Crazy Brave, Joy Harjo

L’étonnant parcours de vie et de spiritualité de Joy harjo, poétesse native américaine issue de la nation Muskogees

Crazy, ou Brave ?  Native américaine issue d’une mère à moitié Cherokee et d’un père Creek, Joy Harjo, poétesse renommée vit à Tulsa, en Oklahoma. Son parcours est semblable à celui de nombreuses femmes des tribus indiennes américaines, déplacées, parquées dans les réserves, mal mariées, puis divorcées, ayant eu pour mari des indiens alcooliques et violents. Elle a réussi à s’en sortir, et à trouver en elle ce qui fait la force des nations indiennes, la spiritualité, la connexion avec la terre et les âmes des ancêtres, une autre façon de voir et de sentir les autres, la vie, l’avenir.

Tout au long de cet émouvant récit, Joy Harjo raconte sa vie, l’enfance heureuse d’abord, puis la relation avec sa mère après le départ du père volage et alcoolique. Et enfin le remariage de cette dernière avec un blanc et le calvaire enduré par la famille avec ce beau père abusif, violent, manipulateur. Viennent rapidement les violences intrafamiliales qu’il faut accepter car elle ne pèse pas lourd même encore aujourd’hui la parole d’un indien face à un blanc. Ce beau père qui n’accepterait pas d’être quitté par sa femme, au risque de se venger sur la famille. L’enfant, puis l’adolescente se rebelle parfois, tente de soutenir la mère, de s’émanciper de cette autorité malfaisante et destructrice.

Vient ensuite le départ, d’abord pour l’Institute of American Indian Arts de Santa Fe, au nouveau Mexique, école où se retrouvent les jeunes indiens qui partagent un art, des coutumes, mais aussi des rêves de futur communs. Elle y développe ses talents d’artiste, écrivain et musicienne. Alors que dans l’école classique, les visions, la relation à la terre, à la nature, aux ancêtres, que possède Joy Harjo ne convenaient pas aux conventions et à l’univers dans lequel elle évoluait. Vient ensuite l’amour, un enfant alors qu‘elle est encore adolescente, et l’admission à l’Université du nouveau Mexique. Deux fois mariée puis deux fois divorcée, elle vit aujourd’hui de son art, la poésie devient son univers.

Laissant enfin libre cours à son don pour la musique puis pour la poésie Joy Harjo entretient une relation profonde et intime avec les êtres qui l’ont précédée, avec la nature qui l’entoure, entrant en communion avec la terre pour avancer en faisant preuve d’une grande spiritualité. C’est son départ du milieu familial qui a permis son émancipation, l’acceptation puis le développement de ses dons. Elle est en contact avec les ancêtres comme si elle était déjà là bien avant sa naissance, comme si ces visions pouvaient l’aider à vivre le présent. Elle a toujours su quelle était sur terre pour raconter l’histoire de son peuple, cette histoire qu’elle vit et qu’elle exprime dans son art, la poésie pour laquelle elle a reçu de nombreux prix et hommages. Elle et a été nommée U.S. poet laureate en juin 2019.

Le texte, par ailleurs passionnant, est entrecoupé de poèmes de l’auteur. C’est un récit particulièrement émouvant qui nous présente une femme au parcours singulier et atypique.

On ne manquera pas de visiter son site : Joy Harjo

Catalogue éditeur : Globe

Crazy. Folle. Oui, elle doit être folle, cette enfant qui croit que les songes guérissent les maladies et les blessures, et qu’un esprit la guide. Folle, cette jeune fille de l’Oklahoma qui se lance à corps perdu dans le théâtre, la peinture, la poésie et la musique pour sortir de ses crises de panique. Folle à lier, cette Indienne qui ne se contente pas de ce qu’elle peut espérer de mieux : une vie de femme battue et de mère au foyer.
Brave. Courageux. Oui, c’est courageux de ne tenir rigueur à aucun de ceux qui se sont escrimés à vous casser, à vous empêcher, à vous dénaturer. De répondre aux coups et aux brimades par un long chant inspiré. D’appliquer l’enseignement des Ancêtres selon lequel sagesse et compassion valent mieux que colère, honte et amertume.
Crazy Brave. Oui, le parcours existentiel de Joy Harjo est d’une bravoure folle. Comme si les guerres indiennes n’étaient pas finies, elle a dû mener la sienne. Une guerre de beauté contre la violence. Une guerre d’amitié pour les ennemis. Et elle en sort victorieuse, debout, fière comme l’étaient ses ancêtres, pétrie de compassion pour le monde. Les terres volées aux Indiens existent dans un autre univers, un autre temps. Elle y danse, et chacun de ses pas les restaure.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nelcya Delanoë et Joëlle Rostkowski

15 × 22,5 cm / 176 pages / 19 € / 978-2-211-30665-2 / Parution : 22 janvier 2020

John Ford et les Indiens, Arnaud Balvay et Nicolas Cabos

Un livre passionnant pour comprendre pourquoi Monument Valley est le « lucky spot » de John Ford et son attachement aux tribus indiennes

Mes plus grands souvenirs de voyages sont ceux que j’ai faits en  1976, puis en 80, aux États Unis, que j’ai traversés d’est en ouest, pour rester deux mois en Arizona et Californie. J’ai toujours en mémoire les visites aux réserves Navajos et les quelques contacts avec les indiens qui à l’époque tenaient quelques boutiques en particulier celles vendant alcool ou carburant, en plus des incontournables boutiques à souvenirs. Tout le monde, ou presque,  se souvient des westerns de John Ford, vus et revus au cinéma puis à la télévision, dans lesquels les indiens ont une place importante.

Aussi quand Babelio et Séguier ont proposé ce livre, « John Ford et les Indiens » d’Arnaud Balvay et Nicolas Cabos, je n’ai pas hésité. Si je ne suis pas une cinéphile avertie, j’ai cependant beaucoup apprécié ce livre, particulièrement bien documenté, organisé en différentes parties, et qui nous présente John Ford et son attachement aux tribus Navajos et à certains indiens en particulier, qu’il a bien souvent fait tourner dans ses films.

Au fil des pages, on découvre l’évolution du rôle des indiens dans les films de John Ford, de figurants quasi insignifiants jouant à la perfection le rôle qui leur est imposé, à celui, au fil des films, de leur véritable rôle dans l’Histoire, et l’attachement et la considération du cinéaste à leur égard se retrouve également dans la considération des navajo envers John Ford. Devenu membre honoraire de leur tribu en 1955. On comprend aussi comment Monument Valley devient le « lucky spot » qui porte chance au réalisateur. John Ford prendra un plaisir certain à tourner en toute liberté sur la terre Navajo que les spectateurs découvrent alors avec bonheur.

Cependant, si le rôle des Navajos évolue au fil des films, leurs noms n’apparaissent toujours pas dans les génériques, l’évolution de la société n’est pas forcément  en phase avec l’évolution du cinéaste. Mais il me semble que c’est notre regard actuel qui nous fait dire cela, et qu’il est toujours très difficile de se replacer concrètement dans le passé.

Si vous aimez les westerns, et si vous avez la curiosité de mieux comprendre une époque, vous serez aussi séduits que moi par ce superbe livre. Textes et photos se mêlent étroitement aux souvenirs pour mieux comprendre une Histoire. C’est assurément un livre que l’on a envie de feuilleter, de poser sur une table et de reprendre régulièrement, de parcourir au hasard, ou de lire assidument, tout est possible. Les photos qui ponctuent les chapitres sont superbes, j’en aurai presque souhaité un peu plus !

Catalogue éditeur : Éditions Séguier 

John Ford et les Indiens, c’est l’histoire d’une rencontre.
En 1938, alors qu’il est à la recherche d’un lieu pour tourner La Chevauchée fantastique, qui va relancer le western, John Ford découvre Monument Valley et ses habitants : les Indiens Navajos.
Après ce premier contact, Ford et les Navajos s’illustrent chacun de leur côté pendant la Seconde guerre mondiale avant de se retrouver en 1946 pour La Poursuite infernale. Jusqu’à la fin de sa vie, en 1973, John Ford tournera sept autres films avec les Navajos.
Au cours de ces trois décennies, le réalisateur et les Amérindiens ne cesseront de se découvrir mutuellement et noueront des liens forts et durables. Ces relations feront évoluer les conceptions de Ford au sujet des « Native Americans », modifieront sa façon de les filmer et amélioreront pour un temps la vie matérielle des Navajos.
En s’appuyant sur les archives du réalisateur et des témoignages inédits, le livre raconte cet âge d’or vu des « deux côtés de l’épopée » comme disait Ford.

Arnaud Balvay est docteur en histoire, spécialiste de l’Amérique du Nord et des Amérindiens. Il a publié plusieurs articles et ouvrages spécialisés (L’Épée et la plume. Amérindiens et soldats des troupes de la marine en Louisiane et au Pays d’en Haut (1683-1763), Québec, 2006 ; La Révolte des Natchez, Paris, 2008). Depuis près de vingt ans, il entretient des relations avec des amis navajos vivant à Phœnix, Flagstaff ou Kayenta.

Nicolas Cabos est professeur de cinéma, chroniqueur, scénariste, auteur dramatique et metteur en scène. Professeur à l’Ecole Supérieure de Gestion, il anime un cours de cinéphilie destiné à des étudiants en master de production audiovisuelle. Co-commissaire de l’exposition Le Cinéma à Saint-Cloud, le rêve et l’industrie, au Musée des Avelines de Saint-Cloud en 2012, il en a également co-signé le catalogue.

Prix: 21.00 € / Parution : 19/03/2015 / ISBN : 9782840496892 / Format : 15×21 cm 300 pages