Bénie soit Sixtine, Maylis Adhémar

Un premier roman perturbant sur les dérives sectaires des religions

Sixtine, comme la chapelle, est la sixième enfant d’une famille qui se doit d’être nombreuse pour plaire à dieu. Sixtine, aussi pieuse que fragile et vulnérable, élevée dans la religion traditionaliste catholique. Lorsqu’elle rencontre Pierre-Louis Sue de la Garde, son chemin est tout tracé, devenir son épouse, puis après une nuit de noce catastrophique mais conforme aux diktats d’une religion qui veut que l’on s’unisse pour procréer, femme au foyer et future mère de son premier enfant. Ce fils, car il ne peut en être autrement, se nommera Foucault en l’honneur du père de Foucault, et qu’importe si cela ne lui convient pas, puisque son époux et sa belle famille en ont décidé ainsi.

Pierre-Louis Sue de la Garde est un mari modèle, mais c’est surtout un forcené de la religion catholique intégriste. Anti mariage pour tous, anti homosexualité, anti PMA, anti immigration, comme il se doit dans ce milieu très fermé que l’on peut qualifier de sectaire. Il est le premier à aller casser du manifestant avec la milice des Frères de la Croix.

Sixtine vit un calvaire auprès de ce mari qu’elle comprend de moins en moins, dans cette famille qui l’accapare, en prière, chapelets, contritions et génuflexion. Jusqu’au jour où le malheur arrive. Elle ouvre enfin les yeux et voit le monde qui l’entoure tel qu’il est, et cette famille et ses règles strictes qui la gouvernent telles qu’elles sont. À compter de ce jour, elle décide de fuir pour enfin s’émanciper, vivre sa vie de femme, de mère, de croyante, mais hors des préceptes intégristes qui annihilent toute volonté prônés par sa belle-famille et les Frères de la Croix.

Un premier roman perturbant qui montre avec justesse les dérives sectaires de toute religion à partir du moment où elle devient intégriste et omnipotente. J’ai aimé suivre l’éveil et l’émancipation de cette jeune femme qui découvre enfin de pouvoir de dire non, de décider, de se révolter et de vivre sans suivre les directives que les siens tentent de lui imposer, sans pour autant renier sa foi ou sa religion, mais en acceptant d’en rejeter les extrêmes. Mais cette deuxiéme partie semble parfois utopique, même si on souhaite qu’elle puisse être réaliste. En parallèle, le lecteur retrace le parcours de sa mère, qui vient très jeune elle aussi à la religion et Sixtine découvre un secret de famille particulièrement troublant.

Un roman de la sélection 2021 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Julliard, Pocket

Sixtine, jeune femme très pieuse, rencontre Pierre-Louis, en qui elle voit un époux idéal, partageant les mêmes valeurs qu’elle. Très vite, ils se marient dans le rite catholique traditionnel et emménagent à Nantes. Mais leur nuit de noces s’est révélée un calvaire, et l’arrivée prochaine d’un héritier, qui devrait être une bénédiction, s’annonce pour elle comme un chemin de croix. Jusqu’à ce qu’un événement tragique la pousse à ouvrir les yeux et à entrevoir une autre vérité.
Bénie soit Sixtine est avant tout l’histoire d’un éveil et d’une émancipation. Entre thriller psychologique et récit d’initiation, ce premier roman décrit l’emprise exercée par une famille d’extrémistes sur une jeune femme vulnérable et la toxicité d’un milieu pétri de convictions rétrogrades. Un magnifique plaidoyer pour la tolérance et la liberté, qui dénonce avec force le dévoiement de la religion par les fondamentalistes.

Née en 1985, Maylis Adhémar vit à Toulouse où elle travaille en tant que journaliste indépendante. Bénie soit Sixtine est son premier roman.

EAN : 9782260054542 / pages : 304 / 19.00 € / Date de parution : 20/08/2020

Partir à la rencontre de Frédéric Couderc

« Je suis une sorte d’anti écrivain voyageur… »

Yonah ou le chant de la mer le dernier roman de Frédéric Couderc est paru juste avant le confinement. Il a donc subi de plein fouet ces deux mois de silence, ni rencontre, ni salon, pour le faire connaître. Mais ce serait dommage de passer à côté de cette belle aventure humaine. Je l’ai beaucoup aimé, vous pouvez d’ailleurs retrouver ma chronique ici, j’espère qu’elle vous donnera envie de le découvrir à votre tour.

Ce qu’en dit l’éditeur : Yonah ou le chant de la mer fait le pari de l’humanité, et révèle à travers l’histoire d’une famille morcelée celle d’un pays où certains gardent encore espoir.

Frédéric Couderc a accepté de répondre à quelques questions à propos de ce roman qui nous entraine à Tel-Aviv et qui m’a totalement séduite.

Comme à chacun de vos romans, avec « Yonah ou le chant de la mer » on voyage dans un pays à travers l’histoire d’un personnage en particulier. Ici, vous nous faites découvrir la vie d’Abie Nathan. Comment l’avez-vous découvert ? Pourquoi avoir eu envie d’en parler ?

Inspiré par les fantastiques séries israéliennes du moment (Fauda, False flag, When heroes fly, Our boys, Nehama…) je cherchais mon sujet du côté de Tel-Aviv, que j’ai fréquenté il y a 20 ans, et qui me semblait incarner ce côté « montagne russe » que je recherche toujours. En fait, je suis une sorte d’anti écrivain voyageur, hostile aux lieux communs de l’exotisme, à une certaine emphase. Je me déplace de telle ville à telle ville pour retrouver des points communs entre les humains, dans le détail montrer des diversités, mais m’attarder sur les fondamentaux : les histoires d’amour, de transmission, de deuil. Si, d’ailleurs, on ne devait trouver qu’un mérite au Covid, c’est celui-ci : on se joue toujours très facilement des frontières.

Qu’est-ce qui vous a le plus attiré, le discours, l’époque, le personnage ?

Abie Nathan est le point de départ, et finalement le prétexte à ce texte. Je ne veux surtout pas être son biographe. On n’est pas du tout dans le biopic, le « d’après une histoire vraie ». C’est un roman et je me moque d’ailleurs un peu de ça en inventant un tournage, une mise en abyme. C’est un livre plus intello qu’il n’y paraît, même si je n’aurais jamais un papier dans Télérama (rires). Je n’ai pas la carte à Saint-Germain-des-Près.

Israël, pays de contradictions, de conflits, avez-vous eu besoin d’y aller pour écrire ce roman ?

Oui, bien sûr,  j’ai passé un long séjour à Tel-Aviv. Mais je ne prétends pas écrire sur Israël. Mon truc, c’est de choisir des villes en toile de fond. Pas des pays. Si Gaza se situe à quelques minutes de roquettes, Tel-Aviv n’est absolument pas une ville de conflits, au contraire, enfin, il faut lire le roman pour comprendre…

J’ai trouvé intéressante l’approche des religieux intégristes juifs, qui démontre si besoin était que l’intégrisme est présent dans chacune des grandes religions, et ses dégâts évident sur une société, sur les jeunes. Est-ce un message que vous vouliez aussi faire passer ?

Oui, j’ai visité le quartier de Mea Shearim à l’âge de 20 ans, et à l’époque les ultraorthodoxes, bien qu’ils brûlaient déjà des salles de cinéma, conservaient une forme de bienveillance dans le regard des visiteurs. Je reviens à ce romantisme, cet exotisme, qui me paraît assez dangereux. Zeev, mon héros, ne les supporte pas. L’instinct chez lui se mêle toujours à une obsession : lutter contre la loi du plus fort. Chez les ultraorthodoxes se sont les femmes et les enfants qui sont broyés.

On aime cette famille, ce couple atypique et ses deux enfants très différents. Le fait qu’ils soient aussi différents, pensez-vous que ce soit le propre de toutes les familles ? Et la complexité de les laisser vivre leur vie, alors qu’on voudrait tant leur montrer le chemin peut-être ?

Il y a dès le début cette citation de Zeruya Shalev, elle est un fil rouge au roman : je crois, oui, qu’il s’agit toujours de donner et redonner vie à nos enfants.  C’est un roman familial, comme on dit. Clairement Abie, l’activiste, est un monstre d’égoïsme chez moi, c’est bien joli de se battre pour la paix dans le monde, mais si on n’est même pas capable de se déployer pour les siens, de trouver en soi cette générosité, c’est une existence plutôt ratée je trouve… Mais là encore tout est encore dans le sous-texte. Puisqu’on parle de série, je ne vais pas me spoiler quand même… Je pense que les personnages sont assez solides, mais l’intrigue est travaillée aussi je trouve. 

Il m’a semblé, contrairement aux deux romans précédents, que la relation mise en avant est moins celle du couple que celle des parents avec leurs enfants et en particulier du père, d’abord avec son fils, puis avec sa fille Yonah.

Le roman est dédicacé à ma petite Violette. J’ai quatre enfants, c’est naturellement la chose la plus importante dans mon existence, l’aventure ultime que ça représente, avec la femme de ma vie, c’est bien plus fort, naturellement, et bien plus difficile aussi, que d’écrire un texte, faire un film. Excepté quelques génies, je suis toujours un peu gêné par celles et ceux qui placent leur « œuvre » devant tout, c’est plutôt du pur égoïsme, non ?

Pour vous, être père, est-ce naturel, une évidence, ou au contraire faut-il s’y préparer ?

Ah, les trois ! Mais surtout une réinvention permanente. Ce que fait Zeev pour Rafael, puis Yonah, dans le roman, donne la clef…

Quel message aimeriez-vous que l’on retienne de ce roman s’il ne devait y en avoir qu’un ?

Les failles et tout l’amour de la famille Stein, surtout ! Mais aussi la dimension intime du conflit israélo palestinien. Ni sioniste, ni pro-palestinien, je laisse le lecteur choisir finalement… 

Avez-vous aimé un livre en particulier pendant ces semaines confinées d’une vie comme entre parenthèse ?

J’ai détesté chaque minute de ce confinement, les réactions de la plupart de mes contemporains, sinon François Sureau et André Comte Sponville qui ont clairement énoncé mes ruminations rageuses. Écrire, c’est une réclusion volontaire, pour éprouver la plus grande liberté possible, écouter les tambours du monde. Kessel est mon modèle, imaginez-le remplir une attestation dérogatoire pour sortir à un kilomètre de chez lui ! Ma littérature est celle du contact social, du « toucher », avec Adbdennour Bidar je pense qu’en voulant sauver la vie nous l’avons dans le même temps coupée de tous les liens qui la nourrissent. Nous avons cessé d’exister pour rester en vie. Mon héros Zeev aurait été furieux. Sa femme Hélène plus mesurée. Yonah aussi et Rafael à deux doigts de péter les plombs. C’était un peu pareil chez moi… J’ajoute enfin que je ne comprends même pas ce discours « feel good book » autour d’un retour sur soi, d’une parenthèse enchantée avant un « monde d’après ». La vérité, c’est que la plupart des écrivains sont anéantis, effondrés, prêts à mettre la clef sous la porte.  

– Quel conseil de lecture aimeriez-vous nous donner ?

Pour rester à Tel-Aviv, et rire, toute l’œuvre d’Etgar Keret.

Un grand merci Frédéric pour vos réponses.

C’est toujours un grand plaisir de lire les romans de Frédéric Couderc, à votre tour de découvrir celui-ci, disponible dans toutes nos librairies. Et pour aller plus loin, Etgar Keret est publié chez Actes-Sud

Retrouvez mes chroniques de Yonah ou le chant de la mer, Le jour se lève et ce n’est pas le tien et Aucune pierre ne brise la nuit. Et du roman jeunesse Je n’ai pas trahi. Ainsi que l’entretien avec Frédéric Couderc lors de la parution du roman Aucune pierre ne brise la nuit.

Yonah ou le chant de la mer, Frédéric Couderc

Une famille emportée par le vent de l’Histoire, un roman incontournable sur la paternité et l’amour

A Tel-Aviv, Zeev Stein, célèbre avocat, forme avec son épouse Hélène un couple emblématique. Ils fêtent leurs quarante ans de mariage dans leur somptueuse maison au style Bauhaus typique de la Ville Blanche. Ce soir-là, Yonah, leur fille est présente, ainsi que toute l’équipe du film qui se tourne autour d’Abie Nathan, ce pacifiste décédé en 2008 à 84 ans. Zeev, qui l’a bien connu, est le conseiller d’Eytan Lansky, le cinéaste qui tourne ce biopic avec dans le rôle-titre le sémillant Orlando Dito Beck. Abie Nathan également connu pour avoir ancré le Voice of Peace au large d’Israël, ce bateau sur lequel il avait installé une radio-pirate qui diffusait jusqu’à Beyrouth et Le Caire, et dont le mot d’ordre était From somewhere in the mediteranean, peace, love and good music. Mais connu aussi pour avoir voulu échanger, parler et négocier avec les palestiniens, une intention sacrilège à l’époque en Israël.

Zeev et Hélène ont deux enfants, Yonah et Raphaël. On comprend rapidement que l’un des deux a disparu, ou du moins n’est plus présent dans la famille. Raphaël est un jeune homme révolté, sa soif d’idéal et une brouille avec son père l’ont entrainé vers les religieux intégriste israélites. Il vit à Jérusalem dans le quartier de Mea Shearim. Là, il a adopté leur mode de vie archaïque et radical, priant la thora du matin au soir, parlant Yiddish, adoptant la tenue noire traditionnelle, acceptant la femme qu’on lui a assignée comme épouse, il est déjà père de trois enfants. Raphaël, que Zeev voudrait tant faire revenir à la vie, et dans la famille. Et Yonah la belle, colombe de la paix, la fille chérie, qui travaille au muséum d’histoire naturelle, mais sa mission est délicate en Israël, ce pays où il n’est pas question de faire la moindre découverte qui pourrait remettre en question l’ordre du monde établi par les Textes. La famille se retrouve, mais ils ne seront pas maitres de leur avenir, tributaires de circonstances aussi malheureuses que complexes. Car le tournage ne sera pas aussi idyllique que prévu et l’enchaînement d’impondérables va remettre en cause l’équilibre familial.

L’auteur sait mêler habilement la grande Histoire, ici le conflit israélo-palestinien à travers l’expérience d’Abie Nathan et des différents protagonistes, et sa liberté de l’écrivain. Si les relations familiales sont parfois houleuses, en particulier pour le couple Zeev-Hélène, les relations parents-enfants sont primordiales et émouvantes, tant avec Raphaël que Yonah, qui prend ici toute sa place. En effet, tout au long du roman la relation à la paternité est à la fois magnifique et bouleversante.

J’ai particulièrement aimé, une fois de plus, ce savant dosage entre la réalité historique d’un pays que je découvre en partie à travers les faits évoqués, et la façon de les intégrer dans une intrigue romanesque à souhait. L’Histoire récente d’Israël, mais aussi les spécificités des juifs orthodoxes, aussi intégristes que peuvent l’être tous religieux radicalisés. Et enfin l’amour, toujours présent avec les conflits, les rapprochements, la filiation et le couple, tout est là pour le plus grand plaisir des lecteurs.

Lire ici mon entretien avec Frédéric Couderc, qui nous parle de ce roman, mais pas seulement.

Du même auteur, retrouvez mes chroniques des romans précédents : Le jour se lève et ce n’est pas le tien et Aucune pierre ne brise la nuit. Mais aussi ma chronique d’un roman jeunesse Je n’ai pas trahi. Ainsi que l’entretien qu’il a bien voulu m’accorder lors de la parution du roman Aucune pierre ne brise la nuit.

Catalogue éditeur : Héloïse d’Ormesson

À Tel-Aviv, une équipe de cinéma hollywoodienne tourne un biopic sur Abie Nathan, militant pacifiste tombé dans l’oubli. Parmi ses hauts faits, le Voice of Peace, une radio-pirate ancrée au large d’Israël dont les millions d’auditeurs se comptaient de Beyrouth jusqu’au Caire. C’est auprès du meilleur ami d’Abie, Zeev Stein, que le réalisateur prend conseil. Ce brillant avocat des droits civils, proche du camp de la paix, forme avec Hélène un couple iconique de la vie telavivienne. Leur fille, Yonah, tente de trouver sa place dans leur ombre. Mais la vie des Stein, lézardée par des blessures intimes, bascule quand la star du film disparaît… à Gaza.
Yonah ou le chant de la mer fait le pari de l’humanité, et révèle à travers l’histoire d’une famille morcelée celle d’un pays où certains gardent encore espoir.

Frédéric Couderc est un écrivain voyageur. À chacun de ses romans, il part vivre dans le pays qui abrite son intrigue pour être au plus près de son sujet. Il est l’auteur d’Un été blanc et noir (Prix du roman populaire 2013), Le jour se lève et ce n’est pas le tien et Aucune pierre ne brise la nuit.

Date de parution : 05/03/2020 / EAN : 9782350875484/ Pages : 320 / Format : 14 x 205 mm / Prix : 20.00 €