Tout doit disparaître, Laurent Maillard

Et si la vie était aussi dans les cimetières

Toussaint, n’est-ce pas un prénom prédestiné pour un gardien de cimetière ? Toussaint a la belle quarantaine d’un homme qui aime son village, sa terre, son cimetière. Car c’est le métier de ce Toussaint là, surveiller, préparer, nettoyer, parler aux morts et leur faire écouter la radio pour qu’ils ne s’ennuient pas trop dans leur si long sommeil.

Un jour arrive dans son cimetière de Charmont une vielle dame prénommée Marguerite. Inconnue au bataillon, et pourtant Marguerite est une enfant du pays, ce pays qu’elle a abandonné plus de soixante ans plus tôt. Peu à peu, Toussaint apprivoise la vieille dame et découvre qu’elle est la fille d’un couple d’armuriers décédés depuis bien longtemps. D’ailleurs leur chapelle mortuaire est quasiment en ruine. Marguerite sait que son heure va bientôt arriver et décide de restaurer la dite chapelle, après tout ce sera sa dernière demeure, autant la faire à son goût.

Le vieux garçon bourru et tendre et la vieille Marguerite solitaire s’apprivoisent peu à peu. Difficile de connaître le secret de la dame, mais les langues se délient, les souvenirs s’égrènent, le malheur est enfin dit, les mots sont posés sur les souffrances qui ont changé une vie. Enfin, quelques secrets gardent encore leur mystère.

Un joli roman d’amitié et d’amour, de vie paisible et calme, dans une France des années 60 plus paysanne que citadine. Si au départ j’ai eu la crainte de lire un fade remarque en plus court de Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin, j’ai rapidement pris plaisir à découvrir la vie de Toussaint et de Marguerite. L’humanité des personnages, leur humour, leur goût pour la vie et l’amitié qui se dessine entre eux à mesure des chapitres les rend particulièrement attachants. Décidément, je n’aurai sans doute plus la même vision des cimetières après cette nouvelle lecture.

Catalogue éditeur : Macha Publishing

Une histoire de cimetière, au cœur d’un village français, paradoxalement pleine de vie et de lumière… 
Toussaint, un quadragénaire solitaire, est le gardien de ce lieu. Il passe ses journées à parler aux absents, à veiller sur les tombes, radio allumée, pour tenir l’au-delà au courant de ce qui se déroule sur Terre. Mais voilà que surgit Marguerite, de retour dans son village après soixante ans d’absence. Elle cherche à retrouver un passé qu’elle a fui toute sa vie. Leur rencontre et l’amitié qui en découle constituent la colonne vertébrale de ce roman. 

Entre drames, rancœurs et petits secrets, Toussaint se voit contraint de sortir de sa réserve et de son cimetière si protecteur. 
Qui est Marguerite ? Et en quoi cela le concerne-t-il, lui ? 

Laurent Maillard est né en 1964 à Longwy, au cœur de la Lorraine sidérurgique. Il est aujourd’hui consultant en communication éditoriale. À travers les mots, et non le dessin, il se plaît à « croquer » les passants qu’il croise dans sa vie quotidienne, leur inventant, le temps d’un trajet en train, une vie de quelques lignes… Tout doit disparaître est son premier roman.

Paru le 22 mars 2022 / ISBN: 978-2-37437-406-2 / 220 pages

La dixième muse, Alexandra Koszelyk

Au seuil de deux univers parallèles, entrer dans la vie de Guillaume Apollinaire

S’égarer dans les allées du Père-Lachaise, quel parisien ou même touriste ne l’a pas déjà fait ? Comme tous les cimetières de la capitale il recèle des trésors pour les esprits féconds. Tous les artistes qui reposent là pour l’éternité peuvent nourrir notre imaginaire.

Florent y vient un jour de pluie seconder son ami Philippe et surtout fuir la mélancolie qui l’habite. Il tombe par hasard sur la tombe de Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky. Le poète qui a combattu pendant la première guerre mondiale est décédé le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole. Rien de bien glorieux aux yeux de sa mère, une femme extravagante qui n’a pas vraiment su élever ses garçons, mais il laisse un grand vide et une véritable tristesse pour ses amis, en particulier pour Pablo Picasso.

A peine rentrée chez lui, Florent se penche avec avidité sur les poèmes, textes, calligraphies du poète qu’il avait un peu oublié depuis ses années de scolarité. Et peu à peu, cela devenient une obsession, il veut le suivre, le comprendre, le connaître. Une empathie, une curiosité, une boulimie l’habitent. Il veut savoir où il est allé, qui il a côtoyé, qui il a aimé, comment il a vécu. Comment peut-il revenir à la vie, à sa Louise, à son travail, à un monde bien plus terre à terre.

Florent vit désormais dans les pas d’Apollinaire. Il rencontre et aime ce et ceux qu’il aimait, au risque de s’y perdre. Un dédoublement de vie qui lui fait rencontrer les nombreuses muses et femmes de la vie du poète. De Marie Laurencin à Lou, de Annie Playden à Madeleine Pagès, elles ont compté, elles ont aimé et quitté cet amoureux enfin assagit par son trop bref mariage avec la flamboyante Ruby. Wilhelm Kostrowitzky devenu Apo le prophète, le poète, si proche de la nature, des arbres, du vent, ne fait qu’un avec les saisons, sera porté toute sa vie par l’amour et la passion. Protégé par dame nature comme il aimait le clamer, il échappe à la mort dans les tranchées mais pas au virus espagnol qui a décimé une grande partie de la population de l’époque. Au grès des rêveries de Florent on rencontre entre autre Cendras, Pablo Picasso, et les amis qui l’ont accompagné jusqu’au bout lorsque la grippe l’a emporté.

J’ai aimé ce roman qui nous entraîne dans les pas d’Apollinaire et dans les rêves et la folie de Florent. C’est le roman de deux époques qui se rencontrent, pour lequel il faut se laisser aller et consentir à passer par des hallucinations et des rêves éveillés. Si vous l’acceptez, alors c’est gagné, la rencontre et la magie opèrent. Enfin, en écoutant les mots de Gaïa la dixième muse, un élément hautement symbolique de cette mère nature qui nous porte, nous élève, nous nourrit, comment ne pas avoir envie de prendre soin de la terre que l’on maltraite pourtant chaque jour depuis si longtemps.

À la fois ode à la poésie, manifeste écologique et envolée vers des mondes parallèles, Alexandra Koszelyk démontre ici son talent à se renouveler et nous étonner avec cet univers totalement différent de à crier dans les ruines. C’est magique, onirique et poétique. L’amour est omniprésent, un amour compliqué qui fait parfois autant de bien que de mal.

Pour aller plus loin : Si vous souhaitez partir à la rencontre de Guillaume Apollinaire, ne manquez pas de découvrir le roman APO, et Le Paris d’Apollinaire tous deux écrits par Franck Balandier, un auteur que j’appréciais particulièrement, et qui vient de nous quitter.

Catalogue éditeur : Aux forges de Vulcain

Au cimetière du Père-Lachaise, des racines ont engorgé les canalisations. Alors qu’il assiste aux travaux, Florent s’égare dans les allées silencieuses et découvre la tombe de Guillaume Apollinaire. En guise de souvenir, le jeune homme rapporte chez lui un mystérieux morceau de bois. Naît alors dans son cœur une passion dévorante pour le poète de la modernité. Entre rêveries, égarements et hallucinations vont défiler les muses du poète et les souvenirs d’une divinité oubliée : Florent doit-il accepter sa folie, ou croire en l’inconcevable ? Dans cet hommage à la poésie et à la nature, Alexandra Koszelyk nous entraîne dans une fable écologique, un conte gothique, une histoire d’amours. Et nous pose cette question : que reste-il de magique dans notre monde ?

Alexandra Koszelyk est née en 1976. Elle enseigne, en collège, le français, le latin et le grec ancien.
280 pages / Format : 14 x 20,5 cm / ISBN : 9782373051001 / Date de parution : 15 Janvier 2021 / 20.00 €

Les croques, tuer le temps, Léa Mazé

Les élucubrations fantaisistes de deux gamins dans les allées d’un cimetière

Dans cette BD destinée au plus de 9 ans, l’ambiance est pour le moins originale et singulière. En effet, peu d’enfants parcourent les allées des cimetières pour leur plaisir comme peuvent le faire les jeunes protagonistes de cette série.

Fort heureusement, des jumeaux ne sont jamais vraiment seuls. Car Céline et Colin sont moqués à l’école du fait du métier des parents, et sont un peu trop laissés de côté par de parents très très occupés par leurs clients, enfin, par les familles de leurs clients puisqu’ils sont croque-morts.

Ils sont également les souffre-douleur de leur camarades de classe, et leur instituteur est bien aveugle quant aux responsabilités réelles des jumeaux qui se font systématiquement punir. Ils restent cependant unis dans l’adversité. En particulier face au harcèlement jamais dénoncé par le maître, ou même envisagé par des parents fort peu soucieux de leur bien-être.

Bien sûr ces enfants ne sont pas très différents des autres. Ils aiment faire du bruit, jouer, et partir l’aventure. Quand leurs parents surbookées les oublient un peu trop, les tombes, les chapelles, et les inscriptions recèlent assez de mystères pour leur permettre de voyager loin grâce à leur imagination. Heureusement, Poussin, le graveur funéraire qui travaille au cimetière, arrive encore entre deux gravures à écouter leurs élucubrations et semble prêt à alimenter la source de leurs interrogations.

Et leur découverte dans les allées du cimetière va les mener vers une aventure qui pourrait faire peur aux enfants, mais pas aux jumeaux, bien décidés à dénouer l’intrigue qui se présente à eux. Car l’imaginaire n’a ni frontière ni tabou, et les enfants sont capables de s’occuper partout où ils sont. Comme Léa Mazé nous en fait la démonstration.

Le graphisme sobre, peu coloré, fait de nuances d’ocres, de sépia et de gris, fait bien ressentir l’ambiance du cimetière. Un série intéressante, vite il faut que je découvre la suite…

Catalogue éditeur : éditions de la Gouttière

Dessinatrice et scénariste : Léa Mazé

Les parents de Céline et Colin tiennent une entreprise de pompes funèbres. Une profession bien lourde à porter pour les jumeaux, raillés en permanence par leurs camarades qui les surnomment Croque-mort et Croquemitaine. Isolés, les deux jeunes collégiens ne voient que peu leurs parents, très occupés, et commencent à cumuler les bêtises… jusqu’à être renvoyés de leur établissement scolaire pendant deux jours !
Les enfants se réfugient alors auprès de Poussin, le graveur funéraire qui aime les écouter et alimenter leur imagination…

Date de parution : 7 septembre 2018 / Format :  22 x 29 cm / 72 pages / 13,70 € / ISBN 979-10-92111-79-8 coup de cœur Cultura en 2019

Changer l’eau des fleurs, Valérie Perrin

Voilà un beau roman d’espoir et de vie, d’amour et de solitude, de résilience et de bonheur. Pourquoi il faut découvrir « Changer l’eau des fleurs » de Valérie Perrin sans plus attendre !

photo couv du roman changer l'eau des fleurs, Valérie Perrin, blog Domi C Lire

Violette Toussaint est gardienne de cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Elle connait aussi bien les vivants que les morts de son domaine et semble trouver un véritable plaisir à vivre au milieu des morts. Pour elle, Changer l’eau des fleurs, c’est entretenir les tombes et parler aux visiteurs. Quelle étrange idée, un peu lugubre ou mortifère. Il s’agit plutôt d’un bel élan de vie et de courage, d’amitié et de partage, d’empathie et de confiance.

Violette est née sous X. Jeune fille paumée, elle tombe amoureuse du plus beau client du bar dans lequel elle travaille, ils se marient. Puis c’est une mère comblée par la naissance de sa fille Léonine. Comme le couple doit travailler et malgré la grande paresse de Philippe, ils seront garde-barrière, puis gardiens de cimetière. La cohabitation avec Philippe Toussaint n’est pas un long fleuve tranquille, il est bien trop souvent absent ou silencieux, Violette doit gérer et travailler pour deux. C’était une enfant abandonnée, c’est une mère et une épouse fracassée par les trahisons et les absences, par le deuil et la perte, c’est aussi une femme capable d’aller de l’avant en se forgeant une carapace pour affronter la vie sans recevoir trop de coups.

Violette n’a pas une vie facile, le malheur semble lui coller au corps. Et pourtant, c’est une belle âme qui se cache sous ses habits de dehors comme elle les nomme, une femme qui sait entendre, écouter, consoler. Une femme qui a peur de ressentir des sentiments, qui ne s’octroie pas le droit au bonheur par crainte de trop souffrir encore. C’est surtout une femme que l’on aime d’emblée tant elle donne aux autres, qu’il est doux de connaître.

Quel bonheur ce roman. D’abord, il semble être le roman idéal à lire sans réfléchir pendant les vacances. Mais peu à peu l’intrigue prend corps, les sentiments émergent, les personnages souvent bien plus complexes qu’ils ne le semblent au premier abord trouvent leur place. Le mystère s’éclaircit mais comme pour Violette, la lumière est au bout du chemin. Violette est une belle âme meurtrie tellement positive malgré tout ce qu’elle doit affronter, exactement le genre d’amie que l’on souhaite rencontrer. Valérie Perrin nous offre là un excellent moment de lecture, avec ce pavé que l’on n’a absolument pas envie de lâcher et que l’on referme à regrets tant les personnages sont attachants. Il ne faut surtout pas bouder son plaisir !

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche & Albin-Michel

Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se confier et se réchauffer dans sa loge. Avec la petite équipe de fossoyeurs et le jeune curé, elle forme une famille décalée. Mais quels événements ont mené Violette dans cet univers où le tragique et le cocasse s’entremêlent ?
Après le succès des Oubliés du dimanche, un nouvel hymne au merveilleux des choses simples.

672 pages / Date de parution : 24/04/2019 / EAN : 9782253238027