Tant que le café est encore chaud, Toshikazu Kawaguchi

Entrez dans le café Funiculi-Funicula pour vivre une expérience extra-ordinaire

J’avais découvert ce roman lors de sa parution chez Albin-Michel, j’ai eu le plaisir de l’écouter dans le cadre de ma participation au Prix des lecteurs Audiolib.

Quel lien existe-t-il entre Fumiko, cette jeune femme qui a rendez vous avec son petit ami au café Funiculi funicular ;
Mlle Hiraï, une jeune femme aux bigoudis sur la tête toujours pressée mais tellement libre, qui refuse de rencontrer sa petite sœur Kumi chaque fois que cette dernière vient la voir à Tokyo ;
Mr Fusagi et son éternelle revue de voyage qu’il annote depuis tant de mois, accoudé à l’entrée du café et son infirmière Mme Kotâke ;
Kei, l’épouse de monsieur Nagare qui tient le café et attend leur premier enfant ;
Et la femme en blanc assise chaque heure de chaque jour à la même place, sur la même chaise, inlassablement.

Et si le lien était justement ce café hors du temps, qui n’a jamais changé depuis sa création cent quarante ans plus tôt ? Dans ce café aux trois pendules, le voyage que l’on vous propose est à faire dans le passé ou dans le futur. Mais jamais le présent ne pourra changer, même après cet incroyable voyage.

Une condition impérative, revenir à l’instant présent Tant que le café est encore chaud.
Alors pourquoi tentent-elles leur chance ces femmes qui embarquent pour un voyage dans le temps ? Et si la solution était simplement dans une autre façon d’accepter et de voir les situations, ne pas changer ce qui est mais changer soi-même et sa perception de l’autre et de la vie ?

Un roman qui interroge sur notre volonté de modifier le cours des choses avant même de tenter de modifier notre façon d’être. La sobriété et la délicatesse du Japon émaillent ces pages pour le plaisir du lecteur. Il y a une grande poésie dans ce roman aux tonalités très japonaises également dans la façon d’être de chacun des personnages, leurs silences, leur maintient, leur retenue, et malgré les nombreuses répétitions, il a vraiment beaucoup de charme.

La voix de Philippe Spiteri porte avec poésie et sensibilité chacune des situations, chacun des personnages avec ses doutes et ses espoirs, ses failles et ses forces. Le rythme n’est ni trop lent, ni trop brusque, le ton est posé, déterminé et délicat.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, Albin-Michel, Le Livre de Poche

À Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulent mille légendes. On raconte notamment qu’en y dégustant un délicieux café, on peut retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud.
Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience et comprendre que le présent importe davantage que le passé et ses regrets. Comme le café, il faut en savourer chaque gorgée.

Lu par Philippe Spiteri
Traduit par Miyako Slocombe
Durée 5h25 / EAN 9791035408442 Prix du format cd 19,90 € / EAN numérique 9791035408817 Prix du format numérique 17,95 € / Date de parution 11/05/2022

Les Dames de Marlow enquêtent, il suffira d’un cygne, Robert Thorogood

Quand trois drôles de Dames mènent l’enquête

Elle est plus anglaise que la plupart des anglaises cette Judith Potts qui n’hésite pas à se baigner nue dans la Tamise, même en hiver. J’ai découvert cette excentrique avec le premier opus, Mort compte triple. Judith est une vieille Dame honorable qui a largement dépassé les soixante-dix ans, elle vit au bord de la tamise et en verbicruciste avertie adore rédiger ou faire des mots croisés, la très élégante Becks Starling est l’épouse du vicaire, quant à Suzie Harris, elle anime une chronique à la radio locale et exerce le métier de promeneuse de chiens.

Lorsque Peter Bailley, l’un des plus riches habitants de Marlow, organise une grande fête la veille de son remariage, il invite Judith car il connaît sa réputation (celle qu’elle s’est forgé au premier tome de la série!) et lui laisse entendre qu’il craint pour sa vie.

Et c’est en effet un bien étrange accident qui survient ce jour-là avec le décès tragique de Peter Bailley. Judith et ses deux amies n’hésitent pas à fouiner partout pour tenter d’élucider ce terrible accident. Et d’ailleurs, accident ou meurtre ? Comment savoir et que penser lorsqu’un homme décède dans une pièce fermée à clé dont il a lui-même la clé dans la poche.

J’ai apprécié de passer du temps avec ces amies si différentes, si british dans l’âme, si curieuses et intrépides aussi. Elles sont attachantes ces détectives en herbe qui n’ont peur de rien et qui sont poussées à la fois par leur curiosité et par leur désir d’aider, .

Alors bien sûr, la résolution de l’intrigue est peut-être un peu – beaucoup ? – tirée par les cheveux. Mais notre Judith est bien plus maline que la moyenne et cela ne la gêne en rien pour arriver à dénouer la pelote pourtant bien obscure et enchevêtrée des indices et des suspects possibles.

J’ai écouté ce Cosy-mystery en lecture audio dans la voiture pendant les vacances, c’est à la fois léger, facile, sympathique et sans complexe. Idéal pour ne penser à rien, si ce n’est à se laisser porter par l’intrigue et les personnages.

Catalogue éditeur : Audiolib, La Martinière

Existe-t-il plus délicieusement anglaise et excentrique que Judith Potts, femme libérée de 77 ans et adepte de baignades nue dans la Tamise ? Sous ses airs de vieille dame respectable, Judith se retrouve régulièrement mêlée aux intrigues surprenantes de son petit village de Marlow.
Lorsque Peter Bailey, un des héritiers les plus riches de la ville, est retrouvé mort écrasé sous une armoire la veille de son mariage, tout le monde pense à un terrible – et ridicule – accident… Tout le monde, sauf Judith et ses deux amies, Becks et Suzie : pour elles, pas de doute, c’est un meurtre…

Robert Thorogood, né en 1972, est l’auteur n°1 des séries TV anglaises. Il est notamment le créateur et scénariste de la série Meurtres au paradis, diffusée sur la BBC et France 2, suivie par cinq millions de spectateurs en France en 2020. Il est également un romancier talentueux et drôle. Il vit à Marlow, où se déroulent ses romans !

Lu par Rachel Arditi Traduit par Sophie Brissaud / Durée 9h11
EAN 9791035408022 Prix du format cd 24,90 €
EAN numérique 9791035407889 Prix du format numérique 22,45 € / Date de parution 15/02/2023

L’énigme de la stuga, Camilla Grebe

Qui saura percer le mystère de la stuga ?

Lykke Andersen refuse de parler. Pourtant, elle est hospitalisée, puis incarcérée, et il semble indispensable qu’elle accepte d’expliquer ce qu’il vient de se passer, puisqu’elle est accusée de quelque chose de très grave.

Huit ans auparavant, dans la maison de Lykke. Amis et famille se retrouvent pour la fête de l’écrevisse. Lykke est l’épouse comblée d’un écrivain célèbre et la mère d’inséparables jumeaux de dix-sept ans. Mais la fête est un peu trop arrosée, les amis peut-être un peu trop fébriles, et au matin on découvre le corps sans vie de Bonnie, une amie des garçons qui dormait avec eux dans la stuga, leur petite maison située à côté de celle des parents.

L’enquête est diligentée par l’inspecteur Manfred. C’est un inspecteur de la vieille école, sûr de son fait, une maison fermée de l’intérieur, deux frères inséparables. Il n’a aucun doute sur la culpabilité du meurtrier. Et d’interrogatoires en détention provisoire, il tente de comprendre et de dénouer le drame. Mais son assurance de savoir dénouer une intrigue qui s’est déroulée dans une maison à huis-clos pourrait bien être mise à mal.

De nos jours, Lykke n’accepte de parler qu’à Manfred, pour lui expliquer ce qu’il s’est passé huit ans plus tôt, au retour de ses enfants à la maison, puis la vie vécue ensuite par la famille. Mais tente surtout de faire comprendre le pourquoi et le comment de sa situation actuelle.

Un thriller rondement mené. Qui montre bien l’incurie de certaines enquêtes bâclées du fait de l’assurance de celui qui doit interroger, comprendre, écouter, mais qui est uniquement guidé par des a-priori et des certitudes. L’auteur sait décortiquer les caractères des différents personnages, leur intransigeance, doute, assurance, manque d’écoute ou d’empathie, leurs remords et leurs regrets aussi bien sûr. J’ai aimé aussi toute la relation au monde de l’édition, auteurs, attachés de presse, éditeurs, assurance de ceux qui pensent détenir la vérité, tout y est très bien décrit. même le syndrome de la page blanche et les angoisses que cela procure tant à l’écrivain qu’a son éditeur.

J’ai beaucoup aimé les voix de François Hatt et de Lola Naymark pour incarner les deux personnages principaux. Lola Naymark que j’avais déjà appréciée dans Sa préférée, écouté dans le cadre du jury du Prix Audiolib 2023. Les deux se répondent sans jamais se croiser. L’assurance malgré les faits reprochés de Lykke, les doutes et les remords de Manfred, sont particulièrement bien mis en scène, rendant crédibles et humains ces deux protagonistes que tout devrait éloigner.

Version audio, papier ou numérique, une lecture que l’on ne regrette pas !

Catalogue éditeur : Calmann-Levy Audiolib

Traduit par Anna Postel

Une fête familiale qui se heurte à l’irréparable.
Deux fils que tout accuse.
Une mère prête à tout pour rétablir la vérité.
Lykke Andersen mène une vie heureuse, mondaine et épanouie : éditrice accomplie, compagne d’un auteur renommé et mère de jumeaux. À l’occasion de la fête suédoise de l’Écrevisse, elle organise un dîner intimiste dans leur maison en pleine campagne, où sera invitée Bonnie, la meilleure amie des garçons, et plusieurs proches du milieu de l’édition. En ce doux mois d’août où les orpins et les rosiers éclosent, l’alcool coule à flot et les convives entonnent à cœur joie des chants traditionnels nordiques. Personne ne peut se douter que le lendemain, ce cadre idyllique se transformera en scène de crime effroyable. Lire la suite …

Parution Calmann-Levy 01/02/2023
Parution : 15/03/2023 / Durée : 10h43 / EAN 9791035412517 Prix du format cd 25,50 € / EAN numérique 9791035412838 Prix du format numérique 22,95 €

Le Carré des indigents, Hugues Pagan

Dans la province des années 70, l’enquête d’un flic pas banal

Claude Schneider n’est pas un inspecteur de police banal. Il a fait l’armée et a connu l’Algérie, l’amour et cette guerre dont il ne s’est jamais remis. Aujourd’hui il revient chez lui, dans cette ville de province qu’il avait quitté depuis des années.

C’est le nouveau patron du groupe criminel. Si le quotidien est plutôt tranquille, à son arrivée il écope d’une affaire sordide, la jeune Betty, 15 ans, a disparu. Mais Schneider n’est pas un flic comme les autres, et cette famille, cette victime trop ordinaire m’émeut au plus haut point. Il n’est pas homme d’apparat au contraire, ceux qui l’émeuvent sont tous ces sans grade, ces pauvres, ces gueux de la France de Pompidou dont se désintéressent les élites, ceux qui souffrent au quotidien sans rien dire et sans oser protester pour qu’on les prennent en compte.

Hugues Pagan écrit avec minutie et talent, usant de descriptions qui rendent vivants ceux dont il parle, pas seulement par leurs actes ou par le rôle qu’il leur fait endosser, mais par les sentiments qu’il nous fait ressentir à leur égard en les rendant aussi présents sous nos yeux attentifs.

L’Algérie, la guerre et ses déchirements, ses effets délétères et ses violences post traumatiques que l’on n’a jamais soignées prennent ici toute leur place dans cette France des années 70.

La plume d’Hugues Pagan n’est jamais moralisatrice, elle est au contraire explicite, tendre ou violente, réaliste et froide parfois, son flic n’a rien du héros, fonctionnaire désenchanté qui va au bout de sa mission, humain parmi les humains, un des seuls à voir la misère autour de lui et à considérer qu’un clochard est un homme comme un autre. Un polar à l’écriture soignée et ciselée au cordeau.

La lecture par Cedric Romoli correspond parfaitement à l’idée que je me faisais de Schneider, ce taiseux qui aime les gens sans le montrer, soucieux de bien faire son métier sans obéir systématiquement aux désidératas parfois contradictoires de sa hiérarchie. Il incarne son personnage à la perfection et porte parfaitement ce texte précis, travaillé au mot près.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, Rivages

Novembre 1973. L’inspecteur principal Claude Schneider revient dans la ville de sa jeunesse après un passage par l’armée et la guerre d’Algérie dont il ne s’est pas remis. Il aurait pu rester à Paris et y faire carrière, mais il a préféré revenir « chez lui ». Nommé patron du Groupe criminel, il ne tarde pas à être confronté à une douloureuse affaire : Betty, la fille d’un modeste cheminot, n’est pas rentrée alors que la nuit est tombée depuis longtemps. Son père est convaincu qu’elle est morte. Schneider aussi. Schneider est flic, et pourtant, il n’arrive toujours pas à accepter la mort. Surtout celle d’une adolescente de quinze ans au petit visage de chaton ébouriffé. Faire la lumière sur cette affaire ne l’empêchera pas de demeurer au pays des ombres…

Hugues Pagan est né à Orléansville en Algérie. Après des études de philosophie et un bref passage par l’enseignement, il entre dans la police où il restera 25 ans. Il est aujourd’hui scénariste pour la télévision. Il a reçu le prix Mystère de la critique pour Dernière station avant l’autoroute. Son précédent roman, Profil perdu, a remporté un vif succès public et a été unanimement salué par la presse. Pagan a été fait Chevalier des Arts et des Lettres et est considéré comme l’un des grands stylistes du roman noir français.

Rivages ISBN: 978-2-7436-5493-1 / Parution: janvier, 2022 / 384 pages / Prix: 20,50€

Audiolib Lu par Cyril Romoli Durée 13h22

EAN 9791035410988 Prix du format cd 27,90 € / EAN numérique 9791035411213 Prix du format numérique 24,95 € / Date de parution 15/03/2023

À qui la faute, Ragnar Jonasson

Quatre amis, une nuit, une tempête

Ils sont quatre, amis depuis leurs années d’études. Daniel, comédien qui vit à Londres, Gunnlaugur, avocat, Helena, ingénieur et Armann un spécialiste de l’accueil des touristes en Islande. Ils ne s’étaient pas vus depuis des années et ont décidé de passer un week-end entre amis à chasser la perdrix des neiges dans les étendues glacées de l’est du pays.

L’amitié quand elle n’est pas alimentée a de grandes chances de se distendre, et c’est manifestement ce qui leur arrive. Après d’étranges retrouvailles et une première soirée alcoolisée, l’ambiance est déjà tendue. D’autant que le beau temps prévu n’est pas au rendez-vous et c’est une tempête que les quatre amis doivent affronter, sans aucune possibilité d’appeler des secours ou qui que ce soit d’autre.

Au fur et à mesure du déroulé de cet étrange week-end, les tensions se font plus fortes, les anciennes querelles et les griefs reviennent à la surface, les différents entre certains membres du groupe émergent de façon drastique, obérant toute chance de sérénité.

C’est la première fois que je lisais un roman de cet auteur. J’avoue que j’ai trouvé que c’était vraiment très long. Il y a un grand nombre d’invraisemblances tout au long de cette nuit. Les quatre amis se sont réfugiés dans une cabane dans laquelle ils sont confrontés à une scène pas ordinaire, et leur réaction est hors de propos. Pourtant, ils sont sensés être dotés d’un minimum de réflexion vu le profil que leur donne l’auteur.

Bien sûr la suite et la fin de l’histoire donnent au lecteur toutes les clés pour dérouler cet enchevêtrement d’invraisemblances. Mais il m’a manqué des pistes, des indices, que l’auteur aurait pu semer tout au long de chacun des chapitres de ce roman choral, où il fait parler alternativement l’un ou l’autre des amis pour les amener peu à peu à se dévoiler et apporter la solution à tous ces mystères.

J’ai trouvé qu’il y avait des longueurs et un manque de cohérence qui perturbent l’écoute. J’ai par contre apprécié la voix du lecteur qui endosse chaque rôle avec la dose parfaite de mystère, de découragement, d’incertitude et de tension qui sied à l’intrigue. J’avais envie qu’il me parle du grand froid, de la glace et de la tempête, dommage que l’intrigue n’ait pas été à la hauteur.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, La Martiniére

Ils pensaient se retrouver le temps de quelques jours paisibles. Une simple chasse à la perdrix dans les hauts plateaux de l’est de l’Islande… Mais le voyage tourne au cauchemar. Une tempête de neige violente et inattendue s’abat sur eux et les oblige à se réfugier dans un pavillon de chasse abandonné. À l’intérieur, une découverte macabre changera à jamais le cours de leur existence – et de leur amitié. C’est le début d’une longue nuit, où les quatre amis voient ressurgir ce qu’ils ont de pire en chacun d’eux.

Lu par Slimane Yefsah
Traduit par Jean-Christophe Salaün

Durée 6h19 / EAN 9791035412524 Prix du format cd 23,90 € / EAN numérique 9791035412906 Prix du format numérique 21,45 €/ Date de parution 18/01/2023

Entre fauves, Colin Niel

La chasse et les chasseurs, sujet clivant et passionné

Martin est un amoureux de la montagne et de sa faune. Garde au parc national des Pyrénées il se passionne pour Canellito, le dernier ours descendant de la race pyrénéenne. Mais pas de trace de l’ours depuis des mois. Martin est certain qu’il a été tué par un chasseur et qu’on retrouvera son cadavre au fond de quelque crevasse le jour où on ne s’y attendra plus. Comme pour cette femelle abattue par un chasseur qui se disait attaqué, tu parles, Martin n’y croit absolument pas à cette attaque. Trop facile de dire ça quand on est armé d’un fusil et prêt à tirer.

Martin est un jusqu’au-boutiste, il traque les chasseurs où qu’ils se trouvent et les photos qu’ils osent montrer sur la toile pour parader avec la bête qu’ils ont prélevée le rendent fou. Alors le jour où il tombe sur celle d’une jeune femme à côté d’un lion, son sang ne fait qu’un tour. Il décide de lui pourrir la vie en postant à son tour la photo sur les sites qui vont la mettre au pilori. Puis cherche qui elle peut bien être, et découvre qu’elle habite tout à côté de chez lui, à Pau. Fille d’un chasseur de grands fauves en Afrique, la jeune femme a de qui tenir. Martin décide de la harceler et de lui faire payer cher la mort du lion.

En Namibie, dans le Kaokoland, les villageois se désespèrent car un vieux fauve décime les troupeaux. Si le pays a signé des accords pour ne plus exterminer les animaux du big five en particulier, il est parfois difficile de refuser les demandes pressentes de la population qui souffre des attaques répétées et meurtrières par ces animaux protégés. Il est donc décidé en haut lieu d’abattre le lion tueur.

Cette chasse unique sera le cadeau d’un père à sa fille bien aimée. C’est ainsi qu’Apolline se retrouve en Namibie, avec son arc et ses carquois, pour la chasse de sa vie, tenter de prélever le fauve. Dans ce village, le jeune Komuti de la tribu Himba a vu son troupeau de chèvres décimé par le lion, et pour éblouir sa belle, il décide qu’il sera celui qui réussira à l’exterminer.

Le récit alterne les différentes situations, dans les Pyrénées ou en Namibie, et nous fait comprendre les points de vue de chacun des protagonistes.

Dans un monde où la préservation des espèces est un objectif majeur, les motivations des uns ou des autres peuvent êtres diamétralement opposées. Chacun ayant de bonnes raisons à mettre en avant pour défendre son point de vue.

J’ai aimé la partie dans les Pyrénées que je connais particulièrement bien. Apprécié le réalisme de certaines situations, la position des bergers et des chasseurs et leur attitude face à l’introduction de l’ours dans les Pyrénées. Éternel conflit entre ceux qui souhaitent  préserver la nature et réintroduire une espèce aujourd’hui disparue, et les bergers et éleveurs qui voient leurs troupeaux décimés ici aussi par ours ou loups, faisant craindre une disparition des troupeaux sur les estives, et donc une modification importante de la gestion de la montagne.

Enfin, le jusque-boutisme des défenseur de la nature et de la sauvegarde des animaux se heurte ici à une réalité plus pragmatique et parfois plus sordide que ne le voudrait la bien-pensance écologique. Si j’ai cru relever quelques incohérences dans cette partie pyrénéenne que je connais bien, l’ensemble est plutôt bien enlevé et réaliste. La férocité des réseaux sociaux, l’attitude des protecteurs de la nature et de la biodiversité qui refusent systématiquement d’entendre les arguments qui leurs sont opposés, les chasseurs professionnels qui dans certains pays sont là pour prélever mais parfois aussi aident à réguler les populations d’animaux sauvages, chaque avis, chaque divergence, nous fait comprendre la complexité du problème, qui de fait paraît assez insoluble.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, éditions Du Rouergue

Martin est garde au parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des derniers ours. Mais depuis un an et demi, on n’a plus trouvé la moindre trace de Cannellito, le seul plantigrade avec un peu de sang pyrénéen qui fréquentait encore ces forêts, pas d’empreinte de tout l’hiver, aucun poil sur les centaines d’arbres observés. Martin en est chaque jour plus convaincu : les chasseurs auront eu la peau de l’animal. L’histoire des hommes, n’est-ce pas celle du massacre de la faune sauvage ? Alors, lorsqu’il tombe sur un cliché montrant une jeune femme devant la dépouille d’un lion, arc de chasse en main, il est déterminé à la retrouver et la livrer en pâture à l’opinion publique. Même si d’elle, il ne connaît qu’un pseudonyme sur les réseaux sociaux : Leg Holas. Et rien de ce qui s’est joué, quelques semaines plus tôt, en Afrique.

Lu par Thierry Blanc, Charlotte Campana, Alexandre Nguyen, Cyril Romoli

Durée 9h04 / EAN 9791035411664 Prix du format cd 24,95 € / EAN numérique 9791035411947 Prix du format numérique 22,45 € / Date de parution 07/12/2022

Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel

Le roman noir des violences intrafamiliales et de leurs répercutions sur la vie d’adulte

Vivre son enfance sous le joug d’un tyran domestique violent, cela laisse des traces. C’est ce qui est arrivé à Jeanne, la petite dernière d’un famille vivant dans le canton du Valais. Sa mère a enduré les coups, les insultes, d’un époux tyrannique sans jamais chercher à fuir.

Sa sœur aînée a tout subi elle aussi, mais si elle était Sa préférée, nul ne saura vraiment ce qu’elle a vécu, si ce n’est les quelques révélations faites à sa jeune sœur, puis sa disparition, inacceptable pour les femmes de la famille qui s’interrogeront sans fin, incapables de trouver la moindre réponse à leurs questionnements.

Jeanne enfant subit les violences du père, sa brutalité quasi quotidienne envers ses filles et son épouse, qui lui laissent à jamais un goût amer et provoque en elle une antipathie physique envers les hommes. Et qui dit accepter ces violences dans l’intimité du foyer implique souvent une forme de soumission aux autres maltraitances. Celles des garçons du village, de la cour de récréation, petite fille perdue, moquée, frappée, mais toujours en mal d’amour, de signe de sympathie, d’amitié.

Alors Jeanne grandit, quitte le foyer familial, celui de tous les malheurs, de toutes les questions, pour vivre à Lausanne. Elle reviendra très peu dans son Valais natal, seulement pour y retrouver sa mère, son seul refuge. Trouvera une forme de stabilité dans l’amour, la douceur, la compréhension des femmes qui lui ressemblent parfois si peu mais qui l’attirent. Mais toujours reste en elle la douleur initiale, celle de ces violences à la fois physiques et morales qui détruisent les vies à jamais. Car il ne suffit pas de partir pour oublier, difficile de trouver une forme de résilience dans l’oubli et le silence de ce qui a été. Bien sûr, l’apaisement et la douceur sont là, mais les traumatismes du passé aussi, tapis, prêts à ressurgir au moindre moment de faiblesse.

Roman souvent glacial et perturbant lorsqu’il évoque le foyer, cette violence intrafamiliale et les silences, les mots et les gestes du père, ses colères et ses coups, tous les traumatismes de l’enfance. Émouvant aussi, puissant lorsque l’autrice évoque de deuil, l’enfance, les douleurs et les coups. Le silence des voisins, celui du médecin, sont autant de coups portés aux femmes victimes de violences. Et pourtant, j’ai trouvé difficile d’entrer en communion avec Jeanne, de la plaindre ou de la comprendre tant son personnage m’a paru froid, elle en qui la violence du père à fait sourdre une autre forme de violence, celle qui lui est indispensable pour tenir, se défendre, continuer à vivre et à exister. Une fin ouverte qui laisse tout envisager, mais surtout le pire.

Ce roman est lu par Lola Naymark. Sa voix est à la fois douce et forte, hésitante et décidée. A l’image de Jeanne qui se cherche et reste si fortement en colère tant la douleur et les blessures de l’enfance sont prégnantes, toujours vivantes en elle. Si j’ai aimé cette écoute et la voix de la lectrice, la violence qui est en filigrane du roman et qui explose à chaque chapitre le rend parfois difficile à écouter, trop d’émotion, de douleur, de doute. Et pourtant, j’avais l’impression d’être une oreille attentive aux confidences de Jeanne, d’être à ses côtés, mais incapable de l’aider ou de la sauver des réminiscences destructrices de ces violences subies.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Sabine Wespieser, Audiolib

Lu par Lola Naymark

Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l’assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l’École normale d’instituteurs de Sion, puis à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d’apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu’elle s’accorde.
Habitée par sa rage d’oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d’êtres bienveillants que sa sauvagerie n’effraie pas, s’essayant même à une vie amoureuse.

Née en 1971, Sarah Jollien-Fardel a grandi dans un village du district d’Hérens, en Valais. Elle a vécu plusieurs années à Lausanne, avant de se réinstaller dans son canton d’origine avec son mari et ses deux fils. Devenue journaliste à plus de trente ans, elle a écrit pour bon nombre de titres. Les lieux qu’elle connaît et chérit sont les points cardinaux de son premier roman.

Sabine Wespieser : Parution : Août 2022 / 20 € / 208 p. / ISBN : 978-2-84805-456-8

Lauréat du Prix du Roman FNAC 2022

Audiolib : Parution : 18/01/2023 / Durée : 4h37 / EAN 9791035412418 Prix du format cd 22,50 € / EAN numérique 9791035412623 Prix du format numérique 20,45 €

Blizzard, Marie Vintgras

Se perdre dans le blizzard pour mieux se retrouver

Dans ce coin perdu de l’Alaska, il fait un froid à ne pas mettre le nez dehors. Pourtant Bess et l’enfant sont sortis dans le blizzard ; une minute d’inattention et Bess a lâché la main de l’enfant de Benedict. Elle part droit devant elle pour tenter de le retrouver avant le retour de Benedict. Bess est une jeune femme un peu paumée qui a débarqué dans ce coin d’hiver avec Benedict, un jeune homme taiseux, bourru, mais cependant très attachant, c’est surtout le père de Thomas.

Chacun des protagonistes révèle une partie de son histoire. Cole et Clifford, les hommes du village qui ont connu Benedict et son frère Thomas enfants ; Benedict qui n’a jamais compris pourquoi Thomas avait quitté sa maison sans espoir de retour ; Bess et ses blessures d’enfance, ses échecs, ses doutes et ses regrets ; Freeman dont personne ne sait pourquoi il a atterri dans ce trou paumé.

Dans le froid et la neige, au cours de cette quête où chacun espère retrouver l’enfant et celle qui l’a laissé partir vivants, la tension monte, des secrets se dévoilent, des liens se nouent, laissant la place à l’imagination, aux souvenirs, aux regrets, aux questionnements. Et les pièces d’un puzzle bien plus sordide qu’il ne paraissait de prime abord se mettent en place, les liens se créent, des secrets sont révélés. Dans ce huis-clos sous un ciel immense, les hommes pris dans le blizzard se retrouvent face à leurs révélations, à leurs pensées, à leurs actes.

Ce que j’ai aimé ?

La façon de présenter les personnages, de les isoler dans cette immensité blanche et glacée qui par ce blizzard devient un huis-clos oppressant, seuls face à eux même. L’écriture et le rythme, les chapitre courts qui donnent la cadence, font monter la tension, et attendre un dénouement digne d’un roman noir américain. Face au drame qui se noue, la disparition d’un enfant, les caractères, les émotions, les sentiments se dévoilent pour le pire comme pour le meilleur.

Un roman qui s’écoute d’une traite, court, cela permet de se mettre au rythme voulu par l’autrice. De nombreux thèmes sont abordés et parfois seulement suggérés par petites touches, mais toujours de façon à être compris par le lecteur en priorité, lui qui a toutes les versions, et donc toutes les clés, pour dénouer l’intrigue.

Blizzard est un roman choral dans lequel les personnages prennent la parole tour à tour. Dans cette version audio, quatre lecteurs tiennent chacun leur rôle, ce qui rend l’écoute particulièrement agréable et facilite la compréhension. Les voix sont adaptées à chacun. J’ai apprécié cette multiplicité de lecteurs. Cela donne vie à chacun, et rend l’écoute vivante et rythmée plus seulement par le blizzard, mais bien par le passé et les pensées de chacun. Cette lecture audio est ma deuxième lecture de ce roman, elle m’a permis de m’immerger encore d’avantage dans la tête de chacun des personnages principaux.

Un seul bémol à mon avis, il m’a semblé qu’il y avait des incohérences et des lacunes sur la connaissance du pays, du climat, de New-York. Mais dans cette version, les voix de chacun ont porté le texte, lui donnant une autre dimension, plus personnelle, plus intime.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

On ne manquera pas de lire les avis de Caroline Le murmure des âmes livres , Aude Bouquine , Les lectures de Claudia , Carobouquine

Catalogue éditeur : Audiolib, éditions de L’Olivier

Le blizzard fait rage en Alaska. Au cœur de la tempête, un jeune garçon disparaît.
Il n’aura fallu que quelques secondes, le temps de refaire ses lacets, pour que Bess lâche la main de l’enfant et le perde de vue. Elle se lance à sa recherche, suivie de près par les rares habitants de ce bout du monde. Une course effrénée contre la mort s’engage alors, où la destinée de chacun, face aux éléments, se dévoile.

Un premier roman à quatre voix, prix des Libraires 2022.

Lu par Stéphane Boucher, Alice de Lencquesaing, Patrick Mille, Sébastien Pouderoux

Parution : 10/08/2022 / Durée : 3h28 / EAN 9791035410070 Prix du format cd 19,50 € / EAN numérique 9791035410308 Prix du format numérique 17,45 €

Respire, Niko Tackian

Disparaître, seconde chance ou piège diabolique ?

Avoir envie de disparaître pour continuer sa vie sans tout ce qui nous empêche d’avancer, cela vous est-il déjà arrivé ? Yohan est l’auteur d’un seul roman à succès. Depuis que sa petite amie a disparu, il ne trouve plus l’inspiration. Lorsqu’il découvre la possibilité de changer de vie pour recommencer à zéro, il n’hésite une seconde.

Yohan espère faire comme les évaporés qui au Japon disparaissent, pas toujours de leur propre gré d’ailleurs, du jour au lendemain sans jamais réapparaître. Une petite pilule bleue, tiens donc, et hop, le voilà qui change de vie. Mais si c’est bien lui qui décide de prendre cette pilule, il ne s’attendait pas à se retrouver sur une île mystérieuse au milieu de nulle part, digne des meilleurs romans de Jules Vernes.

Sur cette île sauvage, hors du temps et du monde, inhospitalière à souhait, et très peu peuplée, Yohan devient l’enquêteur Achab. Un rôle qu’il prend au sérieux car il espère ainsi trouver comment s’enfuir et affronter la réalité d’un mur qui bloque sa fuite. Car il le sent bien, chacun de ses gestes, de ses déplacements, est épié, contrôlé, ausculté, sans qu’il n’arrive à voir qui ou quoi que ce soit. Mais si les îliens qu’il rencontre ont un passé aussi étrange que leur comportement, il est loin d’imaginer la réalité qui se cache derrière les apparences.

Une première partie laborieuse, une suite qui se laisse lire, et pour couronner le tout, une fin qui m’a paru évidente, au vu des nombreux indices semés tout au long du roman. Ce ne sera décidément pas mon préféré parmi les romans déjà lus de Niko Tackain, un auteur que j’apprécie par ailleurs.

Là j’ai eu l’impression de plonger dans des intrigues déjà vues, des scénarios éculés. Il y a du Shutter island de Denis Lehane dans ces situations, on se retrouve aussi parfois non pas Under the dome, mais bien behind the wall. Ce mur qui comme le dôme de la série isole du reste du monde des vivants. L’auteur fait également de nombreuses mentions au roman Moby Dick de Melville, avec l’enquêteur Achab. Au point que j’en suis à penser, et si tout cela n’était qu’un jeu avec ses lecteurs !

Par contre, j’ai apprécié la lecture par Antoine Tomé. Il endosse le rôle d’un Yohan impliqué, attentif, impatient, hésitant, désespéré, troublé, tout se ressent dans sa voix, ses questionnements, ses hésitations, son incrédulité.

Du même auteur, je vous conseille de découvrir Fantazmë, Celle qui pleurait sous l’eau, ou Toxique.

Catalogue éditeur : Audiolib, Calmann-Levy

Le sable très blanc, l’océan turquoise. Voici ce que découvre Yohan à son réveil. Un endroit paradisiaque où il va entamer une nouvelle vie. Avoir une deuxième chance d’être heureux. Pour arriver sur cette île inconnue, il a signé avec une mystérieuse société qui promettait de le faire disparaître et d’effacer toute trace de son passé.
Les premiers jours, Yohan savoure son insouciance retrouvée. Même si peu à peu, un sentiment d’étrangeté le gagne. L’île héberge une dizaine d’habitants plus énigmatiques les uns que les autres. Pourtant les maisons abandonnées, les échoppes désertes dans les rues balayées par le vent, laissent penser qu’un jour ils ont été bien plus nombreux. Où sont passés les autres ?
Yohan veut comprendre. Mais jamais il n’aurait dû chercher à voir l’envers du décor. Car c’est bien connu, la connaissance fait voler en éclats le Paradis…

Lu par Antoine Tomé

Parution : 08/06/2022 / Durée : 7h16 / EAN 9791035409708 Prix du format cd 20,90 € / EAN numérique 9791035409852 Prix du format numérique 18,95 €

L’eau du lac n’est jamais douce, Guilia Caminito

Comment survivre à une enfance dans un milieu défavorisé au bord du lac de Bracciano

Ce roman traduit de l’italien nous ouvre les portes d’une très modeste famille romaine des années 2000. Gaïa, le personnage principal, nous compte sa vie et ses aventures de l’enfance à l’âge adulte, toujours à la première personne sans que cela ne soit jamais lassant.

Gaïa a une mère singulière, qui ose aller jusqu’à des scènes dont sa fille a honte pour tenter d’obtenir un logement décent. Un père handicapé depuis qu’il a fait une très mauvaise chute sur ce chantier sur lequel il n’a jamais travaillé. Deux frères jumeaux bien plus jeunes et trop dociles, et un aîné rebelle né d’un père différent. Elle abhorre sa vie dans la pauvreté et cette condition sociale qui la place perpétuellement en marge de la vie des autres. Ils vont vivre une grande partie de leur vie à Anguillara Sabazia, une commune située près du lac de Bracciano au nord de Rome.

Elle grandit aux côtés d’Antonia, une mère au caractère bien trempé qui en est presque caricaturale. Tout repose sur elle, et elle doit se battre contre les injustices, au-delà des conventions, seule depuis que le père est relégué au rang des accessoires. L’enfance lui fait découvrir l’injustice, l’adolescence lui colle ses complexes et l’entrée dans l’âge adulte exacerbe ses difficultés. De part son milieu social Gaïa est souvent rejetée par ses camarades, surtout lorsque Antonia souhaite l’inscrire dans des écoles pour riches. Ce rejet accentue ses complexes mais fait émerger en elle des ressources insoupçonnées.

Il faut dire que sa mère lui a inculqué l’idée que seule la beauté permet aux pauvres d’accéder au milieu des riches. Alors elle se désespère, trop maigre, trop rousse, trop plate, trop mal habillée, trop différente. Mais elle découvre peu à peu qu’elle a hérité de sa mère une farouche détermination et une intelligence qui pourraient lui permettre de bousculer son destin.

Ce récit dans lequel les lieux et les événements ont leur place reste vrai, le style est léger, rythmé, féminin, poétique parfois. L’écriture de Giulia Caminito est directe, sobre, vivante, et terriblement réaliste. Les phrases sont simples, les mots précis, les répétitions de bon goût, les énumérations jamais fastidieuses et les allégories et les métaphores bien choisies. L’adolescence, point central du roman, y est bien décrite avec ses amitiés, ses expériences heureuses ou malheureuses, ses trahisons, ses succès et ses déceptions.

Difficile parfois de comprendre la psychologie du personnage principal. On la voudrait victime, elle est rebelle et toujours en colère. L’auditeur s’attache à Gaïa malgré son caractère ni sympathique ni agréable, et imagine la suite de sa vie à la lumière de ce qu’il croit comprendre. La fin un peu trop brutale à mon goût peut décevoir tellement l’empathie pour ce personnage ambigu est forte.

J’ai aimé la voix de Florine Orphelin, à la fois posée et juste dans ses atermoiements, ses hésitations, ses révoltes et ses envies de vie meilleure. Dans sa rage aussi contre une mère qui par son obsession de réussite scolaire espère lui permettre de vivre mieux qu’elle. Il y a tout dans ce personnage, l’espoir, le doute, la violence, la rébellion, l’amour et la déception, l’amitié et le deuil, et tout cela est bien transmis à l’écoute du roman.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2023

Catalogue éditeur : Audiolib, Gallmeister

« Notre mère ressemble à une héroïne de bande dessinée, à Anna Magnani au cinéma, elle braille, ne capitule jamais, cloue le bec à tout le monde. Mariano et moi sommes dans le couloir qui conduit aux chambres, culottes courtes et mollets raides, et sans ciller nous fixons notre peur : ne pas être comme Antonia, ne jamais être à la hauteur, ne remporter aucune bataille. »

Antonia, une femme fière et têtue, s’occupe d’un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre et honnête, elle ne fait pas de compromis et croit au bien commun. Pourtant, elle inculque à sa fille le seul principe qui vaille : ne compter que sur ses propres capacités. Et sa fille apprend : à ne pas se plaindre, à lire des livres, à se défendre, toujours hors de propos, hors de la mode, hors du temps. Mais sa violence, tapie tel un serpent, ne cesse de grandir.

Nous sommes en l’an 2000, les grandes batailles politiques et civiles n’existent plus, seul compte le combat pour affirmer sa place dans le monde.

Lu par Florine Orphelin

Traduit par Laura Brignon

EAN 9791035411510 Prix du format cd 25,90 € / EAN numérique 9791035411381 prix du format numérique 23,45 € / Date de parution 10/08/2022 / Durée : 8h54