans abris et imprimeurs oulipiens. Splendide et fantastique, enfin, y règne le chaos.

Date de parution : 16/08/2018 / Format : 11,5 x 19,0 cm / 208 p. / 15,00 € / ISBN 978-2-283-03148-3

Une saison en enfance. Joseph Incardona

Chronique d’une enfance compliquée. Avec « Une saison en enfance », Joseph Incardona raconte l’enfant devenu l’homme qu’il est aujourd’hui, dans un roman aussi émouvant que percutant.

Domi_C_Lire_une_saison_en_enfance_joseph_incardona_permis_cOn le sait, les enfants sont souvent très durs avec leurs semblables, dans la cour de récréation, dans les rues, aucun faux pas n’est permis tant les coups donnés peuvent être rudes. C’est le difficile apprentissage de l’enfance, cette période qui nous porte à grandir et devenir celui ou celle que l’on sera plus tard.
Il est bien difficile d’être le rital, d’être si différent  né dans une famille atypique, avec un père sicilien en sursit  puisque tributaire d’un permis de séjour temporaire, et une mère originaire de suisse. Entre les conflits du couple, leurs problèmes d’argent et leurs habitudes de ritals émigrés, la vie n’est décidément pas facile.

A la fin des années 70, après de multiples déménagements,  quand André Pastrella arrive à Genève, il a tout juste 12 ans. C’est l’âge des cours d’école, des copains, des amitiés rares, des découvertes, de l’éveil aux émois des corps et du cœur, mais c’est aussi l’âge des coups de pieds, des insultes, des bagarres, de s’affirmer face et contre les autres, ceux qui vous méprisent, ceux que l’on admire, ceux qui vous en imposent à coups de poings mais pas par leur charisme, même s’ils sont les bêtes noires tant de l’école que du quartier.
L’enfance, c’est aussi pour le jeune André les vacances en Sicile, avec la famille réunie, les trajets en voiture, les descentes au village avec le grand-père Armando, la solitude et la liberté d’aller où on veut, de manger à pas d’heure, les troubles de l’enfance et des jolies filles qui émeuvent…

Je vivais ici l’expérience d’un temps qui m‘était propre.
Je n’étais qu’un enfant, mais j’étais libre. 

Cette saison en enfance, c’est donc l’âge des amitiés, rares mais intenses avec Akizumi le japonais ou avec Étienne le québécois, c’est l’âge des amours naissantes, des passions d’enfant, des vengeances aussi. Et lorsque le drame arrive, puissant, dévastateur, il est temps sans doute de mettre fin à l’enfance pour passer à l’âge d’homme.
Je ne connaissais pas Joseph Incardona avant ce roman que j’ai lu avec autant de plaisir que de compassion et d’empathie pour l’enfant qui grandit, qui s’affirme, solitaire, oublié, puissant. J’ai aimé tant la nostalgie et la douceur que la violence de cette jeunesse qui se cherche. Mais aussi la maitrise de l’écriture et l’art de faire passer aux lecteurs tous les sentiments ambigus et les bouleversements parfois tragiques de l’enfance. Une belle découverte.

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Pocket

André Pastrella, petit Rital de 13 ans, atterrit dans une banlieue de Genève à la fin des années 1970. Une nouvelle école, une maîtresse pas des plus tendres et des copains de classe se révélant de vraies peaux de vache. Une initiation au métier de vivre, celle des coups à…

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L’auteur  : Joseph Incardona est né en 1969, de père sicilien et de mère suisse. Écrivain, scénariste et réalisateur, il est l’auteur d’une quinzaine de livres. Personnalité atypique et auteur prolifique, ses références sont issues à la fois de cette culture de l’immigration ainsi que du roman noir et de la littérature nord-américaine du XXe siècle. Malgré la gravité des thèmes qu’il a pour habitude de traiter avec un style très noir et rythmé, on trouve aussi dans ses œuvres un ton décalé souvent associé à une forme de pudeur. Il remporte en 2011 le Grand prix du roman noir français avec Lonely Betty et en 2015 le Grand prix de littérature policière du meilleur roman en français pour Derrière les panneaux il y a des hommes, tous deux parus aux Éditions Finitude. (source Pocket)

EAN : 9782266278256 / Nombre de pages : 256 / Format : 108 x 177 mm

 

Un homme ça ne pleure pas. Faïza Guène

Dans « Un homme ça ne pleure pas » le roman Faïza Guène, tradition et modernité cohabitent dans cette famille qui nous transporte sur les bords de la méditerranée, pour notre plus grand bonheur de lecteur.

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A Nice, où il vit avec ses parents, Mourad Chennoun apprend la vie et découvre le monde dans une famille algérienne aux parents qui confinent à la caricature, mais tellement attachants qu’on a envie de les connaître. Son père est cordonnier. Bien qu’il ne sache ni lire ni écrire il s’intéresse à la vie, aux nouvelles du pays, demandant à son fils de lui faire la lecture avec « l’accent d’un journaliste », lui qui porte au revers de sa poche de chemise des stylos Bic avec capuchon, pour faire sérieux, comme il l’a vu faire par son médecin. Et  surtout il est celui qui dit à son fils qu’« un homme ça ne pleure pas » ! Sa mère déborde d’amour pour ses enfants. Elle est envahissante, aucune fille ne sera assez bien pour son fils, il n’y a aucun avenir pour ses filles en dehors d’un bon mariage, aucun petit plat n’est mieux fait que par ses soins, elle qui est capable de remplir la valise de son fils de nourriture, même lorsqu’il partira pour Paris. Ses sœurs, Dounia, rebelle, elle a soif de liberté, de s’instruire, et de pouvoir décider de sa vie sans rentrer dans le cadre que lui a dessiné sa mère, mari, enfants, cuisine. Ses conflits avec les parents lui feront quitter définitivement le domicile. Sans espoir de retour. Enfin il y a Mina, la plus jeune sœur, celle qui reste près des parents, femme au foyer, mère raisonnable, proche de sa mère tyrannique et aimante.

Mourad a soif de vivre, même si l’idée de se retrouver loin est terriblement stressante. Ses études lui permettent de partir sans que la rupture soit définitive, bien au contraire puisqu’il est l’homme de la famille, celui qui porte tous les espoirs. Il va alors découvrir la liberté en même temps que la tyrannie de sa mère, qui menace de mourir s’il ne lui téléphone pas chaque jour. Ah, ces parents envahissants qui ne comprennent pas que leur enfants sont étouffés par ces débordements d’amour, que d’ailleurs ils ne seront ni capables ni enclins à rendre, alors que bien souvent les parents attendent tellement en retour.

C’est pour Mourad la découverte de la vie à Paris, des écoles en zone difficile, des relations parents profs ou entre collègues, des retrouvailles inattendues avec un cousin éloigné qui s’en sort plutôt bien. C’est un nouveau monde qui s’ouvre, et Mourad n’a plus vraiment envie de revenir. Mais quand le padre tombe malade, tous les murs infranchissables qui avaient été élevés pour renier Doumia vont tomber. Mourad sera là pour la famille, celle qui envahi, celle qui aime, celle qui protège, celle qui pardonne. Les personnages sont presque tous caricaturaux, mais pourtant tous terriblement attachants !

J’ai vraiment aimé ce roman, rempli d’humour, de tendresse bourrue, de clichés aussi sans doute, mais tellement  fin, agréable à lire, débordant d’optimiste même lorsqu’il aborde la maladie. C’est un régal de lecture à savourer intensément.

Catalogue éditeur : Fayard

Né à Nice de parents algériens, Mourad voudrait se forger un destin.
Son pire cauchemar : devenir un vieux garçon obèse aux cheveux poivre et sel, nourri par sa mère à base d’huile de friture. Pour éviter d’en arriver là, il lui faudra se défaire d’un héritage familial pesant.
Mais est-ce vraiment dans la rupture qu’on devient pleinement soi-même ?
Dès son premier roman (Kiffe kiffe demain, Hachette littératures, 2004), Faïza Guène s’est imposée comme une des voix les plus originales de la littérature française contemporaine.

EAN : 9782213655147 / Littérature française / Parution : 03/01/2014 / 320 pages / Format : 135 x 215 mm

Baby spot. Isabel Alba

Baby Spot, d’Isabel Alba, traduit par Michelle Ortuno, un livre très court mais percutant qui bouscule nos certitudes.

Dans une banlieue tout à fait sordide de Madrid, en bordure d’un périphérique, frontière entre deux mondes, il y a ceux qui réussissent et les autres. Les jeunes trainent leurs guêtres dans les ruines d’un quartier jamais terminé par l’entreprise de construction, quand les appartements eux ont été vendus depuis longtemps. Témoins de la vie sordide des petits voyous et des trafics en tout genre, des violences sur les femmes, elles qui disent toujours non et se débattent même quand elles sont d’accord comme chacun le sait bien, des coups portés à la mère quand elle veut s’exprimer, du père qui traine au café, ivre, du matin au soir car il est au chômage. Les enfants trainent, et Lucas est un peu leur souffre-douleur, il les accompagne partout, mais il est bien plus sage, car lui, c’est sur, sa mère l’aime vraiment et s’en occupe comme elle peut.

Et Tom raconte, raconte dans une logorrhée sans fin, sans trop de points ni de virgules tant le récit presse et veut sortir, ce qu’il a vu ce jour d’août, le jour où Lucas est mort dans le chantier, le jour où le flic pourri a arrêté le caïd du quartier, Le Zurdo, le frère de Martin, celui que jusqu’alors Tom admirait tant. Le jour où tout a basculé, comme ça, pour rien, comme dans un film, parce qu’on ne sait pas « pourquoi » finalement tout bascule.

Et les mots sortent, en langage parlé, qui disent la vie au jour le jour, les pères sans emploi, les femmes abandonnées quand elles tombent enceintes, les violences faites aux femmes et le porno à la télé ou dans la chambre des parents à la cloison si fine qu’on entend tout. Qui disent aussi la tyrannie entre gamins, les petits caïds en prison, et l’innocence d’un gamin de 12 ans qui aime tant sa petit sœur Diana et sombre en même temps dans une cruauté et une violence indicibles. Quel roman étonnant, bouleversant, cru parfois, mêlant cruauté et enfance, de cette enfance qui sur le fil du rasoir ne sait pas encore de quel côté elle va tomber, le bon ou le mauvais ? Voilà un livre d’à peine 90 pages qui se lit d’une traite et qui vous laisse un peu pantois, sonné.

Traduit de l’espagnol par Michelle Ortuno

#rl2016


Catalogue éditeur : La Contre Allée

Baby spot Isabel Alba, Michelle Ortuno (traductrice)

« Avec les films c’ est plus facile, parce que quand les images t’ envahissent et que t’ arrives pas à les effacer, tu peux te consoler en te disant que, comme dans les cauchemars, tout est faux, que rien de ce que tu vois dans ta tête n’ est vrai et que bientôt tout va disparaître pour toujours. Mais ce qui est arrivé au Zurdo, et aussi à Lucas, je sais que c’est arrivé pour de vrai, voilà pourquoi ça ne sort jamais complètement de ma tête. C’est pour ça que je veux écrire, pour voir si j’arrive à faire sortir toute cette histoire et à la laisser pour toujours sur le papier. »

Tomás, un garçon de douze ans, vit dans une banlieue de Madrid. Un soir d’août, son ami Lucas est retrouvé pendu à une poutre, sur un chantier abandonné.
Tomás se met alors à écrire. Son récit prend l’apparence d’un roman noir.

« Je m’appelle Tomás, j’ai douze ans et je ne sais pas qui est mon père. Mais après tout, c’est banal dans la vie d’un gamin, et d’ailleurs je crois que ça n’intéresse personne, même pas moi, et puis j’en ai vraiment marre de toujours entendre la même histoire. » 

Collection La sentinelle / ISBN 9782917817520 / Format 13,5 x 19cm / Nombre de pages 96 / Date de parution 25/08/2016 / Prix 13, 00€

Code 93, Olivier Norek

Découvrir les aventures sombres du capitaine Coste, héros malgré lui des polars d’un auteur qui connaît bien le métier

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Salon du Polar de Montigny-Lès-Cormeilles, Olivier Norek

C’est le premier opus des aventures du capitaine de police Victor Coste, dans ce département tristement célèbre de banlieue parisienne qu’est le 93. Car la vie n’y est pas toujours très tranquille c’est le moins qu’on puisse dire !

Tout démarre sur les chapeaux de roues, avec un cadavre que l’on transporte à l’IML, cadavre déjà un peu « découpé » et qui se réveille pendant l’autopsie. Diantre, ça démarre fort, et nous voilà aussitôt immergés dans des scènes de crimes aux relents mystiques, surréalistes, vaudou, ou même qui sait perpétrés par des vampires, le tout macabrement mis en scène, là où tout semble possible. Tout est bon pour perdre le lecteur et surtout le Capitaine Coste et son équipe dans ces ruelles sombres et ces immeubles délabrés où la criminalité prospère aussi vite que les macs ou les pauvres droguées plutôt paumées. Une intrigue qui commence à fond, qui parait incompréhensible au premier abord, mais où les pièces de puzzle s’imbriquent peu à peu, où les relations interférent avec d’autres histoires plus anciennes, avec des combines politiciennes bien trop louches pour être honnêtes, avec des familles d’un autre monde, celui des riches inatteignables et semble-t-il hors de compréhension pour le reste des humains, avec une morte que l’on ne reconnait pas mais qui pourrait bien être le fil conducteur de cette sombre histoire.

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L’auteur a la très bonne idée de nous perdre dans des intrigues croisées, avec un flic décalé peu classique mais qui a un sens de la déduction et une intuition quasi infaillible et reconnus par ses hommes. Enfin, hommes et femme bien sûr, puisque une nouvelle venue à priori pas du tout la bienvenue va tenter de s’intégrer dans l’équipe. Ce qui permet à Olivier Norek de nous situer dans les différents services de police, de rentrer dans le quotidien d’une équipe d’enquêteurs, mais surtout de décrire les problèmes des policiers, d’évoquer les états d’âme, les difficultés personnelles et professionnelles, de parler de la vraie vie finalement.

Olivier Norek sait rendre ses personnages crédibles et attachants, le rythme est soutenu mais les chapitres courts permettent de suivre et donnent envie de tourner les pages. Même si vers le milieu du roman le lecteur s’interroge et si l’attention semble prête à se relâcher, l’intérêt est très vite suscité par le changement de point de vue, ce n’est plus l’enquêteur qui parle, on passe du côté obscur et là, bien sûr, on veut comprendre ! Allez-y ! C’est noir, c’est parfois violent et dur, mais c’est efficace, aie, dire qu’il parait que c’est basé sur une certaine réalité ! Comme quoi, la vérité est parfois plus fertile et bien plus sordide que l’imagination des écrivains.

Catalogue éditeur : Michel Lafon, Pocket

Victor Coste est capitaine de police au groupe crime du SDPJ 93. Depuis quinze ans, il a choisi de travailler en banlieue et de naviguer au cœur de la violence banalisée et des crimes gratuits.
Une série de découvertes étranges – un cadavre qui refuse de mourir, un toxico victime d’auto combustion – l’incite à penser que son enquête, cette fois-ci, va dépasser le cadre des affaires habituelles du 9-3.
Et les lettres anonymes qui lui sont adressées personnellement vont le guider vers des sphères autrement plus dangereuses…
Écrit par un «vrai flic», Code 93 se singularise par une authenticité qui doit tout à l’expérience de son auteur. Mais il témoigne aussi d’une belle maîtrise des sentiments et relève un véritable défi en matière de suspense, dans un environnement proche et pourtant méconnu. Cette plongée inattendue dans un monde de manipulations criminelles au sein des milieux de la politique et de la finance nous laisse médusés.

Parution : 18/04/13 / Prix : 18.95 € / ISBN : 9782749917788 / Pages : 304