Katanga, Diamants, Diplomatie, Dispersion

à la poursuite du diamant maudit, une série haute en couleur et en combats

D’abord il faut découvrir le contexte. L’Afrique post coloniale des années 60 et la sécession du Katanga, une province du Congo, au moment de la décolonisation. C’est fait grâce au rappel de quelques événements historiques. Puis la réalité de l’Histoire s’efface quelque peu pour laisser la part belle à la bande dessinée et au plaisir qu’on pris les auteurs à lâcher la bride à leur imaginaire. L’intrigue se situe donc principalement dans l’ex-Congo belge autour des très convoitées mines de diamants du Katanga, de ses gouvernements corrompus, et du rôle à la fois économique et décisionnaire que gardent encore les puissances étrangères.

L’histoire se déroule en trois tomes, Diamants, Diplomatie, Dispersion.

Le thème principal est une traque par plusieurs bandes rivales, mercenaires, pouvoir en place, militaires, milices, puissances étrangères, pour récupérer le butin de trois mois d’extraction de diamants à l’Union Minière du Haut-Katanga. Diamants initialement récupérés puis cachés par un certain Charlie. Ce protagoniste que l’on suit tout au long des trois tomes, que les blancs ne prennent pas au sérieux, mais qui est bien plus malin que ne le laissent entrevoir les apparences.

Les personnages sont tout d’abord des africains à la représentation souvent caricaturale, par leur physique, la pauvreté, le manque d’éducation, la place des femmes, le cannibalisme, le rappel des guerres et des tensions tribales. Viennent ensuite les colonisateurs, diplomates, mercenaires et militaires, ces hommes de mains totalement caricaturaux eux aussi, qui ne renoncent à aucun crime pour tirer leur épingle du jeu. Et cette toute puissance qu’ils imaginent encore posséder. Et tout ceci au milieu de bains de sang, beaucoup, des deux côtés. Et de larmes, un peu, surtout du côté des femmes, blanches ou noires, car elles aiment et sont souvent trahies.

Le graphisme est très sombre, parfois sanglant – les auteurs ne lésinent pas sur l’hémoglobine – et tout dans le mouvement. Le dessin d’une grande qualité restitue bien le foisonnement de la nature et la complexité des décors. Les personnages sont très stéréotypés, méchant ou gentil, noir ou blanc, ont des faciès grotesques et parodiques des deux côtés. Ils portent bien le message de l’emprise de la colonisation, de l’importance des dictateurs en place, mais aussi du rôle bien dérisoire des casques bleus, enfin des guerres intestines et de la trahison entre tribus. C’est à la fois instructif, réaliste, et terriblement cynique.

Catalogue éditeur : Dargaud

En 1960, après quatre-vingts ans passés sous la domination coloniale belge, le Congo proclame son indépendance ; moins de deux semaines après, la riche province minière du Katanga fait sécession. Le Congo et le Katanga entrent immédiatement en guerre ; au cœur du conflit : la possession des territoires miniers. De nombreux massacres et exodes de civils s’ensuivent. L’ONU impose alors sa médiation et l’envoi de Casques bleus sur place… Dans le même temps, une horde d’ignobles mercenaires est recrutée pour aller libérer les exploitations minières occupées… Et un domestique noir, Charlie, tord le cou au destin en mettant la main sur un trésor inestimable : 30 millions de dollars de diamants… ce qui fait de lui le Noir le plus recherché du Katanga.

Fabien Nury (Scénario) et Sylvain Vallée (Dessin)

Diamants : Date de parution : 03.03.2017 / Nombre de pages : 76 pages / ISBN/EAN : 9782205074550
Diplomatie : Date de parution : 17.11.2017 / Nombre de pages : 64 pages / ISBN/EAN : 9782205076875 / 16,95€ Dispersion : Date de parution : 25.01.2019 / Nombre de pages : 68 pages / ISBN/EAN : 9782205077940

Rivage de la colère, Caroline Laurent

Avec Rivages de la colère, Caroline Laurent confirme son talent de conteuse et attise les braises incandescentes de l’histoire

Elle nous avait conquis avec son premier roman et revient avec un roman d’amour et de justice.

Archipel des Chagos, janvier 1971, la vie bascule, les habitants sont sommés de quitter immédiatement l’ile, leur seul et unique lieu de résidence depuis des générations. Mais qui veut cela, et pourquoi et comment en est-on arrivé là ?

Pour mieux comprendre, il faut sans doute revenir sur un peu d’histoire. Possession coloniale britannique depuis 1810, l’ile Maurice accède à l’indépendance en aout 1967. Mais qui dit Maurice, dit aussi d’autres iles de l’archipel des Mascareignes, Rodrigues, mais également les Chagos, qui comptent une cinquantaine d’îles réparties en sept atolls situés dans le nord de l’océan Indien. L’ile principale, la seule habitée, est Diego Garcia. Louée dans le plus grand secret aux États-Unis par le Royaume-Uni, Diego Garcia est aujourd’hui encore une base américaine devenue prépondérante dans la politique de lutte contre le terrorisme dans cette zone.

Dans les années 60, le gouvernement britannique entreprend d’expulser peu à peu les habitants de l’archipel en leur rendant la vie de plus en plus difficile, interdisant à ceux qui voyagent en dehors de l’ile d’y revenir, empêchant les bateaux qui y venaient de façon régulière d’accoster pour y apporter l’approvisionnement en nourriture et en médicaments, puis n’hésitant pas à empoissonner et gazer les chiens. En dernier ressort, les ultimes habitants sont déportés vers l’île Maurice.

Et l’on comprend vite que les habitants sont totalement ignorés, oubliés. Exilés à Maurice, aucune mesure d’aide ou de soutien ne viendra leur éviter la misère dans laquelle le gouvernement les a pongés. Arrachés à leur ile, ils vivent dans des bidonvilles et doivent réapprendre la vie en société, eux qui vivaient en autarcie sur leur ilot paradisiaque.

Prétexte à nous raconter et à faire revivre pour ses lecteurs cet épisode méconnu de l’histoire de ce pays, Caroline Laurent nous plonge avec émotion dans un drame historique qui se déroule sur fond de roman d’amour. Son héroïne est Marie-Pierre Ladouceur. Cette magnifique fille-mère de basse-classe à la personnalité affirmée tombe amoureuse de Gabriel, le nouvel adjoint du gouverneur. Arrivé tout droit de Maurice, ce créole issu d’une grande famille traine lui aussi des blessures et des rêves d’ailleurs. Malgré les difficultés, ce couple singulier séparé par les circonvolutions de l’Histoire donnera naissance à Joséphin. Même si le chemin est semé d’embuches, Gabriel saura se réaliser en tant que père et vivre cette paternité dans l’amour des siens. Dans une émouvante alternance de récit entre le passé et le présent, nous découvrons la lutte de ce fils, instruit et respectueux de justice et d’équité, qui va tout faire pour obtenir justice et permettre aux chagosiens de revenir sur leur île.

Avec Rivage de la colère, Caroline Laurent nous offre un magnifique roman sur l’exil, une belle histoire d’amour impossible et un portrait de femme remarquable, mais aussi un prétexte pour nous éveiller à cette injustice qui frappe encore aujourd’hui les anciens habitants de Diego Garcia et leurs descendants. C’est tout à la fois émouvant, consternant, attachant et instructif.

En effet, le 25 février 2019 la Cour internationale de justice a estimé que le Royaume-Uni avait illicitement séparé l’archipel des Chagos de l’île Maurice après son indépendance en 1968. Pourtant les britanniques ont renouvelé le bail des américains pour vingt ans.

De Caroline Laurent on ne manquera pas de découvrir également le premier roman écrit avec Evelyne Pisier, Et soudain, la liberté.

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois, session anniversaire 2020

Catalogue éditeur : Les Escales

Certains rendez-vous contiennent le combat d’une vie.
Septembre 2018. Pour Joséphin, l’heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère…
Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l’île Maurice. Elle qui va pieds nus, sans brides ni chaussures pour l’entraver, fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l’administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle.
Quelques mois plus tard, Maurice accède à l’indépendance après 158 ans de domination britannique. Peu à peu, le quotidien bascule et la nuit s’avance, jusqu’à ce jour où des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour quitter leur terre. Abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ?
Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.

Caroline Laurent est franco-mauricienne. Après le succès de son livre co-écrit avec Evelyne Pisier, Et soudain, la liberté (Les Escales, 2017 ; Pocket, 2018 ; prix Marguerite Duras ; Grand Prix des Lycéennes de ELLE ; Prix Première Plume), traduit dans de nombreux pays, elle signe son nouveau roman Rivage de la colère. En parallèle de ses fonctions de directrice littéraire chez Stock, Caroline Laurent a été nommée en octobre 2019 à la commission Vie Littéraire du CNL.

EAN : 9782365694025 / Nombre de pages : 256 / Format : 140 x 225 mm / Date de parution : 09/01/2020 / Prix : 19.90 €

Le sanglot de l’homme noir. Alain Mabanckou

Sous la forme d’une lettre à son fils, et comme en écho au « sanglot de l’homme blanc » de Pascal Bruckner, Alain Mabanckou signe avec « le sanglot de l’homme noir » un essai sur la définition de l’identité de l’homme noir.

DomiCLire_le_sanglot_de_l_homme_noirSuffit-il d’être noir pour être frère ? Il n’y a pas un homme ni une communauté noire, et c’est Alain Mabanckou qui nous le dit ici. Je découvre son écriture avec cet essai court, précis et très intéressant. L’auteur, congolais et français, citoyen du monde, vit en France et aux États Unis où il enseigne. C’est un homme que je trouve passionnant pour son engagement, ses activités artistiques et littéraires qui enchantent le public, pour son esprit novateur et son humanisme.

Dans cet essai, chaque chapitre porte le nom d’un roman ou d’un classique de la littérature. Alain Mabanckou y parle de négritude, évoquant Aimé Césaire mais pas seulement, d’intégration, de traite négrière, par les blancs, mais il dénonce aussi les crimes de la colonisation par les tribus noires d’Afrique subsaharienne, rejoignant là les écrits de Leonora Miano sur le sujet. Il nous parle découverte, intégration, égalité, identité nationale. Il nous questionne et nous explique ce ressentiment qui peut subvenir entre un afro américain et un noir d’Afrique, mais aussi les différences entre par exemple un noir des Antilles et un noir en situation irrégulière à Paris. Levant par là un certain nombre d’idées préconçues.

Il me fait penser aussi a Chimamanda Ngozi Adichie dont le personnage dans Americanah découvre qu’elle est noire en débarquant aux États Unis, car avant, elle était tout simplement une femme parmi d’autres, sa couleur ne la définissait pas. Alain Mabanckou parle couleur de peau mais souligne avant tout la beauté de la tolérance et de la communauté d’âmes, évoque humanité et solidarité, reconnaissance et accomplissement de soi. Il exprime l’amour de la langue française, la richesse de la littérature, les rêves qu’elle peut engendrer ou aider à accomplir.

C’est un très court texte, mais tellement dense, fait de mots pour comprendre, pour se poser des questions, pour aller vers l’autre. Un essai qui nous ouvre l’œil et l’esprit, à lire et relire.

💙💙💙💙

Lors de la rencontre avec Alain Mabanckou par lecteurs.com

 


Catalogue éditeur : Fayard, puis éditions Points, été 2017

Suffit-il d’être Noirs pour être frères ? Qu’ont en commun un Antillais, un Sénégalais et un Noir né à Paris, sinon la couleur à laquelle ils se plaignent d’être réduits ? Et la généalogie qu’ils se sont forgée, celle du malheur et de l’humiliation (esclavage, colonisation, immigration)… Dans cet essai, Alain Mabanckou refuse de définir l’identité noire par les larmes et le ressentiment.

Alain Mabanckou est essayiste, poète et romancier. En 2015, il a été professeur de création artistique au Collège de France. Il est notamment l’auteur de Petit Piment, Mémoires de Pointe-Noire et Le monde est mon langage.

6,5€ // 144 pages / Paru le 15/06/2017 / EAN : 9782757865118

Dans l’épaisseur de la chair. Jean-Marie Blas de Roblès

Avec « Dans l’épaisseur de la chair » son roman paru chez Zulma à la rentrée littéraire, Jean-Marie Blas de Roblès nous embarque dans un retour vers le passé, véritable hommage d’un fils à son père.

Domi_C_Lire_dans_lepaisseur_de_la_chair.jpgAu matin du 24 décembre au large de Marseille, un homme seul tombe à la mer…
Aie, alors forcément, sa vie va défiler devant les yeux de Thomas le naufragé, avant le grand saut vers l’inconnu, c’est sûr… Eh bien, non, l’auteur va, avec énormément de finesse, lui faire revivre non pas sa propre vie mais celle de son père. Il faut dire que peu de temps auparavant, cet homme lui a lancé l’insulte suprême, celle dont on ne se remet pas  « Toi, de toute façon, tu n’as jamais été un vrai pied-noir ». Grenade dégoupillée lancée à la tête d’un fils estomaqué, que son père met au sol aussi surement que s’il lui avait tiré dessus. Thomas est anéanti, bouleversé, touché. Mais, pourquoi ? Et en fait, qu’est-ce réellement qu’être un VRAI pied-noir ? C’est ce que va peut-être nous dire ce récit émouvant et légèrement autobiographique qui rend à sa façon justice aux Pieds Noirs.

Il y a beaucoup d’humour, mais aussi beaucoup de tendresse pour évoquer Manuel Cortès, ce fils d’émigrés espagnols installés à Sidi-Bel-Abbès en 1882 – car les colons français d’alors ont besoin de bras – et son parcours parfois chaotique mais toujours droit. Et le fils va voguer dans les souvenirs de son père. Après une enfance plutôt heureuse, Manuel Cortès épouse Flavie, devient chirurgien, puis va combattre comme médecin  aux côtés des alliés, il débarque en Italie, fait la campagne de Monte Cassino, avant de revenir en Algérie, pays cher à son cœur. Mais si La Seconde Guerre Mondiale est terminée, les évènements d’Algérie ne font que commencer, vivre au quotidien devient compliqué et dangereux. Même si Manuel et Flavie souhaitent rester dans ce pays qu’ils aiment tant, ils partiront comme tant d’autres vers cette autre rive de la méditerranée qui ne les attend pas plus que ne les voulaient ce pays qu’ils quittent. Rejeté des deux côtés de la méditerranée, Manuel s’installe comme médecin de ville et la famille va vivre dans le sud.

Voilà un roman porté par une écriture magnifique, ciselée, affutée, faite de mots précis et justes pour dire sans jamais juger le bon comme le mauvais, la vie et la misère, la joie et la guerre, les années de bonheur et les années de souffrance. Des chapitres très courts, étrangement numérotés, mais qui font dire au lecteur que je suis allez, encore un chapitre, puis un autre. On avance dans le fil des souvenirs émus et toujours respectueux d’un fils qui raconte une famille, des vies, un peuple et deux pays. J’ai aimé l’alternance des deux récits, celui du présent, inquiétant car il s’agit d’une situation tragi-comique – celle d’un homme à l’eau simplement agrippé à une corde, aidé dans ses pensées par les interventions philosophiques d’un perroquet, le bien nommé Heidegger- traitée avec beaucoup d’humour, et le récit d’un père, d’une famille, d’un passé, traité avec beaucoup d’humanité. Pas de regrets, de ressentiments ou de reproches, mais des vies, avec ce qu’elles ont de bon et de moins bon, beaucoup d’amour aussi dans les mots d’un fils pour son père, tout comme ceux que l’on sent d’un homme pour son pays, et pour son pays perdu.

💙💙💙💙

Merci Jean-Marie Blas de Roblès pour la rencontre lors des Correspondances de Manosque, et pour la beauté des mots. 

 


Catalogue éditeur : Zulma

C’est l’histoire de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils – avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée. Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l’acteur Tyrone Power – détail qui peut avoir son importance auprès des dames…
Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée.
Dans l’épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable – et qui nous dévoile tout un pan de l’histoire de l’Algérie. Une histoire vue par le prisme de l’amour d’un fils pour son père.

Parution août 2017 / 390 p.  20 €

De nos frères blessés. Joseph Andras

« Je vais mourir, murmure-t-il, mais l’Algérie sera indépendante »

Dans l’Algérie des années 50, le lecteur oscille du bonheur à la violence, de la beauté à la souffrance, « De nos frères blessés » de Joseph Andras est un hymne à la fraternité, à la liberté, à ceux qui luttent pour l’amour d’un pays et de leur terre.

Bluffée ! Par l’histoire ? Peut-être car je ne savais rien de la courte vie de Fernand Iveton, restant dans l’Histoire comme le seul européen guillotiné en 1957, pendant la guerre d’Algérie, pour avoir posé une bombe. Bombe qui n’a pas sauté, qui n’a tué personne et qui n’était avant tout pas destinée à tuer mais plutôt à faire exploser les consciences, à ouvrir les cœurs et l’intelligence de tous pour enfin entendre l’aspiration à la liberté de tout un peuple.
Bluffée par le ton ? Sans doute, car il est celui d’un écrivain aguerri et certainement pas celui que j’attendais d’un premier roman.
Par le rythme ? Oui, sans hésitation, par l’alternance de situations, de souvenirs, d’événements, ayant attrait aux différents personnages, n’ayant souvent rien à voir les uns avec les autres, et qui cependant s’enchainent de façon évidente et sans casser le rythme de la lecture.
Effarée , bien que consciente de cette réalité, par la dureté des politiques, de la justice, des hommes, tels qu’ils peuvent l’être dans un pays en guerre, en conflit, en lutte pour son unité, et qui certains d’être dans leur juste droit n’hésitent pas à condamner à mort pour l’exemple.
Attristée ? De savoir et de comprendre que la mort pour l’exemple ne sert à rien, quand les hommes se battent pour des causes qu’ils croient justes, quand les lâches dénoncent sans prendre la mesure de leur faiblesse et de leur lâcheté.

Voilà un très beau roman, qui même s’il relate un épisode peu glorieux de notre histoire commune, se lit malgré tout comme un roman de fiction (enfin, de fiction …. Bref, comme un roman). Un roman qui dépeint des personnages auxquels on s’attache ou qu’on déteste mais qui ne laissent pas indifférent. Qui nous fait vivre des scènes de torture réalistes et violentes, qui posent question elles aussi. Comme se le demandera Fernand lui-même dans sa geôle de la prison de Barberousse. Jusqu’à quand ont-ils tenu, eux, les autres ? Qui est le lâche, le traitre, le faible, le courageux, le bourreau ? Jusqu’où l’homme est-il capable d’aller dans l’acceptation de la douleur avant de perdre toute humanité ? Et quelle succession d’évènements, de rencontres, de certitudes, d’amitiés, vont faire de chacun de nous ce que nous sommes ?

J’ai vraiment aimé cette écriture, ce rythme, ces alternances d’époques, ces fulgurances de bonheur et de droiture dans une vie si courte, ces flashback dans la vie de Fernand qui nous font toucher l’intimité de cet homme qu’on a du coup tant de mal à juger (si tant est qu’on en ait seulement le droit ou l’envie !) et qu’on ne souhaite que comprendre et approuver au plus profond de soi.
Bref, à lire sans faute; un roman qui bien que situé dans le passé, raisonne d’une brulante et permanente actualité.

Liberté, liberté chérie … « Sur les marches de la mort J’écris ton nom »

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Catalogue éditeur : Acte Sud

Alger, 1956. Fernand Iveton a trente ans quand il pose une bombe dans son usine. Ouvrier indépendantiste, il a choisi un local à l’écart des ateliers pour cet acte symbolique : il s’agit de marquer les esprits, pas les corps. Il est arrêté avant que l’engin n’explose, n’a tué ni blessé personne, n’est coupable que d’une intention de sabotage, le voilà pourtant condamné à la peine capitale.
Si le roman relate l’interrogatoire, la détention, le procès d’Iveton, il évoque également l’enfance de Fernand dans son pays, l’Algérie, et s’attarde sur sa rencontre avec celle qu’il épousa. Car avant d’être le héros ou le terroriste que l’opinion publique verra en lui, Fernand fut simplement un homme, un idéaliste qui aima sa terre, sa femme, ses amis, la vie – et la liberté, qu’il espéra pour tous les frères humains.
Quand la Justice s’est montrée indigne, la littérature peut demander réparation. Lyrique et habité, Joseph Andras questionne les angles morts du récit national et signe un fulgurant exercice d’admiration.

Domaine français / Mai, 2016 / 144 pages / ISBN 978-2-330-06322-1 / prix indicatif : 17€