Paysages de nuit, Diane Chateau Alaberdina

Dans la famille recomposée, la fille, la mère… un père

Sonia et Katarine vivent dans la maison de la forêt. Mère et fille, et quelques hommes de passage, devenus un temps pères de substitution. Les deux femmes semblent se satisfaire de leur relation à deux. Mais lorsque Katarine rencontre Adam, l’affaire devient sérieuse. Surtout le jour où celui-ci vient s’installer dans leur maison.

Sonia, dix-sept ans s’éprend rapidement de ce beau-père un peu plus proche que les autres. Un semblant de foyer se crée, une relation que la jeune fille voudrait sans doute plus intime, plus tactile, plus intense. Attirance pour le père absent, pour cet homme mûr, sur de lui, figure paternelle, envie de chasser sur les terres maternelles, besoin d’affirmer sa sensualité, sans doute un peu de tout cela. Alors Sonia guette, espionne, observe Adam dans sa vie, dans la relation avec sa mère, subi le pouvoir destructeur de cet amour ambigu qui ne peut pas être, absolu et secret. Elle croque dans ces carnets de dessins le corps, le visage, les traits d’Adam. Elle emprisonne l’idée de l’amour dans ses griffes de jeune femme en devenir.

Et cet homme inaccessible et convoité, étouffé par l’amour de ces deux femmes, même si Sonia n’avoue jamais ce qui la ronge, ne trouve son salut que dans la fuite. Commence alors une lente descente aux enfer pour Sonia, victime de cet amour incompris, de l’intensité du chagrin, de l’absence et de l’abandon du père de substitution.

Il y a dans ce roman tous les artifices de la tragédie, les sentiments, l’absence, la douleur, l’intrigue amoureuse, la relation à la foret à la nature à la nuit, celle entre hommes et femmes, la mort.

J’ai retrouvé le style très particulier de l’autrice de La photographe que j’avais découvert en 2019. Écriture directe, phrases courtes, sens de la tragédie et du drame, sentiments exacerbés, et cette façon de décortiquer la passion et la douleur.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix littéraire de la Vocation 2022

Catalogue éditeur : Gallimard

« Pour Sonia, la nuit a quelque chose d’électrique, d’impalpable. Toute la tension de la journée s’évanouit d’un coup. Les yeux deviennent lourds, les ventres se détendent. La sexualité prend une autre forme. Sur le chemin du retour, elle colle son visage à la vitre. Les paysages défilent, les bâtiments de la ville laissent doucement place aux champs et aux bois. Pendant le trajet, elle jette des coups d’œil discrets sur Adam. Il ne semble pas dérangé par le silence. Une envie prend Sonia, celle de toucher son visage. »
Katarine élève seule sa fille Sonia dans une maison au bord de la forêt. Lorsqu’elle tombe amoureuse d’Adam, la relation fusionnelle entre les deux femmes est troublée. Mais chez la jeune fille de dix-sept ans, romantique et passionnée, l’attachement pour ce nouveau beau-père se transforme rapidement en un désir d’autant plus puissant qu’il est interdit.

Parution : 07-04-2022 / 208 pages / ISBN : 9782072950773 / 18,00 €

La photographe, Diane Château Alaberdina

Diane Château Alaberdina aborde toute la complexité de l’image reçue et de celle que l’on projette, comme un miroir de l’âme.

Lud vivait à Saint-Pétersbourg jusqu’au jour où ses parents ont décidé d’émigrer en France. A Paris, L’Archipel café est le point de rencontre de la diaspora slave autour d’Agafonova, une écrivaine énigmatique et emblématique de ce passé Russe parfois idéalisé, et de sa fille Taisiya.

Les années passent, chacun prend des chemins différents. Un jour, Lud croise par hasard Agafonova puis revoit sa fille Taisiya. Celle-ci lui demande de la photographier nue avec son mari. Il faut dire que Lud, comme son père avant elle, est passionnée de photographie. Les différentes étapes qui révèlent la photo dans la chambre noire exercent une attraction irrésistible sur l’enfant puis la jeune femme. Elle sait capturer comme personne l’âme de la nature qui l’entoure, mais aussi celle des gens qu’elle croise ou qui acceptent de prendre la pose devant son objectif.

Il n’est pas aisé de saisir l’image qui va le mieux caractériser un sujet mais Lud est de celles qui savent, comme elle sait saisir les tréfonds de l’âme de l’énigmatique Taisiya. Une valse ambiguë et empreinte de nostalgie commence alors entre elles. A travers ces corps abandonnés à son objectif, Lud entrevoit le temps qui passe, la vie, ses aléas. Sur fond de souvenirs d’un pays peut-être idéalisé à travers ces deux femmes, mère et fille, qui exercent un pouvoir d’attraction évident, Lud va vivre des émotions intenses.

L’écriture est à la fois poétique et maitrisée.  A travers un certain flou à la David Hamilton, tant sur les sentiments entre les différents personnages – amour, jalousie, séduction – que sur certaines scènes, l’auteur laisse toute la place à l’imagination des lecteurs qui s’imprègnent de ces relations complexes entre les femmes, avec le frère, avec le pays d’origine.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du prix littéraire de la Vocation 2019.

Catalogue éditeur : Gallimard

«Elle était grande. Elle donnait cette impression d’être étirée, son visage majestueusement ancré sur son cou. Elle me faisait penser à ces femmes russes que l’on trouve dans les magazines à deux euros dans les kiosques. Pendant un instant, j’ai eu envie de prendre sa place.
De savoir ce que cela faisait d’être une autre femme, avec cette voix monotone et ces yeux d’une incomparable tristesse.»
Lud a grandi dans l’admiration d’Agafonova, écrivaine autour de laquelle gravitait toute la diaspora slave de l’Archipel Café, et de sa fille Taisiya. Lorsqu’elles se retrouvent à l’âge adulte et que Taisiya devient son modèle, un jeu ambigu se met en place entre la photographe et cette femme qui, en s’offrant nue devant son appareil, dévoile sa fragilité et ses fêlures.

160 pages, 140 x 205 mm  / Achevé d’imprimer : 01-02-2019  / ISBN : 9782072830624 / Parution : 07-03-2019