Madame S, Sylvie Lausberg

Une véritable enquête qui, de la Belle Époque à la IIIème République, nous entraine dans les pas de Madame S, personnage aussi réel que romanesque

Elle aura eu tous les surnoms, y compris  les plus dégradants, la pompe funèbre étant sans doute l’un des plus connus. Pourtant, Madame Steinheil née Japy a vécu une enfance heureuse dans cette famille d’industriels dont on connait au moins la célèbre machine à écrire qui a révolutionné bien des vies de secrétaires.

Elle est adulée par un père qui avait un mal fou à l’imaginer loin de lui. Mariée peu après le décès de ce dernier à Adolphe Steinheil, un peintre bien plus âgé qu’elle. Bien trop âgé sans doute pour imaginer qu’elle ait pu être heureuse dans son couple. Madame S saura mener carrière auprès du tout Paris politique et culturel. Maitresse de Félix Faure, elle aura certainement connaissance de bien des faits politiques. En particulier, ce dernier lui confiera des écrits, destinées à devenir ses mémoires. Documents qu’elle gardera par devers elle ainsi que les nombreux cadeaux dont il la gratifiera.

Après le décès de Félix Faure en 1899, elle poursuit sa route à l’écart des mondanités. Viennent ensuite le meurtre à son domicile de son mari et de sa mère, de longs mois de prison, un interminable procès qui cache sans doute des raisons d’état, et le départ pour l’Angleterre.

Pourquoi son parcours est-il si singulier ?

Née le 16 avril 1869, cette héritière d’une grande famille, plutôt bien dotée par la nature, épouse contre toute raison un homme âgé qui ne lui convient pas. Femme libre qui assume cette liberté, elle va vivre cent autres vies auprès d’hommes politiques, journalistes, artistes, parmi les noms les plus en vue de son époque. Vivre également au sein du gouvernement et de son salon les conflits acharnés et les tergiversations présidentielles autour de l’antisémitisme et l’affaire Dreyfus, et certainement avoir accès à d’autres secrets jusqu’au décès de Félix Faure. Un violent fait divers bouleverse sa vie, puis après un procès rocambolesque, elle va disparaitre, réapparaitre… Elle reste un véritable mystère jusqu’à sa mort en 1957, et bien après !

Quel personnage romanesque à souhait !

Sylvie Lausberg, fascinée par la singularité de cette femme, et par les ombres démesurées qui s’étendent sur les différents faits qui jalonnent sa vie, a eu envie d’en savoir plus. Vingt années de recherches, de visites dans les lieux où elle a vécu, de lectures d’innombrables papiers, micro films, archives, ont été nécessaires pour lever la part d’ombre – une part d’ombre, car il en restera toujours un peu – et pour nous donner envie de mieux connaitre cette Madame S. Et l’on a envie de dire, à la lumière des faits établis par l’auteur, mais alors, pourquoi un tel traitement tant pendant sa vie que longtemps après ? Parce que c’est une femme libre qui dérange ?

Voilà enfin une biographie romancée qui explique ! Peut-être est-ce par moments un peu trop dense dans les faits, noms, évènements, au risque de noyer ses lecteurs, mais quand on sait que l’auteur a vécu avec madame S pendant tant d’années, on comprend mieux cette profusion d’informations. C’est une intéressante incursion dans le milieu politique et un regard éclairé sur la condition des femmes de cette première moitié du XXe.

Vous aimez les femmes au parcours singulier qui ont osé aller contre leur époque ? Lisez également Femme qui court, de Gérard de Cortanze à propos de Violette Morris, ou encore Lady Mary, de Danielle Digne, sur cette femme étonnante qu’était Mary Wortley Montagu.

La démarche de Sylvie Lausberg pour écrire  Madame S me fait penser à celle de Philippe Jaenada. Lui aussi, grâce à ses recherches, bouleverse nos horribles certitudes à propos de faits-divers jugés dans le passé. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille La Serpe, ou un autre de ses romans.

Catalogue éditeur : Slatkine et Compagnie

L’anecdote est célèbre : alors que le président Félix Faure agonise, sa « connaissance » s’est sauvée par l’escalier de service. Cette mort en épectase va changer le cours de l’affaire Dreyfus et bouleverser le destin de celle que l’on surnomme depuis la « pompe funèbre »… Intriguée par cette « putain de la République », une journaliste recluse décide d’enquêter.

Sylvie Lausberg livre un passionnant thriller historique sur les traces volontairement effacées de Marguerite Japy-Steinheil, personnalité troublante dont le traitement politique et médiatique dit long sur les secrets d’un État français toujours aux prises avec les mêmes démons : antisémitisme, antiféminisme, petits arrangements entre amis et journaux avides de scandales.

Parution 24 octobre 2019 / 240 pages / Prix : 20 € / ISBN : 978-2-88944-087-0

Une jeunesse de Marcel Proust. Evelyne Bloch-Dano

Dans « Une jeunesse de Marcel Proust » Evelyne Bloch-Dano nous invite à revisiter la vie et l’entourage de Marcel Proust, pour comprendre ce qui a fait de cet auteur un écrivain aussi singulier.

Domi_C_Lire_une_jeunese_de_marcel_proust_blochdano.jpgTout un chacun, ou presque, connait ou a entendu parler du questionnaire de Proust, rendu célèbre dans les années 90 par Bernard Pivot qui terminait ses émissions Bouillon de culture en posant à ses invités quelques questions légèrement remaniées. C’est André Maurois qui évoque le premier ce document et qui suggère à l’éditeur Léonce Peillard de le soumettre à quelques auteurs. Fort de ce nouveau succès, l’éditeur publie « Cent écrivains répondent au questionnaire de Marcel Proust » à la fin des années 60.

Alors direz-vous, pourquoi Proust a-t-il inventé ce questionnaire et dans quel but ? Eh bien tout simplement il ne l’a jamais inventé ! Il est avant tout l’un des multiples répondants au questionnaire qui arrive de Grande Bretagne et qui sert à dévoiler sa personnalité et ses aspirations, questionnaire que posait Antoinette Faure, la dernière des filles du président Félix Faure à son entourage. Cette dernière compile dans son cahier les réponses de ses divers amis et relations.

La première fois qu’il y répond, le jeune Marcel est âgé de 16 ans environ, il se pliera à l’exercice une nouvelle fois quelques années plus tard, sans doute âgé alors de 23 ans. Point de départ pour Evelyne Bloch-Dano à l’écriture de ce livre – car il ne s’agit pas ici un roman, mais bien une étude – autour de la personnalité et étude sociologique de l’époque, de l’entourage, de l’auteur d’à la recherche du temps perdu.
A partir des réponses et des personnalités diverses des répondants, Évelyne Bloch-Dano va faire une étude sociologique de la société de l’époque. La famille Faure, ses relations avec les parents et le jeune Marcel. Partagée entre Paris et le Havre, ces jeunes gens vont connaitre les enfances heureuses de nantis, dans cette bourgeoisie élitiste de la société française de la fin des années 1880.

L’auteur analyse les différentes réponses, prétexte à mieux comprendre cette éducation, si différente selon qu’elle s’adresse aux filles ou aux garçons. L’éducation des filles n’a qu’un but, les préparer au mariage, celle des garçons d’en faire des hommes soutien de famille. Tout cela transparait dans les réponses. Mais émergent également les éléments de la mémoire d’un pays, car la guerre de 70 n’est pas loin. Image d’une société, d’habitudes, de culture entre autre, par les noms cités, artistes, écrivains, personnages mythiques ou réels auxquels on souhaite s’identifier, envie forte pour les filles de devenir des hommes, démontrent ces différences et ces attentes.
Mais également, et peut-être un peu tard, ou du moins par rapport au titre du livre qui m’a fait attendre plus d’informations de ce côté-là, l’auteur étudie la personnalité de Marcel Proust, sa relation à sa mère, à l’école, à l’écriture, aux jeunes garçons qui l’entourent et dont il se sent proche.

S’il est un peu trop long et parfois dense à mon goût, ce livre a cependant l’immense avantage de décortiquer la société française de la fin des années1880. Dense, documenté, éclectique l’auteur nous présente un instantané qui dépeint la société avec une vision large, enfants ou parents, bourgeois ou politiques, parisiens ou provinciaux, dans les écoles ou pendant les loisirs, tout est analysé et détaillé avec une érudition qui comblera les plus exigeants.

💙💙💙


Catalogue éditeur : Stock

Qui n’a jamais entendu parler du questionnaire de Proust ?
Les réponses de l’écrivain ont traversé le temps et fait le tour  du monde. On a oublié qu’elles provenaient d’un album  intitulé Confessions, appartenant à Antoinette Faure, la fille  du futur président de la République.
En participant à ce jeu de société à la mode, Marcel Proust  ne se doutait pas qu’il livrerait des indices sur l’adolescent  qu’il était. Ses réponses ont été commentées. Mais jamais  contextualisées ou comparées. Jamais datées avec exactitude.
De Gilberte aux Champs-Élysées à la petite bande d’Albertine  et des jeunes filles en fleurs, quelles traces ont-elles laissées  dans son œuvre ?
Évelyne Bloch-Dano a mené l’enquête. Elle est parvenue  à identifier les autres amis de l’album d’Antoinette. C’est  alors tout un monde qui a surgi, celui des jeunes filles de la  bourgeoisie de la Belle Époque. Quelques garçons aussi. À travers leurs goûts, leurs rêves, s’est dégagé le portrait d’une  génération. Celle de Marcel Proust.

Parution : 20/09/2017 / 304 pages / Format : 135 x 215 mm / EAN : 9782234075696 /  Prix : 19.50 €