Voyage au bout de la nuit, Louis-Ferdinand Céline

Retrouver les classiques…

et reprendre ici mes chroniques postées sur lecteurs.com ou Babelio avant la création du blog

J’ai lu « le voyage au bout de la nuit » d’une traite, comme dans un souffle. Et j’ai été scotchée, j’ai pris une véritable claque, j’ai eu une surprise énorme en le découvrant. Lorsque je l’ai refermé, je me suis simplement dit : Quel talent, quel voyage !
J’avais tellement entendu parler de ce roman que je repoussais sans arrêt sa lecture. Je voulais lire l’œuvre en laissant de côté son auteur, même si quelque part les deux sont indissociables. Et finalement, quand je l’ai commencé, j’ai passé 48h non-stop plongée dans ces lignes fabuleuses.

Il y a du génie dans cette écriture, qui nous plonge à la fois dans l’absurde, dans l’horreur, dans la misère, et nous montre de la beauté, de l’espoir, face au réalisme de la vie et à l’incompréhension des hommes.
Car s’il est un antisémite notoire et critiquable, l’auteur est également un pacifiste acharné, brisé par les horreurs de la guerre qu’il a vécue de l’intérieur en 14.

Céline nous embarque dans le sillage de Bardamu, son héros inoubliable. On le suit dans son voyage qui a tout d’une introspection, de l’Afrique à l’Amérique, puis en médecin des banlieues désespérées. Quand on lit ce voyage, on part, loin, ou tout près, au plus profond des hommes, de leur stupidité parfois, de leur misère, on peut rire aussi, cela m’est arrivé, en tout cas on ne sort absolument pas intact de ce voyage-là. En même temps, c’est une écriture dense, presque fatigante, comme peut l’être la vie, et les successions de mots, de phrases de Bardamu, épuisent parfois le lecteur, mais l’interpellent aussi.

C’est lourd, noir, sombre, mais tellement bien écrit. C’est sûr, je pense que c’est un livre qu’il faut avoir lu et sans doute à relire plusieurs fois.

Retrouvez mes chroniques sur Babelio et sur lecteurs.com

Catalogue éditeur : Collection Folio (n° 28), Gallimard

 «– Bardamu, qu’il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n’en dis pas de mal !…
– T’as raison, Arthur, pour ça t’as raison! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien! Tu peux le dire! Nous ne changeons pas! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d’opinions, ou bien si tard, que ça n’en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C’est lui qui nous possède! Quand on est pas sage, il serre… On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger… Pour des riens, il vous étrangle… C’est pas une vie…
– Il y a l’amour, Bardamu !
– Arthur, l’amour c’est l’infini mis à la portée des caniches et j’ai ma dignité moi! Que je lui réponds.»

Prix Renaudot 1932 / Première parution en 1952 / 512 pages / ISBN : 9782070360284

Un contrat, de Tonino Benacquista

C’est au théâtre du Gymnase Marie-Bell, Un contrat, une pièce superbement écrite par Tonino Benacquista et jouée par deux acteurs au jeu absolument saisissant Patrick Seminor et Olivier Douau

Dans un huis-clos étonnant mené successivement par un gangster puis par le psy qu’il s’est choisi, le spectateur découvre le jeu du chat et de la souris entre deux protagonistes respectivement soumis à une loi du silence. Car quel que soit le côté où l’on se place, entre la loi du silence et le secret professionnel, et malgré des enjeux très différents, l’issue peut être fatale si la règle n’est pas respectée.

Le jeu des acteurs, avec ce texte à la foi ciselé et mordant, montre bien ce jeu de pouvoir et cette tension psychologique qui tout au long de la pièce nous a fait aimer puis détester chacun des personnages. Avec l’envie indispensable de les suivre jusqu’à la dernière réplique.

C’est à la fois subtil, émouvant, prenant, et largement teinté de cet humour mordant auquel nous a habitués Tonino Benacquista. Cet auteur que l’on aime souvent pour ça d’ailleurs.

Avec Patrick Seminor, Olivier Douau,
Nouvelle Mise en scène par Stanislas Rosemin
Lumière David Ripon

Quand : les Jeudi, vendredi, samedi à 20h30 jusqu’au 21 mars 2020
 : Théâtre Du Gymnase Marie Bell 16 boulevard Bonne Nouvelle Paris 10⁣

Boréal, Sonja Delzongle

Au cœur de la nuit polaire, suspense et noirceur sont au rendez-vous de Boréal, le thriller écologique et fantastique de Sonja Delzongle.

couverture du roman Boréal de Sonja Delzongle chez Folio éditions

Janvier 2017, ils sont sept, hommes et femmes, sur le camp de la base Arctica près de Thulé au Groenland, ce sont les meilleurs spécialistes du monde entier. Ils viennent étudier les conséquences du réchauffement climatique et de la pollution sur l’inlandsis. Lorsqu’ils sortent faire leurs prélèvements et découvrent un étrange cimetière de glace dans lequel sont emprisonnés des dizaines de bœufs musqués, il s’avère indispensable d’appeler Luv Svenden à la rescousse. Cette biologiste spécialisée en disparitions inexpliquées d’animaux peut les aider à comprendre. Trop heureuse de fuir ses propres soucis, elle s’envole vers la base. Mais les recherches et les expériences ne se passent pas du tout comme prévu, les rencontres, puis les disparitions, vont faire exploser le groupe, les mener jusqu’au point de non-retour.

Sonja Delzongle prend le temps d’installer ses personnages, parcours, études, spécialités, vies de chacun. Il faut un bon tiers du roman avant qu’ils ne convergent sur cet îlot perdu dans la nuit polaire. Là, ils sont directement plongés dans un milieu extrême, avec cette nuit quasi permanente qui rend fou même les locaux et face à laquelle chacun va réagir en fonction de sa culture et de ses références. Et surtout de son parcours qui fait de chacun ce qu’il est.

Seront alors évoqués des thèmes tels que parents, famille, mais aussi instinct maternel et paternité, perte d’un enfant, maladie… Tout au long, l’auteur installe les situations, campe les choses, les met en attente et interroge ses lecteurs jusqu’au feu d’artifice final…Dans une atmosphère pesante et glacée et malgré ces grands espaces, l’intrigue pesante, noire, violente et terrifiante se déroule en huis-clos.

Enfin, après bien des évènements, se posera la question de savoir si l’on peut vivre en société après avoir vécu des expériences extraordinaires incompréhensibles par le commun des mortels, même en étant le seul à savoir ce que l’on a fait.

Un roman noir, très noir, enfin, blanc, très blanc perdu dans les étendues de glaces du Groenland. Il m’a manqué peut-être quelques pages supplémentaires pour étoffer le parcours de certains personnages et asseoir leur crédibilité… Si Sonja Delzongle avoue qu’elle n’est jamais allée au Groenland, les recherches, mais surtout le talent et l’imagination de l’auteur font le travail ! Le lecteur s’y croirait presque. On est ici à la limite de la science-fiction avec ce thriller à la fois écologique et scientifique. De grands sujets de protection et de sauvegarde de la planète sont évoqués, réalistes au moins par les questions qu’ils soulèvent.

Souvenir de la rencontre avec Sonja Delzongle à la librairie Le Divan

Catalogue éditeur : Folio, Denoël

Janvier 2017, au Groenland. Là, dans le sol gelé, un œil énorme, globuleux, fixe le ciel. On peut y lire une peur intense. C’est ainsi que huit scientifiques partis en mission de reconnaissance découvrent avec stupeur un bœuf musqué pris dans la glace. Puis un autre, et encore un autre. Autour d’eux, aussi loin que portent leurs lampes frontales, des centaines de cadavres sont prisonniers du permafrost devenu un immense cimetière.
Pour comprendre l’origine de cette hécatombe, le chef de la mission fait appel à Luv Svendsen, spécialiste de ces phénomènes. Empêtrée dans une vie privée compliquée, et assez soulagée de pouvoir s’immerger dans le travail, Luv s’envole vers le Groenland. Ils sont maintenant neuf hommes et femmes, isolés dans la nuit polaire.
Le lendemain a lieu la première disparition.

Denoël : 448 pages, 155 x 225 mm / ISBN : 9782207139141 / Parution : 08-03-2018 / Prix : 20,50 €
Folio : 512 pages, 108 x 178 mm / ISBN : 9782072840630 / Parution : 04-04-2019 / Prix : 8,40 €