L’étrange histoire du collectionneur de papillons, Rhidian Brook

A la recherche des papillons perdus, un roman sur la quête et la relation au père

Alors qu’il vient de perdre son père au pays de Galles, le jeune Llew Jones décide de partir quelques temps aux États-Unis pour écrire et visiter le pays. Il se pose dans un premier temps chez une tante qui lui prête sa maison dans les Catskills. Il s’est proposé de ranger la bibliothèque aux mille livres. Pourtant, le paysage et la quiétude des lieux  le poussent d’avantage à la fumette et à la rêverie solitaire. Alors qu’il est en train de lire au bord de l’eau, il rencontre un très étrange bonhomme à la palabre facile accompagné d’une énigmatique jeune femme fort séduisante. Joseph Bosco est volubile et convainquant, les mots sortent de sa bouche en rafale, Llew est immédiatement conquis. Surtout lorsque ce dernier lui propose de l’accompagner.

Débute alors pour lui une étrange collaboration avec Joe, éleveur et collectionneur de papillons. Ce dernier parcourt le pays pour vendre les collections de son père, un célèbre entomologiste qui a abandonné sa famille pour assouvir sa passion. Llew est rebaptisé Rip Van Jones par Joe le bonimenteur, un nom plus accrocheur pour servir leur commerce. Rip fait ensuite la connaissance de la famille au grand complet, de leur manoir étrange, et de leurs différentes collections de papillons, rares, sous verre ou dans les serres d’élevage.

Rip, Joe et sa sœur Mary embarquent pour un road trip à travers l’Amérique, de ville en ville afin de vendre leurs beaux papillons aux fleuristes et autres collectionneurs d’espèces rares. Mais le voyage s’avère plus complexe que prévu et le commerce de papillons pas aussi honnête qu’il en a l’air. Jusqu’au moment où Joe disparait.

Le roman alterne entre le présent, Rip est en prison, et les souvenirs qu’il va coucher sur le papier. Par l’écriture, il tente de dénouer l’intrigue qu’il vient de vivre et de comprendre toute la complexité de cette famille qu’il a côtoyée. Wolff le père, fervent défenseur des espèces en voie de disparition évanoui dans la nature avec son filet à papillons ; Édith la mère, amère et défigurée dans un incendie qui a failli lui coûter la vie ; Mary, Isabelle et Joe, cette fratrie disparate aux aspirations si diverses ; puis Rip qui ne sait plus trop où il en est. Enfin, Joe, le personnage fantasque par excellence, le hâbleur qui invente les mots qu’il ne trouve pas pour raconter ses histoires, qui décrit un passé et des souvenirs qui changent à chaque version et qu’il est donc quasi impossible de cerner et de comprendre. Joe qui fascine Rip.

Étonnant parcours de ces deux jeunes hommes et de leur relation au père. L’un disparu au début de l’histoire, l’autre dont on devine qu’il ne l’est peut-être pas définitivement. Et toujours la difficulté de communiquer, de dire vraiment ce que l’on pense. Joe et ses discours pour cacher ce qu’il est vraiment, Rip et sa difficulté à écrire. Un roman qui parle davantage de sentiments et de recherche de soi  que d’enquête de police, même si disparition il y a. Une lecture plaisante qui fait voyager, et découvrir quelques espèces rares de papillons, on ne les regarde plus comme avant  après ça.

Catalogue éditeur : Fleuve

Traducteur : Hélène Amalric

1980, États-Unis.
Llew Jones, jeune Gallois d’une vingtaine d’années, souhaite voir les États-Unis et écrire le roman de sa vie.
Installé depuis peu dans la demeure de sa tante dans les montagnes Catskills, il passe son temps à flâner, fumer de l’herbe et lire.
Un beau matin, alors qu’il est plongé dans sa lecture au bord d’une rivière, un homme étrange l’aborde. Joe Bosco, vendeur de papillons aussi charismatique qu’exaspérant, lui propose de l’accompagner à travers le pays pour développer son commerce de spécimens rares.
Commence alors un voyage extraordinaire qui finit pourtant par échapper à leur contrôle, le jour où Joe disparaît. Llew se retrouve en prison et il n’a plus qu’une seule chance pour s’en sortir : convaincre tout le monde que sa version des faits est la bonne.

Rhidian Brook est l’auteur multi-récompensé de plusieurs romans dont notamment le best-seller La Maison de l’autre, traduit dans de nombreux pays et porté sur les écrans en 2019 sous le titre Cœurs ennemis.

Date de parution : 22/08/2019 / EAN : 9782265118355 / Pages : 528 / Format : 140 x 21.90 € / Prix : 21.90 € / Numérique : EAN : 9782823864205 / EPUB3 Prix : 15.99 €

Virginia, Emmanuelle Favier

Virginia Wolf, un nom que chacun connait, qui fait partie de notre inconscient collectif lorsque l’on évoque la littérature anglaise. Mais, qui a peur de Virginia Wolf ? Certainement pas Emmanuelle Favier, qui nous enchante avec sa « Virginia »

couverture du roman Virginia d'Emmanuelle Favier, photo Domi C Lire

Qui était la petite fille puis l’adolescente qui se cache derrière l’auteur de talent, derrière la femme  qui s’éclipsera un jour de ce monde des pierres plein les poches, pour ne pas subir ou faire subir à ses proches les affres de la maladie.

Emmanuelle Favier a mis ses pas dans ceux de l’enfant, de la jeune fille, de celle qui deviendra… à travers des phrases, des sensations, des instants de vie, elle nous fait ressentir le poids des traditions, de la famille, l’amour d’une mère et l’amour pour une mère si belle, si solaire. L’amour pour un père autoritaire si représentatif de son époque, et puis surtout l’amour pour une certaine forme de liberté, à peine imaginée, déjà rêvée, bientôt vécue.

Née Adeline Virginia Alexandra Stephen le 25 janvier 1882 à Londres, Virginia est morte en mars 1941. Entre ces deux dates, c’est par une approche chronologique que l’auteur nous dévoile son enfance et sa place dans sa famille. Des parents veufs chacun de leur côté, Sir Leslie Stephen et Julia Stephen Duckworth ont des enfants de leurs premiers lits. George, Stella et Gerald pour Julia, et Laura pour Leslie, puis dans la famille recomposée arrivent Vanessa, Thoby, Virginia et Adrian. Tout ce petit monde vit au  22 Hyde Park Gate, à Kensington. Le père est écrivain, la mère est elle aussi issue d’une famille d’intellectuels, le terreau est propice pour donner à la jeune Virginia le goût de la littérature. Elle saura puiser dans la bibliothèque familiale les bases de son éducation, puisque pour les filles, pas besoin d’école, il suffit de faire un bon mariage et quelques enfants pour être une femme accomplie. Le décès de sa mère alors qu’elle n’a que 13 ans, puis de sa sœur, seront les déclencheurs de sa première dépression nerveuse, elle restera fragile toute sa vie.

Tout au long du roman, les détails posés comme de petites touches impressionnistes, disent la vie des années 1875 à 1904 et peuvent perdre le lecteur. L’écriture est dense, les mots foisonnants, parfois abscons, souvent précis ; elle semble surchargée comme ces intérieurs anglais, mais au fil des pages nous fait ressentir l’opulence et le confort des maisons victoriennes ainsi que le poids des traditions et la rigidité de la condition féminine de l’époque, et cela sans pour autant le dire ou l’écrire. Car ici, point de description fastidieuse ou assommante, c’est plutôt une impression qui se dégage en arrière-plan de cette écriture.

Le lecteur respire avec Virginia qui n’est encore que Miss Jan, erre avec elle sur les chemins de l’enfance, ceux où l’on se cherche, où l’on teste son charme, ses connaissances, son pouvoir d’attraction. Ginia lit, apprend, découvre, aime ou déteste, pleure et souffre de l’absence et de la mort de ceux quelle aime le plus au monde. Qu’il est difficile pour elle de s’affranchir du jugement du père, conforme à la très patriarcale règle victorienne du 19e, les femmes ne peuvent penser par elles-mêmes, encore moins écrire. Il faudra donc attendre la mort de ce dernier pour oser devenir écrivain, et s’émanciper dans la douleur de cette perte.

Si l’auteur se met à sa place pour nous offrir une biographie romancée totalement personnelle, elle nous implique aussi dans sa démarche, car nous sommes ces « nous » qui voient, qui espèrent, qui regardent de loin, sur ces chemins de Cornouailles ou  dans les rues de Londres, à chercher les traces de celle qui fût.

J’ai beaucoup aimé les fins de chapitres qui replacent Virginia dans son époque, avec naissance et morts de ces grands noms qui sont parvenus jusqu’à nous mais que nous avons souvent beaucoup de mal à resituer dans le temps. Bravo pour cette excellente idée !

J’ai eu le grand plaisir de pouvoir échanger avec l’auteur, qui a conforté mes impressions, et sans doute aidé à la compréhension de l’utilisation de cette écriture si dense, si complexe, qu’elle peut sans doute perdre quelques lecteurs au passage. J’avais d’ailleurs ressenti le besoin de faire des pauses, pour absorber les instants de vie, leur complexité, mais aussi toute l’étrangeté et l’ambivalence de certains sentiments.

N’oubliez pas de lire également la très belle chronique de Nicolas Houguet

J’avais particulièrement aimé le premier roman d’Emmanuelle Favier, Le courage qu’il faut aux rivières dont je vous avais parlé ici.

Catalogue éditeur : Albin-Michel

Dans le lourd manoir aux sombres boiseries, Miss Jan s’apprête à devenir Virginia. Mais naître fille, à l’époque victorienne, c’est n’avoir pour horizon que le mariage. Virginia Woolf dérogera à toutes les règles. Elle fera œuvre de ses élans brisés et de son âpre mélancolie. La prose formidablement évocatrice d’Emmanuelle Favier, l’autrice du Courage qu’il faut aux rivières, fait de cette biographie subjective un récit vibrant, fiévreux, hypnotique.

Édition brochée 19.90 € / 21 Août 2019 / 304 pages / EAN13 : 9782226442710

Un mariage anglais, Claire Fuller

Roman épistolaire délicat et nostalgique, on aime le charme et la sensibilité du roman de Claire Fuller « Un mariage anglais » .

PHOTO roman un mariage anglais de Claire Fuller, blog Domi C Lire

Ingrid est une jeune étudiante amoureuse de Gil, son professeur de littérature. Vingt ans les sépare mais l’amour les réuni pour le meilleur et pour le pire.

Le couple s’installe au pavillon de nage, puis naissent deux filles, Nan et Flora. La mer et la nature sont présentes à chaque instant. Si le mariage est heureux en apparence, Gil est terriblement volage. Il n’arrive pas à écrire son prochain et merveilleux roman, s’absente, collectionne les aventures et les livres qui envahissant peu à peu la maison. Loin de ses rêves de jeunesse et des promesses de Gil, Ingrid,  trahie par celui qu’elle aime et cantonnée dans un rôle de mère au foyer qui ne lui convient pas, s’étiole peu à peu. Seules la mer et ses longues séances solitaires de natation trouvent grâce à ses yeux. Quelques années après leur mariage, Ingrid disparait. Personne ne sait ce qu’elle est devenue, noyée, évaporée ?

Ce roman aux sensations douces amères est construit en deux récits parallèles.

D’abord le temps présent. Gil vient d’avoir un accident, enfin, sans doute, car nul ne sait si la chute était accidentelle finalement. Il s’en sort plutôt bien, mais ses filles veillent à son chevet. Entre Nan et Flora, les souvenirs resurgissent, Flora cherchant toujours en vain la présence d’Ingrid.

Puis les années de vie commune, à travers les lettres d’Ingrid. Face à l’absence et au silence de son époux, elle décide de lui écrire et de cacher ses lettres entre les pages de romans de sa bibliothèque. A travers ce récit épistolaire se dessine peu à peu une vie pas du tout idyllique, aux contours plus sombres qu’il n’y parait. Bien qu’elle soit toujours amoureuse, Ingrid est malheureuse. La vie dont elle avait rêvé, les promesses de Gil, rien de tout cela ne vient égayer son quotidien.

Voilà un étonnant roman sur le couple et sur la place des femmes, mais femme au foyer qui se doit d’être mère avant tout, sur l’amour, l’absence, le poids des non-dits et le manque de communication. La nature est omniprésente, à travers la mer et ses promesses de bonheur et d’évasion, la lande et ses chemins, le jardin qu’Ingrid dessine avec obstination. Un beau roman d’été empreint de nostalgie.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Stock, puis Le Livre de Poche

Roman épistolaire construit à rebours, ce récit relate le mariage d’Ingrid et de Gil Coleman, son professeur de littérature, de vingt ans son aîné. Quinze ans plus tard, Ingrid, lassée des absences répétées de son mari, disparaît, laissant une série de lettres dans lesquelles elle revient sur l’histoire de son mariage.

432 pages / Date de parution : 24/04/2019 / EAN : 9782253237600 / Prix  8,20€

Le serpent de l’Essex, Sarah Perry

Le serpent de l’Essex, de Sarah Perry, un roman aux accents victorien qui parle d’émancipation, de liberté et de paléontologie.

Photo couverture du roman le seprtent de l'essex par Sarah Perry Le Livre de Poche, blog Domi C Lire

Cora est veuve, par forcément joyeuse, mais veuve libérée de cet homme qu’elle avait aimé au premier regard mais qui a fait preuve de violence envers sa jeune épouse soumise. Avec son fils Francis, et désormais à l’abri du besoin, elle décide de partir pour l’Essex et l’estuaire du Blackwater. Elle espère suivre la voie de Mary Anning, admirative de cette femme qui trouve des fossiles (et qui influença la paléontologie par ses recherches).

Là, Cora s’installe dans une vie libre de toute contrainte. Habillée comme un homme, ne cherchant pas à soigner son apparence, elle part chaque jour dans la boue à la recherche de coquillages, fossiles, et même du serpent de l’Essex, ce monstre qui terrorise toute la région, et le village d’Aldwinter en particulier. Soucieux, des amis la confient au pasteur William Ransome et à sa famille. Elle est accueillie à bras ouverts par Stella Ransome, qui souffre d’un mal étrange et ne veut vivre que dans un monde en bleu. Sa rencontre avec William, d’abord fortuite, puis régulière, lui fait découvrir une vision du monde qu’elle ne partage pas, mais de leurs échanges toujours passionnés et vifs va naître une véritable amitié.

L’auteur met en scène une femme moderne, éprise de liberté, qui veut vivre comme elle l’entend loin du joug du mariage et des conventions. Autour de Cora gravitent d’autres personnages porteurs de valeurs qui émergent à la fin du 19e. A travers eux, Sarah Perry aborde des thèmes qui ont connu une réelle évolution à cette période, chirurgie, traitement de certaines maladies, problèmes sociaux, en particulier la confrontation de différentes classes sociales, misère extrême des ouvriers mal logés qui subissent les dictats de propriétaires sans morale, émergence du socialisme, évolution (ou pas !) des pensées du clergé, qui dicte souvent aux villageois leur conduite, quand dans les grandes villes comme Londres l’évolution de mœurs et des habitudes est en marche.

L’ambiance est bien traitée par des descriptions de campagne anglaise, de bois denses, de bord de l’eau envahi par la brume et des brouillards épais, un peu comme en écho aux mentalités de l’époque. Et Cora émerge de tout ce brouillard… Il faut de la concentration et au moins quelques dizaines de pages pour rentrer dans le roman, car il ne s’y passe pas énormément de chose, tout est dans l’ambiance, les sentiments, les caractères. Un roman à lire au calme, en prenant son temps.

Bien sûr, je ne peux m’empêcher de conseiller la lecture de Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier, roman qui évoque si bien Mary Anning.

Roman lu dans le cadre de ma participation au jury des lecteurs du Livre de Poche 2019

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche

Cora Seaborne, jeune veuve férue de paléontologie, quitte Londres en compagnie de son fils Francis et de sa nourrice Martha pour s’installer à Aldwinter, dans l’Essex, où elle se lie avec le pasteur William Ransome et sa famille. Elle s’intéresse à la rumeur qui met tout le lieu en émoi : le Serpent de l’Essex, monstre marin aux allures de dragon apparu deux siècles plus tôt, aurait-il ressurgi de l’estuaire du Blackwater ? Dans un cadre marqué par une brume traversée d’étranges lumières, Cora Seaborne construit sa liberté.

Sarah Perry est née en 1979 dans l’Essex. Son premier roman, After Me Comes the Flood, a figuré parmi les sélections du Guardian First Book Award, du Folio Prize et a remporté le Anglian Book of the Year en 2014. Elle vit à Norwich. Le Serpent de l’Essex est son premier roman traduit en français. Traduit de l’anglais par Christine Laferrière.

Prix : 8,70€ / 576 pages / Date de parution : 03/04/2019 / EAN : 9782253906681

Editeur d’origine: Christian Bourgois Editeur

On ne peut pas s’empêcher de penser au roman « Prodigieuses créatures » de Tracy Chevalier.

La mort selon Turner. Tim Willocks

Afrique du Sud, là où une vie ne vaut rien… cela aurait pu être La foi selon Turner ou La justice selon Turner… Ce sera La mort selon Turner. Le dernier roman de Tim Willocks est totalement addictif, j’y ai succombé.

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De jeunes afrikaners quittent la vile du cap en catastrophe, ils doivent dégager en vitesse d’un bouge dans lequel ils ont bu plus que de raison. Dirk, l’un d’entre eux, complétement ivre, démarre le Range Rover et sans même s’en rendre compte percute à mort une jeune SDF. Protégé par Hennies, le second mari de sa mère, Dirk et la bande fuient vers Cap-Nord, la ville minière où règne Margot Le Roux, la mère de Dirk. Margot et ses mines qui permettent à toute une région d’avoir du travail.

Lorsqu’elle est mise au courant des faits, Margot, en maitresse femme décide que son fils doit tout ignorer et ne doit surtout pas être mis en cause dans cette affaire. Son brillant avenir d’avocat en pâtirait définitivement. Car après tout, que vaut cette inconnue oubliée dans la rue, morte juste un peu plus tôt par la faute de son fils …

Mais c’est sans compter sur Turner le flic aux yeux verts. Winston Turner, cet inspecteur de la brigade criminelle est armé d’une volonté farouche, il est bien décidé à rendre justice à la pauvresse que tout le monde souhaite oublier le plus rapidement possible. Envoyé par son boss sur le territoire hostile de la famille Le Roux, Turner n’est pas près d’arriver à ses fins.

Là, la corruption règne en maitre. La moitié de la région est aux ordres de Margot et de ses sbires, poussés par une haine viscérale de ceux qui leur résistent, ayant (et c’est un euphémisme) la gâchette facile, les situations vont être beaucoup plus compliquées que ne l’espérait Turner. Il va vite se rendre compte du peu de prix que l’on accorde aux vies humaines, à la sienne comme aux autres d’ailleurs. Représentant l’autorité ou pas, qu’importe. C’est un homme d’une force de caractère sans pareille, et je dois dire que l’auteur sait immédiatement nous le faire accepter et aimer tel qu’il est, dans le pire comme le meilleur.

Dans ce roman, il y a l’amour d’une mère, qui s’est construite contre les hommes, la loyauté à une famille, la corruption à tous les niveaux, quand on peut se laisser acheter pour une maison ou pour quelques lingots d’or, il y a un flic intègre qui porte au fond de lui de vielles blessures et une police corrompue et aveugle sans doute autant par facilité que par instinct de survie, il y a une étrange analyse de la justice des hommes, l’officielle et celle qui les arrange, qui permet de s’autoriser quelques petits accommodements qui parfois semblent raisonnables, il y a les silences et les non-dits qui peuvent détruire des existences, il y a la lutte entre noir et blancs en Afrique du Sud, et sans doute ailleurs dans le monde….

Alors, quel rythme, quelle hécatombe, quel suspense ! Des personnages attachants, révoltants, intrigants, que l’on veut comprendre, aider, aimer, qui nous révulsent et qui nous émeuvent. Je me suis laissée embarquer dans ce roman sans même reprendre mon souffle tant le rythme et l’intrigue sont addictifs. Il y a tout ce qu’il faut dans le décor pour nous dépayser et nous convaincre, vieilles mines de manganèse, fermes isolées, une seule grande rue dans le village, on se croirait en plein western, et par moment les scènes totalement apocalyptiques aux descriptions aussi violentes que détaillés se déroulent réellement sous nos yeux.. Enfin, je vous l’assure, vous n’appréhenderez plus jamais le désert ni un être humain de la même façon après avoir lu La mort selon TurnerUne réussite ce roman noir, très noir, qui nous emporte à un rythme effréné…

Voilà qui donne le là :

– Avez-vous la moindre idée de ce que la loi exigeait la première fois que j’ai prêté serment ? Nous étions comme la Gestapo. L’homosexualité était illégale. Les mariages interraciaux aussi. Un home comme vous et moi ne pouvait pas marcher dans la rue sans enfreindre la loi.
– Cette fille a été tuée. Elle a droit à la justice.
– Il n’y a pas de justice. Il n’y a que nous.

💙💙💙💙💙

On ne manquera pas de lire également l’avis de Nicole du blog Motspourmots

Catalogue éditeur : Sonatine

Benjamin LEGRAND (Traducteur)

Lors d’un week-end arrosé au Cap, un jeune et riche Afrikaner renverse en voiture une jeune Noire sans logis qui erre dans la rue. Ni lui ni ses amis ne préviennent les secours alors que la victime agonise. La mère du chauffeur, Margot Le Roux, femme puissante qui règne sur les mines du Northern Cape, décide de couvrir son fils. Pourquoi compromettre une carrière qui s’annonce brillante à cause d’une pauvresse ? Dans un pays où la corruption règne à tous les étages, tout le monde s’en fout. Tout le monde, sauf Turner, un flic noir des Homicides. Lorsqu’il arrive sur le territoire des Le Roux, une région aride et désertique, la confrontation va être terrible, entre cet homme déterminé à faire la justice, à tout prix, et cette femme décidée à protéger son fils, à tout prix.

Le fauve Willocks est à nouveau lâché ! Délaissant le roman historique, il nous donne ici un véritable opéra noir, aussi puissant qu’hypnotique. Lire la suite

Tim Willocks est né en 1957 en Angleterre. Grand maître d’arts martiaux, il est aussi chirurgien, psychiatre, producteur et écrivain. La Mort selon Turner est son quatrième roman chez Sonatine Éditions.

EAN : 9782355846724 / Nombre de pages : 384 / Format : 140 x 220 mm / Prix 22.00 € / Date de parution : 11/10/2018

L’invitation. Elizabeth Day

Deux mondes, deux univers, une amitié indéfectible… Découvrir « L’invitation » d’Elizabeth Day, un roman tout en tension et faux-semblants, où jeux de pouvoir et classes sociales se côtoient et s’affrontent.

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Avec des accents typiquement britanniques de différence de classes sociales et de bienséance, Elisabeth Day nous offre un roman qui nous tient en haleine. Sous couvert de bonne société, elle explore la face cachée des amitiés entre deux hommes que leurs classes devraient justement tenir éloignés, que tout oppose et qui pourtant s’enorgueillissent d’une longue et fidèle amitié.

Martin Gilmour est un critique d’art reconnu, mais un écrivain plutôt raté, un homme fade et sans attrait. Avec son  épouse la douce et très effacée Lucy ils sont invités à l’anniversaire de l’ami de toujours, l’élégant et talentueux Ben Fitzmaurice. Les deux hommes se connaissent depuis l’adolescence, lorsque Martin, ébloui par Ben, avait décidé de conquérir son amour… ou son amitié ?

Dans la somptueuse maison que le couple vient d’acquérir et de rénover à grands frais, Ben les accueille avec sa superbe épouse Serena. Ce soir-là, anniversaire et crémaillère viennent valider la réussite de Ben, mais les deux couples doivent d’abord se parler…

Quand le roman débute, Martin est au commissariat. Peu à peu, le drame qui a conclu cette soirée transparait par le récit de Martin, le narrateur ou dans les écrits de Lucy, dont on nous dévoile quelques pages. Alternant les épisodes qui retracent les liens d’amitié, ceux qui font émerger les tensions, puis les séances de psy de Lucy ou les flash-back vers l’enfance, le lecteur voit se dessiner peu à peu une intrigue pleine de rebondissements et de ressentiment, de faux-semblants et de vaines espérances, de secrets enfouis et inavouables, creusant des tranchées profondes entre rêve et réalité, envies et contraintes, espoirs et déceptions.

L’auteur nous entraine par ses mots, ses descriptions de l’âme humaine, de la société dans laquelle évoluent ses personnages, interrogeant la part de réel ou d’imaginaire qu’il faut décrypter entre les deux hommes, entre ces deux mondes, ces deux classes sociales qui finalement ne se rejoignent peut-être pas aussi sincèrement que ça. C’est finement observé, judicieusement décrit, savoureusement mené, une intrigue qui a tout du roman noir, qui vous embarque avec mordant et lucidité, et parfois un brin d’humour british pour faire passer la tension.

💙💙💙💙


Catalogue éditeur : Belfond
Lutte des classes, ambition politique, désirs refoulés et violence sourde… Une œuvre originale et parfaitement construite qui allie roman noir à la tension implacable et comédie sociale mordante, quelque part entre le Monsieur Ripley de Patricia Highsmith et Le Dîner de Herman Koch, le tout porté par un humour grinçant tout britannique.

Ben Fitzmaurice est devenu le meilleur ami de Martin Gilmour le jour où, dans la cour de leur très chic école, Ben, héritier d’une prestigieuse dynastie, a pris la défense de Martin, petit boursier, fils unique d’une mère célibataire sans le sou. Depuis, Ben s’est fait un nom en politique, Martin est devenu critique d’art ; Ben a épousé la très parfaite Serena, Martin vit avec la très discrète Lucy. Et Ben est toujours le meilleur ami de Martin.
Ce soir, Ben fête ses quarante ans. Tout le gratin est présent. Martin aussi. Naturellement…

Traduction : Maxime Berrée / Date de parution : 03/05/2018 / EAN : 9782714476135 / Nombre de pages : 352 / Format : 140 x 225 / Prix : 21€

Une victime idéale, Val McDermid

« Une victime idéale », un auteur qui connait son affaire, des policiers hors pair, frisson et suspense garantis…

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Avec Une victime idéale je découvre les personnages récurrents de Val McDermid, d’abord Carol, l’ancien patron de la BEP et Tony, le profiler au talent certain. Mais depuis que la BEP a été dissoute tout tourne mal. Carol s’est réfugiée dans la maison de son frère décédé – on comprend vite qu’un meurtre horrible est arrivé dans cette maison – qu’elle démolit à grand coups de masse pour anéantir un passé qui la hante, pendant ce temps, Tony se terre sur une péniche dont il vient d’hériter.

Paula McIntyre, ancien bras droit de Carol, a pris du galon. Aujourd’hui elle travaille avec Alex Fielding et doit subir le commandement de cette arriviste un peu bornée et bien peu ouverte aux autres. Mais un tueur de jeunes femmes blondes sévit dans la petite ville de Bradfield, l’enquête piétine et le mauvais suspect est arrêté. Paula demande l’aide de Carol, avec Tony et en dehors de tout cadre normal il vont devoir résoudre l’affaire…

un roman intéressant, qui tient ses lecteurs avec un bon suspense. Mais avec un petit bémol, il m’a semblé que les personnages et les situations ont un peu de mal à se mettre en place, entrainant quelques longueurs, pour arriver sur une fin un peu abrupte et peu crédible. Enfin, sauf si on admet que personne ne peut faire aussi bien son métier que Carol et Tony ! Dommage car on se laisse réellement prendre par la plume de l’auteur.

Un roman lu dans le cadre de ma participation au jury du Prix J’ai Lu Page des libraires 2017

Catalogue éditeur : J’ai Lu

Dans une petite ville du Yorkshire, des femmes qui se ressemblent sont retrouvées mortes. Elles sont toutes blondes aux yeux bleus, point commun que partage la commissaire Carol Jordan. Le tueur cherche en chacune de ses victimes la femme parfaite, amante soumise et ménagère accomplie, avant de la massacrer avec la plus grande cruauté. Au moment où le meurtrier se prépare à fondre sur sa prochaine proie, Tony Hill se retrouve au cœur de l’enquête, mais cette fois, sur le banc des accusés. Le célèbre profiler serait-il passé de l’autre côté du miroir ?

Traduction (Anglais) : Arnaud Baignot, Perrine Chambon

Prix : 8,00 € / EAN : 9782290138427 / Date de parution : 22/03/2017

Leçons d’un tueur. Saul Black

La quatrième de couverture de « leçons d’un tueur » nous parle d’une série de meurtres sordides. Ceux de femmes retrouvées à des époques différentes ayant toutes un point commun, la torture avant la mort, mais surtout des objets particulièrement étranges sont retrouvés dans les corps de ces victimes, objets que les enquêteurs n’arrivent pas à rattacher à un fantasme précis. Valérie Hart est inspectrice à la criminelle à San Francisco, elle enquête depuis des années sur cette série d’homicides, sans succès. Ces crimes monstrueux l’obsèdent et elle sent que l’issue est enfin possible.

Dans « leçons d’un tueur » Saul Back présente plusieurs situations en parallèle. Le roman démarre fort sur une scène de meurtre, puis sur la fuite de Nell, une fillette de dix ans, réfugiée chez Angelo, un vieil homme qui n’attend plus rien de la vie. Puis il alterne les scènes avec différents protagonistes. Tout d’abord, Xander et Paulie, les deux paumés sanguinaires. Puis Valérie, l’inspectrice amoureuse et solitaire, paumée, alcoolique et épuisée, mais aux réelles compétences d’enquêtrice et qui veut poursuivre ses recherches. Claudia, une victime pour qui plus rien ne sera jamais comme avant, si seulement elle arrive à s’en sortir. Carla, une inspectrice du FBI dont ne sait pas trop ce qui la motive et la fait avancer, mais on comprend vite qu’elle a une vengeance à assouvir laquelle, là, l’auteur nous laisse dans le flou. Et enfin, Blasko, l’ex de Valérie, tout juste revenu dans le service, fil conducteur des amours malheureuses de l’inspectrice.

L’auteur alterne des chapitres courts avec ses différents personnages, leurs points de vue, du coup je n’arrivai absolument pas à lâcher ce roman qui se lit tout seul. Il déroule plusieurs situations inextricables en parallèle, situations qui se font jour peu à peu, une enquête qui met des années à aboutir, et soudain un grain de sable dans la machine bien rodée des tueurs en série va peut-être permettre à des policiers pugnaces de comprendre, de dénouer les fils.  On s’y laisse prendre tout en plongeant parfois dans l’horreur, souvent abordée, parfois suggérée, et heureusement pas trop largement décrite.

De nombreux thèmes sont évoqués dans ce roman. La jalousie, le problème de gérer une vie de flic à la criminelle en étant sans cesse confronté à l’horreur, comment doit-on appréhender les victimes, jusqu’à quel point faut-il les dépersonnaliser, quelle incidence sur sa vie de famille. Mais aussi le dur sujet de l’enfance maltraitée, où parfois la victime se change en criminel encore plus féroce que son propre bourreau, comment comprendre, comment gérer, comment réparer. La justice est-elle la mieux placée pour cela d’ailleurs. Et peut-on seulement expliquer l’horreur absolue aux familles des victimes. De vraies questions, sans réponses, mais avec de véritables interrogations pour chacun à la suite de cette lecture.

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Reçu dans le cadre des explorateurs de polars de lecteurs.com


Catalogue éditeur : Presses De La Cité

Katrina, Sarah, Angelica, Shyla, Yun-seo, Leah, Lisbeth… Sept femmes âgées de vingt-quatre à quarante ans. Sept femmes retrouvées mortes aux quatre coins des États-Unis. Violées, torturées, exécutées. L’œuvre d’un homme ou de plusieurs ? Depuis trois ans, la police tourne en rond et n’a pour indices que d’étranges objets découverts dans les corps mutilés des victimes. Aujourd’hui, l’inspectrice à la Criminelle de San Francisco, Valerie Hart, sent qu’elle tient enfin une piste sérieuse. Mais il faudra faire vite, car la prochaine cible pourrait bien être une petite fille de dix ans piégée dans une cabane isolée du Colorado. Alors que ses vieux démons refont surface, Valerie se lance dans une course contre la montre….

Saul Black signe un thriller implacable et nous plonge avec maestria dans l’horreur la plus totale. En sortirez-vous indemne ?

« Ne lisez pas ce texte. Aucun lecteur ne mérite d’être autant terrifié. »  Linwood Barclay

Date de parution : 26/03/2015 / Collection : Sang d’Encre / Traduit par Isabelle Maillet

Une place à prendre, J.K. Rowling

Que penser du premier roman pour adultes de l’auteur de Harry Potter

Dans « Une place à prendre », J.K. Rowling nous dépeint la vie et les travers d’un petit village de la douce campagne anglaise, enfin douce, pas tant que ça quand même.

Point de départ de l’intrigue, la mort subite de Mr Fairbrother. J’aime assez le jeu de mot que j’imagine avec son nom : un « frère sympa », ou un « homme sympa avec ses frères » ici avec ses pairs, celui qui crée le lien en somme, celui qui accepte et aime les autres, celui que tous apprécient. Mais voilà, après son décès, toutes les noirceurs se révèlent, tous les conflits sourdent, toutes les vengeances sont prêtes à être réalisées.

Dans cet univers bien sombre, les relations parents enfants, mari et femme, patient malade, élèves professeurs, élèves entre eux, amant indécis et maitresse enthousiaste, toutes ces relations qui font la vie d’un village vont s’exacerber, se dévoiler dans toute leur noirceur et leur violence. La misère de certains quartiers, la suffisance de certains habitants bien mieux lotis que d’autres, le plaisir de sa réussite, l’envie de la monter, d’écraser les autres, mais aussi l’incompréhension face à la vie des quartiers difficiles, cette vie qu’on ne peut pas imaginer, mais que l’auteur semble avoir bien connue et qu’elle décrit avec réalisme, même si parfois on l’espère exagérée, tout est là au fil des pages. Les personnages ne sont pas tous attachants, j’ai pourtant eu un élan pour Krystal, mais comment pourrait-elle s’en sortir dans cette ville qui ne peut rien pour elle, dans une famille si tragiquement sordide, malgré tous ses efforts pour s’élever, y arriver, pour sauver ce qui peut l’être.

C’est bien écrit, avec des détails comme sait en écrire J.K. Rowling, des personnages aux caractères et aux personnalités bien tranchés ou au contraire aussi fades que leur vie, et tout cela au final donne un roman qui se laisse lire.

L’auteur nous a mal habitués avec la série des Harry Potter. J’imagine que j’attendais un roman fabuleux, j’ai lu un bon roman. Intéressant au départ, quelques longueurs aux deux tiers, il reprend tout son intérêt vers la fin, peut-être un peu trop long. Qu’importe, j’avais envie de le lire et c’est chose faite.

Catalogue éditeur : Grasset

Bienvenue à Pagford, petite bourgade en apparence idyllique. Un notable meurt. Sa place est à prendre…

Comédie de mœurs, tragédie teintée d’humour noir, satire féroce de nos hypocrisies sociales et intimes, ce premier roman pour adultes révèle sous un jour inattendu un écrivain prodige.

Parution : 28/09/2012 Pages : 682 / EAN : 9782246802631 / Prix : 24.00€