Bénie soit Sixtine, Maylis Adhémar

Un premier roman perturbant sur les dérives sectaires des religions

Sixtine, comme la chapelle, est la sixième enfant d’une famille qui se doit d’être nombreuse pour plaire à dieu. Sixtine, aussi pieuse que fragile et vulnérable, élevée dans la religion traditionaliste catholique. Lorsqu’elle rencontre Pierre-Louis Sue de la Garde, son chemin est tout tracé, devenir son épouse, puis après une nuit de noce catastrophique mais conforme aux diktats d’une religion qui veut que l’on s’unisse pour procréer, femme au foyer et future mère de son premier enfant. Ce fils, car il ne peut en être autrement, se nommera Foucault en l’honneur du père de Foucault, et qu’importe si cela ne lui convient pas, puisque son époux et sa belle famille en ont décidé ainsi.

Pierre-Louis Sue de la Garde est un mari modèle, mais c’est surtout un forcené de la religion catholique intégriste. Anti mariage pour tous, anti homosexualité, anti PMA, anti immigration, comme il se doit dans ce milieu très fermé que l’on peut qualifier de sectaire. Il est le premier à aller casser du manifestant avec la milice des Frères de la Croix.

Sixtine vit un calvaire auprès de ce mari qu’elle comprend de moins en moins, dans cette famille qui l’accapare, en prière, chapelets, contritions et génuflexion. Jusqu’au jour où le malheur arrive. Elle ouvre enfin les yeux et voit le monde qui l’entoure tel qu’il est, et cette famille et ses règles strictes qui la gouvernent telles qu’elles sont. À compter de ce jour, elle décide de fuir pour enfin s’émanciper, vivre sa vie de femme, de mère, de croyante, mais hors des préceptes intégristes qui annihilent toute volonté prônés par sa belle-famille et les Frères de la Croix.

Un premier roman perturbant qui montre avec justesse les dérives sectaires de toute religion à partir du moment où elle devient intégriste et omnipotente. J’ai aimé suivre l’éveil et l’émancipation de cette jeune femme qui découvre enfin de pouvoir de dire non, de décider, de se révolter et de vivre sans suivre les directives que les siens tentent de lui imposer, sans pour autant renier sa foi ou sa religion, mais en acceptant d’en rejeter les extrêmes. Mais cette deuxiéme partie semble parfois utopique, même si on souhaite qu’elle puisse être réaliste. En parallèle, le lecteur retrace le parcours de sa mère, qui vient très jeune elle aussi à la religion et Sixtine découvre un secret de famille particulièrement troublant.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Julliard, Pocket

Sixtine, jeune femme très pieuse, rencontre Pierre-Louis, en qui elle voit un époux idéal, partageant les mêmes valeurs qu’elle. Très vite, ils se marient dans le rite catholique traditionnel et emménagent à Nantes. Mais leur nuit de noces s’est révélée un calvaire, et l’arrivée prochaine d’un héritier, qui devrait être une bénédiction, s’annonce pour elle comme un chemin de croix. Jusqu’à ce qu’un événement tragique la pousse à ouvrir les yeux et à entrevoir une autre vérité.
Bénie soit Sixtine est avant tout l’histoire d’un éveil et d’une émancipation. Entre thriller psychologique et récit d’initiation, ce premier roman décrit l’emprise exercée par une famille d’extrémistes sur une jeune femme vulnérable et la toxicité d’un milieu pétri de convictions rétrogrades. Un magnifique plaidoyer pour la tolérance et la liberté, qui dénonce avec force le dévoiement de la religion par les fondamentalistes.

Née en 1985, Maylis Adhémar vit à Toulouse où elle travaille en tant que journaliste indépendante. Bénie soit Sixtine est son premier roman.

EAN : 9782260054542 / pages : 304 / 19.00 € / Date de parution : 20/08/2020

Antonia : Journal 1965-1966, Gabriella Zalapì

Entre ombre et lumière, un voyage dans l’intimité d’une femme qui se dévoile et s’émancipe sous nos yeux

Dans les années 60, la femme est d’abord femme au foyer, épouse docile et mère accomplie. Dans ce rôle écrit d’avance, Antonia s’ennuie, Antonia s’étiole, mais elle en parle avec délicatesse et sagesse. Si son mari la cantonne exclusivement à ces rôles, la nurse lui vole sa fonction de mère en lui interdisant une approche trop intime avec son fils Arturo. Et un sentiment diffus se développe, comme si son propre fils lui était étranger, la poussant à s’interroger sur son rôle de mère.

Peu à peu, elle s’évade de ce quotidien. Un jour elle exhume du paquet qu’elle a reçu à la mort de sa grand-mère les lettres et albums photos de sa famille et de son passé. Elle va alors s’y pencher et à partir de là, tenter de se retrouver, de comprendre où elle en est.

Pendant deux ans, de 1965 à 1966, elle confie ses découvertes, mais aussi son mal-être à son journal intime. Elle y relate ses journées et ses trouvailles, ses sentiments et ses rêves. Celle qui sort des années de guerre qu’on connues ses parents n’est pas encore tout à fait la femme contestataire des années 68. C’est dans cet entre-deux qu’elle laisse entrevoir un embryon de révolte face à la morosité et à cette place qui lui est assignée dans une vie toute tracée qui l’assomme au plus haut point.

Entre ombre et lumière, sa vie s’écoule, lente et morose. Comme dans ces vieilles photos qu’elle exhume des albums de famille oubliés, elle s’expose, triste et fascinante, révolté et soumise. Et avec Antonia, le lecteur fait ce voyage dans le temps, dans l’intimité de la famille, dans le quotidien monotone de cette femme qui se dévoile et finalement s’émancipe sous nos yeux.

C’est joliment écrit et fort agréablement illustré de vieilles photos qui donnent vie à ce journal d’une femme émouvante et sincère.

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois, session anniversaire 2020

Catalogue éditeur : éditions Zoé

Antonia est mariée sans amour à un bourgeois de Palerme, elle étouffe. À la mort de sa grand-mère, elle reçoit des boîtes de documents, lettres et photographies, traces d’un passé au cosmopolitisme vertigineux. Deux ans durant, elle reconstruit le puzzle familial, d’un côté un grand-père juif qui a dû quitter Vienne, de l’autre une dynastie anglaise en Sicile. Dans son journal, Antonia rend compte de son enquête, mais aussi de son quotidien, ses journées-lignes. En retraçant les liens qui l’unissent à sa famille et en remontant dans ses souvenirs d’enfance, Antonia trouvera la force nécessaire pour réagir.

Roman sans appel d’une émancipation féminine dans les années 1960, Antonia est rythmé de photographies qui amplifient la puissante capacité d’évocation du texte.

Anglaise, italienne et suisse, Gabriella Zalapi a vécu à Palerme Genève, New York, habite aujourd’hui Paris. Ses longs séjours à Cuba et en Inde ont également été déterminants pour donner corps à l’une de ses préoccupations essentielles : comment une identité se construit ? Artiste plasticienne formée à la Haute école d’art et de design à Genève, Gabriella Zalapì puise son matériau dans sa propre histoire familiale. Elle reprend photographies, archives, souvenirs pour les agencer dans un jeu troublant entre histoire et fiction. Cette réappropriation du passé, qui s’incarnait jusqu’ici dans des dessins et des peintures, Gabriella la transpose cette fois à l’écrit et livre son premier roman, Antonia, sensible et saisissant.

Paru en janvier 2019 / ISBN 978-2-88927-619-6 / 112 pages / 140×210 mm

Les dieux du tango, Carolina de Robertis

« Les dieux du tango », ou l’histoire d’un destin bouleversé sur fond de musique argentine !

couverture du roman de Carolina de Robertis, les dieux du tango éditions Le Livre de Poche, photo Domi C Lire

Depuis le petit village d’Alazzano en Italie jusqu’à Buenos Aire en Argentine, Leda part à la rencontre de son cousin Dante, son époux par procuration. A son arrivé à Buenos Aires, Dante n’est pas sur le quai pour l’attendre. Son époux a disparu, et Leda suit son ami Arthuro jusqu’au conventillo, ces immeubles où habitent les familles des émigrés. Que faire alors, rentrer au pays, trouver un autre mari ?

Lors de son départ, son père lui a confié un violon qui est dans la famille depuis plusieurs générations, ce violon que les femmes n’ont pas le droit d’utiliser, mais qui l’attire inexorablement. Et si prendre l’apparence d’un homme était la solution, si pour s’affranchir de tous ces carcans il fallait revêtir les habits de Dante ?
Voilà le lecteur immergé dans la vie de Leda la passionnée vite emportée par la musique dans ce monde parallèle des musiciens de cabarets et surtout vers les prémices de cette musique emblématique qu’est le tango argentin. De plus, si le tango est la musique de la sensualité par excellence, sous ses habits masculins et le poids de sa grande solitude, l’éveil de Leda à sa propre sensualité va l’orienter vers les personnes de son sexe, désirs inavouables mais bien réels…

Tout en abordant avec justesse et réalisme ces vagues d’émigration qui ont peuplé les Amériques des années 1900, en particulier pendant l’entre deux guerre, il y a sous-jacent à cette aventure musicale, un rappel indispensable sur la condition des femmes. Étonnant témoignage d’une réalité de cette époque. Tant pour leur difficulté à vivre au milieu de la société, elles qui sont souvent recluses entre femmes dans les conventillos, à travailler, à vivre seule dans une société largement patriarcale.

Voilà donc une belle évocation de cette époque, de la condition féminine, des affres de l’émigration, mais aussi de la passion dévorante pour une musique emblématique devenue aujourd’hui intemporelle.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche

Février 1913. Leda a dix-sept ans. Elle quitte son village italien pour rejoindre en Argentine son cousin Dante, qu’elle vient d’épouser. Dans ses maigres bagages, le précieux violon de son père. Mais à son arrivée, Dante est mort. Buenos Aires n’est pas un lieu pour une jeune femme seule, de surcroît veuve et sans ressources : elle doit rentrer en Italie. Pourtant, l’envie de découvrir ce nouveau monde et la musique qui fait bouillonner les quartiers chauds de la ville la retient. Passionnée par ce violon interdit aux femmes, Leda décide de prendre son destin en main. Déguisée en homme, elle s’immerge dans le monde de la nuit, le monde du tango. Elle s’engage tout entière dans un voyage qui la mènera au bout de sa condition de femme, de son art, de la passion sous toutes ses formes, de son histoire meurtrie. Un voyage au bout d’elle-même.

Editeur d’origine : Le Cherche Midi / 512 pages / Date de parution : 29/05/2019 / EAN : 9782253071228

Le serpent de l’Essex, Sarah Perry

Le serpent de l’Essex, de Sarah Perry, un roman aux accents victorien qui parle d’émancipation, de liberté et de paléontologie.

Photo couverture du roman le seprtent de l'essex par Sarah Perry Le Livre de Poche, blog Domi C Lire

Cora est veuve, par forcément joyeuse, mais veuve libérée de cet homme qu’elle avait aimé au premier regard mais qui a fait preuve de violence envers sa jeune épouse soumise. Avec son fils Francis, et désormais à l’abri du besoin, elle décide de partir pour l’Essex et l’estuaire du Blackwater. Elle espère suivre la voie de Mary Anning, admirative de cette femme qui trouve des fossiles (et qui influença la paléontologie par ses recherches).

Là, Cora s’installe dans une vie libre de toute contrainte. Habillée comme un homme, ne cherchant pas à soigner son apparence, elle part chaque jour dans la boue à la recherche de coquillages, fossiles, et même du serpent de l’Essex, ce monstre qui terrorise toute la région, et le village d’Aldwinter en particulier. Soucieux, des amis la confient au pasteur William Ransome et à sa famille. Elle est accueillie à bras ouverts par Stella Ransome, qui souffre d’un mal étrange et ne veut vivre que dans un monde en bleu. Sa rencontre avec William, d’abord fortuite, puis régulière, lui fait découvrir une vision du monde qu’elle ne partage pas, mais de leurs échanges toujours passionnés et vifs va naître une véritable amitié.

L’auteur met en scène une femme moderne, éprise de liberté, qui veut vivre comme elle l’entend loin du joug du mariage et des conventions. Autour de Cora gravitent d’autres personnages porteurs de valeurs qui émergent à la fin du 19e. A travers eux, Sarah Perry aborde des thèmes qui ont connu une réelle évolution à cette période, chirurgie, traitement de certaines maladies, problèmes sociaux, en particulier la confrontation de différentes classes sociales, misère extrême des ouvriers mal logés qui subissent les dictats de propriétaires sans morale, émergence du socialisme, évolution (ou pas !) des pensées du clergé, qui dicte souvent aux villageois leur conduite, quand dans les grandes villes comme Londres l’évolution de mœurs et des habitudes est en marche.

L’ambiance est bien traitée par des descriptions de campagne anglaise, de bois denses, de bord de l’eau envahi par la brume et des brouillards épais, un peu comme en écho aux mentalités de l’époque. Et Cora émerge de tout ce brouillard… Il faut de la concentration et au moins quelques dizaines de pages pour rentrer dans le roman, car il ne s’y passe pas énormément de chose, tout est dans l’ambiance, les sentiments, les caractères. Un roman à lire au calme, en prenant son temps.

Bien sûr, je ne peux m’empêcher de conseiller la lecture de Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier, roman qui évoque si bien Mary Anning.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche

Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s’installer à Aldwinter, dans l’Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s’intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l’Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l’estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d’étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté.

Sarah Perry est née en 1979 dans l’Essex. Son premier roman, After Me Comes the Flood, a figuré parmi les sélections du Guardian First Book Award, du Folio Prize et a remporté le Anglian Book of the Year en 2014. Elle vit à Norwich. Le Serpent de l’Essex est son premier roman traduit en français. Traduit de l’anglais par Christine Laferrière.

Prix : 8,70€ / 576 pages / Date de parution : 03/04/2019 / EAN : 9782253906681

Editeur d’origine: Christian Bourgois Editeur

On ne peut pas s’empêcher de penser au roman « Prodigieuses créatures » de Tracy Chevalier.

L’hôtelière du Gallia-Londres. Bernadette Pécassou-Camebrac

A Lourdes au milieu du XXe siècle, les destins croisés de deux jeunes femmes que tout oppose

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Inès est la fille du Gallia-Londres, c’est la riche héritière, belle, exigeante, à qui rien ni personne ne résiste, pas même Paul, le séduisant rugbyman. Mais à côté d’Inès évolue la tendre et douce Marie, fille de boulangers. Elle doit travailler dur pour aider ses parents, pour elle, pas de temps libre après les cours, pas de vacances à Biarritz ou à San Sébastien. Car il faut sans cesse avancer pour ne pas se laisser distancer par les concurrents, pour arriver à vivre correctement et assurer l’avenir des enfants.  Entre elles, il y a Paul, le frère de Josy, l’amie de Marie, ce beau et talentueux rugbyman en qui se fondent tous les espoirs du FCL, le club de rugby de Lourdes.
Nous suivons les jeunes filles pendant les années de collège, puis de leurs émois d’adolescentes à leurs vies de femmes plus ou moins réussies, plus ou moins heureuses. L’avenir n’est pas tout tracé, ni pour l’une ni pour l’autre, le bonheur pas toujours là où on l’attend, mais volonté, courage et ambition seront au rendez-vous.

On le sait, depuis les apparitions de la Vierge en 1858, Lourdes est une ville qui attire les croyants. Dans les années cinquante, les pèlerins sont de plus en plus nombreux et les petites pensions de familles qui se sont créées peu après les apparitions ne suffisent plus. La ville hôtelière prend son essor. Car tous ceux qui viennent ici poussés par un élan mystique ont également des besoins bassement matériels, un lit pour dormir, une table pour se restaurer, un autobus pour les mener de la gare à l’hôtel, voire plus loin, après tout, les Pyrénées sont à deux pas. Les pensions, les hôtels, les métiers de la restauration comme des loisirs ou du transport vont alors fleurir et se développer pour répondre à cette demande croissante. Les femmes sont à la manœuvre, souvent plus fortes, plus organisées que les hommes, et pourtant souvent aussi oubliées. Ce sont elles qui mènent la barque, ce sont elles aussi qui refuseront de vendre au plus offrant, qui maintiennent ce lien familial fort qui existe pour certains encore aujourd’hui.

J’ai aimé ces évocations d’une période révolue mais pourtant bien réelle, en particulier pour qui connaît cette région, mais pas seulement. Les mères sont dures à la tâche, besogneuses, économes, elles organisent, prévoient, anticipent. Les filles étudient, travaillent et, toujours très raisonnables, aident les parents, fondent une famille et font tout pour s’en sortir. Les pères refont le dernier match au café, celui des riches, et l’autre, en face sur la place, car si on travaille de concert, on ne se mélange pas entre la ville basse et la ville haute. Les jeunes hommes, sportifs, rugbymen talentueux, qui font l’honneur d’une ville et dans lesquels tous les espoirs se fondent, leur faisant porter peut-être un poids un peu trop lourd sur les épaules. Les hivers besogneux pour ceux qui triment et préparent la saison prochaine, ou le bonheur d’un repos dans les grands hôtels du pays basque, tant côté français qu’espagnol pour les riches propriétaires et leurs belles héritières. Le début des sports d’hivers, la montagne et le rugby occupent une belle place dans la vie et les conversations des lourdais.

De cet auteur, j’avais déjà aimé La belle chocolatière, qui se passait déjà dans la ville de Lourdes. La voici de nouveau avec un roman qui n’a rien de régional, car il est à mon avis tout simplement universel, puisqu’il évoque la place des femmes, leur rôle dans la société, et le long chemin qu’elles ont dû faire pour imposer leur présence. Elles si indispensables et pourtant dont on faisait si peu de cas, dans les familles, lors des partages, des héritages, à une époque où l’homme était le seul à décider… il n’est pas si loin le temps où elles ont eu le droit d’avoir un compte en banque et de gérer leurs biens personnels, en juillet 1965, à peine plus de 50 ans, même pas une vie…

Vous aimez les romans historiques et les histoires d’amour qui vous font rêver ? Alors vous aimerez passer un bon moment en compagnie des héroïnes de Bernadette Pecassou, dans ce bel hôtel Gallia-Londres.

Lire également la chronique de HC du blog Ma collection de livres

Lire aussi La passagère du France ou L’Impératrice Des Roses

Catalogue éditeur : Flammarion

«Inès avait l’air de l’ange qu’elle n’était pas. Marie l’avait compris. Fille unique, elle était la future héritière de l’hôtel le plus prestigieux de Lourdes situé au pied des sanctuaires, là où se pressaient les foules de pèlerins et où vivaient les propriétaires des affaires les plus florissantes, ceux de la haute.»

Sur fond d’intrigues au cœur d’un palace luxueux, dans une ville mystique jusque dans sa pierre de granit et ses brumes hivernales, L’hôtelière du Gallia-Londres brosse le portrait de destins individuels dans une société en pleine mutation. Des années 1950 à nos jours, entre essor de l’hôtellerie moderne et déchirements de la société, la rivalité de Marie et d’Inès est une histoire de pouvoir, de foi et de courage.

Paru le 06/06/2018 / Genre : Littérature française / 320 pages – 146 x 221 mm Broché EAN : 9782081391284 ISBN : 9782081391284

Juliette de Saint-Tropez, Valentin Spitz

Suivre Nicole, puis « Juliette de Saint-Tropez »  et tomber amoureux de cette femme solaire et libre qui trace son chemin des années 30 à aujourd’hui

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Elle, c’est Nicole, ou Juliette, tout dépend quand vous ferez sa connaissance. Lui, c’est Lucas, son petit-fils… et cette histoire, c’est la leur, la sienne. C’est en tout cas celle que nous raconte Valentin Spitz dans son roman « Juliette de Saint-Tropez ».

Née dans les années 20, la jeune Nicole perd son père pendant la guerre, d’une banale crise cardiaque qui laissera sa mère comme exsangue du seul amour qui coule dans ses veines. Désespérée, terrée dans l’obscurité de son amour perdu, Isabelle oublie sa fille Nicole, ne vivant que dans l’attente de la mort qui lui permettra de rejoindre Henri. Ce père mort trop jeune deviendra pour Nicole le seul parfait, aimant, brillant, éclipsant par sa mort l’image de tous les hommes qu’elle va rencontrer, les autres, les tellement fades.

Partie jeune du foyer maternel, elle épouse le beau George. Mais les absences, la violence, les infidélités de George sont trop difficiles à supporter. Et l’espoir et les mauvaises combines, cela ne nourrit pas ses trois enfants. Alors même si cela ne se fait pas, et malgré l’avis de George, d’abord en cachette, puis ouvertement, Nicole trouve du travail, puis divorce de cet homme violent. Quelques années plus tard, elle épouse Jacques, son patron. Il sera le père de ses deux derniers enfants.

C’est donc Lucas, le petit-fils devenu écrivain, qui décide un jour de faire parler sa grand-mère pour écrire sa vie. Car dans cette famille si atypique, seule la belle et solaire Juliette compte, les hommes ont quasiment disparu, ni George ni Jacques ne semblent avoir d’existence, pas même le père de Lucas, comme si les filles perpétuaient elles aussi on ne sait quelle tradition matriarcale.

Juliette de Saint-Tropez , c’est avant tout l’histoire d’une femme qui a su faire fi des convenances, des conventions, qui a su, malgré l’époque où elle a vécu, devenir cette femme libre, incomprise et tellement révolutionnaire dans ses élans de vie et de cœur qui l’ont façonnée, à une époque où les femmes mariées restaient mariées et au foyer, malgré les coups et les tromperies du mari. Car les maris pouvaient bien être volages, mais une femme divorcée était forcément une catin, coureuse d’hommes, mauvaise mère.

Juliette que l’on retrouve dans les années 60, cinq enfants et deux maris plus tard, flamboyante sur le port de Saint-Tropez ou dirigeant son entreprise de main de maître. Cette histoire est passionnante, intrigante, étonnante, car elle est le reflet d’une éducation, d’une époque, d’une soif de liberté à laquelle aspiraient de nombreuses femmes, mais pour lesquelles bien peu ont su, ou pu tout donner pour y parvenir.

Alors je n’ai qu’une envie, c’est de vous dire de lire ce roman, étonnant jusqu’au bout, qui perturbe un peu tant il est le reflet de ce que nos mères ou nous-même peut-être avons vécu ou au contraire pas osé vivre. Et puis ce doute lancinant, tout au long des pages, sur Juliette-Nicole, qui est-elle ? On aimerait tant l’avoir rencontrée…

Et s’il faut parler des familles ou des mères atypiques, qui forgent des vies à contre-courant, lire aussi Toutes les familles heureuses, ou Fugitive parce que reine.

Catalogue éditeur : Stock

Orpheline de père, délaissée par sa mère, Nicole est une petite fille vive et solitaire. En devenant femme, elle découvre son pouvoir sur les hommes. Sa beauté et son tempérament font tourner les têtes. Mais son mari, Georges, se révèle vite irascible, alcoolique, violent. Nicole doit fuir. Jacques, un riche entrepreneur, lui tend les bras. Il veut l’aider et la protéger – elle commet l’erreur de le croire.
Un jour, à bout, elle plaque tout. Direction le Sud, Saint-Tropez. C’est la métamorphose. Nicole se rêve en Brigitte Bardot… Lire la suite

Collection : Littérature Française / 612 pages / Format : 136 x 215 mm / EAN : 9782234085961 / Prix : 19.90 € / Parution : 9 mai 2018

Valentin Spitz est écrivain et psychanalyste. Il est l’auteur d’un roman, Et pour toujours ce sera l’été (JC Lattès, 2016), et de deux biographies politiques…

La tresse. Lætitia Colombani

Dans son premier roman « La tresse » Lætitia Colombani nous fait découvrir trois femmes, Sarah au Canada, Guilia en Sicile, Smita en Inde, trois destins, qui se tissent loin l’un de l’autre pour un final étonnant.

DomiCLire_la_tresseVoilà le pari audacieux mais réussi de Lætitia Colombani, qui nous séduit et nous emporte avec ses rêves de femmes fortes, issues de minorités, où elles sont souvent mal considérées. Elles ont assez de courage pour contrer leur destin et réussir leur vie à leur façon, loin des règles imposées par une société souvent gérée par des hommes, société qui refuse de les comprendre, de les voir, de leur laisser une chance. Ce roman n’est ni accusateur, ni revanchard, ni triste ni sombre, il apporte la lumière, l’espoir, la vie.

Smita l’indienne appartient à la caste des intouchables, pour elle aucun espoir de vie meilleure dans une société où elle et ses pairs sont rejetés et ignorés par tous. Une société où toute fuite et ou désir de liberté sont également horriblement punis, souvent via le viol des femmes de la famille. Mais Smita rêve d’un avenir meilleur pour sa fille, elle veut qu’elle aille à l’école pour apprendre à lire et écrire. Le chemin vers la liberté est long et difficile.

En Sicile, Guilia doit reprendre l’entreprise familiale transmise de père en fils, à la suite d’un accident de son père. Mais dans cette société-là, pourtant situé dans un contient dit évolué et moderne, le poids des traditions et l’habitude ont la vie belle, Guilia devra se battre pour atteindre le but qu’elle s’est fixé.

Enfin, au Canada, Sarah a le vent en poupe, et vient juste d’être intronisée associée dans son cabinet d’avocat. Pourtant, la maladie vient la frapper, insidieuse, la faisant basculer du jour au lendemain dans le camp des faibles, des vaincus, de ceux que l’ont fui et que l’on craint, sans se soucier d’agir envers eux en toute impunité et surtout en totale discrimination. Elle aussi va devoir apprendre à vivre autrement.

Trois destins, mais trois femmes qui chacune à sa façon va de l’avant. Toutes ne sont pas immédiatement aussi attachantes, mais toutes sauront vite happer l’intérêt du lecteur, par une démonstration de vie, d’espoir, de volonté, qui leur permettent d’atteindre leurs rêves, ceux qui font le quotidien moins banal, moins triste, plus magique, même et surtout dans sa vie de tous les jours.

Un beau premier roman, qui se lit dans un souffle, et qui uni les vies, comme un impossible pont entre deux mondes, fait de courage et d’optimisme. A lire, assurément !


Catalogue éditeur : Grasset

Trois femmes, trois vies, trois continents. Une même soif de liberté.
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école.
Sicile. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée.
Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est gravement malade.
Liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier, Smita, Giulia et Sarah refusent le sort qui leur est destiné et décident de se battre. Vibrantes d’humanité, leurs histoires tissent une tresse d’espoir et de solidarité.

Parution : 10/05/2017 / Pages : 224 / Format : 143 x 207 mm / Prix : 18.00 € / EAN : 9782246813880

Un homme ça ne pleure pas. Faïza Guène

Dans « Un homme ça ne pleure pas » le roman Faïza Guène, tradition et modernité cohabitent dans cette famille qui nous transporte sur les bords de la méditerranée, pour notre plus grand bonheur de lecteur.

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A Nice, où il vit avec ses parents, Mourad Chennoun apprend la vie et découvre le monde dans une famille algérienne aux parents qui confinent à la caricature, mais tellement attachants qu’on a envie de les connaître. Son père est cordonnier. Bien qu’il ne sache ni lire ni écrire il s’intéresse à la vie, aux nouvelles du pays, demandant à son fils de lui faire la lecture avec « l’accent d’un journaliste », lui qui porte au revers de sa poche de chemise des stylos Bic avec capuchon, pour faire sérieux, comme il l’a vu faire par son médecin. Et  surtout il est celui qui dit à son fils qu’« un homme ça ne pleure pas » ! Sa mère déborde d’amour pour ses enfants. Elle est envahissante, aucune fille ne sera assez bien pour son fils, il n’y a aucun avenir pour ses filles en dehors d’un bon mariage, aucun petit plat n’est mieux fait que par ses soins, elle qui est capable de remplir la valise de son fils de nourriture, même lorsqu’il partira pour Paris. Ses sœurs, Dounia, rebelle, elle a soif de liberté, de s’instruire, et de pouvoir décider de sa vie sans rentrer dans le cadre que lui a dessiné sa mère, mari, enfants, cuisine. Ses conflits avec les parents lui feront quitter définitivement le domicile. Sans espoir de retour. Enfin il y a Mina, la plus jeune sœur, celle qui reste près des parents, femme au foyer, mère raisonnable, proche de sa mère tyrannique et aimante.

Mourad a soif de vivre, même si l’idée de se retrouver loin est terriblement stressante. Ses études lui permettent de partir sans que la rupture soit définitive, bien au contraire puisqu’il est l’homme de la famille, celui qui porte tous les espoirs. Il va alors découvrir la liberté en même temps que la tyrannie de sa mère, qui menace de mourir s’il ne lui téléphone pas chaque jour. Ah, ces parents envahissants qui ne comprennent pas que leur enfants sont étouffés par ces débordements d’amour, que d’ailleurs ils ne seront ni capables ni enclins à rendre, alors que bien souvent les parents attendent tellement en retour.

C’est pour Mourad la découverte de la vie à Paris, des écoles en zone difficile, des relations parents profs ou entre collègues, des retrouvailles inattendues avec un cousin éloigné qui s’en sort plutôt bien. C’est un nouveau monde qui s’ouvre, et Mourad n’a plus vraiment envie de revenir. Mais quand le padre tombe malade, tous les murs infranchissables qui avaient été élevés pour renier Doumia vont tomber. Mourad sera là pour la famille, celle qui envahi, celle qui aime, celle qui protège, celle qui pardonne. Les personnages sont presque tous caricaturaux, mais pourtant tous terriblement attachants !

J’ai vraiment aimé ce roman, rempli d’humour, de tendresse bourrue, de clichés aussi sans doute, mais tellement  fin, agréable à lire, débordant d’optimiste même lorsqu’il aborde la maladie. C’est un régal de lecture à savourer intensément.

Catalogue éditeur : Fayard

Né à Nice de parents algériens, Mourad voudrait se forger un destin.
Son pire cauchemar : devenir un vieux garçon obèse aux cheveux poivre et sel, nourri par sa mère à base d’huile de friture. Pour éviter d’en arriver là, il lui faudra se défaire d’un héritage familial pesant.
Mais est-ce vraiment dans la rupture qu’on devient pleinement soi-même ?
Dès son premier roman (Kiffe kiffe demain, Hachette littératures, 2004), Faïza Guène s’est imposée comme une des voix les plus originales de la littérature française contemporaine.

EAN : 9782213655147 / Littérature française / Parution : 03/01/2014 / 320 pages / Format : 135 x 215 mm

Giboulées de soleil. Lenka Hornakova-Civade

Plongez les yeux fermés dans la vie de ces trois générations de femmes en Tchécoslovaquie et vous ne le regretterez pas !

DomiCLire_giboulees_de_soleil.jpgTchécoslovaquie, dans les années 30, Magdalena est employée dans une ferme, propriété de riches patrons. Une attirance pour le fils du patron, étudiant à Vienne, une nuit d’abandon, une nuit d’incendie, et sa vie bascule. Tout comme sa mère avant elle, Magdalena va donner naissance à une bâtarde. Nous voilà donc immergés dans cette famille de femmes : Marie, une grand-mère gynécologue, dure mais juste, froide mais sensible, elle a fui Vienne lors de la partition du pays ; une mère, Magdalena, quitte la ferme et revient au village lorsqu’elle met au monde son enfant ; une fille Libuse ; puis Eva, une petite fille, chacune ayant les rêves de son temps.

Elles subiront les mêmes offenses que leur pays : la partition du pays, l’occupation par les nazis, le joug soviétique et la perte des libertés fondamentales. Pourtant face à l’adversité et fortes de leur différence, être nées bâtardes, elles sauront s’affirmer et s’épanouir, fières de leurs amours passés, d’instants de bonheur volés aux traditions, aux coutumes, au qu’en dira-t-on.

C’est le beau portrait sans concession de trois générations de femmes sans mari, de filles sans père, qui chacune à sa façon va poursuivre et inventer sa vie, son avenir, sa force, en opposition à ces hommes qu’elles auront malgré tout su aimer, mais aussi à ces hommes qui ne leur seront d’aucun secours, qui seront au contraire des entraves, des contraintes, des complications à l’épanouissement de leur vie de femme dans la recherche d’un certain bonheur et dans l’affirmation de leur liberté.

L’écriture est belle, sensible, chantante et douloureuse parfois, comme les sentiments qu’elle exprime avec une grande justesse et infiniment de sobriété. Elle parle traditions, trahison, force et honneur, amour et haine, vengeance et oubli, elle dit, elle raconte, et le lecteur ne peut qu’aimer ce roman tellement attachant, tellement émouvant, tellement beau comme des Giboulées de soleil qu’il nous emmène presque à imaginer, pluie et soleil, obscurité et lumière, tragédie et bonheur.


Catalogue éditeur : Alma éditeur

Dans un style ample et tendre et des dialogues presque naïfs, Lenka HORŇÁKOVÁ-CIVADE relate dans ce premier roman l’histoire d’une lignée de femmes bâtardes en Tchécoslovaquie de 1930 à 1980.

Elles s’appellent Magdalena, Libuse et Eva et partagent le même destin : de mère en fille elles grandissent sans père. Mais de cette malédiction, elles vont faire une distinction. Chacune a sa façon, selon sa personnalité, ses rêves, ses lubies, son parler et l’époque qu’elle traverse. Malgré elles, leur vie est une saga : Magdalena connaîtra l’annexion nazie, Libuse les années camarades et Eva la fin de l’hégémonie soviétique. Sans cesse des imprévus surgissent, des décisions s’imposent, des inconnus s’invitent. À chaque fois, Magdalena, Libuse et Eva défient tête haute l’opinion, s’adaptent et font corps. Au fond, nous disent-elles, rien n’est irrémédiablement tragique, même les plus sombres moments.

Ces héroïnes magnifiques, Lenka HORŇÁKOVÁ-CIVADE les magnifie encore par son écriture solide et douce, brodée, ourlée, chantante. Moqueuse aussi lorsque la kyrielle de personnages secondaires – paysans, apparatchiks, commères… le requiert.

Prix du Renaudot des lycéens 2016 / Prix La ruche des mots 2016
Date de parution : 07/04/2016  / 18 €  / 340 pages / ISBN : 978-2-36279-185-7