Tant que le café est encore chaud, Toshikazu Kawaguchi

Entrez dans le café Funiculi-Funicula pour vivre une expérience extra-ordinaire

J’avais découvert ce roman lors de sa parution chez Albin-Michel, j’ai eu le plaisir de l’écouter dans le cadre de ma participation au Prix des lecteurs Audiolib.

Quel lien existe-t-il entre Fumiko, cette jeune femme qui a rendez vous avec son petit ami au café Funiculi funicular ;
Mlle Hiraï, une jeune femme aux bigoudis sur la tête toujours pressée mais tellement libre, qui refuse de rencontrer sa petite sœur Kumi chaque fois que cette dernière vient la voir à Tokyo ;
Mr Fusagi et son éternelle revue de voyage qu’il annote depuis tant de mois, accoudé à l’entrée du café et son infirmière Mme Kotâke ;
Kei, l’épouse de monsieur Nagare qui tient le café et attend leur premier enfant ;
Et la femme en blanc assise chaque heure de chaque jour à la même place, sur la même chaise, inlassablement.

Et si le lien était justement ce café hors du temps, qui n’a jamais changé depuis sa création cent quarante ans plus tôt ? Dans ce café aux trois pendules, le voyage que l’on vous propose est à faire dans le passé ou dans le futur. Mais jamais le présent ne pourra changer, même après cet incroyable voyage.

Une condition impérative, revenir à l’instant présent Tant que le café est encore chaud.
Alors pourquoi tentent-elles leur chance ces femmes qui embarquent pour un voyage dans le temps ? Et si la solution était simplement dans une autre façon d’accepter et de voir les situations, ne pas changer ce qui est mais changer soi-même et sa perception de l’autre et de la vie ?

Un roman qui interroge sur notre volonté de modifier le cours des choses avant même de tenter de modifier notre façon d’être. La sobriété et la délicatesse du Japon émaillent ces pages pour le plaisir du lecteur. Il y a une grande poésie dans ce roman aux tonalités très japonaises également dans la façon d’être de chacun des personnages, leurs silences, leur maintient, leur retenue, et malgré les nombreuses répétitions, il a vraiment beaucoup de charme.

La voix de Philippe Spiteri porte avec poésie et sensibilité chacune des situations, chacun des personnages avec ses doutes et ses espoirs, ses failles et ses forces. Le rythme n’est ni trop lent, ni trop brusque, le ton est posé, déterminé et délicat.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel, Le Livre de Poche

À Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulent mille légendes. On raconte notamment qu’en y dégustant un délicieux café, on peut retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud.
Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience et comprendre que le présent importe davantage que le passé et ses regrets. Comme le café, il faut en savourer chaque gorgée.

Lu par Philippe Spiteri
Traduit par Miyako Slocombe
Durée 5h25 / EAN 9791035408442 Prix du format cd 19,90 € / EAN numérique 9791035408817 Prix du format numérique 17,95 € / Date de parution 11/05/2022

Regarde le vent, Virginie Dru

Comprendre les générations de femmes qui nous ont précédées pour prendre son destin en main

Camille écrit, Camille vit, certes un peu en marge de sa propre vie, mais ça passe, Camille aime Raphaël depuis leur première rencontre, mais elle a chaque jour de plus en plus de difficulté à le comprendre.

Depuis le décès de sa grand-mère adorée, Camille passe ses nuits à écrire. Pas sur elle, son homme ou ses filles, non, ce serait inutile et banal. Mais sur sa grand mère, son arrière grand mère et son arrière arrière grand mère.

Trois générations de femmes fortes, amoureuses, mères, épouses, amantes, des femmes ordinaires en apparence mais pourtant des femmes qui ont osé vivre leur amour fou, porter leurs enfants avec force et conviction, avec amour et passion.

Chaque nuit Camille écrit en cachette de celui qui ne sait rien faire d’autre que critiquer, corriger, crier, être négatif alors que la relation entre eux pourrait être sereine et apaisée. Avec Raphaël ils forment un couple qui s’aime mais ne sait plus se le dire. C’est banal et triste à la fois, tellement courant que l’on ne fait même plus d’effort pour que tout s’arrange.

Une approche singulière de la famille, de la relation entre époux, de la relation à celles et ceux qui nous ont précédés et dont on porte une part d’histoire.

Mais aussi du métier d’écrivain. Cette solitude, cette hésitation à accepter l’œuvre qui se dévoile peu à peu, à être ou devenir réellement un écrivain et plus seulement un homme ou une femme qui écrit dans la solitude de sa cuisine, nuit après nuit.

Regarde le vent est un joli roman de femmes sur les femmes, sur ces générations de femmes qui ont porté haut leur désir de liberté, leur indépendance, leur pugnacité à des époques ou c’était encore moins évident que de nos jours. Quoique, de nos jours rien n’est acquis non plus pour une partie des femmes, pas seulement dans le monde mais aussi tout simplement dans notre pays.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Au lendemain de la mort de sa grand-mère, tandis qu’elle feuillette de vieux albums de famille, Camille se met en tête de retracer la lignée de ses aïeules, des femmes libres et extravagantes, « toujours sur leur trente et un, élégantes, coquettes, bavardes, indisciplinées, des gigolettes qui se balançaient en dévoilant leurs genoux et en profitant de la douceur du jour ».
Chaque nuit, au fil de sa plume, elle puise son inspiration dans ce passé triste et joyeux, exhume des secrets bien gardés et fait revivre quatre générations d’amoureuses qui n’ont pas hésité à braver les interdits de leur temps.
Mais c’est compter sans son époux, qui ne supporte pas de voir sa femme écrire et s’épanouir…

Date de parution 01 février 2023 / Édition Brochée 21,90 € / 272 pages / EAN : 9782226474421

Les jours heureux ne s’oublient pas, Gavin’s Clemente Ruiz

Comment vivre après le deuil, un roman tendre et positif

Gontran reçoit un appel affolé de Victoire, l’amie de son père. Celui-ci, veuf depuis six ans, ne va vraiment pas bien et la présence de son fils à ses côtés est indispensable. Mais son père habite en Espagne. Gontran organise ce voyage en un éclair pour partir au chevet de celui qui pourtant n’a jamais été très présent dans sa vie. Depuis la mort de sa mère la relation ne s’est pas vraiment améliorée. Il faut dire que mère et fils avaient une relation fusionnelle, laissant peu de place à celui qui s’est avéré plus un géniteur qu’un père attentif et tendre.

Mais à son arrivée, la surprise est grande. Son père est seul dans une maison encombrée de tant d’objets, cartons, souvenirs que la vie semble figée dans une solitude morne et triste. Seul, avec sa vieille camionnette et son chien Gontran, le père est figé dans le passé et son amour pour la défunte.

Ces quelques jours ensemble sont une occasion unique pour les deux hommes de se rapprocher, s’écouter, se parler. Et miracle, Gontran décide de faire venir son fils pour que pères et fils se retrouvent enfin.

Comment faire son deuil, comment parler avec son enfant lorsque l’on s’est tu toute sa vie, comment avancer quand tout autour de vous vous rappelle sans cesse le passé qui ne reviendra plus, et comment lâcher prise alors que l’on est tellement occupé à vouloir tout gérer, organiser, diriger dans sa vie et celle de ceux qui nous entourent.

Un roman tendre et positif sur la relation parents-enfants, les questions et les mots que l’on n’ose pas s’avouer, l’amour que l’on donne à ses enfants ou celui que l’on retient sans comprendre les conséquences de cette attitude, le couple et l’amour parfois à sens unique.

Et quel plaisir d’avoir découvert ce roman en Espagne autour d’un bon chocolate y churros et d’une paella Valenciana, ça ne pouvait pas être plus adapté !

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Lorsqu’il débarque en Espagne, où son père est censé avoir refait sa vie, Gontran découvre un veuf esseulé, écrasé par le poids des souvenirs et du chagrin. Le fils décide d’aider le père. Mais comment le soutenir et combler le vide laissé par la femme qui rendait à l’un et à l’autre la vie si extraordinaire ?

Chroniqueur sur Europe 1, secrétaire général du Guide du Routard, Gavin’s Clemente Ruiz est aussi romancier. Après le succès de La divine comédie de nos vies, il signe un roman tendre et sensible sur la perte et la renaissance.

Date de parution 05 avril 2023 / Édition Brochée 18,90 € / 208 pages / EAN : 9782226474186

Un miracle, Victoria Mas

Et si le miracle résidait dans la force de croire en l’invisible et au merveilleux

Que faut-il rassembler pour faire un miracle ? Certainement au moins une religieuse, un voyant, un miracle.

Parce qu’elle a été bercée toute sa jeunesse par Catherine Labouret, sœur Anne sait que Sœur Catherine a vu la Vierge à plusieurs reprises un siècle auparavant. Elle est donc sans aucun doute plus portée sur la croyance que le commun des mortels. C’est là, auprès des Filles de la charité, rue du Bac à Paris que, depuis l’âge de ses treize ans, elle a trouvé la sérénité et le calme. Là-même où Catherine avait eu ses apparitions et créé la médaille miraculeuse à la demande de la vierge.

Mais un jour sœur Rose révèle qu’elle a fait un rêve, la vierge apparaîtra sur une île du côté de Roscoff. Alors celle qui n’a connu que l’abri de la congrégation n’hésite pas une seconde et accepte une mission dans cette Bretagne bercée d’Ankou, de fées et de croyances. Arrivée tout au bout du Finistère Nord, elle travaille sans relâche et espère chaque jour que les prédictions vont enfin se réaliser. C’est sa raison de vivre, d’espérer, de se réaliser. Mais elle attendra en vain cette apparition.

Sur l’île, Isaac vit avec son père Allan. Ce dernier survit plus qu’il ne vit depuis la mort de son épouse, et leur foyer est en décrépitude, la tristesse et des airs de fin du monde se sont installés dans leurs vies.

Hugo est le fils de Michel Bourdieu, venu sur l’île pour soigner sa fille Julia, asthmatique et fragile. Violent, autoritaire, il choisit ceux que son fils peut fréquenter et ce n’est certainement pas le fils d’Allan.

Un soir, Isaac est comme pétrifié, debout sur le promontoire face à la mer, il voit celle que personne ne voit, il entend, il écoute, il sait. Chaque soir, ce moment se répète, la population éblouie cherche à savoir, comprendre, accompagner le voyant.

Quand et comment se produira le miracle, nul ne le sait.

Ce livre est pétri de religion et de croyances, d’une forme de folie à travers les visions de l’adolescent, dans la rage et l’engouement de la foule, de violence aussi dans le rejet de ceux qui refusent de croire. Il est aussi une ode à l’acceptation de la différence, au désir de vivre autre chose. Cette rage qui s’empare de sœur Anne, cette violence qui possède Michel Bourdieu jusqu’à commettre le pire, ne sont finalement que des sentiments terriblement humains, échec, rejet, espoir, envie de croire au merveilleux, au tout puissant, à l’inexplicable pour accepter l’inhumanité du présent.

Ce que j’ai aimé ?

La façon dont Victoria Mas a construit son roman, nous entraînant dans une région particulièrement propice à croire au merveilleux, au surnaturel, à la force de l’invisible, tout en exacerbant les caractères de ses personnages jusqu’au point de non retour, pour finalement nous faire revenir assez brutalement sur terre. Car avouons-le, si l’on cherche le miracle, peut-être faut-il se dire que ce n’est pas forcément là où on l’attend qu’il va se réaliser. Miracle, hasard, destin, chance, nommons-le à notre guise, en se disant qu’il y a toujours une raison d’y croire.

Un roman de la sélection 2023 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Sœur Anne, religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d’une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu’un adolescent prétend avoir eu une vision.

Mais lorsqu’il dit « je vois », les autres entendent : « J’ai vu la Vierge. » Face à cet événement que nul ne peut prouver, c’est toute une région qui s’en trouve bouleversée. Les relations entre les êtres sont modifiées et chacun est contraint de revoir profondément son rapport au monde, tandis que sur l’île, les tempêtes, les marées, la végétation brûlée par le sel et le soleil semblent annoncer un drame inévitable.

Date de parution 17 août 2022 / Édition Brochée 19,90 € / 224 pages / EAN : 9782226474087

Wanted, Claire Delannoy

Fin de cavale d’une princesse jardinière, solitaire icône du terrorisme

Elle, Elsa, étudiante en médecine, s’est laissée embringuer par de jeunes utopistes vaguement révolutionnaires. Dans l’impatience de la jeunesse, bourrée de certitudes, elle a tout abandonné pour vivre avec eux, JR, K, Achille, jusqu’au jour où… Hold-up raté, mort, arrestation, cavale, sa vie n’a plus été qu’une fuite de chaque instant. Mais qui est-elle vraiment, une icône terroriste ou une jeune femme piégée ?

Lui, Anton, enquête pour la retrouver. C’est son métier et il touche enfin le but. Mais peut-être est-ce une sorte de fatalité qui l’amené là, auprès d’elle, celle qu’il recherche inlassablement, obstinément depuis tant d’années.

Assise sur le rocking-chair, chaque jour, elle l’attend. Et chaque fois elle se raconte, elle revit les amitiés parfois toxiques qui l’ont conduite à faire ce voyage. Une vie de cavale passée à se cacher dans différents pays, elle est vite devenue très douée pour le camouflage, mais surtout une vie affreusement solitaire.

Son travail d’introspection forcé lui permettra peut-être de faire la lumière sur un événement précis, celui qui a changé le cours de son existence à jamais.

Et si c’était enfin l’occasion de dire, de se libérer, d’avouer et de vivre plus sereinement le début du reste de sa vie.

Elle le sonde, d’où vient-il, pourquoi est-il là, comment et quand l’a-t-il retrouvée, jusqu’à ce que peu à peu, lui aussi se dévoile. N’est-il que ce sale type à la poursuite d’un gibier  ou au contraire quelqu’un de plus proche qu’il n’y paraît ? Car un lien invisible semble les relier, à elle de le trouver, à lui de le révéler.

Étonnant roman sur une rencontre improbable, celle de ces deux êtres que tout oppose et sépare, en apparence du moins. Sur le pourquoi ou le hasard des grands engagements, ceux de la jeunesse, ceux que l’on prend parfois sans en peser les conséquences. Sur les faiblesses, les manipulations, l’emprise, mais aussi les remords et les regrets.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Au fil d’un face à face subtil et sinueux, Elsa et Anton, deux êtres qu’apparemment tout oppose, vont se livrer à une exploration de leur passé, à commencer par celui d’Elsa, l’engagement révolutionnaire de sa jeunesse, sa cavale sous des identités diverses pour échapper à l’image qu’on lui a assignée. Revisitant les utopies des années 1968, sondant le travail du temps et la distance lucide qu’il instaure entre les événements et soi, Wanted est aussi une invitation au dépouillement et à la sérénité.

Claire Delannoy est éditrice et auteure de plusieurs romans, dont La guerre, l’Amérique (Goncourt du premier roman) et Méfiez-vous des femmes exceptionnelles. 

17,90 € / 01 février 2023 / 128 pages / EAN : 9782226480033

La revanche des orages, Sébastien Spitzer

Cette boule est la chose la plus puissante…depuis que l’homme est sur terre

Qu’est-ce qui fait qu’un homme ordinaire, pilote engagé dans la seconde guerre mondiale, devient malgré lui celui qui participe aux vols des B-29 qui ont largué la bombe sur Hiroshima le 6 août 1945. Celui qui dit Donc, c’est bon pour lancer les opérations et le largage de Little Boy.

Claude Eatherly rencontre Anna et tout de suite c’est le coup de foudre entre la belle Italienne actrice et l’apprenti pilote, le futur héros. Claude Eatherly s’est engagé pour faire comme tous les petits gars du Texas, qui veulent venger l’attaque de Pearl Harbor et ne peuvent pas rester au pays sans rien faire. Un mariage et un fils plus tard, le major Eatherly est envoyé sur une base aux confins du Pacifique pour réaliser l‘opération la plus importante de l’Histoire. Là, il va piloter un B-29, la plus grosse forteresse volante construite à cette époque.

Pourtant aujourd’hui il sort de l’hôpital psychiatrique où il a subit les traitements les plus terribles pour oublier la voix qui lui rappelle Enola Gay, Hiroshima et la bombe qui a fait des dizaines de milliers de morts sous les nuages. Qui est-il et pourquoi doit-il subir ces traitements… Car il est celui qui entend les voix des jeunes filles perdues, touchées par la bombe, à jamais bannies de leur propre pays tant la peur est grande des conséquences. Cette voix en particulier qui parle et qui raconte ce qu’elle a vu en ce jour qui n’est autre que le début de l’enfer, pour elle qui était vivante au milieu de ombres.

Si vous aviez oublié cet épisode terrible de la fin de la seconde guerre mondiale, il est ici décrit avec force détails, comme si nous étions sur les bases américaines, dans la tête des pilotes, dans la vie des femmes restées au pays et qui attendent le retour du héros, des parents qui espèrent revoir leurs fils, fiers de savoir qu’ils sont partis combattre l’ennemi pour venger leurs morts, mais qui attendent dans la douleur et l’inquiétude le retour des vivants.

J’ai aimé cette écriture brève, incisive, ce style reconnaissable entre mille d’un auteur que j’apprécie de roman en roman.

J’ai aimé cette façon d’appréhender l’histoire par la petite porte, celle des hommes oubliés, rejetés, blessés, anéantis. Et cette façon de nous montrer comment chez ce héros malgré lui d’une mission qui va le hanter toute sa vie, les remords et les regrets anéantissent sa vie et celle de sa famille. Une fois de plus il a su déterrer l’inconnu, celui dont personne ne parle mais qui pourtant était là, sans doute au mauvais endroit au mauvais moment, qui a vécu au plus près un moment fort de notre histoire récente. Il nous le rend proche, humain, fragile, terriblement blessé au plus profond de lui-même par un acte que d’aucuns ont pourtant qualifié d’héroïque et indispensable pour arrêter le conflit mondial là-bas, du côté du Japon.

Pour aller plus loin :

Les victimes : Hiroshima : 68 000 à 140 000 morts ; Nagasaki : 35 000 à 80 000 morts ; Total : 103 000 à 220 000 morts … (Wikipédia)

Les ombres d’Hiroshima : Lorsque l’onde frappe une personne, son corps en absorbe l’énergie. Il sert alors de bouclier à ce qui se trouve derrière. Ainsi, tout ce qui se trouve autour est décoloré par la puissance de l’onde lumineuse. Il en résulte une ombre, de la forme de ce qui se trouvait sur le passage de l’onde, empêchant la décoloration de la surface derrière elle. (Toms guide)

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Voici l’histoire vraie du jeune pilote Claude Eatherly qui, le 6 août 1945, a participé au bombardement d’Hiroshima. Démobilisé, il est accueilli en héros mais s’enferme dans le mutisme. Une étrange voix le hante. Qui est-elle ? Que veut-elle ? Et si c’était la voix de sa conscience ? Tandis que les autorités le font passer pour fou, Eatherly entraîne sa femme et ses enfants dans une chute inexorable.

17 août 2022 / 21,90 € / 400 pages / EAN : 9782226464675

Le livre des sœurs, Amélie Nothomb

Parce qu’une sœur est un trésor irremplaçable

Comment arriver à trouver sa place quand on naît dans le foyer d’un couple fusionnel. Dès leur rencontre ils se sont suffit à eux-mêmes. Ça leur passera dirent les uns, l’amour dure sept ans dirent les autres. Pourtant, tant d’années après, rien ne peut s’immiscer entre les plis de leur amour. Pas même Tiphaine, cette première enfant que tous leur ont conseillé d’avoir.

Alors Tiphaine grandit seule et sans amour, car la fusion ne se divise pas. Seule et sans que personne ne lui apprenne à être une enfant, à grandir, parler, apprendre, être, devenir, aimer. Jusqu’au jour où elle réussi à convaincre ses parents de faire un autre enfant. Elle saura bien s’en occuper, aussi bien qu’elle sait s’occuper de sa filleule, la fille de Bobette, cette tante fantasque qui passe ses journées devant la télé à boire et rêver, oubliant d’élever ses trois garçons et sa fille. Qu’à cela ne tienne, Tiphaine est là et elle a de l’amour à revendre.

Dès la naissance de Lætitia l’amour de Tiphaine pour sa sœur est aussi exclusif et passionné que celui de ses parents entre eux. C’est elle qui l’élève, lui apprend ce que doit savoir un enfant, faute de parents attentifs. Brillantes, les sœurs sont promises à un bel avenir, musicienne dans un orchestre de rock pour la benjamine, présidente de la République pour l’aînée. Et le lecteur les suit dans leur parcourt de vie, dans cette fraternité fusionnelle.

Amélie Nothomb a l’art dépeindre les extrêmes, amour, abandon, fusion, pardon ou haine, tout est toujours excessif. Comme l’amour de ces deux sœurs qui découvrent pourtant à l’école qu’une sœur n’est pas toujours le meilleur cadeau fait à un enfant. L’amour n’est pas toujours au rendez vous des fratries.

Si elle a parlé de la relation importante qui la lie à sa sœur lors des présentations de ce roman, l’autrice est une fois de plus partie dans des mondes rêvés dans lesquels elle crée sa propre réalité. On y retrouve l’intelligence de l’écriture, le vocabulaire qui nous perd parfois mais que l’on aime découvrir, il manque peut être un peu de l’humour caustique qui fait sa patte. Je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à Tiphaine, trop intelligente, trop abandonnée, trop forte sans doute. Ni à ces parents exclusifs que l’on a sans cesse envie de gifler et de secouer.

Pourtant une fois de plus j’ai eu envie de lire d’une traite ce nouveau roman, même s’il ne m’a pas autant embarquée que ceux des années précédentes. Difficile de passer après Soif et Premier sang avouons-le.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne. »  Amélie Nothomb

Date de parution 17 août 2022 / 18,90 €

Sel, Jussi Adler Olsen

Quand le présent et le passé se rejoignent au sein du département V

Comme à leur habitude, les équipiers du département V tentent d’élucider une affaire non résolue. Mais la police est sous l’eau, ils doivent aider leurs collègues sur une enquête actuelle.
Comment et pourquoi dans les années 80 tous les employés d’un garage ont disparu dans une dramatique explosion ?
Qui en veut aujourd’hui à cette jeune femme décédée dans la rue, et pourquoi ?

Ils sont loin d’imaginer alors que ces deux enquêtes ont un point commun, un insignifiant petit tas de sel que l’on retrouve près des victimes. En remontant loin dans le temps et en ratissant large dans le pays, ils finissent par découvrir que ce petit tas de sel se retrouve dans un certain nombre d’affaires pourtant éloignées, suicides, accidents, meurtres.

Commence alors une enquête minutieuse largement perturbée par la situation sanitaire du pays, et du monde d’ailleurs puisque nous sommes en pleine crise du covid. Aller enquêter tout en étant confiné n’est pas du tout évident on s’en doute. Chercher un dangereux criminel capable de maquiller ses meurtres en suicide ou accident, et assez intelligent pour les espacer de plusieurs années n’est pas non plus de tout repos. Surtout lorsqu’une enquête parallèle vient mettre à mal Carl Mørck qui se retrouve pointé du doigt dans une sombre affaire de trafic.

J’ai trouvé que cette dernière enquête était parfois tirée par les cheveux, mais elle apporte une réelle interrogation sur les notions de bien et de mal, de justice, de vengeance au nom d’un Dieu tout puissant et rédempteur. À quel moment un meurtre est « acceptable » s’il est perpétré sur celui ou celle qui répand le mal ? Qui va-t-on plaindre, le bourreau ou la victime ?

La période du covid et ses aléas, le confinement en particulier, est tellement omniprésente que la vie en dehors de l’enquête des différents protagonistes est légèrement moins prégnante que dans les autres opus que j’avais pu lire, et c’est parfois dommage. Même si Assad a toujours l’art de lancer quelques expressions arrangées à sa propose sauce, à moins que ce ne soit un parti pris, en faire des jeux de mots à sa façon.

J’ai aimé écouter ce roman dans cette version proposée par Audiolib. Le rythme, les voix, les expressions sont rendus vivants par Julien Chatelet. Et une fois de plus, ce qui n’est pas anodin, je n’ai pas eu à me poser de question sur la façon de prononcer certains noms.

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

En replongeant dans une affaire non résolue datant des années 1980, Carl Mørk et l’équipe du Département V découvrent avec stupeur que depuis trente ans, un tueur particulièrement rusé choisit avec une régularité effrayante une victime et l’élimine en déguisant ce meurtre en accident ou en suicide.
À chaque fois, sur le lieu du crime, un petit tas de sel.
Sur fond de restrictions sanitaires dues au Covid-19, Mørk et ses acolytes se lancent dans une enquête dont ils n’imaginent pas l’ampleur.

Lu par Julien Chatelet
Traduit par Caroline Berg
Durée 14h09 / EAN 9791035409524 Prix du format cd 25,90 € / EAN numérique 9791035408893 Prix du format numérique 23,45 € / Date de parution 06/07/2022

Les survivants, Alex Schulman

Dans la fratrie dévastée, trois frères et un secret

Ils sont trois frères, Nils, Benjamin et Pierre, les fils meurtris de parents fort étranges. Aujourd’hui ils se retrouvent pour accomplir les dernières volontés de leur mère, répandre ses cendres au bord du lac de leur maison de vacances. Là où tout a commencé, là où tout s’est terminé.

Deux temporalités vont se succéder tout au long du roman. Le jour où les trois garçons devenus des hommes se retrouvent et se battent au bord du lac, avec en main l’urne qui contient les cendres de leur mère. Et à partir de ce moment là, un retour en arrière chronologique raconte le fil de cette journée heure par heure.

En alternance, les chapitres de l’enfance au bord du lac, les jeux des garçons, l’affection de Molly pour Benjamin, l’indifférence et la froideur des parents. Et le voyage depuis ce jour au bord du lac, jusqu’au temps présent, celui de la dernière et violente bagarre.

Dans leur jeunesse les garçons étaient unis, une préférence des parents pour l’aîné, celui qui réussissait ce qu’il entreprenait, a sans doute créé quelques tensions et des jalousies. Mais dans les efforts, les punitions, les découvertes ou les bêtises, la solidarité de la fratrie était bel et bien présente. Quel est cet événement du passé qui vingt ans plus tôt les a bouleversés à ce point, pourquoi une telle indifférence de leur mère, que faisait le père pour s’imposer, et comment ont ils vécu à la fois les années d’enfance, et l’obligation de rentrer un jour dans l’âge adulte sans le soutien de parents aimants, seulement parfois d’un père.

Quel roman étonnant. L’auteur a une capacité à nous faire entrer dans les tourments, les pensées, les émotions de l’enfance, de l’adolescence par ses mots, par ces scènes de la vie ordinaire sur lesquelles pèse une ambiance à la fois délétère et lourde. Pas ou peu d’amour, pas d’intérêt des parents pour ces garçons qui poussent comme ils peuvent au milieu de l’indifférence de parents alcooliques et indolents qui se suffisent à eux mêmes.

Bien sûr, la révélation qui arrive si tard éclaire d’un tout autre jour ces souvenirs de l’enfance meurtrie. Je n’ai eu qu’une envie, tout reprendre à zéro, en me demandant où étaient les indices, qu’est-ce que j’ai zappé, à quel moment ai-je décroché pour ne pas avoir compris avant. Une lecture qui m’avait laissé très septique dans les premiers chapitres, avant d’avoir réellement compris la structure de l’écriture, puis qui m’a happée et donné envie d’écouter sans m’arrêter ces tourments de l’enfance. Avec l’envie d’aider ces jeunes à devenir les hommes qu’ils sont ou devraient être aujourd’hui, sans savoir, sans avoir compris où se situait leur point de non-retour.

Lecture par Mathieu Buscatto. Sa voix s’adapte parfaitement au ton donné par l’auteur, aux souvenirs qui s’égrènent, à l’incompréhension, à la nostalgie de ce qui n’a jamais été et ne pourra plus jamais être.

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel

Benjamin, Pierre et Nils sont venus accomplir les dernières volontés de leur mère : répandre ses cendres dans le lac qui borde leur maison d’enfance, non loin d’une épaisse forêt de sapins comme on en trouve en Suède. Là où, vingt ans auparavant, un drame a changé le cours de leur existence.

Traduit par Anne Karila
Lu par Mathieu Buscatto

EAN 9791035410186 Prix du format cd 22,90 € / EAN numérique 9791035410414 Prix du format numérique 20,95 € / Date de parution 06/07/2022

Premier sang, Amélie Nothomb

Un roman par an et l’art de se renouveler à chaque fois

Avec talent Amélie Nothomb arrive à nous surprendre à chaque rentrée littéraire

Premier sang évoque à la première personne le père de l’autrice décédé en 2020 et qu’elle n’a pas pu revoir pour cause de confinement et de covid.

Le roman s’ouvre sur un peloton d’exécution, Patrick Nothomb a vingt-huit ans, et sa vie va s’achever à Stanleyville, pendant la révolution qui libère le Congo jusque là Congo belge.
Patrick a huit mois lorsque son père décède. Veuve inconsolable, son épouse confie son fils à ses parents.
Le grand-père général, la grand-mère aimante et douce s’occupent du petit Patrick.
Alors qu’il a six ans, Patrick qui sait déjà lire et écrire, souhaite rencontrer la famille Nothomb, la famille de son père qu’il n’a jamais connue.

Au château de Pont d’Oye, Pierre Nothomb le baron poète ne se soucie guère de la vie de ses enfants. Treize sont nés de ses différents mariages. Cinq vivent sous son toit lorsque Patrick les rejoint.
Le baron porte beau et mange à sa faim, Quand toute la tribu doit se battre pour avoir ne serait-ce qu’un morceau de pain ou de viande. La vie au château est un combat permanent pour la vie, mais Patrick s’y endurcit et apprécie cette famille qui est aussi la sienne.

Nous le suivons tout au long du roman, avec un bonheur incroyable malgré la difficulté de vivre à cette époque, malgré les problèmes et les contraintes de sa famille.
Il y a à la fois beaucoup de tendresse et une pointe d’humour tout au long de ces pages, et l’on a envie d’en connaître plus, de l’écouter nous parler encore. Car oui, on s’y croit, on l’écoute, ce petit Patrick qui deviendra diplomate. Amélie Nothomb incarne avec brio, amour et un brin de dérision parfois cet homme qui a su tirer le meilleur des moments les plus difficiles. Un magnifique hommage à son père.

Un excellent cru, un récompense méritée pour une autrice que je suis avec plaisir depuis des années.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre. » 
Prix Renaudot 2021 / Palmarès 2021 Les 100 livres de l’année du magazine Lire

18 août 2021 / Édition Brochée 17,90 € / 180 pages / EAN : 9782226465382