La revanche des orages, Sébastien Spitzer

Cette boule est la chose la plus puissante…depuis que l’homme est sur terre

Qu’est-ce qui fait qu’un homme ordinaire, pilote engagé dans la seconde guerre mondiale, devient malgré lui celui qui participe aux vols des B-29 qui ont largué la bombe sur Hiroshima le 6 août 1945. Celui qui dit Donc, c’est bon pour lancer les opérations et le largage de Little Boy.

Claude Eatherly rencontre Anna et tout de suite c’est le coup de foudre entre la belle Italienne actrice et l’apprenti pilote, le futur héros. Claude Eatherly s’est engagé pour faire comme tous les petits gars du Texas, qui veulent venger l’attaque de Pearl Harbor et ne peuvent pas rester au pays sans rien faire. Un mariage et un fils plus tard, le major Eatherly est envoyé sur une base aux confins du Pacifique pour réaliser l‘opération la plus importante de l’Histoire. Là, il va piloter un B-29, la plus grosse forteresse volante construite à cette époque.

Pourtant aujourd’hui il sort de l’hôpital psychiatrique où il a subit les traitements les plus terribles pour oublier la voix qui lui rappelle Enola Gay, Hiroshima et la bombe qui a fait des dizaines de milliers de morts sous les nuages. Qui est-il et pourquoi doit-il subir ces traitements… Car il est celui qui entend les voix des jeunes filles perdues, touchées par la bombe, à jamais bannies de leur propre pays tant la peur est grande des conséquences. Cette voix en particulier qui parle et qui raconte ce qu’elle a vu en ce jour qui n’est autre que le début de l’enfer, pour elle qui était vivante au milieu de ombres.

Si vous aviez oublié cet épisode terrible de la fin de la seconde guerre mondiale, il est ici décrit avec force détails, comme si nous étions sur les bases américaines, dans la tête des pilotes, dans la vie des femmes restées au pays et qui attendent le retour du héros, des parents qui espèrent revoir leurs fils, fiers de savoir qu’ils sont partis combattre l’ennemi pour venger leurs morts, mais qui attendent dans la douleur et l’inquiétude le retour des vivants.

J’ai aimé cette écriture brève, incisive, ce style reconnaissable entre mille d’un auteur que j’apprécie de roman en roman.

J’ai aimé cette façon d’appréhender l’histoire par la petite porte, celle des hommes oubliés, rejetés, blessés, anéantis. Et cette façon de nous montrer comment chez ce héros malgré lui d’une mission qui va le hanter toute sa vie, les remords et les regrets anéantissent sa vie et celle de sa famille. Une fois de plus il a su déterrer l’inconnu, celui dont personne ne parle mais qui pourtant était là, sans doute au mauvais endroit au mauvais moment, qui a vécu au plus près un moment fort de notre histoire récente. Il nous le rend proche, humain, fragile, terriblement blessé au plus profond de lui-même par un acte que d’aucuns ont pourtant qualifié d’héroïque et indispensable pour arrêter le conflit mondial là-bas, du côté du Japon.

Pour aller plus loin :

Les victimes : Hiroshima : 68 000 à 140 000 morts ; Nagasaki : 35 000 à 80 000 morts ; Total : 103 000 à 220 000 morts … (Wikipédia)

Les ombres d’Hiroshima : Lorsque l’onde frappe une personne, son corps en absorbe l’énergie. Il sert alors de bouclier à ce qui se trouve derrière. Ainsi, tout ce qui se trouve autour est décoloré par la puissance de l’onde lumineuse. Il en résulte une ombre, de la forme de ce qui se trouvait sur le passage de l’onde, empêchant la décoloration de la surface derrière elle. (Toms guide)

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Voici l’histoire vraie du jeune pilote Claude Eatherly qui, le 6 août 1945, a participé au bombardement d’Hiroshima. Démobilisé, il est accueilli en héros mais s’enferme dans le mutisme. Une étrange voix le hante. Qui est-elle ? Que veut-elle ? Et si c’était la voix de sa conscience ? Tandis que les autorités le font passer pour fou, Eatherly entraîne sa femme et ses enfants dans une chute inexorable.

17 août 2022 / 21,90 € / 400 pages / EAN : 9782226464675

Le Petit Théâtre des opérations, tome 3 : Faits d’armes incroyables mais bien réels…

La Guerre et ses héros méconnus racontés autrement

Comment imaginer que les aventures décrites ici aient pu être réelles ? Car tout nous incite à penser que nous sommes carrément dans un film loufoque ou dans l’exagération. Pourtant, hélas, tout est vrai. Enfin, hélas ou fort heureusement ?

On y trouve au hasard Jean de Selys Longchamps, c’est un officier aviateur. Stakanoviste du combat il n’a jamais abandonné, il est l’auteur de faits de guerre dignes d’une histoire belge, dont la destruction ciblée d’un bâtiment de neuf étages occupé par la Gestapo.

Les marins de l’USS William D.Porter, une équipe de bras cassées qui aidés par la malchance ont été capable des pires bourdes qui peuvent être dramatiques en temps de guerre.

Jules Verne le corsaire des airs, un banal avion de transport sans blindage transformé en citadelle volante dont les pilotes tiraient à vue en larguant leurs bombes sur Berlin.

Ou encore Lachhiman Gurung, un soldat birman d’un mètre cinquante à tout casser, qui s’est battu jusqu’au bout, y compris lorsqu’une terrible blessure aurait arrêté n’importe quel autre soldat.

Et au fil des pages les exploits de Charles Nungesser ou Léo Major le québecois.

J’ai aimé découvrir ces faits d’histoire dont personne ne parle, qui balaient toute la période des deux guerres et de nombreux pays, sur un ton totalement iconoclaste et farfelu, mais en ayant un fonds aussi sérieux que véridique. Bien évidement, tout l’art des auteurs est de savoir rendre intéressants des personnages précis avec leurs anecdotes et les faits accomplis.

Le graphisme, les couleurs, le ton employé, en font une lecture à la fois improbable et réjouissante, et ce malgré la période et les faits évoqués. Une réussite et un excellent moment de lecture. J’espère que cette BD est largement proposée par les professeurs d’histoire, pour que leur élèves puissent aussi voir enfin les choses autrement.

Catalogue éditeur : Fluide Glacial

Après le succès des deux premiers tomes, Julien Hervieux (alias l’Odieux Connard) et monsieur le chien reviennent pour un troisième opus consacré aux histoires improbables des deux Guerres mondiales.

Saviez-vous qu’en 1945, un soldat québecois reprit seul une ville entière aux Allemands ? Que durant la Première Guerre mondiale, une offensive échoua à cause de supposés zombies ? Ou encore qu’une bande de marins américains maladroits a réussi l’exploit de tirer par erreur une torpille sur leur propre Président ? Et saviez-vous que le cheval du général Leclerc fut fusillé pour acte de résistance ?

Anecdotes absurdes, héroïques mais toujours incroyables, Le Petit Théâtre des Opérations est de retour. Avec sa formule désormais lue et approuvée par des milliers de lecteurs : des histoires longues suivies de textes documentés appuyant leur véracité, ainsi que de courtes anecdotes sur la perte d’un sous-marin causée par ses toilettes, la résistance d’animaux, ou encore l’art contemporain utilisé contre l’ennemi. 

Scénariste : Julien HERVIEUX / Dessinateur : MONSIEUR LE CHIEN / Coloriste : Olivier TROCKLÉ

Prix 15,90 € / 56 pages / ISBN 979 1 0382 0457 7 / Paru le : 02/11/2022

La sacrifiée du Vercors, François Médéline

Un voyage dans le temps à la recherche des véritables héros de notre Histoire

En ce 10 septembre 1944, quand on découvre dans une forêt du Vercors le corps de Marie, tondue, violée, assassinée, l’ombre des règlements de comptes pèse sur la scène. Mais c’est vite oublier que la famille de Marie est une famille de résistants. Alors, que s’est-il passé ?
Georges Duroy, commissaire à l’épuration, et Judith, photographe américaine et correspondante de guerre pour le magazine Life, qui se trouvent sur les lieux au moment de la découverte vont mener une enquête dont ils se seraient bien passé.

Dans cette époque trouble le moindre jeune du coin est devenu FFI ou résistant de la dernière heure. Ces ardents défenseurs de la France sont prêts à liquider l’ennemi ou le traître sans sommation. Les jeunes FFI du village sont déjà prêts à en découdre avec Simone Fucilla, un marginal italien qui se présente comme le coupable idéal. Mais les raisons invoquées ne sont peut être pas aussi limpides qu’il y paraît. Et l’on découvre à l’occasion la place donnée à l’immigré italien, ce qui permet de réaliser que chaque époque à ses boucs émissaires, ses contradictions et ses peurs quand il s’agit d’immigration.

Le roman évoque le travail rarement abordé de la police de l’épuration et de la complexité de sa tâche. Mais aussi ces nombreuses questions qui se sont posées à la fin de la guerre. Ceux de l’intérieur sont ils amis ou ennemis, héros ou traîtres, valeureux ou lâches. Qui sont nos héros, et comment peut-on arriver à réconcilier la population pour relancer un pays meurtri, par le règlement de compte ou par l’absolution ? Mais si l’absolution ou du moins le silence a été un moyen de faire repartir le pays, cela ne s’est pas fait sans dégâts. Il n’y a qu’à voir ce qu’en disent les générations actuelles chez nos voisins espagnols par exemple. Enfin, cette période de la guerre a été propice à certains règlements de comptes. Un grand nombre de femmes ont eu à en souffrir, à tord ou à raison, puisqu’on parle de près de 20 000 femmes tondues en place publique.

Le sujet est complexe et l’auteur n’apporte pas de solutions péremptoire. Il revient en fait sur sa propre histoire à la suite de la découverte dans un coffre de documents de son grand-père se rapportant à cette période précise. Avec une construction sur le modèle de la tragédie, en une seule journée et un seul lieu, il réussit a retranscrire une ambiance, une époque, et nous fait nous poser de vraies questions. Et ce roman à la fois historique et roman noir, qui interroge sur la justice et bouscule le mythe du héros par ses ambivalences, est un réel plaisir de lecture.

On ne manquera pas de lire également la chronique de Brice Homs du blog « Des livres aux lèvres »

Catalogue éditeur : éditions 10/18

Une robe bleu roi roulée sous des branchages. Plus loin, une jeune femme sauvagement tondue gît sous un arbre.
Dans cette forêt du Vercors, Marie Valette a été violée et assassinée. Elle avait 24 ans.
Ce 10 septembre 1944, Georges Duroy, commissaire de police près le délégué général à l’épuration, et Judith Ashton, jeune photographe de guerre américaine, se trouvent sur la scène de crime.
En cette journée caniculaire, tous deux s’interrogent. Qui a pu s’en prendre si violemment à la fille d’une famille de résistants ?
Jeunes héros sortis de l’ombre, coupable idéal et villageois endeuillés s’affrontent dans les cendres encore fumantes de la Libération. Car au sortir de cinq années de guerre, ce sont les silences et les règlements de comptes qui résonnent sur les flancs arides des montagnes.
Avec force et intensité, François Médéline interroge la complexité des hommes et de leurs combats.

EAN : 9782264077981 / Pages : 198 / Format : 128 x 197 mm / 14,90€ / Parution : 04/03/2021

Le fils du héros. Karla Suarez

De l’Histoire de l’île à l’histoire du fils, Karla Suárez fait vibrer l’âme cubaine dans ce qu’elle a de plus intime.

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Le fils du Héros, c’est Ernesto. D’une enfance bouleversée par la mort de son père en Angola, aux brillantes études puis au mariage qui l’ont amené à vivre à Berlin puis à Lisbonne, il se raconte. Alternant le passé et le présent, Ernesto nous fait comprendre que toute sa vie est une quête de ce héros, ce père, cet absent tellement prégnant par une présence imposée par les autres, dans ce régime castriste qui vénère ses militaires morts pour la patrie sur les lointaines terres d’Afrique.

Obsédé par la quête de ce père inconnu, Ernesto va laisser se déliter son couple, et malgré tout l’amour qu’elle lui porte, sa femme le quittera, ne pouvant pas lutter contre cette recherche familiale, introspection intime en même temps qu’introspection dans l’histoire récente du Cuba. Pourquoi cette guerre, comment tant d’hommes si jeunes sont-ils partis pour mourir là-bas, et au nom de quelle liberté ?

La plaie est profonde, Ernesto élevé en « fils de » cherche à comprendre son père,  souffre de cette absence qui a fait de lui un être à part, un des rares de son école à pouvoir être fier, mais fier de quoi, du vide, de l’absence, de savoir sa mère terriblement solitaire ?

A Lisbonne où il s’est installé, il se lie d’amitié avec un étrange cubain, Berto, qui  semble renier son passé, mais qui a forcément combattu lui aussi en Angola. Mais qui est au fond Berto, si secret mais qui aurait sans doute beaucoup à raconter à Ernesto. L’auteur nous plonge au fil de son récit dans des décennies d’évolution du régime de Castro, son soutien au régime socialiste soviétique face à l’impérialisme américain, son ingérence en Afrique, et montre l’absurdité de ces combats.

J’ai eu du mal à entrer dans ce récit, puis rapidement je me suis laissée porter par cet  enfant sans père, ce mari qui oublie de vivre avec sa femme pour courir après les ombres, ce cubain qui ouvre enfin les yeux sur l’absurdité du régime et des guerres. Et bien sûr, j’ai adoré l’intrigue et la créativité de l’auteur. Reliant l’intime à l’Histoire, Karla Suarez nous entraine dans les méandres historiques de son pays, et nous donne énormément d’émotion à suivre son fils de héros, une jolie découverte.

💙💙💙💙

Catalogue éditeur : Métailié

Traduit de l’Espagnol (Cuba) par : François Gaudry

Ernesto a 12 ans lorsqu’on lui annonce la mort de son père dans les troupes cubaines envoyées en Angola. Fini les aventures trépidantes avec ses amis Lagardère et la belle capitaine Tempête, lui, le courageux comte de Monte-Cristo, se voit obligé de devenir “le fils du héros”, une tâche particulièrement lourde dans un pays socialiste.
Plus tard, obsédé par cette guerre dans laquelle son père a disparu, il étudie avec passion cette période sur laquelle les informations cubaines ne sont pas totalement fiables. Il tente alors de reconstruire l’histoire de la mort de son père et se rend compte que tout ne s’est pas passé comme il l’a imaginé. Faire la guerre est plus compliqué que ce qu’on croit.
Oscillant entre passé et présent, entre douleur et passion, Karla Suárez trace avec ironie et lucidité le portrait d’une génération écrasée par une vision héroïque de l’histoire et qui a dû construire, à travers les mensonges et les silences de l’idéologie étatique, ses propres rêves et ses propres voies vers la conquête de la liberté individuelle.

 « Karla Suárez a su écouter toutes les voix qui s’élèvent dans la société cubaine. Le roman que Cuba attendait depuis longtemps. » Público

Titre original : El hijo del héroe / Publication : 31/08/2017 /Nombre de pages : 256 / ISBN : 979-10-226-0693-6 / Prix : 20 €