Crédit illimité, Nicolas Rey

Aussi amorale que déjantée, l’étrange relation entre un fils et son père

Diego lambert, quinquagénaire sans un sous mais digne héritier de son père a déjà quémandé de quoi vivre sans compter à tous ses proches. Aujourd’hui fauché comme les blés, il se voit contraint de quêter l’aumône auprès du paternel, directeur d’une grande multinationale spécialisée dans les céréales.

Mais s’approcher du père n’est pas sans risque. Génial manipulateur, ce dernier propose à son fils de réaliser une mission en échange d’une valise remplie de quelques milliers d’euros qu’il lui remettra s’il réussi. Acculé, totalement en faillite, Diego n’a pas d’autre solution que d’accepter. Il va donc remplacer la DRH d’une des entreprises de son géniteur. Celle ci est en congés maladie, il faut dire que l’usine est en restructuration et sa mission était de licencier quinze personnes. Diego va devoir prendre la place et mettre à la porte sans scrupules couple, père et fils, ou même familles d’employés.

Mais Diego a une âme ! Et celle-ci s’est d’ailleurs révélée avec une grande sincérité lorsqu’il osé avouer à sa psychanalyse qu’il est amoureux d’elle. Comment dès lors concilier une mission pour le moins désagréable, et garder bonne conscience. Comment également ne plus voir l’objet de tous ses désirs, de tout son amour, et espérer être heureux un jour.

Côté travail, au jeu de dupes enclenché par le patriarche, le plus malin des deux n’est pas forcément celui auquel on pense. Côté amours, la vie rangée d’Anne est-elle vraiment celle du bonheur et que doit-elle penser de ce jeune homme au comportement pour le moins étrange.

Nicolas Rey nous offre ici un roman assez sympathique à lire, qui fait passer un bon moment. Un court roman qui oscille entre roman noir, fresque sociale lorsqu’il dépeint la vie des grandes entreprises et du capitalisme et le peu d’humanité qui s’en dégage, mais aussi humour et dérision lorsqu’il aborde la vie aussi morale qu’amorale de Diego et nous fait passer par différents sentiments à son sujet.

Catalogue éditeur : Au Diable Vauvert

Diego Lambert n’a plus le choix. Il doit licencier quinze salariés de l’usine de son père s’il ne veut pas finir sur la paille. Mais rien ne va se dérouler comme prévu, jusqu’à l’irréparable.
Dans cette fiction d’une ironie féroce et d’une beauté nouvelle, Nicolas Rey invente le crime parfait !

Date de parution : 2022-08-25 / pages : 224 / EAN-ISBN : 979-10-307-0515-7

Le sang des bêtes, Thomas Gunzig

Un roman déroutant qui bouscule les certitudes

Tom, la cinquantaine bodybuildée s’ennuie dans sa boutique de produits pour sportifs. Il se demande ce qu’il a fait de sa vie. Une forme de lassitude le tourmente chaque jour, mais rien de bien grave. Il attend les clients et continue ses exercices de musculation pour conserver ce corps qu’il sculpte depuis des années.

Chez lui l’attend Mathilde, la compagne qui partage sa vie depuis vingt cinq ans. Son quotidien va être bouleversé par le retour au bercail de leur fils Jérémie qui vient de rompre avec Jade, sa copine. Et par l’arrivée de Maurice son père atteint d’un cancer. Il vient puiser dans la chaleur du foyer les forces nécessaires pour supporter les séances de chimiothérapie qui s’annoncent. Ce père juif dont la famille a péri dans les camps, victime de la Shoa. Ce père et ce passé dont Tom refuse de s’encombrer.

Malgré la lassitude qui le prend chaque jour et alors qu’il regarde les chalands qui passent devant sa vitrine, Tom est choqué par l’attitude d’un homme envers une femme. Il ne réagit pas immédiatement, mais quelques jours plus tard il décide d’intervenir et de porter secours à la même femme à nouveau violemment traitée par son compagnon. Se sentant légitime pour intervenir, et alors qu’il lui propose son aide, il est très surpris de sa réaction pour le moins inattendue.

Je n’en dit pas plus et vous laisse découvrir la suite …

Voilà un roman tout a fait étrange, à la lecture parfois déroutante et qui bouscule nos certitudes. Sommes nous toujours ce que nous pensons être, qui est l’intrus ou le migrant parmi nos proches, qui est celui qui connaît réellement son passé et ses origines, et savons-nous seulement ce que nous voulons faire de nos vies. De nombreuses questions sont posées ici, sur le genre, le passé et la famille, la place que l’on souhaite occuper dans la société et celle qui nous est assignée sans que l’on ait un mot à dire. Sommes nous libres de nos décisions, de nos actes, de choisir notre futur.

J’ai aimé que sous des airs joyeux et déjantés, ce roman surréaliste nous pose de bonnes questions sur nous même et sur nos désirs, sur la place des femmes tant dans la famille que dans la société, la mode ou le besoin du végan, notre relation aux animaux et aux hommes pour ne citer que celles-là.

Catalogue éditeur : Au Diable Vauvert

« Même si parfois la vie est difficile pour vous, vous n’avez aucune idée de ce que c’est que la sensation terrifiante d’être un animal dans le monde des humains. »

Thomas Gunzig est un fauve littéraire aux gestes féroces et déroutants. On devine que face à lui, les mots tremblent de trouille, et ils ont bien raison. Hervé Le Tellier – Prix Goncourt 2020
Drôle, tendre, cruel et politique, ce roman est un cadeau. Merci Thomas Gunzig. Adeline Dieudonné

Thomas Gunzig, né en 1970 à Bruxelles, est l’écrivain belge le plus primé de sa génération et il est traduit dans le monde entier. Nouvelliste exceptionnel, il est lauréat du Prix des Éditeurs pour Le Plus Petit Zoo du monde, du prix Victor Rossel pour son premier roman Mort d’un parfait bilingue, mais également des prix de la RTBF et de la SCAM, du prix spécial du Jury, du prix de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique et enfin du très convoité et prestigieux prix Triennal du Roman pour Manuel de survie à l’usage des incapables. En 2017 il reçoit le prix Filigranes pour son roman La Vie sauvage. Star en Belgique, ses nombreux écrits pour la scène et ses chroniques à la RTBF connaissent un grand succès. Il a publié et exposé ses photos sur Bruxelles, Derniers rêves. Scénariste, il a signé le Tout Nouveau Testament aux deux millions d’entrées dans le monde, récompensé par le Magritte du meilleur scénario et nominé aux Césars et Golden Globes. Sont aussi parus au Diable vauvert, ses romans : 10 000 litres d’horreur pure, Assortiment pour une vie meilleur, Et avec sa queue il frappe.

Date de parution : 2022-01-06, Nombres de pages : 234, EAN-ISBN : 979-10-307-0452-5

Pourvu qu’il soit de bonne humeur, Loubna Serraj

Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable ?

Maya, 15 ans, belle, jeune, mais pas libre. Depuis quelques mois déjà ses parents ont décidé qu’elle ne pouvait plus aller au collège. Une jeune femme n’a pas besoin de trop apprendre puisque son avenir est d’être marié, savoir être épouse et mère cela suffit bien. Pourtant chaque jour ou presque, de longues discussions avec Marwan, son frère, lui permettent de continuer à apprendre et à débattre sur l’actualité, la géopolitique mondiale, le monde qui l’entoure dans le Maroc des années 40. Jusqu’au jour maudit où on lui annonce qu’elle doit épouser Hicham.

Il est beau ce jeune homme qu’elle découvre le jour du mariage, et la jeune femme est prête à l’aimer et à se soumettre. Mais c’est sans compter sur la violence qui se déchaîne dès la nuit de noce. Violée à plusieurs reprises, frappée, Maya ne sait pas que sa vie vient de basculer dans l’horreur, le silence, la douleur. Celui qui n’a connu que la violence de son propre père répète le schéma à l’envie, pour le plus grand malheur de son épouse.

Si la famille, la mère, les sœurs, ont compris le martyr que vit Maya, aucune voix ne vient s’élever pour faire cesser la violence meurtrière. Seul son dossier médical à l’hôpital témoigne des multiples fractures, viols, souffrances, maltraitances qu’elle a dû subir en silence pendant autant d’années.

Pourtant Maya la soumise, Maya puits de douleur est une femme libre dans sa tête, indomptable et indomptée par celui qui rêvait de la soumettre. Les discussions avec son frère, sa participation à la révolte marocaine face à l’occupant, ses lectures, ses fleurs et ses rêves sont les témoins les plus évidents de cette liberté si chèrement acquise.

Dans le Maroc d’aujourd’hui, Lilya vit une relation heureuse avec son amoureux. Mais elle ne souhaite absolument pas s’engager à ses côtés, car jamais elle n’acceptera de se soumettre au bon vouloir d’un époux. Dans son corps, elle ressent des douleurs et entend des questionnements qui l’interpellent sur sa filiation, qui est elle et d’où vient-elle ? Et si l’âme de Maya, sa grand-mère, était venue la tourmenter pour demander réparation de ses souffrances. Et si Lilya ne s’autorisait tout simplement pas à vivre libre ? Pour le savoir, elle part à la recherche de cette aïeule, soulève le voile du silence et révèle peu à peu la vie de Maya et ses propres contradictions.

De nombreux sujets forts sont abordés dans ce roman. La violence faite aux femmes, que ce soit au Maroc ou ailleurs, le mariage forcé, l’éducation des filles qui n’est pas toujours une évidence. Mais aussi les transmissions transgénérationnelles. La psycho généalogie explique parfois les traumatismes dans des familles où les secrets traversent les générations sans être révélés à ceux chez qui les dégâts sont les plus importants.

Ce sujet difficile est traité d’une manière originale grâce à ces deux générations de femmes qui se retrouvent dans leur soif de liberté, de savoir, d’amour et de vie. Ce roman est le lauréat du Prix Orange du Livre en Afrique 2021, son sujet rejoint Les impatientes, cet autre roman aux multiples récompenses. Souhaitons lui un aussi beau parcours.

Catalogue éditeur : La Croisée des Chemins et Au Diable Vauvert

Deux époques.
Deux couples.
Deux voix. Non, plusieurs voix qui traversent le temps pour raconter une vie, deux vies, leurs vies.
À travers une histoire, tour à tour inscrite dans le passé et le présent, aussi parsemée de violence ordinaire que de passion rebelle, le murmure Pourvu qu’il soit de bonne humeur d’abord inaudible, se renforce, devient mantra et arrache sa propre bulle de liberté, inestimable hier comme aujourd’hui.
Comment être libre quand l’idée même de liberté n’est pas envisageable ?
Comment résister à une guerre de l’intime où les bruits des canons deviennent ceux de clés tournant dans la serrure d’une porte ou de pas se rapprochant doucement mais sûrement ?
Comment la peur peut s’insinuer dans les couloirs du temps pour faire passer un message ? Quel message ?
Maya. Lilya. Deux voix. Deux femmes. Deux époques.
Une intensité. Celle que provoque la liberté.

Loubna Serraj est éditrice et chroniqueuse radio à Casablanca (Maroc). Elle tient également un blog littéraire social et politique sur des sujets d’actualité. Pourvu qu’il soit de bonne humeur, paru au Maroc aux éditions la Croisée des chemins, est son premier roman.

La Croisée des Chemins ISBN 9789920769563 / Parution 2020 / pages 324

Au Diable Vauvert : Parution : 2021-03-18 / pages : 352 / EAN-ISBN : 9791030704105

Malamute, Jean-Paul Didierlaurent

Embarquer dans la blancheur glacée de l’hiver pour un voyage dans le temps

La neige est là, et avec la neige arrive Basile, qui passe les mois d’hivers à Valjoux sur une des dameuses de la station. Pour une fois, il n’a pas eu à chercher un logis, ni à se contenter du réduit qu’il occupait les années précédentes. Il va partager la maison d’un lointain parent, trop âgé pour rester seul. Sa fille a tout organisé pour que Germain puisse rester chez lui. Basile gardera un œil sur ce vieil homme acariâtre et revêche.

Dans l’équipe des dameurs Emmanuelle, une nouvelle venue, dame le pion à tous les anciens et s’approprie, grâce à son talent, l’engin le plus convoité ; c’est aussi la voisine de Germain.

Lorsque ce dernier la rencontre, il laisse affleurer à sa mémoire de bien beaux mais aussi de bien noirs souvenirs, réminiscences d’une époque révolue. Les voisins avaient été baptisés les Ruskoffs par tout le village, car on se méfie toujours de ceux que l’on ne connaît pas.

Paulina Radovic, si blonde, si timide, si belle. Celle dont on découvre le journal écrit en 1976, l’épouse de Dragan. Lui, fort, dur, ancien légionnaire, avait un rêve fou, obsessionnel, conduire les touristes à bord de son traîneau tracté par ses malamutes, de superbes chiens qui pourtant inquiètent les villageois. Mais rien ne s’est passé comme ils espéraient.

Ce que j’ai aimé ?

L’ambiance, à la fois oppressante et majestueuse dans cette blancheur qui envahit le paysage.
Les personnages, des hommes et des femmes qui pourraient être nos voisins, Germain, Basile ou Emmanuelle, mais aussi Françoise ou encore le curé et ses processions, un écheveau de relations humaines où le meilleur côtoie le pire sans que cela paraisse incongru.
Des situations en apparence simples et banales où parfois se cachent de noirs secrets comme sait si bien les décrire Jean-Paul Didierlaurent, à hauteur d’homme, au plus près de la réalité du quotidien.

L’auteur nous entraîne par son écriture à la fois humaine et irréelle, surtout lorsqu’un brin de magie vient bousculer ses personnages, entre les bêtes malfaisantes et les souvenirs du passé, entre le sortilège de l’amour et le triomphe de hommes sur la nature parfois étouffante et dévastatrice, tout y est et on se régale.

Catalogue éditeur : Au Diable Vauvert

Jean-Paul Didierlaurent vit dans les Vosges. Nouvelliste lauréat de nombreux concours de nouvelles, deux fois lauréat du Prix Hemingway, son premier roman, Le Liseur du 6h27, connaît un immenses succès au Diable vauvert puis chez Folio (370.000 ex vendus), reçoit les prix du Roman d’Entreprise et du Travail, Michel Tournier, du Festival du Premier Roman de Chambéry, du CEZAM Inter CE, du Livre Pourpre, Complètement livres et de nombreux prix de lecteurs en médiathèques, et est traduit dans 31 pays. Il est en cours d’adaptation au cinéma. Jean-Paul Didierlaurent a depuis publié au Diable vauvert un premier recueil de ses nouvelles, Macadam, Le Reste de leur vie, roman réédité chez Folio, et La Fissure.

Format : 130 X 198 / Parution : 2021-03-11 / pages : 368 / EAN-ISBN : 979-10-307-0419-8

Voix sans issue, Marlène Tissot

Des Voix bouleversantes et poétiques pour dire la souffrance et l’amour, un roman fort en émotion

Mary entend des voix qui lui parlent sans cesse, pas seulement celle de son doudou quand elle était petite, mais de nombreuses autres qui lui disent ce qui est bien ou mal. Il faut dire que Mary, on le comprend vite, a appris le silence lorsque son père venait lui dire bonne nuit, soir après soir, sa main sur sa bouche pour qu’elle se taise pendant qu’il cherchait tout au fond d’elle. Pendant que sa mère restait assise devant la télé pour ne rien voir, ne rien entendre. Mary a fui ce couple toxique. Aujourd’hui, coiffeuse dans une petite ville, fragile encore, elle essaie de se reconstruire. Mary la lumineuse, légère et tourbillonnante, entre folie et résignation, entre envie de vivre et désespoir, joyeuse parfois, aussi sereine qu’inquiète à d’autres moments.

Franck est grand, athlétique, ni beau ni laid, gardien de nuit au cimetière. Il est un peu désespéré de voir que personne, pas même la caissière, ne lui sourit jamais. Franck heureux lorsque le vieux Joseph lui allume le chauffage dans le réduit où il va passer la nuit. Heureux qu’on ait pour lui des attentions, lui qui n’a jamais connu l’amour d’une mère ni celui d’un père. Car de père il n’en a pas, en tout cas sa mère ne lui en a rien dit. Et de sa mère, si douce et aimable en dehors du foyer, combien de coups a-t-il reçu, combien de mots, de violence, combien de douleurs impossibles à oublier et qui vous détruisent à jamais.

Jusqu’au soir où, sans savoir comment, Mary téléphone à Franck pour qu’il l’aide… Une rencontre entre deux écorchés de la vie pour un nouveau départ ?

Un roman pour dire la douleur et la violence, pour dire le silence des mères, leur fuite devant les responsabilités, leur violence aussi. Pour dire la souffrance face à un père pédophile incestueux ; pour dire la fuite, la reconstruction maladroite, le courage d’affronter sa vie en quittant les siens, seul face à ces voix qui vous hantent, face à ses souvenirs, à sa détresse, mais armé de courage pour avancer, craintif, maladroit, méfiant, plein d’espoir pourtant.

Le roman sensible et délicat alterne les points de vue des deux personnages, leur désespérance, leurs interrogations, leur courage pour affronter ces tourments intérieurs qui les détruisent depuis tant d’années. Terriblement émouvant, fort, au langage direct et très poétique, presque solaire, grâce au sourire de Mary, à l’espoir qui se dessine, à leur volonté d’avancer et de sortir de cette nuit profonde.

Catalogue éditeur : Au Diable Vauvert

“Je n’ai jamais su dire non. Si j’avais été une planche posée sur la mer et qu’on m’avait interdit de flotter, je me serais transformée en caillou pour être capable de couler. Je me suis peut-être noyée au fond de moi.”

Marlène Tissot vit à Valence. Elle a publié poésie, textes cours et nouvelles radiophoniques et a été primée par France Culture en 2019. Voix sans issue est son deuxième roman.

Format : 130 X 198 / Date de parution : 2020-03-19 / Nombres de pages : 272 / EAN-ISBN : 979-10-307-0347-4 / Existe en format numérique