Nous les passeurs. Maud Barraud

Dans « Nous les passeurs », ce magnifique premier roman hymne au grand père disparu, Maud Barraud parle d’amour, de transmission, de vie et de secrets si lourds à porter.

DomiCLire_nous_les_passeursEncore une fois, je vais remercier l’équipe des 68 qui déniche de belles choses, vers lesquelles je ne serais sans doute pas allée, d’autant que je lis rarement les avis avant de découvrir un nouveau roman. Le titre d’abord, qui ne m’évoquait rien, pensant qu’il faisait plutôt allusion à une actualité sombre et inéluctable, celle de l’émigration souvent clandestine et dramatique. Mais non, il ne s’agit pas de ces passeurs-là, et c’est au fil des pages que l’on comprend le titre.

Maud Barraud vient de Bordeaux, là, son père a fait ses premiers pas au château des Arts à Talence, château qui n’appartient plus aujourd’hui à la famille… Et justement, nous allons la découvrir, l’histoire de cette famille qui comme tant d’autres a vu son destin bouleversé par l’Histoire, la guerre,  celle qu’on nomme la seconde car on espère forcément qu’il n’y en aura pas d’autre après.

Dans la famille, un grand silence détruit les sentiments, personne jamais n’a parlé du grand-père et la mort de la grand-mère laisse craindre que ce secret ne soit enfoui à jamais. Aussi Maud décide de faire de recherches, pour comprendre, savoir ce que sont ces non-dits et peut-être permettre à ce père si secret, si amer et tellement en colère, de poursuivre plus sereinement sa vie. Car pour un petit garçon, comment comprendre et accepter qu’un père ne revienne pas quand d’autres l’ont fait, comment accepter qu’un père choisisse de soigner et d’aider les autres quand ses fils ont tant besoin de lui ? Comment vivre heureux en se sachant, en s’imaginant abandonné par un père que l’on aurait tant voulu connaitre ?

Albert Barraud, le grand-père de Maud, est médecin et surtout résistant. Arrêté en 1944, il est envoyé au camps de Neuengamme, en Allemagne. Là, son métier lui a certainement sauvé la vie à l’arrivée au camps . Cela lui aura permis de soulager et d’atténuer les souffrances des prisonniers qui venaient le voir au revier.1. Dans cette infirmerie, sans faillir il soignait, secourait, cachait autant que le lui permettait les conditions dramatiques dans lesquelles ils vivaient leur détention. Jusqu’à ce jour de mai 1945, à quelques heures à peine de la fin de la guerre, quant au terme d’un long voyage, les prisonniers se retrouvent sur le paquebot Cap Arcona. Paquebot qui sera coulé dans la baie de Lubeck. Et l’on ne peut que se révolter face au destin inéluctable provoqué par des allemands décidés jusqu’au bout à poursuivre leur œuvre de destruction.

Les petits-enfants, Maud et son frère, iront jusqu’à la mer Baltique, jusqu’à la baie de Lubeck, retrouver l’âme de ce grand-père disparu, devenant ainsi des passeurs de vie, d’espoir et de lumière, pour éclairer l’avenir d’un père, d’une famille. Quel beau témoignage, ni triste, ni revendicatif mais au contraire tellement positif et porteur d’espoir en l’Homme et en la vie.

Je dois dire aussi que « Nous les passeurs » m’a permis de découvrir encore un pan de notre Histoire – la fin tragique de sept mille huit cent prisonniers au fond des cales du Cap Arcona.

Extraits :

Et je perçois aujourd’hui qu’ignorer ce qui fut avant nous, c’est perdre une partie de ce que nous sommes supposés de venir. Héros ou bourreaux, nos ancêtres nous transmettent bien plus que leur nom.

Nous baladions tous deux notre regard sur cet immense tas de pierre représentant le bloc du revier 1. Chacune d’elle prit la forme d’un trésor précieux. Chacune de ces pierres renfermait un morceau de lui…un regard, une empreinte, un souffle, un cri de colère ; un secret, un soupir plein d’espoir, un sourire, une larme. Durant toute une année, il s’était battu pour venir en aide aux plus faibles, aux plus désespérés. Durant un an il avait espéré, soutenu, il avait porté, aimé, menti, il s’était battu pour lui, pour eux, pour nous.


Catalogue éditeur : Robert Laffont

« J’ai voulu raconter l’histoire de mon grand-père et, par ricochet, celle de ses deux fils. J’ai voulu dire ce qui ne l’avait jamais été, en espérant aider les vivants et libérer les morts. J’ai pensé que je devais le faire pour apaiser mon père. Ces mots, c’est moi qu’ils ont libérée. »
Qui est ce grand-père dont personne ne parle ? Marie, devenue une jeune femme, décide de mener l’enquête, de réconcilier son père avec cet homme disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Albert Barraud, médecin, fut un résistant, arrêté par les Allemands. Marie découvrira son rôle protecteur auprès des autres prisonniers. Destin héroïque d’un homme qui consacra sa vie aux autres jusqu’à sa disparition en mai 1945, sur le paquebot Cap Arcona bombardé par l’aviation britannique… Au terme d’un voyage vers la mer Baltique avec son frère, Marie va défaire les nœuds qui entravaient les liens familiaux.

Parution : 5 Janvier 2017 / Nombre de pages : 198 / Prix : 17,00 € / ISBN : 2-221-19790-9