Je suis attirée par la couleur pure, couleurs de mon enfance, de l’Ukraine, Sonia Delaunay

Alexandra K est une passeuse de mots, d’âmes, d’histoires, celles d’un peuple qui depuis trop longtemps doit plier face à l’envahisseur. Ce peuple qui a été contraint d’abandonner sa langue déjà depuis les années 1930, et donc sa mémoire, son histoire. Ce peuple aujourd’hui encore envahi et meurtri par la puissance soviétique qui rêve de l’anéantir.
K vit avec une montre arrêtée à 19h06, l’heure de l’invasion, de la guerre, de la défaite. Elle s’occupe de sa mère malade à qui elle ne dit rien de la situation en ville et dans le pays. Elle a une sœur jumelle, Mila, partie photographier les combats, dont elle est sans nouvelle.
K est archiviste. Elle a refusé de fuir. Les œuvres d’art, livres, sculptures, tableaux majeurs du pays ont été mis à l’abri dans sa bibliothèque aux sous-sols infinis. Chaque jour elle protège ces richesses, accompagnée d’ombres invisibles et protectrices qui veillent avec elles. Mais c’est sans compter sur la visite de l’homme au chapeau qui doit mener à bien un grand projet de révisionnisme d’état. Il représente l’envahisseur et demande à K d’annihiler les traditions et la culture de son pays en falsifiant et en détournant un certain nombre d’œuvres majeures. K peut-elle se soustraire à ses ordres alors qu’il détient sa sœur jumelle sur qui il a droit de vie ou de mort.
De chapitre en chapitre, l’homme au chapeau lui présente les œuvres ou les artistes sur lesquels elle doit travailler. Et chacun est prétexte à nous parler avec poésie et dans une atmosphère fantastique et envoûtante qui allège les douleurs, de la culture et des traditions de l’Ukraine, ce pays cher au cœur d’Alexandra Koszelyk.
J’y retrouve ce qui constitue un pays, ses traditions, son histoire, sa culture, et découvre ces artistes qui ont agit pour que vive et survive leur art.
Si le tournesol est l’une des fleurs emblématiques de l’Ukraine, ici ce sont les soucis qui fleurissent. Cette fleur orange appelée la chornobryvtsi est plantée partout et prolifère dans les jardins et au bord des routes ;
L’hymne national créé par Mukhailo Verbytsky en souvenir de l’Hematat, premier état ukrainien fondé par les cosaques en 1649, et les coutumes des cosaques ;
Mais aussi Kharkiv et les tentatives de faire taire à jamais les joueurs de bandoura, l’instrument de musique traditionnel de l’Ukraine ;
Les vitraux d’Alla Horska, artiste assassinée comme tant d’autres dans les années 70, et la poésie de Taras Chevchenko ou de Lessia Oukraïnka ;
Les peintures naïves de Maria Primatchenko, dénigrée et rejetée par l’académie mais certaine d’être dans la bonne voie ;
La littérature de Mykola Gogol et son envie de parler de son pays même en exil à Paris ;
L’artiste peintre Sonia Delaunay et ses magnifiques œuvres colorées pour peindre les sentiments les émotions ;
Chacun à sa manière donne sa force à K, lui montre le chemin, ombres bénéfiques qui veillent sur elle et sur la culture et les traditions d’un pays meurtri.
Comment ne pas évoquer enfin les grands événements qui ont marqué le pays. L’Holodomor, la grande famine orchestrée par Staline pour vider l’Ukraine de ses habitants, mais aussi Tchernobyl ou la révolution de Maïdan. Ces événements meurtriers que l’on peut rapprocher de ce que vit l’Ukraine aujourd’hui.
Ce que j’ai aimé ?
Découvrir cette culture que je connais trop peu et bien mal, et j’ai vraiment envie de m’y plonger plus avant pour mieux découvrir les œuvres et les artistes. D’ailleurs, si j’ai mis quelques jours à le lire, c’est surtout par envie de noter des noms, de les chercher sur internet pour commencer à mieux connaître ces artistes. Merci Alexandra K pour ce magnifique roman, l’écriture est vraiment la plus belle façon de prendre les armes. A vous maintenant de lire L’Archiviste ce roman qui nous fait mieux comprendre le pouvoir que détiennent les livres et la culture pour forger une nation.
Catalogue éditeur : Aux forges de Vulcain
K est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur des œuvres d’art. Lors de l’évacuation, elles ont été entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d’un des envahisseurs, qui lui demande d’aider les vainqueurs à détruire ce qu’il reste de son pays : ses tableaux, ses poèmes et ses chansons. Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l’enjeu est l’espoir, espoir d’un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.
18.00 € / 272 pages / ISBN : 978-2-373-05655-6 / Date de parution : 07 Octobre 2022