Les orageuses, Marcia Burnier

Comment se reconstruire après les violences et malgré le silence de la justice ?

Elles sont jeunes, fragiles, solitaires, mais au fond ce sont des femmes fortes et déterminées. Elles se sont reconnues, car elles ont été victimes de harcèlement ou de viol. Pourtant aucune n’a osé déposer plainte. A quoi bon si c’est pour ne pas être écoutée, pour être moquée, soupçonnée, dénigrée. Cela, elles ne l’auraient pas supporté, pas après ce qu’elles ont subi. Mais c’est l’orage qui gronde dans leurs têtes et dans leurs corps. Car comment se remet-on d’une agression. Que peut-on faire si l’on est tiraillée entre honte et culpabilité, dégoût et colère, quand on ne sait même plus si l’on a envie de se terrer ou de répondre par la violence.

Un jour ces orageuses décident de se venger et de donner ensemble la réponse qu’elles attendaient d’une société qui s’avère aussi muette que transparente face aux violences faites aux femmes. Oh, leur violence n’est pas celle des hommes qui les ont blessées car elles ont intégré l’idée qu’il y a des limites à ne pas franchir. Le gang de filles décide de frapper ceux qui les ont blessées au plus profond d’elles-mêmes en exerçant cette vengeance qui permettra enfin de parvenir à une forme de résilience.

Est-ce seulement réalisable dans une société qui n’attend des femmes qu’une forme de soumission et d’effacement, qui leur demande de ne faire ni vague ni révolution, de rester avec leurs peurs et leurs angoisses, en espérant qu’à la longue tout rentrera dans l’ordre.

Les orageuses est un court roman aux personnages pas forcément crédibles, mais qui a l’avantage de démontrer la force de celles qui parce qu’elles sont soudées et ensemble, cherchent et trouvent une réponse. Mais si cette forme de vengeance est salvatrice, l’impossibilité de la voir appliquer aux autres victimes rend encore plus désespérant le manque de réaction de notre justice face aux violences faites aux femmes, sans parler du silence assourdissant face aux féminicides. Malgré certaines imperfections, ce premier roman résistant et vindicatif éveille nos consciences sur les dégâts qu’entraîne l’absence de réponse de la justice pour les victimes.

On ne manquera pas de lire sur le sujet Femmes en colère de Mathieu Ménégaux et De mon plein gré de Mathilde Forget.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : éditions Cambourakis

« Depuis qu’elle avait revu Mia, l’histoire de vengeance, non, de “rendre justice”, lui trottait dans la tête. On dit pas vengeance, lui avait dit Mia, c’est pas la même chose, là on se répare, on se rend justice parce que personne d’autre n’est disposé à le faire. Lucie n’avait pas été très convaincue par le choix de mot, mais ça ne changeait pas grand-chose. En écoutant ces récits dans son bureau, son cœur s’emballe, elle aurait envie de crier, de diffuser à toute heure dans le pays un message qui dirait On vous retrouvera. Chacun d’entre vous. On sonnera à vos portes, on viendra à votre travail, chez vos parents, même des années après, même lorsque vous nous aurez oubliées, on sera là et on vous détruira. »

Un premier roman qui dépeint un gang de filles décidant un jour de reprendre comme elles peuvent le contrôle de leur vie.

Marcia Burnier est une autrice franco-suisse. Elle a co-créé le zine littéraire féministe It’s Been Lovely but I have to Scream Now et a publié différents textes dans les revues Retard Magazine, Terrain vague et Art/iculation. Née à Genève, elle a grandi dans les montagnes de Haute-Savoie. Elle a notamment suivi des études de photographie et cinéma à Lyon 2. Les Orageuses est son premier roman, et le premier de la collection Sorcières.

illustration de couverture : Marianne Acqua
144 pages / 130 x 210 mm / parution : 2 septembre 2020 / 15€ / ISBN 9782366245189

Trencadis, Caroline Deyns

Nikki de Saint Phalle, artiste inclassable et libre

Le Trencadis, c’est l’art de créer une mosaïque en partant d’éclats de céramique. Typique de l’architecture catalane et du parc Güell de Barcelone, l’œuvre de Gaudi qui avait tellement séduit Nikki. C’est typiquement la technique du pique-assiette.

Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle (1930- 2002) est une artiste qui traverse le XXe siècle en précurseur, en féministe, novatrice en particulier dans cet art plus communément associé aux hommes, la sculpture.

Dans son roman Trencadis Caroline Deyns pose une mosaïque de textes, de personnages, de témoignages, pour reconstituer la vie de Nikki de Saint Phalle, artiste singulière, femme et amante, mère qui abandonne ses enfants à son mari pour se réaliser dans l’art. Elle découvre l’art et le bonheur de la création dans les années 50 lorsque victime d’une dépression nerveuse elle est internée en hôpital psychiatrique, hospitalisation qui ne sera pas sans conséquences sur sa santé, compte tenu en particulier du type de traitement opéré à cette époque (électrochocs, néfaste pour la mémoire entre autre). C’est aussi cette jeune fille de 11 ans violée par son père, cette blessure sera exorcisée par la parole que nombreuses années après la mort de ce dernier, lors de la parution de son livre. Enfin, amante puis épouse de Jean Tinguely avec qui elle vivra pleinement la passion de la création, mais jamais cette de la maternité.

L’œuvre de Nikki est multiple et protéiforme. Nikki, c’est le blanc, le noir, mais surtout la couleur, les formes, le gigantisme. C’est aussi les performances, avec Les Tirs, dans les années 1960. Ces tableaux contribuent à sa notoriété au niveau international. D’abord construits de peinture, plâtre, objets divers sur lesquels elle tire avec des fléchettes, puis à l’aide d’une carabine véritable, à Paris en 1961, dans l’impasse Ronsin où elle vit et crée avec Jean Tinguely. Par cette série des Tirs, véritable défouloir, symbole de révolte contre la famille, la société, le monde qui l’entoure et ne la comprend pas, elle laisse éclater sa rage contre son père, son violeur, et par lui, une forme de rage contre les hommes en général.

Viennent ensuite les Nanas, ces femmes colorées, énormes, flottantes, qui affirment leur supériorité, au moins par leur dimension, sur la société patriarcale dans laquelle Nikki évolue.

Viendra Hon/Elle, la plus grande des nanas qu’elle crée en 1966, à Stockholm, dans le hall du Moderna Museet. C’est une gigantesque femme-cathédrale, couchée sur le dos, les visiteurs de l’exposition entraient par le sexe pour trouver dans ses entrailles de nombreuses autres activités. Une œuvre détruite dès la fin de l’exposition.

Depuis 1983, tous les enfants se passionnent pour la fontaine Stravinsky qu’elle crée avec Jean Tinguely sur la place éponyme située entre le centre Pompidou et l’église Saint-Merri. Parmi les créations de cette artiste prolifique hors norme qui appartient au groupe des Nouveaux réalistes, on compte, outre ses Nanas, Le Jardin des Tarots, cette œuvre démesurément gigantesque située en Toscane.

Qui était Nikki de Saint Phalle ? Une femme, une féministe, une mère indigne ou désespérée, une amante, une passionnée, une résiliente magnifique, une créatrice, une artiste ?

À toutes ces questions et à beaucoup d’autres, Caroline Deyns apporte des réponses, mais laisse à ses lecteurs le choix, présente sans juger, sans privilégier l’une ou l’autre de ces facettes, et sans doute est-ce aussi pour cela que son roman est aussi formidable, passionnant, émouvant. L’écriture et la forme séduisent par leur originalité et par la grande humanité qui s’en dégage au fil des pages, laissant le lecteur entrer en communion avec la femme, l’artiste, sa vie. Je l’ai tellement aimé que je ne peux que vous en conseiller la lecture.

« en fait, je suis une ardente féministe mais à ma manière. Ma révolte est individuelle. Ma révolte, c’est de créer le jardin des Tarots en Toscane, le plus grand ensemble architectural jamais réalisé par une femme. »

« dans le champ de l’art les hommes ont maintenant tout épuisé » et « c’est aux femmes de réaliser quelque chose de nouveau ».

Catalogue éditeur : Quidam éditeur

«Je montrerai tout. Mon cœur, mes émotions. Vert – rouge – jaune – bleu – violet. Haine – amour – rire – peur – tendresse.»

Niki hait l’arête, la ligne droite, la symétrie. A l’inverse, l’ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu’elle retient : une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple.
Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l’unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?

Originaire de Valenciennes, Caroline Deyns vit et enseigne à Besançon. Elle est l’auteure aux éditions Philippe Rey de Tour de plume (2011) et de Perdu, le jour où nous n’avons pas dansé (2015). 

364 pages 22€ / août 2020 / 140 x 210mm / ISBN : 978-2-37491-158-8

On ne touche pas, Ketty Rouf

Une philosophie de la vie qui questionne et bouscule les certitudes

Joséphine est prof de Philo dans un lycée de banlieue, la vie classique d’un prof qu’aucun élève ne veut écouter, qu’aucune direction ne soutient, et où quasiment aucune règle n’est respectée. Alors forcément, pour tenir c’est Xanax et somnifères, un peu d’alcool de temps en temps, et beaucoup trop de dégout de soi. Comment s’aimer quand on ne vous écoute pas, ne vous respecte pas, que ce pourquoi vous aviez choisi ce métier est tenu pour quantité négligeable par ceux à qui vous vous adressez chaque jour. Joséphine abhorre cette éducation nationale qui ne soutient pas son corps enseignant et tente de niveler son éducation par le bas pour ne pas faire de vague, créant ainsi des générations d’incapables bacheliers. Difficile de se sentir utile, de se plaire tout simplement, et de continuer à avoir confiance en soi.

Parce qu’un soir de déprime elle avait poussé la porte d’un cabaret, et enivrée par le champagne avait apprécié avec envie le déhanché et l’assurance de la jeune femme qui s’effeuillait et dansait face à elle, Joséphine décide d’aller suivre des cours de danse. Mais des cours d’un genre particulier, pour y apprendre à danser puis s’effeuiller devant de grands miroirs, s’obliger à se regarder en quasi tenue d’Eve et commencer à s’accepter, à s’aimer peut-être. Porter de hauts talons et des escarpins qui font le pied cambré et la jambe fine, cela donne une forme d’assurance qui vous rend irrésistible. Car le charme et l’attraction ne sont pas simplement le fait de la beauté ou pas, d’un visage ou d’un corps, mais bien d’une allure générale, d’un port de tête, d’une grâce, d’une maitrise de soi et d’une assurance que l’on projette vers l’autre.

Et ça marche, Joséphine prend tellement de plaisir à enfin être sûre d’elle, qu’elle tente même le métier de la nuit, la danse dans une boite où pour quelques billets bien placés sur une jarretière, les filles dansent nues pour des hommes qui n’ont jamais le droit de toucher.

La nuit, l’alcool, la compagnie des filles, belles ou pas, droguées ou pas, seules ou pas, deviennent une seconde vie, puis une passion pour cette prof désabusée qui peu à peu se transforme. Mais la vie de la nuit a aussi des inconvénients et des risques qu’il faut pouvoir assumer. En sera-t-elle capable et en a-t-elle vraiment envie, voilà sans doute la question importante à laquelle elle devra répondre seule.

J’ai aimé suivre la progression des pensées de cette jeune femme. Désespérée par ce métier de prof qu’elle avait pourtant choisi, elle va se construite autour de cette expérience de vie, d’émotion, de solidarité, de connaissance des autres et surtout d’elle-même qu’elle n’avait pourtant pas imaginée. Devenant cette Rose Lee assumée et assurée par l’acceptation de ce corps qu’elle rejetait peu de temps avant.

J’ai aimé aussi l’image de la nuit, des femmes, jamais dépréciée, qui acceptent leurs corps, leurs imperfections, leurs désirs et leurs craintes, qui s’assument vraiment. Un peu idyllique sans doute, mais est-ce important dans ce contexte. L’auteur a su rendre crédibles, humaines et attachantes ces femmes que l’on croise aux côtés de Joséphine et de Rose Lee. Leur donnant corps mais aussi des sentiments et des vies, sans jugement ni apriori. Enfin, si le métier de prof est dépeint sous un jour plutôt déprimant, il existe tout de même toujours quelque élève pour vous faire voir un peu de lumière au bout du tunnel, et c’est tant mieux.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Joséphine est prof de philo dans un lycée de Drancy. Elle mène sa vie entre Xanax, Tupperware en salle des profs, et injonctions de l’Éducation nationale qui lui ôtent le sentiment d’exister.
Sauf que.
Chaque nuit, Joséphine devient Rose Lee. Elle s’effeuille dans un club de striptease aux Champs-Élysées. Elle se réapproprie sa vie, se réconcilie avec son corps et se met à adorer le désir des hommes et le pouvoir qu’elle en retire.
Sa vie se conjugue dès lors entre glamour et grisaille, toute-puissance du corps désiré et misère du corps enseignant.
Mais de jouer avec le feu, Rose Lee pourrait bien finir par se brûler les ailes.

Récit d’un affranchissement, réflexion bouleversante sur l’image de soi et le rapport à l’autre, ce premier roman hors norme de Ketty Rouf fait voler en éclats les préjugés sur le sexe et la société.

Ketty Rouf est née à Trieste, en Italie, en 1970. Après une maîtrise de philosophie, elle s’établit à Paris pour poursuivre ses études, conseillée par Paul Ricœur. Elle suit des cours de danse classique. Après avoir travaillé pour l’Éducation nationale, elle a désormais choisi de donner des cours d’italien pour adultes, et de travailler en tant que traductrice et interprète.

Édition brochée 18.90 € / 19 Août 2020 / 140mm x 205mm / 240 pages / EAN13 : 9782226454102

Juvenia, Nathalie Azoulai

Et si demain on interdisait les relations entre hommes et femmes d’âges trop éloignés ?

Dans un avenir et un pays indéterminés mais qui pourrait être la France. Le 27 janvier est promulgué une loi interdisant l’union d’un homme avec une femme de plus de vingt ans sa cadette. Et des peines sévères sont prévues en cas de manquement à la loi. La république de Juvenia décide de rétablir ce que l’auteur nomme l’homochronie, cet équilibre des âges dans les relations homme-femme.

Nathalie Azoulai nous fait suivre quelques personnages emblématiques de ces différences d’âge, qui doivent réorganiser leurs vies pour être en conformité avec la loi. Deux femmes délaissées, jeune femme enceinte qui doit trouver un père pour cet enfant qui va naitre hors la loi, des hommes de plus de cinquante ans dont les aspirations sont bouleversées par la loi.

Voilà un roman féministe qui tente de redonner aux femmes de plus de 50 ans une vraie place dans la société. En effet, les femmes de cinquante ans sont abandonnées, seules, et leur vie devient trop difficile, dans la solitude, ou en union avec un homme trop âgé (puisqu’ils ne veulent que des femmes plus jeunes !). Mais d’un autre côté, on peut se demander pourquoi de très jeunes femmes recherchent ces vieux barbon qui les rassurent, les protègent et leur servent de guide et de mentor. Se pose alors la question de l’émancipation et de l’autonomie de ces jeunes femmes qui s’unissent à un homme trop âgé, qui pourrait être leur père, ce mentor qui les guide sans peut-être leur laisser la possibilité de s’épanouir librement.

C’est aussi un conte farfelu et utopique sur les relations hommes-femmes, et qui s’interroge sur le sort de ces enfants nés d’un père trop âgé pour avoir le temps de les voir grandir et de les élever.

Et je n’oublie pas le sexe, omniprésent dans la vie de Juvenia. Celui de jeunes et belles femmes avec des hommes murs, mais surtout celui de femmes enfin reconnues, aimée, touchées, par ces hommes qui les délaissaient et les ignoraient depuis trop longtemps.
C’est la conquête du plaisir enfin autorisée aux femmes plus âgées, de la revanche à prendre sur ces filles au summum de leur beauté. Ces jeunes femmes à la plastique idéale, idéalisée par ces hommes en mal d’une seconde jeunesse qui n’ont aucun scrupule à abandonner la mère de leurs enfants.
Un roman très court, qui allie Humour et libertinage, un conte aussi cynique et satirique que parfois drôle et souvent grinçant dans lequel les hommes n’ont pas vraiment le beau rôle. À la fois expression de nos fantasmes ou de nos angoisses inavouées sans doute !

Catalogue éditeur : Stock

Une loi du 27 janvier interdit aux hommes de la République de Juvenia de vivre avec des femmes de plus de vingt ans leurs cadettes : un raz-de-marée dans la vie des six personnages que Nathalie Azoulai fait se croiser dans une ronde drolatique et diabolique. Une jeune femme va-t-elle se retrouver hors-la-loi parce que le père du bébé dont elle est enceinte a le double de son âge ? Les ricanements des hommes envers les femmes qui vieillissent inexorablement vont-ils enfin cesser ? Et permettre à celles-ci de retrouver la confiance et le sens de l’avenir ? Les hommes de plus de cinquante ans s’en remettront-ils ? Et si cette loi réveillait un érotisme nouveau ?
Révolutions sentimentales, revirements cocasses, aventures ébouriffantes, déceptions en chaîne, guerre des sexes : cette satire est portée ici par un style voltairien aussi rapide qu’inventif.
Nathalie Azoulai observe notre société, s’amuse avec les codes du libertinage, joue avec nos craintes et nos fantasmes en romancière virtuose.

Nathalie Azoulai est romancière et a longtemps été éditrice. Parmi son œuvre on peut citer Titus n’aimait pas Bérénice, qui a reçu le prix Médicis en 2014.

Parution : 18/03/2020 / Collection : La Bleue / 120 pages / Format : 138 x 215 mm / EAN : 9782234089518 / Prix : 16.50 €

Simone Veil ou la force d’une femme, Cojean, Bétaucourt, Oburie

Simone Veil, une femme de combats et de convictions

Annick Cojean, grand reporter au Monde, a eu le bonheur rare de rencontrer Simone Veil à différents moments tout au long de sa carrière. Difficile alors de trouver quelqu’un de mieux placé qu’elle pour participer à l’écriture de ce roman graphique en hommage à la force d’une femme au nom quasi mythique.

A la fois factuel et humain, aussi réaliste que parfois admiratif, le portrait est juste et sobre. On y retrouve Simone, née à Nice en 1927. Puis on la suit pendant les années de guerre, la déportation, la solidarité des trois femmes, la mère et ses deux filles. Celle qui était trop jolie pour mourir ne se remettra jamais vraiment du décès de sa mère un mois avant la libération des camps, un deuil comme une plaie ouverte qui ne se refermera jamais totalement. A la libération, avec un tatouage sur le bras, mais dans le silence sur le vécu trop lourd à exprimer, c’est le retour à Paris. Les études, la rencontre avec Antoine, le mariage et leurs quatre enfants. Elle devra abandonner son rêve d’exercer le métier d’avocate pour entreprendre un métier accepté par son mari (chose courante à l’époque, déjà bien qu’il accepte qu’elle travaille !).

Elle vivra des expériences professionnelles différentes, à la direction de l’administration pénitentiaire, puis à la direction des affaires civiles auprès du Garde des Sceaux, au ministère de la justice. Partie prenante essentielle dans l’adoption de la loi sur l’IVG voulu par Giscard d’Estaing en 1974, elle devra supporter stoïquement les insultes et les propos humiliants et grossiers dont elle fait l’objet. Elle part ensuite à la tête du Parlement européen, puis fera son retour comme ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville en 1993. Enfin, elle entre à l’académie française, élue au premier tour en 2008.

Décédée en 20017, Simone Veil a rejoint les grands Hommes du Panthéon, accompagnée dans cette dernière et honorifique demeure par Antoine, l’époux d’une vie.

Cette femme magnifique à la forte personnalité, très combative, a toujours défendu les femmes, leur droit au travail, à une certaine autonomie à la fois financière et professionnelle. Rescapée des camps, épouse et mère, féministe brillante, totalement engagée, ayant une forte exigence morale, Simone Veil a marqué durablement son époque.

Penser à elle, c’est aussi se souvenir, pour ne jamais oublier que rien n’est jamais définitivement gagné, pas même la liberté.

Les différentes années de la vie de Simone Veil s’entendent facilement ici grâce au graphisme fait d’une alternance de tons pastels, jaune, bleu ou gris. Dommage il n’y a pas le vert de ses yeux, mais l’on est très bien projeté d’une temporalité à l’autre. Cela manque peut-être d’un peu de dynamisme, après tout, cette femme s’est battue et a porté haut ses convictions, on aurait pu les imaginer avec parfois un peu plus de luminosité, mais cela passe très bien malgré tout.

Catalogue éditeur : éditions Steinkis & Plon

Un récit intimiste et émouvant sur deux grandes femmes.
Par Annick Cojean, Xavier Bétaucourt, Étienne Oburie

Annick Cojean est grand reporter au Monde.
Au fil de sa carrière, elle a croisé Simone Veil à plusieurs reprises. Au fil de leurs rencontres, une relation singulière s’est installée entre Simone Veil et la journaliste.
Elle signe un portrait subjectif, délicat et parfois surprenant de la femme au-delà de l’héroïne.

Date de parution 28 Mai 2020 / ISBN 9782368462584 / Pages 112 / Prix 18€

Antonia : Journal 1965-1966, Gabriella Zalapì

Entre ombre et lumière, un voyage dans l’intimité d’une femme qui se dévoile et s’émancipe sous nos yeux

Dans les années 60, la femme est d’abord femme au foyer, épouse docile et mère accomplie. Dans ce rôle écrit d’avance, Antonia s’ennuie, Antonia s’étiole, mais elle en parle avec délicatesse et sagesse. Si son mari la cantonne exclusivement à ces rôles, la nurse lui vole sa fonction de mère en lui interdisant une approche trop intime avec son fils Arturo. Et un sentiment diffus se développe, comme si son propre fils lui était étranger, la poussant à s’interroger sur son rôle de mère.

Peu à peu, elle s’évade de ce quotidien. Un jour elle exhume du paquet qu’elle a reçu à la mort de sa grand-mère les lettres et albums photos de sa famille et de son passé. Elle va alors s’y pencher et à partir de là, tenter de se retrouver, de comprendre où elle en est.

Pendant deux ans, de 1965 à 1966, elle confie ses découvertes, mais aussi son mal-être à son journal intime. Elle y relate ses journées et ses trouvailles, ses sentiments et ses rêves. Celle qui sort des années de guerre qu’on connues ses parents n’est pas encore tout à fait la femme contestataire des années 68. C’est dans cet entre-deux qu’elle laisse entrevoir un embryon de révolte face à la morosité et à cette place qui lui est assignée dans une vie toute tracée qui l’assomme au plus haut point.

Entre ombre et lumière, sa vie s’écoule, lente et morose. Comme dans ces vieilles photos qu’elle exhume des albums de famille oubliés, elle s’expose, triste et fascinante, révolté et soumise. Et avec Antonia, le lecteur fait ce voyage dans le temps, dans l’intimité de la famille, dans le quotidien monotone de cette femme qui se dévoile et finalement s’émancipe sous nos yeux.

C’est joliment écrit et fort agréablement illustré de vieilles photos qui donnent vie à ce journal d’une femme émouvante et sincère.

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois, session anniversaire 2020

Catalogue éditeur : éditions Zoé

Antonia est mariée sans amour à un bourgeois de Palerme, elle étouffe. À la mort de sa grand-mère, elle reçoit des boîtes de documents, lettres et photographies, traces d’un passé au cosmopolitisme vertigineux. Deux ans durant, elle reconstruit le puzzle familial, d’un côté un grand-père juif qui a dû quitter Vienne, de l’autre une dynastie anglaise en Sicile. Dans son journal, Antonia rend compte de son enquête, mais aussi de son quotidien, ses journées-lignes. En retraçant les liens qui l’unissent à sa famille et en remontant dans ses souvenirs d’enfance, Antonia trouvera la force nécessaire pour réagir.

Roman sans appel d’une émancipation féminine dans les années 1960, Antonia est rythmé de photographies qui amplifient la puissante capacité d’évocation du texte.

Anglaise, italienne et suisse, Gabriella Zalapi a vécu à Palerme Genève, New York, habite aujourd’hui Paris. Ses longs séjours à Cuba et en Inde ont également été déterminants pour donner corps à l’une de ses préoccupations essentielles : comment une identité se construit ? Artiste plasticienne formée à la Haute école d’art et de design à Genève, Gabriella Zalapì puise son matériau dans sa propre histoire familiale. Elle reprend photographies, archives, souvenirs pour les agencer dans un jeu troublant entre histoire et fiction. Cette réappropriation du passé, qui s’incarnait jusqu’ici dans des dessins et des peintures, Gabriella la transpose cette fois à l’écrit et livre son premier roman, Antonia, sensible et saisissant.

Paru en janvier 2019 / ISBN 978-2-88927-619-6 / 112 pages / 140×210 mm

Madame S, Sylvie Lausberg

Une véritable enquête qui, de la Belle Époque à la IIIème République, nous entraine dans les pas de Madame S, personnage aussi réel que romanesque

Elle aura eu tous les surnoms, y compris  les plus dégradants, la pompe funèbre étant sans doute l’un des plus connus. Pourtant, Madame Steinheil née Japy a vécu une enfance heureuse dans cette famille d’industriels dont on connait au moins la célèbre machine à écrire qui a révolutionné bien des vies de secrétaires.

Elle est adulée par un père qui avait un mal fou à l’imaginer loin de lui. Mariée peu après le décès de ce dernier à Adolphe Steinheil, un peintre bien plus âgé qu’elle. Bien trop âgé sans doute pour imaginer qu’elle ait pu être heureuse dans son couple. Madame S saura mener carrière auprès du tout Paris politique et culturel. Maitresse de Félix Faure, elle aura certainement connaissance de bien des faits politiques. En particulier, ce dernier lui confiera des écrits, destinées à devenir ses mémoires. Documents qu’elle gardera par devers elle ainsi que les nombreux cadeaux dont il la gratifiera.

Après le décès de Félix Faure en 1899, elle poursuit sa route à l’écart des mondanités. Viennent ensuite le meurtre à son domicile de son mari et de sa mère, de longs mois de prison, un interminable procès qui cache sans doute des raisons d’état, et le départ pour l’Angleterre.

Pourquoi son parcours est-il si singulier ?

Née le 16 avril 1869, cette héritière d’une grande famille, plutôt bien dotée par la nature, épouse contre toute raison un homme âgé qui ne lui convient pas. Femme libre qui assume cette liberté, elle va vivre cent autres vies auprès d’hommes politiques, journalistes, artistes, parmi les noms les plus en vue de son époque. Vivre également au sein du gouvernement et de son salon les conflits acharnés et les tergiversations présidentielles autour de l’antisémitisme et l’affaire Dreyfus, et certainement avoir accès à d’autres secrets jusqu’au décès de Félix Faure. Un violent fait divers bouleverse sa vie, puis après un procès rocambolesque, elle va disparaitre, réapparaitre… Elle reste un véritable mystère jusqu’à sa mort en 1957, et bien après !

Quel personnage romanesque à souhait !

Sylvie Lausberg, fascinée par la singularité de cette femme, et par les ombres démesurées qui s’étendent sur les différents faits qui jalonnent sa vie, a eu envie d’en savoir plus. Vingt années de recherches, de visites dans les lieux où elle a vécu, de lectures d’innombrables papiers, micro films, archives, ont été nécessaires pour lever la part d’ombre – une part d’ombre, car il en restera toujours un peu – et pour nous donner envie de mieux connaitre cette Madame S. Et l’on a envie de dire, à la lumière des faits établis par l’auteur, mais alors, pourquoi un tel traitement tant pendant sa vie que longtemps après ? Parce que c’est une femme libre qui dérange ?

Voilà enfin une biographie romancée qui explique ! Peut-être est-ce par moments un peu trop dense dans les faits, noms, évènements, au risque de noyer ses lecteurs, mais quand on sait que l’auteur a vécu avec madame S pendant tant d’années, on comprend mieux cette profusion d’informations. C’est une intéressante incursion dans le milieu politique et un regard éclairé sur la condition des femmes de cette première moitié du XXe.

Vous aimez les femmes au parcours singulier qui ont osé aller contre leur époque ? Lisez également Femme qui court, de Gérard de Cortanze à propos de Violette Morris, ou encore Lady Mary, de Danielle Digne, sur cette femme étonnante qu’était Mary Wortley Montagu.

La démarche de Sylvie Lausberg pour écrire  Madame S me fait penser à celle de Philippe Jaenada. Lui aussi, grâce à ses recherches, bouleverse nos horribles certitudes à propos de faits-divers jugés dans le passé. Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille La Serpe, ou un autre de ses romans.

Catalogue éditeur : Slatkine et Compagnie

L’anecdote est célèbre : alors que le président Félix Faure agonise, sa « connaissance » s’est sauvée par l’escalier de service. Cette mort en épectase va changer le cours de l’affaire Dreyfus et bouleverser le destin de celle que l’on surnomme depuis la « pompe funèbre »… Intriguée par cette « putain de la République », une journaliste recluse décide d’enquêter.

Sylvie Lausberg livre un passionnant thriller historique sur les traces volontairement effacées de Marguerite Japy-Steinheil, personnalité troublante dont le traitement politique et médiatique dit long sur les secrets d’un État français toujours aux prises avec les mêmes démons : antisémitisme, antiféminisme, petits arrangements entre amis et journaux avides de scandales.

Parution 24 octobre 2019 / 240 pages / Prix : 20 € / ISBN : 978-2-88944-087-0

Ce qu’elles disent, Miriam Toews

Quand la voix des femmes se libère enfin, Miriam Toews nous dévoile « Ce qu’elles disent » dans ce roman édifiant et passionnant de la rentrée littéraire

D’abord il y a la rencontre avec Miriam Toews, sous les frondaisons de la place de l’Hôtel de Ville à Manosque, auteur absolument charmante et qui m’a tout de suite séduite par son côté solaire et sa grande disponibilité. Un bonheur !

couverture du roman "Ce qu'elles disent" de Miriam Toews, éditions Buchet-Chastel, photo Domi  C Lire

Vient ensuite la lecture de ce roman totalement édifiant. Car si au départ on imagine plonger dans une intrigue (basée sur un fait divers) du siècle dernier, très rapidement il faut se rendre à l’évidence, les femmes de la colonie mennonite du Manitoba, en Bolivie, vivent bien aujourd’hui, et ce qui leur est arrivé l’a été entre 2005 et 2009.

Pendant quatre ans plus d’une centaine de femmes de la communauté de tous âges, 3 ans pour la plus jeune fillette, issues de différentes familles, ont été successivement droguées, violées, battues, et laissées inconscientes au petit matin. La seule explication donnée par les hommes est que le diable a pris possession de leurs corps, de leurs âmes, elles sont donc coupables. La place de la religion est tellement énorme dans cette communauté chrétienne anabaptiste et pacifiste (crée au XVIe siècle) pour tous et toutes qu’elles sont paralysées face au poids de ces évidences. Jusqu’au jour où elles démontrent que ce sont certains hommes de cette même communauté qui les endorment et abusent d’elles.

Cette lecture est à la fois un choc et une énorme surprise. Comment imaginer que des femmes vivent aujourd’hui dans de telles conditions, et surtout, comprendre ce qui leur est arrivé et comment elles ont été traitées pendant si longtemps.

L’auteur est elle-même issue de cette communauté mennonite qu’elle connait bien et qu’elle a quittée lors de ses dix-huit ans. Point de rancune ou de vengeance ici, la séparation s’est faite en bonne intelligence. Il s’agit plutôt d’une parole portée pour dire l’égalité des femmes, leur liberté, leur possibilité de choisir leur vie, de décider, d’être indépendantes, tout ce qu’elles n’ont pas le droit d’être ou de faire au sein de la communauté où les hommes ont tout pouvoir.

Un bémol peut-être, l’écriture semble hors du temps et donc par moment l’intrigue devient complexe. Il s‘agit ici d’une prise de notes, essentiellement sous la forme de dialogues, des réflexions de la communauté des femmes réunies en huis-clos lors de l’absence exceptionnelle des hommes. Ces femmes par ailleurs souvent analphabètes (elles ne parlent que leur propre dialecte) et peu cultivées, peu au fait de l’actualité contemporaine (aucun accès au monde extérieur ne leur est autorisé) et qui vivent dans un espace-temps entre parenthèse, à la façon des Amish. Cela peut sembler brouillon, mais surtout dense et complexe. Les nombreux prénoms, les relations entre filles, sœurs, mères, nous perdent parfois.

Mais j’ai depuis longtemps appris à passer outre ces détails qui me perdent pour ne prendre du texte que l’important, ce qu’il veut me dire, la situation qu’il présente, ici la condition des femmes, et surtout leur éveil à une envie de liberté, de prise de décision, de sortie vers ce monde étrange qui les entoure et pour lequel elles n’ont aucune clés pour s’intégrer. Qu’importe, leur soif de justice, de liberté, d’égalité est la plus forte, et c’est ce qui est le plus beau ici.

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

Traduit par Lori Saint-Martin & par Paul Gagné.
Colonie mennonite de Molotschna, 2009.
Alors que les hommes sont partis à la ville, huit femmes – grands-mères, mères et jeunes filles – tiennent une réunion secrète dans un grenier à foin. Depuis quatre ans, nombre d’entre elles sont retrouvées, à l’aube, inconscientes, rouées de coups et violées. Pour ces chrétiens baptistes qui vivent coupés du monde, l’explication est évidente, c’est le diable qui est à l’œuvre. Mais les femmes, elles, le savent : elles sont victimes de la folie des hommes. Elles ont quarante-huit heures pour reprendre leur destin en main. Quarante-huit heures pour parler de ce qu’elles ont vécu, et de ce qu’elles veulent désormais vivre. Analphabètes, elles parlent un obscur dialecte, et ignorent tout du monde extérieur.
Pourtant, au fil des pages de ce roman qui retranscrit les minutes de leur assemblée, leurs questions, leur rage, leurs aspirations se révèlent être celles de toutes les femmes.
Inspiré d’un fait divers réel, Ce qu’elles disent est un roman éblouissant sur la possibilité pour les femmes de s’affranchir ensemble de ce qui les entrave.

Langue d’origine : Anglais (Canada) / Date de parution : 22/08/2019 / Format : 14 x 20,5 cm, 240 p., 19,00 EUR € / ISBN 978-2-283-03248-0

L’art du féminisme, Les images qui ont façonné le combat pour l’égalité, 1857-2017

Un très beau livre qui dit intelligemment tout de ces images qui accompagnent le combat pour l’égalité des femmes

couv livre l'art du féminisme, photo Domi C Lire

D’abord, le livre comme un bel objet, un format quasi carré orné d’une affiche significative, poing levé, ongles vernis, la femme est là, elle dit, elle demande, elle conteste, et on la voit.

Ensuite, le livre comme porte-parole, comme discours, qui nous montre, nous expose ces affiches, ces peintures, ces œuvres d’art, qui portent le discours du féminisme à travers cent soixante ans de notre histoire récente finalement.

Trois parties, chacune est en général introduite par un texte d’une ou deux pages, puis des illustrations viennent accompagner chaque thème. Plus de 350 œuvres, cela montre bien l’importance des illustrations, l’importance du propos.

Le droit de vote et au-delà, 1857 -1949
La démarche et les revendications des femmes, vues à travers de nombreuses peintures faites par des artistes féminines, elles qui avaient si peu leur place sur la scène publique, et si peu le droit à la parole. Mais aussi caricatures, affiches, journaux. Ou comment peut-on faire changer les mentalités par ces différences que l’on souligne, que l’on expose, par ces revendications que l’on répète à l’envi.

Définir le féminisme, 1960 – 1988
Davantage de photos, plus d’actualité, plus proches de nous, pour une fois encore montrer le combat sans fin des femmes pour l’égalité des traitements. Mettant en évidence des questionnements sur les femmes, faits par la société, et les tentatives de réponses qui leur sont apportées.  C’est toujours très significatif, et cela m’interpelle à chaque fois, ce combat sans fin.

Redéfinir le féminisme, 1989 à nos jours
Faut-il donner au féminisme une portée systématiquement politique ? Ou est-ce une nécessité de nos société, pour atteindre une forme d’égalité entre hommes et femmes ; quelle que soit la réponse, le combat est sans fin, et les avancées obtenues par les femmes au fils des ans ne sont pas gravées dans le marbre, chaque jour dans de nombreux pays, les libertés reculent, la vigilance doit être permanente, ce livre nous le rappelle.

Être femme, naitre femme, devenir femme…et si là était la question ?

Par Xabier Arakistain, Maria Balshaw, Lucinda Gosling, Hilary Robinson, Amy Tobin

Catalogue éditeur : Hugo Images

Très tôt, les mouvements de lutte pour les droits des femmes ont compris le pouvoir de l’image, et l’ont utilisé pour servir leurs messages. Des affiches des suffragettes aux photographies de Carrie Mae Weems, en passant par les  » Nanas  » de Niki de Saint Phalle ou encore les clips de Beyoncé, L’Art du féminisme donne à voir la façon dont le combat des femmes a influencé les arts graphiques et les médias.

Rassemblant plus de 350 oeuvres – tableaux, illustrations, photographies et performances – cet ouvrage tout à fait inédit fait prendre conscience de l’audace et de la vivacité de l’esthétique féministe depuis 150 ans.

Traducteur : Caroline de Hugo
Date de publication : 26/09/2019 / ISBN: 9782755641189 / prix papier: 39.95 €

Comme la chienne, Louise Chennevière

Subjuguée, bouleversée, par ces femmes, toutes ces femmes qui habitent « Comme la chienne » le premier roman de Louise Chennevière

couverture du roman comme la chienne de Louise Chenneviere photo Domi C Lire

D’abord, il y a la lecture, l’impatience, la surprise, l’attente de la suite, puis la compréhension… me voilà face à un recueil de nouvelles qui parlent à chaque fois d’une femme autre, différente, mère, grand-mère, fille, sœur, épouse, amante, voisine, amie, elle y sont toutes, elles vivent, pleurent, espèrent, aiment, détestent tour à tour.

C’est bouleversant d’amour ou de haine, émouvant, douloureux parfois, surprenant toujours, mais tellement vrai au fond que c’est un véritable choc.

Une écriture sculptée dans les émotions, le verbe, le vrai. Porté comme un souffle de rage et de violence, de haine et d’amour, d’espoir et de crainte. Il y a une force incroyable qui émerge de ces pages, courts textes le plus souvent, mais qui en quelques lignes disent tout, y compris l’indicible, des sentiments forts que l’on tait ou que l’on exprime, avouables ou inavouables, des corps qui se frôlent, se croient, se plaisent, s’aiment ou proclament toute leur haine dans les mots et les gestes, la violence ou le silence. Alors elles s’expriment ces femmes, elles disent, elles vivent, elles ressentent, et le lecteur écoute, entend, pleure ou s’émeut avec elles. De toutes ces violences contenues, acceptées, réprimées, de tout cet amour qui veut éclore mais que l’on tait, de cette attente de l’autre, ou de ce rejet du mal, celui des hommes ou des femmes qu’elles rencontrent, dont elles croisent la vie, quelques instants, ou si longtemps.

C’est un livre qui bouscule les normes, qui se lit comme une supplique, celle d’entendre et de comprendre l’autre, cette femme qui ne s’exprime pas mais qui souffre, cette femme qui ne dit pas mais qui aime, et toutes celles qui disent, qui font, qui espèrent. Et puis toutes les autres. On tourne les pages sans pouvoir s’arrêter…. Jusqu’à pas d’heure pour les rencontrer toutes. Il y a une telle puissance dans ces mots, dans ces pages, une violence et une intelligence qui accrochent définitivement le lecteur. Quelle écriture, quel rythme, quelle découverte !

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury du prix littéraire de la Vocation 2019.

Catalogue éditeur : P.O.L

« La destinée de la femme est d’être comme la chienne, comme la louve : elle doit appartenir à tous ceux qui veulent d’elle. » Sade, La philosophie dans le boudoir.

Une femme parle. Elle accuse. Elle raconte. Elle prend la voix de plusieurs femmes. Récit fragmenté, éclaté comme les mille images entre lesquelles est tiraillé le corps de la femme. Chaque récit est un instant arraché à l’intime, une voix sauvée du silence, ce silence qui est l’histoire des femmes. Ce texte est une tentative de faire entrer par effraction dans la parole ce qui en a été toujours exclu, dire l’immense violence et les infimes douleurs. Et…Lire la suite…

Louise Chennevière a 26 ans. Elle vit à Paris. Comme la chienne est son premier roman.
avril 2019 / 256 pages, 18,9 € / ISBN : 978-2-8180-4713-2