Maritimes, Sylvie Tanette

Une île comme refuge, une île comme tombeau

Un conte, une fable, un court roman qui sait dire en peu de mots l’amour et la mort, la guerre et le fascisme, la vie et la tragédie.

Sur l’île, hommes et femmes vivent heureux et libres, même s’ils ont bien compris que sur la terre si proche les temps ont changé et la liberté est un mot galvaudé.

Le jour où Benjamin accoste, les regards sont d’abord inquisiteurs, puis très vite solidaires et amicaux. Car tout le monde l’aime ce jeune homme arrivé de nulle part, enfin, de cette terre inhospitalière si proche. Tout le monde comprend qu’il ne faut pas trop poser de question, qu’il faut accepter ou rejeter, mais qu’ensuite il n’y aura plus le choix. Alors on l’accepte avec ses secrets, avec son sourire, avec sa force, son sens du partage, son courage, sa volonté. Tout comme Michaëla d’ailleurs, qui très vite le rejoint en secret pour vivre avec lui sa plus belle histoire… enfin, si les hommes de là-bas ne le rattrapent pas, si la liberté existe, et si les hommes et les femmes libres ont le droit de s’aimer.

Dans ce très court et émouvant roman, Sylvie Tanette, dont j’avais déjà apprécié Un jardin en Australie, nous offre dans un registre différent un superbe texte toujours empreint d’une grande humanité.

Catalogue éditeur : Grasset

Une île perdue en Méditerranée. Des collines, des oliveraies et, au fond d’une crique rocheuse, un village paisible avec son port minuscule. Depuis toujours, sa poignée d’habitants se tient à distance du continent… Ils racontent que de mystérieuses créatures marines veillent sur eux.
Assis sur un banc face à la mer, un vieillard se souvient. C’était l’époque de la dictature. Un jour, un jeune inconnu à l’allure de dieu grec, Benjamin, avait débarqué sur l’île.  Il était en fuite, tous s’en doutaient mais nul, jamais, ne lui a demandé de comptes. Benjamin s’est installé dans une maison en ruine, sur un promontoire isolé où bientôt le rejoint Michaëla, fille de l’île et de la mer. Mais la haine qui ravage un continent peut frapper un bout de terre qui se croit à l’abri du monde.
Une puissante histoire de résistance et d’indocilité qui est aussi un appel à l’attention envers la nature et à la force de la fraternité. L’évocation poétique et solaire d’une mythologie méditerranéenne éternelle et celle d’une mémoire chargée de chagrin. On n’oubliera pas la vision de Michaëla et Benjamin, de leur amour éperdu, fracassé par l’horreur de la dictature. 

120 x 185 mm / Pages : 120 / EAN : 9782246825623 prix 14.00€ / EAN numérique : 9782246825630 prix 9.99€ / paru le 12 Mai 2021

Le passeur, Stéphanie Coste

Passeur de rêves, passeur de vie, un roman bouleversant et indispensable

Ce sera la dernière traversée de l’année, ensuite, il faudra attendre le printemps. Aussi les candidats au départ sont-ils particulièrement nombreux, cantonnés sous de fortes chaleurs dans les entrepôts de Seyoum, sur la côte libyenne. Car loin d’être un voyage d’agrément, cette traversée est le dernier espoir de ceux qui tentent d’atteindre les côtes de l’Europe, et tout d’abord Lampedusa, pour quitter cette terre d’Afrique trop inhospitalière.

Ils ont payé le prix fort aux hommes qui les ont conduit jusque ici depuis l’Éthiopie, le Soudan ou l’Érythrée. Et Seyoum est comme tant d’autres, un passeur de vies. De ces hommes qui font fortune sur la misère des autres. Sans hésiter, il sait user de violence pour se faire respecter. Est-il sans pitié, cet homme qui s’enrichit sur la peur et le désespoir de ses congénères ? D’où viennent ces angoisses qu’il calme avec des doses de Khat et de gin dans cette chambre où il traîne sa misère dans la profondeur et la noirceur de la nuit.

Peu à peu, alors que le dernier chargement d’érythréens vient d’arriver, le passé de Seyoum se dévoile, sombre et meurtri. Car lui aussi est arrivé de ce pays voilà déjà dix ans. La vie familiale heureuse à Asmara, son amour naissant pour Madiha, puis la révolution, la peur, les arrestations et les exécutions, l’embrigadement dans les camps de travail, les tortures, et la fuite, seul. Il se nourrit aujourd’hui de son propre passé, de ses peurs les plus profondes, de ses plaies à vif qui se réveillent en cette ultime nuit.

En deux époques pour conter la vie et la misère de ses différents protagonistes, Libye 2015, Érythrée, de 1993 à 2005, Stéphanie Coste déroule une partie infime de l’histoire politique de l’Afrique. Le désespoir de ceux qui donnent tout, en prenant le risque assumé de perdre leur vie en mer, pour quitter leurs terres et vivre leur rêve de l’autre côté de la méditerranée. Cette mer devenue le tombeau de trop nombreux candidats à l’exil.

Une lecture particulièrement intéressante qui nous donne une vision depuis l’intérieur du monde des passeurs, de ces guerres d’intérêts financiers qui règnent sur les rives libyennes, pour amener jusqu’à nos côtes les migrants qui tentent de réaliser leurs rêves de vie meilleure. Mais lecture émouvante et dérangeante aussi quand elle nous présente des hommes qui ne sont pas des héros, ni totalement bons ni totalement mauvais. La malchance, le sort, le passé, le destin, sont venus se mettre en travers de leur route pour contrecarrer leurs rêves d’avenir et les obliger à en avoir d’autres, plus loin, plus compliqués, plus aléatoires. La détresse, la violence, l’espoir, sont là pour nous dire les drames qui se nouent à quelques encablures de nos côtes, pas bien loin de notre confort quotidien, confinés mais en toute sécurité.

En lisant Le passeur on ne peut s’empêcher de penser au roman magistral d’Olivier Norek Entre deux mondes mais aussi au court recueil de Khaled Hosseini publié pour venir en aide aux migrants Une prière à la mer

Catalogue éditeur : Gallimard

Quand on a fait, comme le dit Seyoum avec cynisme, « de l’espoir son fonds de commerce », qu’on est devenu l’un des plus gros passeurs de la côte libyenne, et qu’on a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool, est-on encore capable d’humanité ?
C’est toute la question qui se pose lorsque arrive un énième convoi rempli de candidats désespérés à la traversée. Avec ce convoi particulier remonte soudain tout son passé : sa famille détruite par la dictature en Érythrée, l’embrigadement forcé dans le camp de Sawa, les scènes de torture, la fuite, l’emprisonnement, son amour perdu…
À travers les destins croisés de ces migrants et de leur bourreau, Stéphanie Coste dresse une grande fresque de l’histoire d’un continent meurtri. Son écriture d’une force inouïe, taillée à la serpe, dans un rythme haletant nous entraîne au plus profond de la folie des hommes.

136 pages, 140 x 205 mm / ISBN : 9782072904240 / Parution : 07-01-2021 / prix 12,50 €

Facéties et paysages contés en Pyrénées-Orientales, Caroline Chemarin

Arpenter les routes des Pyrénées-Orientales au fils des secrets et de l’imaginaire poétique de Caroline Chemarin

Voilà un joli recueil de contes qui nous entraine dans le sud-ouest de notre beau pays, du côté des Pyrénées que j’aime tant. Tout au long de dix-neuf « promenades » qui nous entrainent dans les Pyrénées-Orientales.

Chaque commune est ici prétexte à raconter une « promenade » qui mêle la nature, la faune ou la flore, le paysage ou la ville, la mer ou la côte de sable, l’architecture et l’art. En se basant sur les histoires qui se racontent le soir au coin du feu, ou pas d’ailleurs, l’auteur nous transporte dans un univers féérique fait de sirènes, de Néréides, de sorcières gentilles et de jeunes filles exigeants, mais aussi de gentils vignerons, de pauvre sculpteur, de fabricant de sandales ou même de pas de danse.

Les sentiments les plus divers tels que jalousie, peur, envie, désobéissance, ou au contraire fidélité, amour, pour ne citer qu’eux, sont présents. Ici les animaux, gentils, solidaires, malins, peureux ou voleurs, lapin, renard, Gypaètes, ours et huppes fasciées, isard aux cornes d’or, viennent aussi nous rendre visite pour notre plus grand bonheur.

C’est un vrai plaisir de lire ces contes à l’écriture aussi poétique que chantante. A noter également que certains contes sont illustrés de jolis dessins de l’auteur. J’ai aimé tourner les pages, courir d’un bout à l’autre du département, de ses côtes maritimes jusqu’aux montagnes, de Collioure à Prats-de-Mollo-La Preste (cette ville située à la fin de la route dans la montagne, où ma mère a fait tant de séjours de cure et qui me paraissait au bout du monde). Je crois que je ne regarderai plus certains paysages de la même façon.

J’avais rencontré Caroline Chemarin au salon du Livre de paris, l’an dernier, et j’avais été intriguée par ses jolis recueils de contes bilingues à destination des tout-petits. Mais il n’était pas facile d’imaginer les faire lire à mes petits-enfants. Alors c’est une joie de découvrir ce recueil-là, qui parle d’une région que j’aime et qui associe l’universalité du conte, le rythme et la qualité de la narration avec le plaisir de pouvoir lire à voix haute.

Catalogue éditeur : Les Presses Littéraires

Nous avons appris à poser sur le territoire l’œil géographique et le regard historique. Nous savons qu’il peut être appréhendé de façons multiples par le géomètre, le géologue, le botaniste, le zoologue mais… Livre-t-il pour autant tous ses trésors ? Ne percevez-vous pas l’ombre de tout ce qu’il cache encore ?
Quel est le terrible secret qui lie la huppe fasciée au vigneron ? Comment le peintre désobéissant créa-t-il les cerises ? Par quelle ruse Sire Chat parvint-il à sauver tous ses compagnons du bûcher ? De quelle façon le roi philosophe éloigna-t-il le chaos du Canigou ? Connaissez-vous le tout petit Desman ? Pour quelle raison n’a-t-on jamais retrouvé le temple de Vénus bâti à Port-Vendres ?
Un paysage qui regorge de merveilles suscite mille questions.
Arpentez les routes des Pyrénées Orientales, perdez-vous sur les sentiers et remontez les fleuves jusqu’aux sources cachées : elles sont très bavardes pour peu qu’on fasse mine de les écouter.

Comme elles, les « Facéties » murmurent, courent et serpentent à travers les imaginaires successifs qui ont nourri et enrichi notre département. Elles en racontent les paysages, dévoilent certains de leurs secrets et nous invitent à poser un œil nouveau sur le monde qui nous entoure.

ISBN : 979-10-310-0734-2 / 16 X 24, 132 pages / Prix 13,00 €