Un miracle, Victoria Mas

Et si le miracle résidait dans la force de croire en l’invisible et au merveilleux

Que faut-il rassembler pour faire un miracle ? Certainement au moins une religieuse, un voyant, un miracle.

Parce qu’elle a été bercée toute sa jeunesse par Catherine Labouret, sœur Anne sait que Sœur Catherine a vu la Vierge à plusieurs reprises un siècle auparavant. Elle est donc sans aucun doute plus portée sur la croyance que le commun des mortels. C’est là, auprès des Filles de la charité, rue du Bac à Paris que, depuis l’âge de ses treize ans, elle a trouvé la sérénité et le calme. Là-même où Catherine avait eu ses apparitions et créé la médaille miraculeuse à la demande de la vierge.

Mais un jour sœur Rose révèle qu’elle a fait un rêve, la vierge apparaîtra sur une île du côté de Roscoff. Alors celle qui n’a connu que l’abri de la congrégation n’hésite pas une seconde et accepte une mission dans cette Bretagne bercée d’Ankou, de fées et de croyances. Arrivée tout au bout du Finistère Nord, elle travaille sans relâche et espère chaque jour que les prédictions vont enfin se réaliser. C’est sa raison de vivre, d’espérer, de se réaliser. Mais elle attendra en vain cette apparition.

Sur l’île, Isaac vit avec son père Allan. Ce dernier survit plus qu’il ne vit depuis la mort de son épouse, et leur foyer est en décrépitude, la tristesse et des airs de fin du monde se sont installés dans leurs vies.

Hugo est le fils de Michel Bourdieu, venu sur l’île pour soigner sa fille Julia, asthmatique et fragile. Violent, autoritaire, il choisit ceux que son fils peut fréquenter et ce n’est certainement pas le fils d’Allan.

Un soir, Isaac est comme pétrifié, debout sur le promontoire face à la mer, il voit celle que personne ne voit, il entend, il écoute, il sait. Chaque soir, ce moment se répète, la population éblouie cherche à savoir, comprendre, accompagner le voyant.

Quand et comment se produira le miracle, nul ne le sait.

Ce livre est pétri de religion et de croyances, d’une forme de folie à travers les visions de l’adolescent, dans la rage et l’engouement de la foule, de violence aussi dans le rejet de ceux qui refusent de croire. Il est aussi une ode à l’acceptation de la différence, au désir de vivre autre chose. Cette rage qui s’empare de sœur Anne, cette violence qui possède Michel Bourdieu jusqu’à commettre le pire, ne sont finalement que des sentiments terriblement humains, échec, rejet, espoir, envie de croire au merveilleux, au tout puissant, à l’inexplicable pour accepter l’inhumanité du présent.

Ce que j’ai aimé ?

La façon dont Victoria Mas a construit son roman, nous entraînant dans une région particulièrement propice à croire au merveilleux, au surnaturel, à la force de l’invisible, tout en exacerbant les caractères de ses personnages jusqu’au point de non retour, pour finalement nous faire revenir assez brutalement sur terre. Car avouons-le, si l’on cherche le miracle, peut-être faut-il se dire que ce n’est pas forcément là où on l’attend qu’il va se réaliser. Miracle, hasard, destin, chance, nommons-le à notre guise, en se disant qu’il y a toujours une raison d’y croire.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Sœur Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d’une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu’un adolescent prétend avoir eu une vision.

Mais lorsqu’il dit « je vois », les autres entendent : « J’ai vu la Vierge. » Face à cet événement que nul ne peut prouver, c’est toute une région qui s’en trouve bouleversée. Les relations entre les êtres sont modifiées et chacun est contraint de revoir profondément son rapport au monde, tandis que sur l’île, les tempêtes, les marées, la végétation brûlée par le sel et le soleil semblent annoncer un drame inévitable.

Date de parution 17 août 2022 / Édition Brochée 19,90 € / 224 pages / EAN : 9782226474087

Des matins heureux, Sophie Tal Men

Voilà un roman qui donne le moral !

A Montparnasse, du côté de la gare parisienne bien connue des bretons, Marie vient de débarquer pour quelques mois. La jeune femme vient de réussir ses études de médecine à Brest, mais souhaite passer quelques mois dans un service de gynécologie parisien pour se perfectionner et apprendre auprès d’une spécialiste reconnue. Elle logera provisoirement dans le studio que lui prête une amie, au dessus de la pâtisserie d’un de ses amis.

Dans cette même gare, Elsa erre au milieu de la foule, et passe ses soirée dans un bus de nuit pour éviter les agressions inévitable lorsque l’on n’a plus rien et que l’on est à la rue. Cette jeune femme de dix-neuf ans arrive de sa province. Elle a fui les avances et l’agression d’un patron tout puissant. Restée seule lorsque sa seule amie s’est mise en couple, n’ayant personne vers qui se retourner, c’est la rue qui est aujourd’hui son seul refuge.

Guillaume est un taiseux. Ce barman solitaire doit digérer le départ de son amie. Virginie l’a quitté à la suite d’une grave accident et il semble bien que Guillaume y soit pour quelque chose. Mais pour se débarrasser de ses casseroles il décide de bazarder tout ce que Virginie avait installé dans leur appartement sur leboncoin.

C’est à cette occasion qu’il croise la route de Marie. Marie la buveuse de whisky, la rigolote, la solitaire qui l’impressionne et l’intrigue tout autant. Marie qui croise la route d’Elsa et cherche à comprendre pourquoi et comment elle en est arrivé là.

Ces trois là ne devaient pas se rencontrer et pourtant ils avaient tout à vivre ensemble. Dans le triangle formé par les rues qui bordent leur quartier Il s’en passe des choses à la fois ordinaires et si peu ordinaires. Les silences, les douleurs, l’absence et la solitude, le manque et le chagrin, l’amitié et la confiance, ils devront tout apprendre, tout donner, accepter aussi de tout recevoir.

Un roman qui se lit d’une traite, une respiration, un vrai moment de bonheur simple. Et pourtant une intrigue qui présente des personnages aux caractères bien trempés, des personnalités fortes superbement présentées par l’autrice qui sait décrypter les sentiments, les silences, les peurs, l’abandon, comme sait le faire un médecin pas seulement des corps mais aussi des âmes. Je me suis régalée avec cette lecture optimiste et positive.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Dans le quartier du Montparnasse à Paris, Elsa, Marie et Guillaume se croisent sans le savoir. Si le jour, leur quotidien les éloigne, le soir, tous trois affrontent une même peur de la nuit. 

Elsa se réfugie dans le bus pour éviter la violence de la rue, Marie, qui vient de quitter Brest, multiplie les gardes à l’hôpital pour combler son vide sentimental, et Guillaume retarde la fermeture de son bar afin de fuir la solitude. 

C’est au détour d’un Lavomatic, d’un irish pub ou par le biais d’une annonce sur Leboncoin qu’ils finiront par se trouver. Mais parviendront-ils, ensemble, à aller jusqu’au bout de leur nuit ? À se reconstruire ?

Date de parution 01 avril 2022 / 19,90 € / 304 pages / EAN : 9782226470218

La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l’océan, Laurent Chavaud

Laurent Chauvaud, directeur de recherche au CNRS, nous livre avec « La coquille Saint-Jacques sentinelle de l’océan » un récit à la fois étonnant, instructif et écologique

Elle trône sur nos tables de fête, et nous l’apprécions souvent pour ses qualités gustatives, pourtant elle n’est pas que cela, même si ce serait déjà beaucoup ! Symbole religieux, point de ralliement des marcheurs de Saint-Jacques de Compostelle, ou symbolique des peintures des maitres italiens avec en particulier la vénus de Botticelli, la Saint-Jacques est tout cela, mais bien plus encore.

Parce que décrypter la vie secrète de cet étonnant bivalve mieux connu sous le nom de coquille Saint-Jacques peut mener loin, l’auteur le démontre dans ce petit livre fort instructif.

L’auteur nous entraîne dans son laboratoire et à ses côtés tout au long de ses années de recherche sur ce coquillage qui ne mène pas seulement jusqu’à Compostelle mais qu’il nous présente comme une véritable machine à remonter le temps, sentinelle du milieu marin et du réchauffement climatique. Et nous parle de ses recherches sur les différentes mers du globe, de la rade de Brest à la  Mauritanie, de la Nouvelle-Calédonie à l’Arctique, Il est parti à l’écoute de la coquille (et croyez-le ou pas, il l’a même entendue chanter) sous tous les climats et toutes les latitudes.

Par exemple, ses stries nous renseignent sur sa croissance. Mais il est très intéressant de les étudier. Car ces stries que ce mollusque fabrique chaque jour et où qu’il se trouve, permettent de comprendre l’état de la mer. Et de remonter le temps pour mieux appréhender les changements de température de l’eau, les effets de la pollution, les changements climatiques, des évènements aussi divers que variés mais qui tous ont une influence sur le comportement du mollusque et sur sa composition. Car oui, les stries que l’on trouve sur la coquille sont bien des éléments caractéristiques du milieu dans lequel elle vit. Sédentaire, elle ne nage quasiment pas, elle est donc un témoin important de la mer et des lieux où elle se cantonne. Révélateur de la pollution, du changement de température, mais aussi témoin des éléments toxiques versés dans l’eau, c’est une véritable sentinelle. Si son étude peut nous éclairer sur la vie aquatique passée, elle nous avertit également pour le futur, car les changements constatés ne sont pas anodins.

Voilà donc un petit livre très pédagogique, y compris pour les néophytes comme moi. Et si comme moi vous aimez la savourer dans votre assiette, je suis sûre que vous aussi vous ne la verrez plus de la même façon.

Catalogue éditeur : équateurs

Depuis son apparition il y a 25 millions d’années en Europe sur la côte Atlantique, la coquille n’a cessé de fasciner les hommes. Dans l’Antiquité, on l’utilisait comme une parure, puis la coquille devint un symbole religieux (sur le chemin de Compostelle) et artistique (associée à Vénus, à la féminité et à la maternité). Ce n’est qu’au début du XXème siècle que des Bretons ont commencé à la pêcher et à la manger. Et grâce aux recherches les plus récentes, menées notamment par Laurent Chauvaud, cet animal est devenu un outil scientifique … lire la suite

144 pages / format 120×190 / 15.00 € / paru le 27 novembre 2019 / ISBN : 9782849906606

Baïkonour, Odile d’Oultremont

Avec la mer pour seul horizon, qu’il est bon de tomber amoureux. Baïkonour, le roman sensible et poétique d’Odile d’Oultremont

A Kerlé, petit village du Morbihan, la jeune Anka est coiffeuse dans le salon de sa tante. Elle rêve pourtant d’océan, celui qui a emporté son père Vladimir, Marin pécheur perdu en mer sur le Baïkonour. Ce père qu’elle admirait par-dessus tout.

Édith, sa mère, espère encore, incapable de faire son deuil. Chaque jour elle préparait une soupe chaude qu’il emportait avec lui sur les flots, et elle continuera sans fin, jusqu’à son impossible retour. Car chaque jour elle l’attend et Anka souffre de son déni. Celle qui rêvait de prendre la suite du père sur son bateau de pêche prend désormais le chemin du salon de coiffure.

Marcus, un jeune grutier particulièrement habile et performant sur ces engins qui volent au-dessus des villes, répond à une mission d’un an et huit mois à Kerlé. Marcus et ses failles, son père éternel chômeur, sa mère disparue lorsqu’il était enfant. Du haut de sa cabine, il survole, il surplombe, il observe, le paysage, mais surtout les gens qui s’agitent en dessous, leurs vies, leurs trajets, il imagine des bonheurs et des ruptures, des joies et des chagrins. Jusqu’au jour où il découvre la beauté énigmatique d’Anka. Il n’aura de cesse dès lors de l’observer de loin, subitement et définitivement amoureux de cette inconnue qui illumine ses journées.

Mais ces deux trajectoires à deux hauteurs aussi différentes, l’une au bord de l’océan, l’autre dans les airs, sauront-elles se trouver ?

La magie opère à nouveau, même si le côté brin de folie du premier roman ne se retrouve pas ici, et c’est tant mieux, l’auteur sait se renouveler et nous surprendre. Des personnages attachants, tant par leurs faiblesses que leur désespoir, une écriture concise, sensible et délicate, qui donne le rythme et nous prend dans son tempo. Avec Odile D’Oultremont, le quotidien n’est plus banal, et l’on espère ! Car les rencontres improbables se réalisent, l’amour n’est plus tragique, et surtout la poésie des mots rend la vie plus belle, malgré la maladie, la mort, les faiblesses ou les désillusions, et les relations parents enfants parfois si difficiles.

Roman lu dans le cadre de ma participation aux 68 premières fois

Catalogue éditeur : L’Observatoire

Anka vit au bord du golfe de Gascogne, dans une petite ville de Bretagne offerte à la houle et aux rafales. Fascinée par l’océan, la jeune femme rêve depuis toujours de prendre le large. Jusqu’au jour où la mer lui ravit ce père qu’elle aimait tant : Vladimir, pêcheur aguerri et capitaine du Baïkonour.
Sur le chantier déployé un peu plus loin, Marcus est grutier. Depuis les hauteurs de sa cabine, à cinquante mètres du sol, il orchestre les travaux et observe, passionné, la vie qui se meut en contrebas. Chaque jour, il attend le passage d’une inconnue. Un matin, distrait par la contemplation de cette jeune femme, il chute depuis la flèche de sa grue et bascule dans le coma.
Quelque part entre ciel et mer, les destins de ces deux êtres que tout oppose se croiseront-ils enfin ?

Parution : 21/08/2019 / Nombre de pages : 224 / ISBN : 979-10-329-0432-9

A la ligne, Joseph Ponthus

A la ligne, le premier roman captivant de Joseph Ponthus met en scène le quotidien de l’usine, expérience éprouvante qu’il transcende avec poésie et talent.

Ouvrir ce roman et comprendre qu’il n’ira pas, à la ligne, en tout cas pas de façon classique, avec des points et des virgules… Non, même pas à la ligne pour respirer, car le souffle indispensable pour lire ce roman est à puiser au plus profond de soi. Ce n’est pas un récit ordinaire, mais celui du travail à l’usine, à l’abattoir, difficile, sanglant, violent.

Passées les premières pages, où l’œil et l’esprit s’habituent à la forme atypique, le récit est comme scandé et le lecteur est happé…

J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne.

C’est un homme instruit, lettré, qui a quitté son travail en région parisienne pour suivre sa femme en Bretagne. Mais là, il y a trop peu d’emploi, aussi est-il prêt à accepter tout ce qu’on lui propose. Travailler à l’usine de poisson, plats cuisinés, cuisson de bulots à la chaine, tofu à égoutter, rien ne le rebute, même si tout cela lui parait bien difficile. Mais ça c’était avant de connaitre le travail qui l’attend, à l’abattoir. Car lorsque vous êtes intérimaire, pas possible de dire non, sinon le prochain poste disponible ne sera pas pour vous. Et des sous, il faut en gagner pour vivre. Alors on bosse, on se fatigue, on pleure même de douleur et d’épuisement la nuit en rentrant, quand il faut encore sortir le chien qui vous attend en vous faisant la fête, car la pénibilité des postes de l’usine, de l’abattoir, il ne les connait pas. Alors on attrape une vendredite aigüe, mais on s’y fait finalement… Et on essaie de gagner un peu de sommeil, un peu de repos, pour repartir dès lundi matin, ou à pas d’heure, c’est tout le charme du travail à l’usine ces horaires de fou, enfermé sans voir ni le jour, ni la nuit.

Chaque soir, le narrateur inventorie tout, les gestes, les phrases, les répétitions, les problèmes, la douleur, les petits bonheurs, les heures supplémentaires ou les heures gagnées tous ensemble pour finir plus vite, ou moins tard, c’est selon. Mais aussi toutes ces pensées qui l’assaillent, qui peuplent son esprit pendant que son corps fait les gestes mille fois répétés, automatisme salvateur qui permet à l’esprit de s’évader. Il nous fait sentir également cette solidarité et en même temps cette pénibilité que tous doivent subir ensemble. Le courage qu’il faut, le soir, quand il tombe d’épuisement pour continuer à coucher sur le papier les mots qui disent les maux, les gestes, les souffrances quotidiennes.

Étonnant témoignage, qui a la puissance de cet écrit si particulier qu’il vous oblige presque à le lire d’une traite jusqu’au bout. Hypnotique et puissant, rythmé, porté par la poésie qui s’en dégage, il est le témoignage d’une fatigue immense, dévorante. D’un malaise aussi, celui des ouvriers à la peine qui doivent accepter et subir pour continuer à vivre.

💙💙💙💙

Catalogue éditeur : La Table Ronde

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer.

Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.

Parution : 03-01-2019 / 272 pages, 140 x 205 mm / Achevé d’imprimer : 01-10-2018 / ISBN : 9782710389668 /  Prix : 18,00 €

Les Dix Vœux d’Alfréd. Maude Mihami

Envie d’un bon roman pour se détendre cet été ? Alors que vous alliez en Bretagne ou au Pays Basque, à la plage ou dans votre jardin, lisez « Les dix vœux d’Alfréd », le roman de Maude Mihami.

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Ah, Alfred, oui, se prénommer Alfred, ça peut aller. Mais quand faut l’écrire Alfréd avec un accent aigu, ça n’est pas la même chanson ! Alfréd, 9 ans, vit avec sa mère dans la maison en face de celle du grand-père tout au bout du village tranquille du Camboudin, en Bretagne. Il ne connait pas son père. Il voudrait bien avoir un autre prénom, et surtout pas avec cet accent si stupide dont l’a affublé sa mère. Bref, pour lui c’est un peu comme s’il devait porter des culottes courtes ou assumer en permanence vilaine coupe de cheveux.

Avec son vénérable papi, Alfréd tente de passer le temps, avec les copains, enfin, les copains de son grand-père, qui ne sont pas trop de son âge, et pourtant qu’est-ce qu’il aime ça ! Mais il y a peu à faire dans ce village, dans ces années 70 sans ordinateur et si peu de télé ! Aussi quand son vénérable grand-père lui propose d’écrire dans ce carnet qu’il en quitte jamais, les dix vœux qu’il pourrait réaliser l’année de ses dix ans, c’est pour lui une aubaine, une excellente idée ! Il faut dire que l’anniversaire d’Alfred se doit d’être une belle fête, cette année il aura dix ans, et son grand-père pile soixante-dix, puisqu’ils sont nés le même jour.

Chaque vœux devient une occasion de montrer qu’il n’a rien oublié des aventures racontées par son grand-père adoré, mais aussi un moyen de découvrir qui il est, d’où il vient peut-être aussi, jusqu’au dernier des dix vœux, celui qu’il tient secret jusqu’au bout…

Ce roman est l’assurance de passer un joli moment de détente, de bonheur même. On se surprend au fil des pages à sourire, à éclater de rire aussi parfois , à découvrir la gouaille des protagonistes, à vouloir goûter un petit verre de Trouspignole. C’est vivant, empli d‘humanité, réaliste parfois, avec ces hommes au café, ou cette scène à la fête de l’école, c’est rempli de bons sentiments, mais pas à l’excès. Les personnages sont vivants, typiques même si peut-être parfois caricaturaux, mais qu’importe, car ils nous touchent et nous embarquent dans leurs aventures. C’est comme un éclat de rire partagé, comme un goût de bonheur qui fond dans la bouche, le livre  idéal pour se détendre pendant le vacances !

Les dix vœux d’Alfréd est un roman au goût sucré de souvenirs. Il m’a fait penser aux petits déjeuners que je prenais l’été avec mon grand-père, un peu de pain frotté à l’ail, avant d’aller dans les champs, ou à cette rasade de vin dans l’assiette de soupe au repas du soir, plaisirs quasi coupables partagés à deux, envers et contre les adultes qui désapprouvaient mais sans trop oser le dire ! Cette complicité d’enfants à grands-parents est quasi magique, ne dure qu’un temps, mais vous laisse avec tant de beaux souvenirs.

Catalogue éditeur : Nil éditions et Pocket

« Une fantaisie truculente, picaresque et touchante au cœur du bocage breton. Mieux vaut lire ce livre que celui d’à côté, il est plus drôle ! » Erik Fitoussi, libraire

1970, Le Camboudin, petit village breton. Alfréd, neuf ans, a un prénom dont l’accent aigu lui déplaît, une mère qui picole trop et un grand-père qui tient à lui comme à la prunelle de ses yeux. Il adore traîner au bistrot avec ses copains, une joyeuse bande de vieux qui lui apprennent la vie. Avec l’aide de son Vénérable Papi, il va décider de passer le cap de ses dix ans en établissant une liste de vœux à réaliser avant le grand jour. Rencontrer un vrai cow-boy, boire de la trouspignôle ou encore conduire un tracteur marqueront le début d’une série d’aventures aussi rocambolesques que réjouissantes. De vœux gâchés en moments de pure félicité, il va vivre l’année la plus incroyable de sa vie.

Maude Mihami nous offre avec Les Dix Voeux d’Alfréd un premier roman d’une grande drôlerie qui pose un regard tendre sur le monde de l’enfance.
Maude Mihami, Bretonne de son état, a été libraire en Allemagne et à Paris. Elle vit aujourd’hui à Lyon.

EAN : 9782841119554 / Nombre de pages : 256 / Format : 130 x 205 mm / Date de parution : 03/05/2018

Le Sans Dieu. Virginie Caillé-Bastide

Roman d’aventure, roman de pirates, roman d’amour et de désespoir. Batailles, défaites, famine ou vengeance, tout est là ! Pourquoi on aime « Le sans Dieu » de Virginie Caillé-Bastide.

Domi_C_Lire_le_sans_dieu_virginie_caillebastide.jpgBretagne, en 1709. Alors qu’une vague de froid s’est installée sur l’Ouest du royaume, le Conte Arzhur de Kerloguen voit mourir son fils. C’était le dernier de ses enfants, la famine et l’hiver lui ont pris sa famille, sa femme devenue folle s’en remet à Dieu. Plus rien ne le retient désormais sur ces terres où même la mort d’un innocent ne fait pas bouger les hommes de Dieu soumis au pouvoir local.

 Quelques années plus tard, Ombre sur le bateau Le Sans Dieu, pirate parmi les pirates, nous le retrouvons chef tout puissant sans foi ni loi. Flibustier qui part sur les mers des caraïbes conquérir et détrousser les galions sans regret ni hésitation. Jusqu’au jour où lors d’une attaque particulièrement sanglante, il épargne Anselme, un prêtre jésuite, et le retient captif sur son bateau. Les longues discussions et les tentatives d’Anselme de remettre en question l’action d’Arshur seront propices à de nombreux échanges entre les deux hommes, en particulier des questionnements sur la foi en Dieu, ou sur la perte de la foi. Mais fort de son malheur, il sera difficile pour Arzhur de revenir dans un chemin de pardon et de soumission. Intéressant dialogue que celui de l’homme de Dieu et du mécréant, propice également à de nombreuses interrogations sur l’esclavage, celui de la traite triangulaire autant que celui des humbles dans les villages perdus de Bretagne.

Le lecteur suit avec plaisir les différents personnages aux caractères bien trempés et au passé souvent sombre. Comme en particulier les émois et les sentiments ambigus de Maël le boiteux, car on sent très vite qu’il a un lien étroit avec Arzhur, ou encore Barbe, gouvernante et servante, restée à jamais fidèle à la famille et qui a élevé Maël le boiteux. Tout au long de l’intrigue, des relations se tissent, des caractères se forgent, des amours fraternelles se défont ou s’espèrent.

L’auteur nous plonge immédiatement dans un roman d’aventures et d’Histoire qui plaira aux amateurs du genre.  On y retrouve ce qui fait le sel des romans de pirates, les batailles, les prises de bateau à l’abordage, le sang et le vin qui coulent à flot. L’écriture, la langue, le parler de Virginie Caillé-Bastide ressuscitent l’époque, rendant plus véridique encore cette aventure de pirates et d’insoumis, de révoltés et de brigands. Un roman inattendu et absolument rafraichissant.

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Éditions Héloïse d’Ormesson

Bretagne, 1709. Une vague de froid sans précédent s’abat sur le royaume de France, déclenchant une famine effroyable. Arzhur de Kerloguen assiste impuissant à la mort du dernier de ses sept enfants. Sa femme ayant perdu la raison, il abandonne sa terre natale et les derniers fragments de sa foi.
Au large des Caraïbes, 1715. L’Ombre, farouche capitaine, fait régner la terreur sur ces mers du bout du monde qu’il écume sans relâche. Lors de l’attaque d’un galion espagnol, il épargne un prêtre jésuite et le retient prisonnier. Un affrontement s’engage alors entre les deux hommes sur l’épineuse question de l’existence de Dieu. Lire la suite …

336 pages | 20€ / Paru le 24 août 2017 / ISBN : 978-2-35087-421-0

Ressentiments distingués. Christophe Carlier

Si l’on reçoit généralement l’assurance de quelques sentiments distingués, ici tout le sens de ces « Ressentiments distingués » apparait au fil des pages du court roman de Christophe Carlier.

DomiCLire_ressentiments_distinguesSur une ile isolée de Bretagne, quelques habitants vivent depuis longtemps en bonne intelligence. Le facteur est le fil qui les relient entre eux et qui apporte les nouvelles du continent. Sans relâche, quel que soit le temps qu’il fait, il apporte à chacun son courrier. Jusqu’au jour où, oiseau de mauvais augure, il s’avère qu’il apporte dans sa besace de facteur innocent une lettre du corbeau.

Mais oui, du corbeau ! Oh, un corbeau pas trop méchant, qui fait juste émerger quelques défauts, rancœurs, jalousies, travers, dans les quelques lignes qu’il adresse à chacun. Car tous ou presque finissent par recevoir un courrier. Mais de qui, et surtout pourquoi ? Qui peut en vouloir aux bonnes âmes du village, de l’ile, à ces plus ou moins jeunes qui vivent là depuis si longtemps et qui n’ont jamais créé de vague ou de conflit.

Mais qui ? Oui, qui peut bien être ce corbeau ? Chacun s’interroge, parle, commente. Les boites aux lettres se transforment en objet menaçant et vengeur, les sentiments s’exacerbent, les tensions se réveillent, les apprentis enquêteurs tentent de comprendre, de trouver qui est le coupable de ces perturbations qui transforment cette petite ile en enfer. Mais jusqu’où ira-t-il, que cherche-t-il, et surtout pourquoi ?

Christophe Carlier décrit la vie sur ce microcosme qu’est une ile avec beaucoup de subtilité et de finesse, analysant les comportements, les silences, les rancœurs, pour le plus grand plaisir du lecteur. Le roman est composé de courts chapitres, de nombreux paragraphes qui permettent de bien situer les personnages, de savoir qui parle ou de qui on parle, de suivre et de comprendre, sans toutefois en dévoiler trop, pour mener le lecteur stupéfait jusqu’à la dernière page.

Retrouvez aussi la chronique de Nicole du blog MotspourMots ici


Catalogue éditeur : éditions Phébus

Sur l’île, le facteur ne distribue plus de lettres d’amour. Mais des missives anonymes et malveillantes qui salissent les boîtes aux lettres.
Un corbeau avive les susceptibilités, fait grincer les armoires où l’on cache les secrets. Serait-ce Tommy, le benêt ? Irène, la solitaire ? Ou bien Adèle qui goûte tant les querelles ? Ou encore Émilie, Marie-Lucie ou Félicien ? Bien vite, les soupçons alimentent toutes les conversations. Et l’inquiétude s’accroît. Jusqu’où ira cet oiseau maléfique ?

Avec L’assassin à la pomme verte, Christophe Carlier avait séduit les amateurs de polars sophistiqués. Il nous offre ici une réjouissante histoire de rancœurs, pleine de sel et vent.

ISBN 978-2-7529-1083-7 / Date de parution : 12/01/2017 / Format : 14 x 20,5 cm, 176 p., 16,00 EUR €

Article 353 du code pénal. Tanguy Viel

Tout le monde parle de ce roman « Article 353 du code pénal » de Tanguy Viel, alors forcément, ça donne envie de le découvrir ! Mais il est tellement bien que, hélas, on ne peut pas le lâcher… Et après on regrette, mais si ! On regrette tellement de l’avoir lu aussi vite !

domiclire_article_353_du_code_penalLe premier chapitre expose clairement la situation de base du roman, un homme, tout habillé, tombe à l’eau… enfin, tombe, là il faudrait voir quand même. Cet homme c’est Antoine Lazenec, et celui qui parle c’est Kermeur, Mathias Kermeur. Ensuite, eh bien, nous voilà dans le bureau du juge pour un huis-clos édifiant. Et Kermeur va parler, raconter, expliquer dans une logorrhée sans fin l’histoire d’un arnaqueur immoral et flambeur qui a placé sous sa coupe et ruiné un village entier du fin fond du Finistère.

Car on le comprend vite, dans ce village, il y a Kermeur, mais également les nombreux autres ouvriers qui ont été remerciés par l’arsenal de Brest, le seul employeur du coin qui leur a versé quelques milliers d’euros ont en échange du chômage garanti. Et ces économies ils les ont si mal investies, si injustement et si honteusement perdues qu’il est impossible de l’avouer à qui que ce soit, pas même à un fils, pas même à son seul ami. Chacun de s’enfermer dans l’isolement que procure la honte, l’injustice, le malheur. Et dans ce village il y a aussi le maire, Le Goff, qui a englouti ses économies…  et bien plus encore. Et il y a Erwan, le fils de Mathias, qui ne supporte pas de voir son père s’enfoncer, s’étioler, avoir peur, alors pour le protéger il décide d’agir. Et tous les autres, qui n’apparaissent pas mais dont les vies apparaissent en filigrane de cette histoire sur fond de crise économique et sociale, de licenciement dans ce village perdu du Finistère.

Mais tout de même, avouons-le, Mathias les a quand même cumulées les malchances dans sa vie, le billet du loto, sa femme, son emploi, ses économies mal placées,  alors maintenant il parle, il explique, au juge, mais à lui-même aussi sans doute, comment un destin, un enchaînement de faits, d’erreurs, d’abus de confiance, peuvent vous emmener là où vous êtes en cet instant, dans le bureau d’un juge, à sa place, à sa vraie place peut-être.

Et le lecteur d’écouter, d’essayer de comprendre, de se révolter aussi face à la bêtise, la manipulation, ah mais moi j’aurais été bien plus malin que ça non ? Enfin, n’en soyons pas si sûr. Quand la misère, le manque d’emploi, l’humiliation font le quotidien, sans espoir de voir venir des jours meilleurs, qui sait si nous non plus on ne se serait pas laissé convaincre par le flambant monsieur Lazenec. Et si la victime était plutôt le coupable, et si le coupable était le seul courageux de l’affaire ? Magnifique roman qui ne laisse pas indifférent, où l’on trouve à la fois une évocation de la bêtise humaine, de la limite de la justice, et de l’injustice aussi sans doute, de la profondeur et la complexité des sentiments, porté par une écriture, un rythme, un style, et du fond, tout y est.

💙💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Les éditions de Minuit

Pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier Antoine Lazenec, Martial Kermeur vient d’être arrêté par la police. Au juge devant lequel il a été déféré, il retrace le cours des événements qui l’ont mené là : son divorce, la garde de son fils Erwan, son licenciement et puis surtout, les miroitants projets de Lazenec.
Il faut dire que la tentation est grande d’investir toute sa prime de licenciement dans un bel appartement avec vue sur la mer. Encore faut-il qu’il soit construit.

2017 / 176 pages / ISBN : 9782707343079 / 14.50 €

L’oiseau des tempêtes. Serge Brussolo

Sous le règne de Louis XIV, on se laisse embarquer avec Marion dans la Bretagne profonde, celle des  nobliaux sans fortune au tempérament aventurier et bagarreur.

DomiCLire_l_oiseau_des_tempetes.JPGJe découvre Serge Brussolo avec L’oiseau des Tempêtes, on pourrait penser qu’il est temps, tant l’auteur est prolixe. Ce ne sera certainement pas le dernier que je lirais, la meilleure des raisons étant qu’apparemment il y aura une suite, et en fait il ne peut en être autrement !
Dès les premiers chapitres, le décor est planté et on fait la connaissance des protagonistes majeurs de l’aventure. Artus de Bregannog est un noble sans fortune, le train de vie pour avoir sa place à la cour du roi soleil n’est plus à sa portée, aussi s’est-il réfugié sur ses terres en Bretagne. Là, à sa demande, Alexandre, l’un de ses hommes, vétérinaire de son état, prend pour épouse une ancienne prostituée, ex-comédienne ayant eue son heure de gloire à la cour, et devient le tuteur de sa fille Marion. Lorsque sa mère, devenue folle, disparait dans les flots, Marion devra rester et accepter la vie au village.

En ces années de faste royal à la cour de Versailles, la terre est inhospitalière et la misère profonde dans les provinces reculées. Les villageois se transforment en naufrageurs, ces paysans qui allumaient de feux pour attirer et échouer les bateaux vers les côtes déchiquetées, afin de piller les épaves. Jusqu’au jour où, par malheur, leur subterfuge criminel est découvert. Bientôt la police du Roi est là pour emporter tout ce monde vers les geôles de Saint-Malo. Vont alors s’ensuivre des années bien difficiles et sombres pour une Marion encore un peu trop honnête et innocente.
Mais les évènements et la vie vont se charger de faire son éducation. Après bien des péripéties, la voilà embarquée en compagnie de quelques prostituées qui s’en vont peupler le nouveau monde, vers des iles où sévissent les pirates. Les éléments vont se déchainer pour lui rendre la vie dure. Parfois bien trop crédule, peu bagarreuse et trop soumise, Marion se révèle et apprend à lutter contre le mauvais sort qui s’acharne.

L’auteur nous emporte, avec un style bien à lui, dans une intrigue romanesque à souhait, portée par une fine connaissance historique, instillée au fil des pages, qui donne au lecteur une vision assez réaliste de la vie sous le règne du Roi-Soleil. Que l’on soit dans les campagnes pauvres, au bordel, ou dans les provinces où les traditions, les superstitions et les peurs des marins sont prégnantes, dans les geôles du Roi ou sur les bateaux face aux pirates, on espère, on s’amuse et on s’énerve parfois de tant de naïveté, mais on vibre avec Marion, pour un bon moment de lecture délassant et dépaysant.


Catalogue éditeur : Fleuve éditions

Sous le règne du Roi-Soleil, Marion, fille d’une ex-comédienne de Molière, devient à la mort de celle-ci la pupille d’un étrange baron tombé en disgrâce, qui vit retiré dans une presqu’île inhospitalière de Bretagne. La jeune fille va bientôt découvrir que ce noble, ruiné, dirige une équipe de naufrageurs. Bien malgré elle, dans l’incapacité d’échapper à son tuteur, elle se trouve associée à ses crimes. Ce qui lui vaut d’être arrêtée et conduite au bagne de Saint-Malo.
Dès lors, ballottée au hasard des événements, elle côtoie une faune étrange de marginaux, faux-monnayeurs et trafiquants, jusqu’au jour où, par décret royal, elle est déportée aux îles en compagnie d’autres malheureuses condamnées à être offertes en pâture aux colons célibataires.
À peine débarquée, elle va devoir lutter pour survivre au sein d’un monde où boucaniers et pirates font la loi.

Date de parution 10 novembre 2016 / 408 pages / 9782265097360