Le jardin des désespérés, Mano

Un thriller caustique, non dénué d’humour, une maison d’éditions à découvrir

Anatole Steinbach se morfond dans la maison de retraite où il vit depuis qu’il a cédé aux injonctions d’un neveu apparu comme par miracle. Neveu inquiet de la santé de son oncle, mais surtout neveu en mal d’argent. Car ce fils d’une sœur disparue de la circulation depuis des années n’aimait pas voir Anatole seul en ville, surtout depuis le décès de sa femme. Il lui a donc conseillé d’acheter au jardin des Hespérides. Jardin des désespérés pour Anatole, cinq hommes pour cinquante-cinq femmes, difficile de communiquer, il s’y ennuie. Ses semaines ne sont rythmées que par l’insipide repas dominical chez son neveu, c’est triste à mourir.

Anatole écrit des romans policiers, et c’est ce métier d’écrivain qu’il a mentionné auprès de  la maison de retraite en omettant à dessein de leur avouer qu’il était aussi procureur. Un incendie a ravagé l’annexe du jardin des Hespérides qui abritait sa voiture. Or ce soir-là, Anatole, imbibé au Whisky irlandais, a par jeu et par ennui tenté d’y mettre le feu. Un acte irraisonné qui aurait pu être sans conséquence si le vieux monsieur Arnaud n’avait pas succombé dans l’incendie.  

Meurtre, assassinat, l’enquête avance à grands pas et tout concours à désigner Anatole, coupable idéal. Il va devoir faire appel à son savoir-faire et à son réseau pour tenter de se disculper. Pourtant, l’esprit délétère de cette maison de retraite tenue par une directrice bien peu avenante et prompte à communiquer ses soupçons aux médias, l’ambiance maussade, les repas déprimants, tout est fait pour donner envie de disparaitre dans ce mouroir pour séniors.

Critique édifiante de ces maisons de retraites de luxe dont on parle tant ces dernières semaines. Mano propose ici un thriller caustique, non dénué d’un certain humour, et cependant assez sarcastique. Il interroge ses lecteurs sur les conséquences de l’âge, la perte ou la dissolution de la famille, les effets du temps qui passe et l’image que l’on a de la vieillesse et des personnes âgées en leur déniant leur personnalité et leur passé, et le côté parfois bien expéditif et inhumain de la justice.

Catalogue édition : Vibration

Un meurtre s’est produit dans la remise du Jardin des Hespérides, maison de retraite managée de main de maître par la « cheffe ». Les soupçons se portent inexorablement sur Anatole Steinbach, romancier policier et procureur à la retraite. Ce poids moral ajouté à sa solitude aura-t-il raison de ce jeune veuf fraîchement promu au rang d’enquêteur ? Parfois le crime est dans les gènes.

Mano est médecin et réside à Strasbourg. Il est également l’auteur de Alphonse ou Grandeur et vicissitudes d’un Alsacien errant ainsi que de plusieurs livrets d’opéra représentés à Amiens et Strasbourg. Il livre dans Une impression macabre, publié chez VIBRATION éditions un polar acerbe et haletant.

Prix TTC : 17€ / 140 pages / ISBN : 978-2-490091-05-8 / Octobre 2018

Une vie et des poussières, Valérie Clo

Dans Une vie et des poussières, Valérie Clo évoque avec humanité et tendresse la vie dans un Ehpad

Mathilde sait bien qu’elle ne perd pas la tête. Mais ce n’est pas ce que pense sa fille Rose, qui l’a placée dans une maison de retraite près de chez elle pour pouvoir aller la voir régulièrement. Contrairement à son fils qui ne vient quasiment jamais, car affronter la vieillesse n’est pas toujours facile, surtout quand elle est en perdition, voir sa mère entourée de personnes aussi dépendantes, ça a de quoi déprimer.

Là, Mathilde s’ennuie de sa vie d’avant, avec ses compagnons de galère, qui pour certains portent encore beau, mais dont la tête est ailleurs. Comme Chantal, qui se croit dans un hôtel en villégiature au bord de la mer, mais la mer elle ne la voit pas vraiment depuis la fenêtre de sa chambre. Ou encore comme Marcel et ces bouts de chanson qu’il entonne à chaque instant, lassant les autres sans même s’en apercevoir.

Heureusement il y a Maryline, enfin, c’est Mathilde qui l’a baptisée de ce prénom qui lui va si bien, car l’aide-soignante lui fait penser à la pulpeuse beauté blonde que les hommes admiraient de son temps sur les écrans. Maryline qui fait son travail avec ce supplément d’âme et d’amour envers les pensionnaires dont tout le monde rêve, mais qu’il est si difficile de tenir quand le personnel manque et que les horaires ne sont pas élastiques.

Un jour, Maryline lui apporte un cadeau. Un petit carnet dans lequel Mathilde va écrire des instants de vie, des souvenirs, l’enfance pendant la guerre, la disparition des parents, ceux de la famille qui ne sont jamais revenus des camps, elle et sa sœur cachées en province chez les Marius, des paysans qui les accueillent avec leur cœur et leurs bras grands ouverts. Puis la rencontre avec Paul le beau et séduisant journaliste, avoir le même métier, ça rapproche, le mariage, les enfants, et la vie qui va, vite, si vite que déjà c’est le crépuscule qui s’annonce dans les murs de cet Ehpad.

De jolis et émouvants moments de vie, racontés ici non pas seulement par la plume de Mathilde dans son carnet, mais bien par l’auteur qui sait de quoi elle parle. Et il y a beaucoup de réalisme et une certaine vérité dans ces lignes, on s’y retrouve pour peu que l’on ait eu dans sa famille des personnes en maison de retraite. Et pourtant ce n’est pas triste, il y a même quelques moments de rires et de sourires. Le bilan de vies qui passent dans un roman à découvrir.

Ehpad : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Catalogue éditeur : Buchet-Chastel

Mathilde n’est plus toute jeune et sa fille a décidé qu’elle serait bien mieux dans un Ehpad que chez elle, où elle commence à oublier trop de choses. Le roman est le journal de Mathilde tenu pendant les mois passés dans ce nouveau monde.
Il y a les souvenirs anciens : l’enfance pendant la guerre, la disparition du père, la fuite dans la zone libre, la disparition de la mère, la planque chez des paysans. Puis le retour à la vie, alors que tout est dévasté…
Et il y a la vie au quotidien dans cet univers étrange qu’est l’Ephad. Sa voisine de chambre qui a perdu la boule. Les voisins de table, hauts en couleurs et passablement amochés. Les aides-soignantes, et en particulier Maryline qui est un rayon de soleil… Les jours passent. Il y en a des bons, il y en a des mauvais. C’est l’heure des bilans, l’apprentissage de la solitude radicale.
Une vie et des poussières est une leçon de vie. Valérie Clo a voulu rendre visible ce lieu (l’Ehpad) que l’on préfère ignorer.

Valérie Clo vit à Meudon. Depuis plusieurs années, elle est art-thérapeute et intervient auprès de publics en grandes difficultés.

Parution : 05/03/2020 / Format : 11,5 x 19,0 cm, 240 p., 16,00 EUR € / ISBN 978-2-283-03303-6