Une véritable enquête qui, de la Belle Époque à la IIIème République, nous entraine dans les pas de Madame S, personnage aussi réel que romanesque

Elle aura eu tous les surnoms, y compris les plus dégradants, la pompe funèbre étant sans doute l’un des plus connus. Pourtant, Madame Steinheil née Japy a vécu une enfance heureuse dans cette famille d’industriels dont on connait au moins la célèbre machine à écrire qui a révolutionné bien des vies de secrétaires.
Elle est adulée par un père qui avait un mal fou à l’imaginer loin de lui. Mariée peu après le décès de ce dernier à Adolphe Steinheil, un peintre bien plus âgé qu’elle. Bien trop âgé sans doute pour imaginer qu’elle ait pu être heureuse dans son couple. Madame S saura mener carrière auprès du tout Paris politique et culturel. Maitresse de Félix Faure, elle aura certainement connaissance de bien des faits politiques. En particulier, ce dernier lui confiera des écrits, destinées à devenir ses mémoires. Documents qu’elle gardera par devers elle ainsi que les nombreux cadeaux dont il la gratifiera.
Après le décès de Félix Faure en 1899, elle poursuit sa route à l’écart des mondanités. Viennent ensuite le meurtre à son domicile de son mari et de sa mère, de longs mois de prison, un interminable procès qui cache sans doute des raisons d’état, et le départ pour l’Angleterre.
Pourquoi son parcours est-il si singulier ?
Née le 16 avril 1869, cette héritière d’une grande famille, plutôt bien dotée par la nature, épouse contre toute raison un homme âgé qui ne lui convient pas. Femme libre qui assume cette liberté, elle va vivre cent autres vies auprès d’hommes politiques, journalistes, artistes, parmi les noms les plus en vue de son époque. Vivre également au sein du gouvernement et de son salon les conflits acharnés et les tergiversations présidentielles autour de l’antisémitisme et l’affaire Dreyfus, et certainement avoir accès à d’autres secrets jusqu’au décès de Félix Faure. Un violent fait divers bouleverse sa vie, puis après un procès rocambolesque, elle va disparaitre, réapparaitre… Elle reste un véritable mystère jusqu’à sa mort en 1957, et bien après !
Quel personnage romanesque à souhait !
Sylvie Lausberg, fascinée par la singularité de cette femme, et par les ombres démesurées qui s’étendent sur les différents faits qui jalonnent sa vie, a eu envie d’en savoir plus. Vingt années de recherches, de visites dans les lieux où elle a vécu, de lectures d’innombrables papiers, micro films, archives, ont été nécessaires pour lever la part d’ombre – une part d’ombre, car il en restera toujours un peu – et pour nous donner envie de mieux connaitre cette Madame S. Et l’on a envie de dire, à la lumière des faits établis par l’auteur, mais alors, pourquoi un tel traitement tant pendant sa vie que longtemps après ? Parce que c’est une femme libre qui dérange ?
Voilà enfin une biographie romancée qui explique ! Peut-être est-ce par moments un peu trop dense dans les faits, noms, évènements, au risque de noyer ses lecteurs, mais quand on sait que l’auteur a vécu avec madame S pendant tant d’années, on comprend mieux cette profusion d’informations. C’est une intéressante incursion dans le milieu politique et un regard éclairé sur la condition des femmes de cette première moitié du XXe.
Vous aimez les femmes au parcours singulier qui ont osé aller contre leur époque ? Lisez également Femme qui court, de Gérard de Cortanze à propos de Violette Morris, ou encore Lady Mary, de Danielle Digne, sur cette femme étonnante qu’était Mary Wortley Montagu.
La démarche de Sylvie Lausberg pour écrire Madame S me fait penser à celle de Philippe Jaenada. Lui aussi, grâce à ses recherches, bouleverse nos horribles certitudes à propos de faits-divers jugés dans le passé. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille La Serpe, ou un autre de ses romans.
Catalogue éditeur : Slatkine et Compagnie
L’anecdote est célèbre : alors que le président Félix Faure agonise, sa « connaissance » s’est sauvée par l’escalier de service. Cette mort en épectase va changer le cours de l’affaire Dreyfus et bouleverser le destin de celle que l’on surnomme depuis la « pompe funèbre »… Intriguée par cette « putain de la République », une journaliste recluse décide d’enquêter.
Sylvie Lausberg livre un passionnant thriller historique sur les traces volontairement effacées de Marguerite Japy-Steinheil, personnalité troublante dont le traitement politique et médiatique dit long sur les secrets d’un État français toujours aux prises avec les mêmes démons : antisémitisme, antiféminisme, petits arrangements entre amis et journaux avides de scandales.
Parution 24 octobre 2019 / 240 pages / Prix : 20 € / ISBN : 978-2-88944-087-0