Femmes en colère, Mathieu Menegaux

Suivre le procès d’une femme violée qui s’est fait justice elle-même, un sujet sensible et actuel

Alors qu’elle vient de passer trois ans en détention provisoire dans la prison des femmes de Rennes, Mathilde Collignon attend enfin les délibérations de son procès. Mais qui est victime dans ce fait divers violent et barbare, elle, Mathilde, forcée et violée par deux hommes qui n’ont a aucun moment voulu entendre ces « Non » qu’elle a crié, hurlé, murmuré, supplié ? Ou bien eux, ces hommes sur lesquels elle s’est vengée, pensant à tord ou à raison que la justice ne pourrait jamais entendre sa plainte.

Après la longue confrontation avec les parties civiles, la mise en cause, les juges, les jurés, et une fois le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats terminés, la parole est aux jurés. Ceux-ci se retirent pour voter en leur âme et conscience afin que soit appliqué le droit qui protège chaque citoyen. L’attente est stressante, douloureuse. Mathieu Menegaux transforme son lecteur en une petite souris qui se faufile à tour de rôle dans la salle où Mathilde Collignon attend qu’on l’appelle pour le verdict et où elle écrit sur un carnet ce qu’elle ressent, écrire pour survivre, transmettre, témoigner, dire. Puis dans la salle dans laquelle le jury s’est réuni pour délibérer à huis clos, trois professionnels de la Justice, et six français tirés au sort sur les listes électorales pour remplir leur devoir de citoyens. Ah, les délibérations du jury, qui n’a pas un jour craint ou espéré en faire partie.

Mais qui est cette femme qui a osé se venger, une barbare, une folle qui a perdu la raison, une femme qu’il faut interner pour protéger la société ? À mesure que le lecteur avance dans ces deux différentes salles du tribunal, le mystère se lève sur ce qu’il s’est passé trois ans auparavant.

Quand la victime se fait justice et devient à son tour coupable.

Sur les victimes, mais faut-il parler de victimes ou faut-il préférer à ce terme celui de parties civiles, d’agresseurs agressés. Il est difficile de mettre des mots sans prendre partie. Sur la coupable, barbare, agressée, violée, malmenée par deux hommes en toute impunité. Parce que les hommes se croient souvent tout permis. Parce que la voix des femmes est rarement entendue. Parce qu’elle a bien voulu aller les retrouver après tout, c’est bien de sa faute n’est-ce pas, elle qui avoue sans scrupule que oui, elle aime ça et oui, elle trouve quelques coups d’un soir sur Tinder ? Et pourquoi ce qui est accepté d’un homme ne l’est-il jamais quand c’est une femme qui l’exprime, pourquoi la liberté sexuelle ne pourrait-elle pas être assumée aussi par une femme ?

À l’heure des #metoo et autres révélations sur les réseaux sociaux, à l’heure où les violences faites aux femmes sont en augmentation, où le viol n’est toujours pas dénoncé par la majorité des femmes qui en sont victimes, le message de Mathieu Menegaux se veut clair. Entendons, écoutons la parole des femmes tant qu’il est encore temps et surtout avant que justice ne soit rendue par le citoyen lui-même.

Un roman sur un sujet sensible et actuel, peut-être pas assez fouillé à mon goût au niveau des personnages et de leur personnalité, et parfois un peu trop manichéen, mais qui cependant se lit d’une traite. J’ai aimé que l’auteur prenne pour victime cette femme atypique qui assume ses goûts, ses choix de vie, ses envies. Et surtout, l’auteur nous embarque au cœur des procédures parfois absconses de la justice, où il convient de juger le droit, la régularité des faits et non la personnalité des ceux qui en sont victimes ou coupables, sans affect ni sentiments, et cela paraît de fait bien difficile. Pour ceux qu’un procès intéresse, il faut savoir qu’il est possible d’assister aux audiences de ceux qui ne sont pas menés à huis-clos, et cela peut s’avérer terriblement instructif.

Du même auteur, on ne manquera pas de lire également Est-ce ainsi que les hommes jugent ou Disparaître.

Catalogue éditeur : Grasset

Cour d’assises de Rennes, juin 2020, fin des débats  : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Elle est accusée d’un crime barbare, qu’elle a avoué, et pourtant c’est elle qui réclame justice. Dans cette affaire de vengeance, médiatisée à outrance, trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher  : avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau  ?
Neuf hommes et femmes en colère doivent choisir entre punition et pardon.
Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel.

Parution : 3 Mars 2021 / Format : 133 x 205 mm / Pages : 198 / EAN : 9782246826866 prix : 18.00€ / EAN numérique: 9782246826873 Prix : 12.99€

La dernière nuit du Raïs. Yasmina Khadra.

Entrer dans la tête d’un tyran, exercice difficile, mais avec « La dernière nuit du Raïs », Yasmina Khadra nous embarque dans les pensées complexes de Kadhafi lors de la chute du dictateur Libyen.

khadra brive
Yasmina Khadra à la Foire du Livre de Brive © DCL DS 2015

Comme toujours avec les romans de Yasmina Khadra, j’ai eu du mal à lâcher « la nuit du Raïs » que j’ai lu d’une traite, alors que j’étais à demi réfractaire au sujet. Mais inconditionnelle de l’auteur, je ne pouvais pas le laisser passer.
Dès le début, le ton est donné puisque l’auteur s’exprime à la première personne. On s’engouffre alors au plus complexe et au plus sombre des pensées de Mouammar Kadhafi, pendant cette nuit du 19 au 20 octobre 2011, alors qu’il s’est réfugié avec sa garde rapprochée dans une école à l’abandon de la ville de Syrte, et que son pays est à feu et à sang. Difficile d’imaginer les idées de ce chef d’état, le frère guide de son peuple, ce mégalo qui a su à la fois rassembler un pays fait de tribus disparates et qui s’affrontaient sans relâche, et dictateur sanguinaire prêt à anéantir tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin.

Issu du clan de Ghous,  Bédouin né de père inconnu dans la tribu des Kadhafa, Mouammar Kadhafi a régné en maître sur la Lybie pendant plus de quarante ans. En 1969, alors qu’il est encore très jeune, il renverse le pouvoir en place, arrive rapidement au plus haut niveau de l’état, et prend sa revanche sur une enfance qui l’a laissé amer et assoiffé de vengeance et de reconnaissance. Imposant ses idées au monde, reçu par les grands de ce monde, arrogant et fier, c’est aussi un homme qui n’hésite pas à financer et encourager les actes terroristes, prédateur sexuel sans limite ni morale, il emprisonne ou fait exécuter ses opposants, il a régné en dictateur sur son peuple qui en cette nuit de 2011 le traque sans relâche.

Difficile de se mettre dans la tête d’un tyran. Pourtant l’auteur y réussit à merveille. Rien n’est de trop, rien n’est dit qui n’aurait pas dû être. Aucun jugement, aucun à priori, juste les souvenirs qui s’égrènent, les pensées que l’on imagine rapidement être réellement celles du Raïs, tant elles paraissent crédibles, la peur, l’arrogance, la colère, le mépris, la haine parfois, pour ceux qu’il a conquis, pour ceux qui le servent, ceux qui lui sont fidèles, ceux qui le craignent, ceux qui le trahissent, cette fierté, cette supériorité, cette assurance d’avoir rempli sa mission, assuré son devoir de chef d’état, même lorsqu’il ordonnait les pires massacres. Et puis les souvenirs de son enfance, qui font parfois de lui un homme comme un autre, qui le rendent presque humain et non dictateur sanguinaire aux yeux du lecteur, proche d’un Dieu qui serait son guide, aimant son pays, fier d’avoir réussi l’unification de cette Lybie peuplée de tribus guerrières rivales.

Une fois de plus, Yasmina Khadra nous embarque dans ce court roman qui laisse un goût étrange, l’image d’un homme qu’il est impossible d’aimer, mais qui devient pourtant à travers ces lignes à nouveau presque humain.

💙💙💙

Catalogue éditeur : Julliard

« Longtemps j’ai cru incarner une nation et mettre les puissants de ce monde à genoux. J’étais la légende faite homme. Les idoles et les poètes me mangeaient dans la main. Aujourd’hui, je n’ai à léguer à mes héritiers que ce livre qui relate les dernières heures de ma fabuleuse existence.
Lequel, du visionnaire tyrannique ou du Bédouin indomptable, l’Histoire retiendra-t-elle ? Pour moi, la question ne se pose même pas puisque l’on n’est que ce que les autres voudraient que l’on soit. »
Avec cette plongée vertigineuse dans la tête d’un tyran sanguinaire et mégalomane, Yasmina Khadra dresse le portrait universel de tous les dictateurs déchus et dévoile les ressorts les plus secrets de la barbarie humaine.

Parution : 20 Août 2015 / Format : 130 x 205 mm / Nombre de pages : 216 / Prix : 18,00 € / ISBN : 2-260-02418-1

Mangez-le si vous voulez, Jean Teulé

Découvrir Mangez-le si vous voulez, de Jean Teulé, un roman au sujet sérieux traité avec humour et de façon totalement décalée

Dans «mangez-le si vous voulez, l’auteur relate de sa plume inégalable un épisode de l’histoire que l’on souhaiterait ne jamais avoir existé. J’avoue que sa lecture est une bien étrange expérience. Ce roman a été mis en scène en 2014 mais je n’avais pas pu aller au théâtre voir son adaptation très contemporaine.

Nous sommes en août 1870 dans le village de Hautefaye, en Périgord. La France est en guerre contre la Prusse, les enfants du pays meurent au combat pendant que les jeunes privilégiés restent au pays. Alain de Monéys n’est pas de ceux-là, il part dans quelques jours se battre contre les prussiens. C’est jour de marché au village voisin et Alain veut régler quelques affaires avant son départ.

En cette journée d’été, la chaleur est écrasante, on sent confusément que tout peut arriver. Une phrase mal comprise, sortie du contexte, fait d’Alain le bouc émissaire d’une meute de villageois soudain déshumanisés. La violence, l’horreur, les coups vont s’enchaîner jusqu’à la torture, jusqu’à la mort du jeune de Monèys. Malgré tous leurs efforts, les amis du jeune homme, conscients du drame qui se déroule, sont impuissants à stopper son calvaire.

L’auteur déroule étape par étape ce moment où tout le village bascule dans l’horreur absolue, capable du pire, comme entrainé dans un élan par la foule, quand plus aucun raisonnement individuel n’est concevable. En quelques heures tout un village se déchaine, se change en bourreau, la haine se cristallise, les hommes perdent leur humanité et se transforment en bêtes sanguinaires. Ils sont unis en une meute qui ne sait plus ni penser ni comprendre, qui n’entend plus la raison, et qui s’enfonce au plus profond de la folie meurtrière. Puis vient le silence, chacun retrouve ses esprits, l’indicible apparait alors dans toute son horreur. Sur cet aspect-là, ce livre m’a d’ailleurs fait penser à celui de Philippe Claudel, le rapport de Brodeck.

Le procès punira quelques coupables, enfin, pas tous, « sinon il faudrait arrêter… six cent personnes. C’est un crime…pas ordinaire ». Le village portera longtemps les stigmates de cet épisode bien peu glorieux de son histoire. Même si l’issue en est connue, c’est un très court roman qui vous installe dans un état très inconfortable, à la limite de l’écœurement et du malaise, mais qu’on ne peut pas lâcher.

Catalogue éditeur : Pocket

Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune Périgourdin intelligent et aimable, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin.
Il arrive à destination à quatorze heures.
Deux heures plus tard, la foule devenue folle l’aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé.
Pourquoi une telle horreur est-elle possible ? Comment une foule paisible peut-elle être saisie en quelques minutes par une frénésie aussi barbare ?
Ce calvaire raconté étape par étape constitue l’une des anecdotes les plus honteuses de l’histoire du XIXe siècle en France

Parution : 2 Septembre 2010 / Nombre de pages 128 p / EAN : 9782266198462 / Éditions Julliard