Traverser la guerre à travers les yeux d’un enfant

Mainou vient de perdre sa mère, morte en couche alors que la famille attendait impatiemment une petite sœur. Drame de la vie qui ne devient plus du tout ordinaire quand on sait que cela se passe en zone libre, en août 1944, et que le père de Minou est engagé dans les combats. Impossible pour cet homme seul de s’occuper de son fils si jeune. Il décide donc de l’envoyer chez sa propre mère. Mais la grand-mère de Mainou habite en Lorraine, zone occupée par l’Allemagne depuis trente ans.
Débute alors pour le garçonnet un voyage clandestin hors du commun, puisqu’au lieu de fuir la zone occupée, il doit franchir incognito la ligne de démarcation pour aller se terrer en zone occupée.
Avec l’aide de son père, puis de complices, d’une cousine, de passeurs, il embarque dans le train puis sur une charrette, caché sous la paille, et arrive sans heurts à sa destination. Mais la vie à la ferme n’est pas vraiment amusante pour cet enfant qui, ne parlant pas allemand, et n’étant pas du coin, doit se cacher chaque jour. Impossible de courir, de jouer, de sortir, pendant une année entière.
Fort heureusement, il se passe malgré tout quelques aventures dans cette ferme isolée. Un cambrioleur du grenier, une voisine accorte à qui il faut apporter ses poèmes quotidiens, un oncle et une grand-mère pas si bourrus que ça, un vélo que l’on peut emprunter la nuit sans lumière, un œuf qui bientôt laissera sortir un cigogneau baptisé Marlène Dietrich, compagnon des jours de solitude, et surtout l’ombre de la meilleure amie de sa mère qui rode par là.
Ce roman, qui pourtant évoque une période difficile, est un véritable bonheur de lecture. Lors qu’il était hospitalisé et qu’il luttait pour rester en vie, Mathias Malzieu avait demandé à son père de lui raconter cet épisode pour le moins singulier de son enfance. Il a réussi par ses mots, son humanité, sa justesse, sa capacité à se mettre dans la tête d’un gamin, à nous faire rire, à nous émouvoir, nous étonner, nous bouleverser.
J’ai écouté la version audio après avoir lu le roman publié chez Albin-Michel. La voix de Mathias Malzieu est juste, attachante, posée, dansante, espiègle parfois. La musique qui rythme certains passages en allant crescendo donne une vitalité et une dynamique au texte. Une angoisse aussi, telle que devait la vivre cet enfant orphelin de mère, dont la père à également disparu, car du moins nul ne sait s’il reviendra un jour, perdu dans sa famille inconnue, adopté avec amour par les siens mais contraint au silence et aux questionnements sans réponse, au milieu de cette guerre atroce. C’est un bonheur à écouter, et pourtant il parle de chagrins, de guerre, de deuil, mais l’auteur sait faire émerger la lumière à travers le mots de Mainou qui chaque jour pose quelques lignes sur le papier, dans ces lettres qu’il écrit sans s’arrêter à la mère absente, à celle qui console, qui dorlote, qui aime et qui protège.
J’ai écouté la version audio avec mes petits-fils de sept et neuf ans, en faisant régulièrement des pauses pour expliquer certaines situations, ils ont adoré et avaient chaque fois hâte de reprendre la lecture.
Catalogue éditeur : Albin-Michel Audiolib
En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Émile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée.
Albin-Michel 12 janvier 2022 / Édition Brochée 19,90 € / 240 pages / EAN : 9782226470379
Audiolib Date de parution 16/02/2022 / Durée 4h35 / EAN 9791035408039 Prix du format cd
21,90 € / EAN numérique 9791035407896 Prix du format numérique 19,95 €