Une nuit après nous, Delphine Arbo Pariente

Parler pour faire éclore les souvenirs et atténuer les douleurs de l’enfance

Mona est une jeune femme bien dans sa peau et dans sa vie. Elle a un métier qui lui plaît, elle est architecte, un mari amoureux, Paul est prêt à tout pour elle, trois enfants, et une vie pleinement heureuse et réussie. Mais lorsqu’elle s’inscrit à un cours de tai-chi, elle rencontre Vincent et immédiatement la relation entre eux est une évidence, comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

Cette rencontre que lui offre le hasard s’avère être non pas un éveil à l’amour ou un banal adultère, mais au contraire une confiance et une écoute qui lui permettent de s’éveiller à elle-même. Comme si Vincent lui permettait enfin d’ouvrir les vannes secrètes de l’enfance oubliée, des sentiments et du passé enfouis, la relation au père, l’indifférence de la mère, les douleurs jamais racontées, jamais exprimées, pas même verbalisées pour elle-même.

Alors il faut revenir en arrière, remonter trois générations, celles de Juifs séfarades qui chassés d’Espagne à la fin du XVe siècle ont émigré en Tunisie. Puis le départ de Tunisie des grands parents dans les années 60 pour arriver à Marseille. Enfin, la rencontre de ses parents,. Il faut cela pour comprendre l’enfance, la pauvreté, la douleur et l’incompréhension de la différence. Pour comprendre, sans forcément les accepter à la fois le père tyrannique et la mère à la dérive. Pour se désoler de ce que doivent faire les enfants sans percevoir la portée, l’influence sur leur vie future, le pouvoir de destruction massive de certains actes pourtant consentis lorsqu’ils sont réalisés par amour filial, par désir de plaire, encore et toujours.

Au fil des jours, Mona raconte, et avec les mots s’exprime la filiation si difficile, la relation au père, complexe, dévastatrice, ce pouvoir et cette pression psychologiques exercés pendant des années et qui peuvent être parfois plus destructeurs que les violences physiques, et pourtant, les violences physiques elles aussi sont extrêmes. A peine esquissée, la relation incestueuse est pourtant présente, prégnante, l’horreur absolue pour la petite fille. Si l’enfant a longtemps essayé de contenter le père en exécutant toutes les basses tâches qu’il lui confiait, l’adulte a aujourd’hui envie de savoir qui elle est au plus profond d’elle-même, quelle est sa vraie nature, son vrai moi.

C’est un roman fort, Mona n’est pas tendre avec elle même, mais les violences qu’elle a subies enfant ont laissé tellement de traces que seuls ces mots là peuvent en effacer la noirceur. Et si aller au bout des douleurs enfouies de l’enfance lui permettait enfin de savourer la réalité du bonheur présent, ququi elle victoire, quel beau chemin vers la résilience et l’acceptation de soi. Un roman sans tabou, sans jugement, qui écoute et dit, et qui fait réfléchir au temps qu’il faut pour enfin s’autoriser le bonheur quand l’enfance a été aussi dévastatrice.

Catalogue éditeur : Gallimard

« J’ai cru que l’événement de ces dernières semaines, c’était ma rencontre avec Vincent, mais sur ce chemin qui me menait à lui, j’ai retrouvé la mémoire. Et en ouvrant la trappe où j’avais jeté mes souvenirs, la petite est revenue, elle attendait, l’oreille collée à la porte de mon existence. »

Cette histoire nous entraîne sur les traces d’une femme, Mona, qu’une passion amoureuse renvoie à un passé occulté. Un passé fait de violence, à l’ombre d’une mère à la dérive et d’un père tyrannique, qui l’initiait au vol à l’étalage comme au mensonge.
Le silence, l’oubli et l’urgence d’en sortir hantent ce roman à la langue ciselée comme un joyau, qui charrie la mémoire familiale sur trois générations. De la Tunisie des années 1960 au Paris d’aujourd’hui, Une nuit après nous évoque la perte et l’irrémédiable, mais aussi la puissance du désir et de l’écriture.

256 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072926525 / Parution : 26-08-2021 / 19,00 €

La petite ritournelle de l’horreur, Cécile Cabanac

Un thriller qui tient ses promesses : addictif et glaçant

Lorsque Pio et Maria Achensa ont acheté la petite maison isolée dans les bois, c’était pour y abriter la famille, d’autant que Maria attend leur quatrième enfant et qu’ils ne sont pas bien riches, elle lui a donc demandé de faire le nécessaire pour les loger le mieux possible. Mais lorsque Pio a commencé à démolir les murs pour agrandir, l’horreur qu’il a découvert l’a laissé sans voix, tremblant, sonné.

Lorsque Sevran et Briolet arrivent sur place, un corps d’enfant est découvert, puis deux, puis trois. L’enquête s’annonce rapidement à la fois violente et difficile. Qui a bien pu cacher les cadavres ici, qui sont ces enfants, qui sont le ou les Meurtriers.

Une enquête qui démarre fort, des suspects, mais surtout des révélations qui montrent la violence et la noirceur dont peuvent être capables les hommes et le femmes.

Une famille d’accueil, des services sociaux défaillants car dépassés, des enfants placés que tout le monde a oublié et abandonné, des abus, des excès, rien ne sera épargné aux enquêteurs comme au lecteur.

Ce que j’ai aimé ?

Les personnages, crédibles, humains pour la plupart, surtout lorsqu’il s’agit des policiers mais pas seulement. Pour d’autres, la cruauté et la violence dont peuvent être capables les humains envers leurs semblables laisse parfois sans voix. Cette journaliste pas seulement caricaturale de ce que peut être la profession, mais bien plus humaine qu’il n’y paraît de prime abord, vient ajouter un peu de piquant à l’intrigue.

Mais aussi cette équipe d’enquêteurs aux caractères bien trempés, aux personnalités si différentes, qui me semblent représentatifs de la profession et du monde qui nous entoure.

C’est rythmé, aucun temps mort, l’alternance des chapitres qui donnent les points de vue des différents personnages accorde au lecteur quelques respirations bienvenues face à tant de noirceur. Si de nombreux thèmes difficiles sont abordés, la cohérence et l’attrait du roman sont indéniables.

Catalogue éditeur : Fleuve éditions

Un appel au cœur de la nuit. Des gyrophares qui tournoient dans l’obscurité. Une vieille bâtisse à l’abandon. Quand la commandant Virginie Sevran arrive sur les lieux, les techniciens de l’identité judiciaire sont déjà à l’œuvre à l’intérieur. Ils font face à l’insoutenable. À la noirceur de l’âme humaine. Au cadavre d’une gamine dissimulé derrière une cloison que le nouveau propriétaire tentait d’abattre.
Là, au milieu de la campagne francilienne, le silence est oppressant. L’angoisse monte. Et, bientôt, les murs confient deux autres corps aux policiers. Deux autres enfants… Rapidement, la sidération laisse place à une enquête éprouvante. Certainement la plus sordide de toutes celles auxquelles la commandant et son binôme, Pierre Biolet, ont été confrontés durant leurs carrières. Une seule certitude, personne ne ressortira indemne de cette affaire…

Native du Pays basque, Cécile Cabanac a travaillé en tant que journaliste reporter d’images chez TF1. Elle a intégré par la suite « Le Magazine de la santé », puis « Les Maternelles » comme chroniqueuse, réalisant en parallèle des documentaires pour France 5 et plusieurs numéros de « Faites entrer l’accusé ». Elle est l’auteur de deux romans parus chez Fleuve Éditions : Des poignards dans les sourires (2019) et Requiem pour un diamant (2020)

Date de parution : 13/01/2022 / 19.90 € / EAN : 9782265155244 / Nombre de pages : 480

Je suis l’abysse, Donato Carrisi

Un thriller efficace et haletant

Quel est le lien entre l’homme qui nettoyait, la fille à la mèche Violette et la chasseuse de mouches ? Qui est ce mystérieux Micky derrière la porte verte ?
Qui est cet enfant de cinq ans que sa mère entraîne dans la piscine de cet hôtel désaffecté ?
Qui est cet homme qui traque les femmes blondes jusque dans leurs maisons ?
Quel rapport entre ces femmes blondes qui disparaissent et cette jeune fille qui tente de mourir ?

Pour le savoir, il faut découvrir ce roman qui démarre sur les chapeaux de roues, à la fois sombre et dur, au suspense garanti. Certaines scènes sont à la limite du supportable, mais elles sont indispensables à la bonne compréhension des rôles de chacun des protagonistes. Les flash-back dans le passé de l’enfant en particulier permettent habilement au lecteur de commencer à échafauder sa propre théorie, mais il est bien difficile malgré tout de savoir jusqu’où l’auteur veut nous mener.

J’ai aimé le chassé croisé entre ces trois, quatre avec le mystérieux Micky, personnages aux parcours parallèles qui subtilement vont être amenés à se croiser. Peu à peu, leurs personnalités prennent forme, le passé de chacun se dévoile avec ses blessures, ses failles, ses rêves et ses désillusions.

Le mal, l’amour maternel, les origines, les troubles de la personnalité, la maltraitance, et de nombreux autres sujets y sont abordés sans que cela n’enlève quoi que ce soit à l’intensité, au rythme ou à l’intrigue.
Vous l’aurez compris, c’est ma première lecture de cet auteur et je suis totalement emballée.

Un roman traduit de l’italien par Anaïs Bouteille-Bokobza. Et lu par Benjamin Jungers, un acteur qui donne toute leur intensité aux différents personnages.

Catalogue éditeur : Audiolib, Calmann-Levy

L’homme qui nettoie rôde autour de nous.
Parmi nos déchets, il cherche des indices sur nos vies.
En particulier sur celles des femmes seules.
Une femme lui a fait beaucoup de mal enfant : sa mère.
La chasseuse de mouches, elle,
tente de sauver les femmes en péril.
Et elles sont nombreuses…
Surtout quand l’homme qui nettoie rôde autour d’elles.

EAN 9791035407513 / Prix du format physique 23,90€ / EAN numérique 9791035407377 Prix du format numérique 21,45€ / Date de parution 10/11/2021

Nickel boys, Colson Withehead

Même morts, les garçons étaient un problème

L’auteur nous entraîne en Floride. Elwood Curtis est un fervent partisan de Martin Luther King dont il écoute en boucle le message sur un disque offert par sa grand-mère. Abandonné par ses parents, élevé par cette dernière, c’est un élève sérieux qui va bientôt entrer à l’université.
Alors qu’il est sur le chemin de l’université, un malentendu va changer le cours de sa vie. Un malentendu, mais surtout une erreur judiciaire qui aurait sans doute été évitée s’il avait été blanc. Le voilà envoyé à la Nickel Academy. Là, noirs comme blancs doivent réapprendre les règles qui régissent la société, mais là comme ailleurs, il ne fait vraiment pas bon être né noir dans l’Amérique ségrégationniste de ces années 60. Elwood va l’apprendre à ses dépends, mais il sera fort heureusement épaulé dans cette longue descente aux enfers par Turner, son alter ego, avec qui il se prend d’amitié.

Cette institution doit remettre les jeunes garçons de 5 à 20 ans dans le droit chemin. Mais on se rend vite compte qu’à la Nickel Academy, les malfaisants et les tortionnaires ne sont pas forcément ceux qui sont enfermés. Les mots ne manquent pas pour décrire les lieux de douleur et de souffrance, voire de mort, qui menacent ces jeunes à chaque instant.

Le roman alterne la descente aux enfers des adolescents à la Nickel Academy, et le présent, lorsque Elwood se souvient de ces années de souffrance et d’espoir.

L’auteur une fois de plus s’inspire de faits réels pour explorer la déchirure et la blessure que portent en eux les noirs américains. Les lois raciales, la ségrégation, l’injustice subies par une partie de la population pour une question de couleur de peau semblent être à jamais des blessures inguérissables. Les évocations des conditions de détention de ces adolescents, la cruauté, le racisme et la corruption qui règnent dans l’institution semblent tellement inhumaines que l’on aurait du mal à y croire si l’on ne savait pas que l’intrigue a été inspirée à l’auteur par la Arthur G. Dozier School for Boys de Floride. Et qu’en 2010, des dizaines de corps ont été retrouvés sur le terrain de ce centre de redressement pour enfants et adolescents.

J’ai particulièrement aimé la version audio qui donne si bien corps aux différents personnages. L’écriture à la fois sobre et révoltée face à tant d’injustice et de violence est tout à fait adaptée à l’écoute de ce roman magistral et puissant. Et comme j’ai été totalement interpellée par l’épilogue, j’ai apprécié de pouvoir réécouter tout le début une fois arrivée à la fin…

Du même auteur on ne manquera pas de lire Underground Railroad, également paru chez Le Livre de Poche

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : livre audio Audiolib et Albin-Michel

Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.

Couronné en 2017 par le prix Pulitzer pour Underground Railroad puis en 2020 pour Nickel Boys, Colson Whitehead rejoint William Faulkner et John Updike parmi les très rares auteurs à avoir reçu deux fois cette consécration. S’inspirant de faits réels, il continue d’explorer l’inguérissable blessure raciale de l’Amérique et donne avec ce nouveau roman saisissant une sépulture littéraire à des centaines d’innocents, victimes de l’injustice du fait de leur couleur de peau.

Albin-Michel Prix : 19.90 € / 19 Août 2020 / 140mm x 205mm /272 pages / EAN13 : 9782226443038
Audiolib Date de parution : 14 Octobre 2020 Durée : 6h59

My Absolute Darling, Gabriel Tallent

Turtle, l’inoubliable héroïne d’un roman noir, très noir

Déjà lu lors de sa sortie sur ma liseuse, j’ai eu envie de découvrir à nouveau ce texte puissant, véritable roman d’apprentissage au pays de la violence intrafamiliale, dans cette version proposée par Audiolib et lue par Marie Bouvet.

Julia Alveston est élevée par son père Martin et son grand-père depuis la disparition de sa mère. Ils vivent en Californie, dans une maison isolée à l’écart de la ville. Trutle – que Martin appelle aussi Croquette, ou son Amour Absolu- apprend au contact de son père à survivre dans la forêt et sur des terres hostiles. Elle sait parfaitement manier les armes, les nettoyer, en prendre soin. Elle sait aussi profiter de la nature qui l’entoure pour se libérer de l’emprise de ce père toxique dont elle accepte avec terreur les égarements.

À l’école, tout est difficile pour cette gamine si peu sûre d’elle, et si certains professeurs tentent de l’aider, elle s’en méfie et rentre vite dans sa carapace protectrice. Il faut dire que Martin ne fait rien pour lui donner de l’assurance, lui qui tient tant à l’exclusivité de son Amour Absolu, sa Croquette sans qui il n’est rien et qu’il veut garder près de lui. Et si dans la ville on comprend sans doute un peu ce qu’il se passe, le silence et l’inaction semblent être le mot d’ordre pour une plus grande tranquillité de tous.

Pourtant Martin est aussi quelqu’un qui se pose des questions sur la vie, qui lit, pense, la philosophie l’intéresse, et c’est sans doute aussi cela qui le rend malgré tout humain. Mais l’émancipation de son Amour Absolu n’est pas une évidence, et Martin veille jalousement sur sa Croquette, celle qui lui appartient à jamais.

Jusqu’au jour où l’indomptable et sauvage Turtle croise la route de Jacob… Croquette est comme toute ado de son âge intriguée et intéressée par ce garçon qui la fascine et lui permet d’entrer dans le monde des vivants, ceux de l’école, des maison et des familles normales, de la vie, la vraie.

Le chemin vers la liberté sera long, difficile, violent et destructeur.

Quel roman, quel personnage… Si on a parfois du mal à y croire, la violence du père manipulateur à l’extrême et cette relation incestueuse culpabilisante est contre-balancée par cet amour absolu qu’il porte à sa fille, par ces échanges d’amour et de passion entre père et fille qui lui rendent une part d’humanité et empêchent sans doute le lecteur de le détester. La force de cette gamine, ses pensées, ses doutes, ses espoirs, sa grande fragilité aussi et ses désillusions en font un personnage hors norme et terriblement attachant. La relation ambiguë avec le père, la découverte de ce qui est mal ou bien, la font malgré tout avancer sur le chemin d’une forme de liberté durement gagnée.

L’auteur a mis plusieurs années pour écrire son roman, qui est certainement une œuvre bien singulière où le mal absolu côtoie l’amour le plus exclusif. L’atmosphère est angoissante et la violence indicible est omniprésente. La place de la nature, son importance, ce survivalisme qui impose à Turtle de savoir se défendre, seule, la violence, le mal, sont particulièrement bien restitués. Le lecteur vibre avec Turtle qui doute, aime, craint, espère et pleure enfin.

J’ai vraiment apprécié cette version audio, le fait de devoir faire des pauses permet de mieux accepter le climat de terreur et de violence qui transpire à chaque page. Et surtout, la voix de Marie Bouvet donne vie à Turtle, à ses émotions, ses doutes, sa force. Les autres personnages prennent vie, grâce à l’interprétation de cette lectrice que j’aimerai vraiment retrouver tant j’ai aimé sa lecture.

Catalogue éditeur : Gallmeister et Audiolib

À quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un pistolet pour seuls compagnons. Elle trouve refuge sur les plages et les îlots rocheux qu’elle parcourt sur des kilomètres. Mais si le monde extérieur s’ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous la coupe d’un père charismatique et abusif. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaye de percer sa carapace. Jusqu’au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu’elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d’échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.

Traduit par Laura Derajinski
Le livre audio est récompensé du Prix Audiolib 2019
Gallmeister ISBN 978-2-35178-168-5 / Parution le 01/03/2018 / 464 pages / 24,40 euros
Audiolib Prix : 25.90 € / Livre audio 2CD MP3 / EAN : 9782367627632

Un loup quelque part, Amélie Cordonnier

Mère amère, ce drôle de roman qui nous dit à quel point il est parfois difficile d’être mère

Il est né, ce divin enfant, le deuxième de ce couple uni et aimant. Ils sont déjà parents d’une petite Esther adorable et sans histoire, voilà qu’arrive un fils aimé et choyé. Enfin au moins jusqu’au jour de cette visite chez le pédiatre, lorsque sa mère découvre une tache bizarre sur le petit corps d’Alban. Et jour après jour, les marques se font plus nombreuses, la couleur de sa peau change. Car Alban s’avère être un bébé surprise, un bébé métis. Mais pourquoi ? Mais comment ?

Les découvertes et les révélations sont violentes et fracassante pour cette maman complétement perdue dans le silence de ses origines, dans ce secret enfin dévoilé qui bouleverse sa vie. Qui est-elle et d’où vient-elle ? Une fillette adoptée par des parents aimants. Par ce père devenu veuf qui se mure dans le silence et n’ose révéler ce lourd secret à sa fille au décès de son épouse. Anéanti par son chagrin, le père ne saura jamais lui dire d’où elle vient et tout cet amour qu’il lui porte, qu’ils lui ont porté à deux, lui faire comprendre tout le bonheur qu’ils ont eu de pouvoir élever cette enfant tant attendue.

Le silence est fracassant, la révélation déstabilisante, elle est face à cet enfant qu’elle ne reconnait pas, qu’elle hésite à aimer, à prendre dans ses bras, à accepter. La voilà plongée dans un immense désarroi, celui de réaliser qu’elle a été abandonnée à la naissance, puis le silence de son père, enfin la couleur de l’enfant, comment peut-elle vivre avec ça ? Mais elle a en même temps une réaction totalement démesurée, celle de cacher cet enfant que je ne saurais voir par tous les moyens, même les plus invraisemblables. Un peu trop peut-être, on a un peu de mal à y croire à ces accessoires, mais dans la réalité, on sait bien hélas que la maltraitance n’a pas de limite… surtout dans une famille un peu trop aveugle confrontée à cette mère désespérée.

Je retiens avant tout cette question importante soulevée ici par l’auteur : est-on mère d’office lorsque l’on a un enfant, ou le devient-on ? L’instinct maternel, une évidence ou une construction ? Aime-t-on son enfant dès qu’il parait comme on se plait à nous le répéter depuis si longtemps, ou doit-on là aussi s’apprivoiser l’un l’autre jusqu’à devenir mère. De belles questions qui restent sans réponse, mais qui interrogent intelligemment le lecteur.

S’il peut être difficile d’être mère, il est sans doute aussi parfois difficile d’être l’enfant différent. Ici, Alban est encore un bébé. Mais cette lecture m’a rappelé un souvenir d’enfance. Des voisins dont l’un des enfants était métis, le gène d’un ancêtre africain ayant sauté des générations. Il nous demandait toujours avec tristesse pourquoi sa mère ne le lavait pas autant que les autres. Les parents étaient déstabilisés et ne savaient pas trop comment le lui expliquer, mais l’amour des parents et de la fratrie était si fort et communicatif qu’en grandissant il a vite accepté sa différence.

On ne manquera pas de lire les chroniques de Nicole, du blog Motspourmots et de Joëlle Les livres de Joëlle

Si vous avez aimé ce roman, je vous conseille de découvrir aussi Amour propre, le superbe roman de Sylvie le Bihan. Elle a le mérite de poser cette question de l’instinct et du bonheur de la maternité quasi imposée aux femmes. Mais aussi à La résurrection de Joan Ashby, pour son approche iconoclaste de la maternité.

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois, session anniversaire 2020

Catalogue éditeur : Flammarion

« Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l’air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu’il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d’avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n’a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu’il venait d’acheter ? »

Que fait cette tâche, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu’elle s’étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu’elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part.

Avec une écriture aussi moderne qu’acérée, Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée de ne pas réussir à aimer son enfant et dont l’affolement devient de plus en plus inquiétant.

Paru le 11/03/2020 / 272 pages – 137 x 210 mm / ISBN : 9782081512757  / Prix : 19,00€

Les fleurs sauvages, Holly Ringland

Le parcours enchanteur et captivant d’Alice Hart à travers les lieux sauvages ou rêvés d’Australie


Dans une famille où l’on utilise plus aisément le langage des fleurs que la parole pour exprimer ses sentiments, Alice grandit au bord de la mer, entourée de ses parents et sans contact avec l’extérieur.
Sa mère aimante et fragile est passionnée par les fleurs et leur langage, Clem, ce père au caractère changeant peut devenir jaloux et très violent envers sa femme et sa fille. Alice voudrait tant qu’il disparaisse et rêve même de le voir tel un phœnix renaitre de ses cendres. Jusqu’au jour où ses parents décèdent dans l’incendie de leur maison.
Choquée, blessée, et même muette, la petite fille de neuf ans est recueillie par June, sa grand-mère paternelle dont elle ignorait jusqu’alors l’existence. elle l’emmène dans sa ferme horticole de Thornfield, là où se sont également réfugiées des femmes cabossées par la vie. Alice cherche en vain des réponses aux mystères et aux secrets de sa famille auprès de cette grand-mère qui ne lui dira pourtant jamais rien.
Au fil des ans Alice apprend le langage des fleurs, le seul qui permet à ces femmes de s’exprimer. Car de lourds secrets pèsent sur ses aïeules, des secrets dont le poids s’alourdit de génération en génération. Lorsqu’elle découvre qu’elle a été trahie, Alice quitte cette famille et cette vie qui la maintiennent hors du monde. Elle fuit dans le désert et coupe toute relation avec la ferme horticole, le seul moyen d’enfin réussir à se retrouver au cœur de sa propre histoire et de sa liberté enfin gagnée.

Secrètes, aimantes, blessées ou fortes, maternelles ou amantes, les vraies héroïnes de ce roman – en dehors des fleurs et de leur langage –  sont les femmes de la famille Hart et celles qui les entourent et parfois les protègent. S’ils n’ont pas vraiment le beau rôle, Alice saura malgré tout croiser la route d’hommes qui font figure d’exception et l’aideront sur le difficile chemin vers la résilience et le bonheur.

De nombreux thèmes sont abordés par Holly Ringland. En particulier ceux de la famille et sa complexité, du poids de la jalousie, de la solitude et du deuil. Elle aborde aussi le difficile sujet des violences faites aux femmes, de façon terriblement lucide, en particulier lorsque la passion amoureuse leur fait accepter l’inacceptable. Sans jamais juger, elle pose là des situations difficiles qui nous amènent à nous interroger sans pour autant trouver de réponse universelle.

Grâce à Alice, nous voyageons d’un bout à l’autre de ce pays continent. Chaque chapitre commence par un superbe dessin et par le nom et l’explication d’une fleur endémique d’Australie, sa signification en langage des fleurs ayant à chaque fois un rapport avec le dit chapitre. L’auteur nous transporte par son écriture et ses descriptions dans des paysages magiques, en nous permettant d’en voir la beauté et quasiment d’en sentir les parfums. Non seulement dans ces régions qui font la beauté et l’attrait de l’Australie mais aussi dans ceux tout droit sorti de son imagination. Comme ce cratère dans le désert devenu le Parc national de Kililpitjara. Il est inspiré à la fois par la beauté de la floraison et par l’endurance des pois du désert et par le cratère de Wolfe Creek au cœur du parc national du cratère de Wolfe Creek dans l’État d’Australie-Occidentale. A Kililpitjara fleurissent ces merveilleux pois du désert symbolisant le courage de ces femmes. Que l’on aimerait aller le visiter tant elle a su lui donner corps et vie, on le souhaiterait réel tant il semble beau.

Un roman de résilience avec ces beaux portraits de femmes, de vie et de passion, à glisser dans votre valise cet été !

J’avais eu le bonheur de rencontrer Holly Ringland à l’ambassade d’Australie pour le lancement du roman, je suis très heureuse qu’il soit mis en avant dans cette sélection.

Catalogue éditeur : Fayard/Mazarine et Le Livre de Poche

Traduit de l’anglais (Australie) par Anne Damour

Lorsqu’une tragédie change à jamais sa vie, la jeune Alice Hart, âgée de neuf ans, part vivre chez sa grand-mère, qu’elle ne connaît pas. Quittant le bord de l’océan où elle a grandi, elle trouve refuge dans la ferme horticole de June, où celle-ci cultive des fleurs sauvages d’Australie. Au fil du temps, Alice oublie les démons du passé et apprend à perpétuer la tradition familiale en utilisant le langage des fleurs pour remplacer les mots lorsqu’ils se font trop douloureux. Mais l’histoire des Hart est hantée par de nombreux secrets que June cache à sa petite-fille. Une fois adulte, révoltée par ce silence et trahie par celles qui lui sont le plus chères, Alice se rend compte qu’il y a des choses que les fleurs seules ne peuvent raconter. Si elle veut être libre, elle doit partir.

Holly Ringland est une auteure australienne. Après avoir travaillé quatre ans au sein d’une communauté aborigène perdue dans le désert australien, elle a déménagé en Angleterre où elle a obtenu un master d’écriture créative. Les fleurs sauvages est son premier roman. 

512 pages / Date de parution: 10/06/2020 / EAN : 9782253101758 / Prix : 8,70€

Voix sans issue, Marlène Tissot

Des Voix bouleversantes et poétiques pour dire la souffrance et l’amour, un roman fort en émotion

Mary entend des voix qui lui parlent sans cesse, pas seulement celle de son doudou quand elle était petite, mais de nombreuses autres qui lui disent ce qui est bien ou mal. Il faut dire que Mary, on le comprend vite, a appris le silence lorsque son père venait lui dire bonne nuit, soir après soir, sa main sur sa bouche pour qu’elle se taise pendant qu’il cherchait tout au fond d’elle. Pendant que sa mère restait assise devant la télé pour ne rien voir, ne rien entendre. Mary a fui ce couple toxique. Aujourd’hui, coiffeuse dans une petite ville, fragile encore, elle essaie de se reconstruire. Mary la lumineuse, légère et tourbillonnante, entre folie et résignation, entre envie de vivre et désespoir, joyeuse parfois, aussi sereine qu’inquiète à d’autres moments.

Franck est grand, athlétique, ni beau ni laid, gardien de nuit au cimetière. Il est un peu désespéré de voir que personne, pas même la caissière, ne lui sourit jamais. Franck heureux lorsque le vieux Joseph lui allume le chauffage dans le réduit où il va passer la nuit. Heureux qu’on ait pour lui des attentions, lui qui n’a jamais connu l’amour d’une mère ni celui d’un père. Car de père il n’en a pas, en tout cas sa mère ne lui en a rien dit. Et de sa mère, si douce et aimable en dehors du foyer, combien de coups a-t-il reçu, combien de mots, de violence, combien de douleurs impossibles à oublier et qui vous détruisent à jamais.

Jusqu’au soir où, sans savoir comment, Mary téléphone à Franck pour qu’il l’aide… Une rencontre entre deux écorchés de la vie pour un nouveau départ ?

Un roman pour dire la douleur et la violence, pour dire le silence des mères, leur fuite devant les responsabilités, leur violence aussi. Pour dire la souffrance face à un père pédophile incestueux ; pour dire la fuite, la reconstruction maladroite, le courage d’affronter sa vie en quittant les siens, seul face à ces voix qui vous hantent, face à ses souvenirs, à sa détresse, mais armé de courage pour avancer, craintif, maladroit, méfiant, plein d’espoir pourtant.

Le roman sensible et délicat alterne les points de vue des deux personnages, leur désespérance, leurs interrogations, leur courage pour affronter ces tourments intérieurs qui les détruisent depuis tant d’années. Terriblement émouvant, fort, au langage direct et très poétique, presque solaire, grâce au sourire de Mary, à l’espoir qui se dessine, à leur volonté d’avancer et de sortir de cette nuit profonde.

Catalogue éditeur : Au Diable Vauvert

“Je n’ai jamais su dire non. Si j’avais été une planche posée sur la mer et qu’on m’avait interdit de flotter, je me serais transformée en caillou pour être capable de couler. Je me suis peut-être noyée au fond de moi.”

Marlène Tissot vit à Valence. Elle a publié poésie, textes cours et nouvelles radiophoniques et a été primée par France Culture en 2019. Voix sans issue est son deuxième roman.

Format : 130 X 198 / Date de parution : 2020-03-19 / Nombres de pages : 272 / EAN-ISBN : 979-10-307-0347-4 / Existe en format numérique

Suzanne, Frédéric Pommier

Suzanne, un roman indispensable, récit tendre et émouvant d’une vie et de la fin de vie dans un Ehpad

Suzanne est née en 1922, autant dire il y a un siècle, dans une famille relativement aisée, sur les hauteurs de sainte Adresse, le quartier huppé du Havre. Ses parents se sont connus pendant la première guerre mondiale. Un père aimant mais bien trop absent, une mère égoïste qui lui montre si peu d’amour et qui est très exigeante envers sa fille.  Elle grandit en sagesse, douée à l’école, plutôt jolie. Elle épouse Pierre, une vie de couple sereine, des enfants, des filles surtout puisque leur fils meurt au berceau. Une vie somme toute heureuse et qui n’a rien de très extraordinaire, si ce n’est le confort et l’amour et les sentiments chaleureux partagés par tous y compris dans les épreuves. Suzanne, une femme libre, active, qui aime le sport, la culture, la vitesse dans sa voiture, sa liberté et les voyages.

Mais aujourd’hui, parce qu’elle ne peut plus vivre seule ni même dans son petit appartement dans la maison de retraite, Suzanne a été placée dans un Ehpad. S’il paraissait correct lors du premier rendez-vous, en fait il a tout d’un mouroir où le manque criant de personnel et la mauvaise gestion (enfin, mauvaise ça dépend pour qui) fait que les personnes placées-là ne mangent pas à leur faim, ne sont ni soignées ni accompagnées correctement, où humiliations, maltraitances, vols, sont devenus son quotidien. Un grand réalisme dans les descriptions du personnel, une jeune plus intéressée par son portable, trop pressés pour faire les toilettes, les soins minuteur en main, pas le temps de réparer le rideau, qu’importe, une vieille dame, ça reste plusieurs jours dans le noir.  Et difficile aussi, quand vous ne pouvez plus vous mouvoir mais que votre tête est bien là, de supporter la déchéance des coreligionnaires, l’un perdant la tête, l’autre violent.

Il y a deux niveaux de récit dans cet émouvant roman. Les souvenirs de Suzanne, égrenés de façon assez factuelle, des phrases et paragraphes assez courts, rythmés, il faut dire que tant d’années, on ne peut pas trop s’y appesantir, et après tout, elles n’ont rien de particulièrement extraordinaire en soi. Puis la vie dans l’Ehpad, la solitude, le manque de soin, de réponse aux appels au secours par les aides ou les soignants, l’abandon, la dureté des mots, des gestes de certains, racontés par Suzanne qui n’en peut plus de survivre là. Puis racontée par le petit-fils de Suzanne, qui vient la voir, l’aide à reprendre vie.

Il y a beaucoup de sentiments, mais surtout une vision réaliste de la vieillesse, ce triste naufrage, du temps qui passe, amis, famille, relations que l’on enterre peu à peu. Il y a la solitude de celui ou celle qui reste, la maladie, le handicap. L’aide qu’il faut accepter mais qui ne vient plus de la famille, trop occupée à mener à son tour sa propre vie, avec enfants, travail, toutes ces occupations qui nous prennent tant et nous privent du nécessaire, voir et accompagner ceux qui nous précédent.

J’ai aimé le style, la narration, et la prise de conscience que cela implique d’abord d’écrire, puis sans doute de lire et d’entendre tout ce que nous dit ce roman.  Chacun doit être attentif au fait que la vieillesse d’abord, puis la prise en charge de ceux qui autour de nous ont passé l’âge d’être seul, est un vrai sujet de société. Difficile de faire sans, indispensable d’y penser, parfois tragique  quand les solutions ne sont pas humaines.

Catalogue éditeur : Equateurs et Pocket

Suzanne est ma grand-mère, ou la vôtre. Suzanne est un symbole. Du haut de ses 95 ans, elle en a des choses à dire. Toute une vie bien remplie, dans la guerre ou la paix, dans les deuils ou la joie. Bébé, petite fille, adolescente, jeune mariée, femme, mère et maintenant vieille dame, elle raconte à son petit-fils ses souvenirs, mais aussi son quotidien. Elle lui dit que jamais elle n’a dérogé à son principe « SQM », Sourire Quand Même. Et ce n’est pas toujours simple. Surtout ces derniers temps. Alors elle veut du champagne, pour trinquer au temps qui passe, et au temps qui reste.
Sous la plume de Frédéric Pommier, entre rires et larmes, Suzanne devient une déclaration d’amour, une ode au respect, un plaidoyer pour faire de la vie une fête. SQM.

Frédéric Pommier est journaliste à France Inter. Il signe ici son premier roman.

Prix : 6.95 €  / EAN : 9782266293204 / Pages : 216 / Format : 108 x 177 mm / Parution : 02/01/2020
Équateur : 236 pages / 19.00 € / parution : 18 octobre 2018 / ISBN : 9782849905708

Furie, Grazyna Plebanek

Puissant comme les poings serrés de Mohamed Ali, violent comme le racisme, émouvant comme la vie de la jeune Alia, rythmé comme la voix de Furie, un roman qui marque ses lecteurs

Le Belgique et le Congo, c’est une histoire d’amour et de haine, une histoire de colonies qui va du Congo Belge au Congo d’aujourd’hui. Quand la famille d’Alia arrive à Bruxelles dans les années 80, c’est dans les bagages de Bastien qui quitte Kinshasa pour rentrer chez lui.

Dans cette famille il y a Eddy, le père qui est chauffeur de maitre, ou de maitresses, c’est selon. Eddy le conteur, le griot, qui aime la palabre et le contact avec ceux qui l’écoutent, mais qui s’étiole en Belgique. Jusqu’au jour où il rentre à Kinshasa pour quelques jours, et oublie de revenir, laissant sur la touche femme et enfants, y compris Riva, ce petit dernier qui s’annonce alors qu’il vient de les quitter.

Il y aussi Fourmi, collée devant l’écran de télévision à regarder chaque jour des séries. C’est Alia qui a la charge de l’éducation de son frère Joe. Il faut dire que là-bas, c’est Fourmi qui devait s’occuper de tous les enfants que son père a eu avec ses autres épouses, alors elle en a soupé et ne veut plus travailler.

Il y a Alia, la forte, la fille de son père, prénommée d’après Mohamed Ali, son idole, et qu’il va initier à la boxe, avec ce sac suspendu dans l’entrée et sur lequel elle frappe, frappe encore. Comme une violence contenue qui doit exploser, comme un appel au secours peut-être, face au racisme, à la difficulté d’être noire dans un pays de blancs, d’être fille aussi dans une cité difficile. Elle a des rêves Alia, que ses frères réussissent, que sa mère travaille, faire de la boxe, et surtout rentrer dans la police. Elle a du courage aussi, de la pugnacité et de la suite dans les idées. Alors malgré la violence, le racisme ambiant, elle devient celle quelle rêvait d’être, policière dans un monde d’hommes, violent, raciste, délétère.

Prenant prétexte de nous conter Alia et ses rêves, Grazyna Plebanek explore l’histoire récente de la Belgique. Elle insère ses personnages dans la réalité de ces années-là, celles des tristement célèbres Tueurs du Brabant, de cette période incroyable d’un pays sans gouvernement, on se souvient des conflits sans fin entre les deux communautés linguistiques que sont les Flamands et les Wallons. C’est puissant et violent, un étonnant roman qui dérange et dont on se souvient longtemps il me semble.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2020

Catalogue éditeur : Le Livre de Poche et Éditions Emmanuelle Collas

Congolaise originaire de Kinshasa, Alia a cinq ans quand elle arrive à Bruxelles. C’est un nouveau monde, hostile, que découvre la petite fille. Son père, un fan de Mohamed Ali, l’initie à la boxe, qui devient pour elle le moyen de réprimer sa colère.
Devenue adulte, elle entre dans la police. Mais c’est un milieu machiste, et où une majorité de ses collègues sont atteints par un racisme viscéral. Car s’ils acceptent la jeune femme comme l’une des leurs, ils veulent éliminer les migrants, qu’ils torturent grâce à une milice de policiers qui ne sont pas d’origine belge. Débarrasser le pays des étrangers grâce aux étrangers, tel est le but de cette organisation. Et Alia en fait partie.
Pour s’imposer dans ce jeu de pouvoir, elle va commettre l’irréparable.

Avec Furie, l’écrivaine Grayna Plebanek nous offre un livre puissant et un inoubliable portrait de femme.

Un roman écrit avec maîtrise par l’une des nouvelles voix les plus originales des lettres polonaises. Alain Mabanckou.

Grayna Plebanek est écrivaine, feuilletoniste et boxeuse. Née en Pologne, elle est diplômée en philologie polonaise et anthropologie culturelle. Elle est l’auteure de plusieurs bestsellers en Pologne, traduits en Angleterre, aux États-Unis et au Canada. Furie est son premier roman traduit en français. Elle vit à Bruxelles depuis 2005. 

Traduit du polonais par Cécile Bocianowski.

432 pages / Parution : 29/01/2020 / EAN : 9782253934417 / Prix : 8,20€