Aulus, Zoé Cosson

Une incursion nostalgique dans les Pyrénées de la belle époque

Aulus-les-Bains est situé dans le massif des Pyrénées ariégeoises, plus exactement dans le Haut Couserans. L’Espagne se trouve à peine à cinq heures de marche. Si l’activité thermale est connue dans cette région depuis l’époque romaine, elle a pourtant été longtemps seulement un lieu d’exploitation des mines de plomb, au XVIe, au XVIIIe et jusqu’après la seconde guerre mondiale. Pourtant c’est bien au XIXe siècle que l’exploitation des eaux l’emporte sur celle des mines. À partir de 1822, 1845 les cures sont déjà surveillées médicalement. Et les buvettes, l’établissement thermal et les nombreux hôtels font désormais la renommée de la station.

C’est dans ce contexte de fin de règne que le père de la narratrice décide d’acheter un vieil hôtel qui a connu ses heures de gloires à la belle époque. Abandonné de tous, mais pas de ce père original qui tente aille que vaille de restaurer quelques pièces de cette vaste bâtisse qui tombe en décrépitude.

Au cours de ses vacances dans la région, la narratrice qui n’est autre que sa fille va observer non pas simplement la nature, mais bien la nature humaine et les quelques spécimens qui constituent la population permanente du village. Au cours de nombreuses marches dans les sentiers de randonnée du coin, ou aux abords des maisons du village, elle fait des rencontres, apprend à connaître l’autre, celui qui n’a jamais quitté son coin perdu de montagne et qui vit bienheureux là-haut, celui qui aime raconter la nature, les aventures, les anciens, la vie en apparence si simple mais pourtant si complexe pour ceux qui doivent faire avec. Ce sont des chemins, de cascades, des couleurs et des saisons, des feuilles qui bruissent aux arbres et des étendues de neige où rien ne bruisse. Ce sont des rencontres, des disputes, des souvenirs, des attentes ou des espoirs. C’est le père qui tente de faire revivre son hôtel délabré et vide, qui le peuple d’objets à défaut d’humains, qui partage, donne, échange avec les autres, chaque jours, par habitude, par soucis d’intégration, par plaisir finalement.

Si la vie y est souvent difficile, la chaleur des échanges, la beauté de la nature, donnent sa véritable dimension humaine au village et à l’aventure vécue par l’autrice. Le roman est court, l’écriture ciselée, sans un mot de trop, construit autour de quelques cartes postales anciennes, d’instantanés de vies, qui donnent corps et présence à tous ces absents qu’elle n’a pas oubliés. J’ai aimé ces portraits, ces traits de caractère, ces anecdotes qui font revivre avec humour, nostalgie et tendresse les années d’enfance. Mais aussi la façon dont la narratrice narre cette relation entre un père fantasque et malade et une adolescente pas toujours d’accord. Une jeune fille qui vit au plus près de ses émotions et fait preuve d’une capacité d’émerveillement face à l’autre, quel qu’il soit. C’est un roman atmosphère, de vivants, bien plus que de souvenirs enfuis. Alors qui sait si, en passant du côté des Pyrénées ariégeoises, vous n’aurez pas envie vous aussi de continuer votre route pour découvrir Aulus.

Un roman de la sélection 2022 des 68 premières fois

Catalogue éditeur : Gallimard

Aulus est une station thermale des Pyrénées construite à la Belle Époque, qui ne compte plus, aujourd’hui, qu’une centaine d’habitants. Depuis son enfance, la narratrice y vient chaque année. Elle réside dans l’hôtel désaffecté que son père a acheté un jour aux enchères, point de départ de ses randonnées.
Dans le village et sur les chemins, la narratrice écoute, regarde et recueille habitudes et histoires des Aulusiens : la météo, l’ours, la centrale plantée sur une rivière, les élections… Elle en fait un récit, celui d’un écosystème fragile, où hommes et nature cohabitent comme ils peuvent. Où une ancienne mine pollue dangereusement la montagne. Où tout menace de se défaire, malgré la force millénaire de la roche omniprésente. Un récit actuel, métaphore de notre époque, en perpétuelle rupture d’équilibre.

Parution : 07-10-2021 / 112 pages / ISBN : 9782072958397 / 12,90 €

Premier amour de Samuel Beckett, Théâtre La Croisée des Chemins 

La scène s’ouvre sur un guitariste faiblement éclairé, il accompagne un acteur assis sur un escabeau ; vêtu d’un antique pardessus et de godillots il a tout du clodo pensif et vieillissant.

Son long monologue nous entraîne dans le souvenirs d’une vie solitaire et égoïste. Il évoque d’abord la grande maison de son père dans laquelle il est resté jusqu’à ses vingt-cinq ans. Puis jeté dehors au décès de ce dernier, il squatte les maisons désaffectées ou le cimetière dans lequel il aime venir manger ses bananes et son sandwich.

Enfin il évoque la rencontre prépondérante de sa vie, qui l’a pourtant bien peu bouleversé, avec une femme seule qui vit dans un appartement avec deux chambres. Là, égoïste encore, il s’installe et profite de ce qu’elle peut lui offrir sans pour autant donner en retour ni amour ni sentiment. Jusqu’au jour où il fuit devant les responsabilités, celles que donne à tout homme un enfant à naître. Et c’est à nouveau la cloche, la rue, les tombes et les odeurs de macchabée qu’il sent sourdre de sous la terre. Une vie totalement ratée, uniquement tournée vers lui, cet homme aux remarques acerbes et acides qui fait fi du bonheur et de l’amour des autres.

Dans cette pièce, tout est principalement basé sur le jeu de l’acteur. Pas de décor, un chapeau, un escabeau qui fait aussi office de chaise. Tout est dans le geste, le dos voûté, le regard larmoyant, le bonnet sous le chapeau et la tenue pitoyable de cet homme qui n’inspire aucune pitié. Une véritable performance, un regard, des intonations, des gestes mesurés, et l’arrogance du personnage, sa singularité, sa vie ratée qui transpirent à chaque phrase.

Ne vous attendez pas à une belle historie d’amour, ce n’en est pas une. C’est l’histoire d’un homme qui… mais allez donc voir par vous même pour découvrir cette nouvelle de Samuel Beckett mise en scène par Jean-Pierre Ruiz.

Durée : 1h15
Production : Vol de nuit
Direction : Jean-Pierre Ruiz
Interprétation : Jean Michel (Illustration musicale : Roland Gomes)

Quoi : Histoire d’amour calamiteuse (et l’éternelle fuite) d’un vieux garçon égoïste avec une prostituée, qui l’installe chez elle et se déclare très vite enceinte de ses œuvres. Mais pourquoi ce vagabond, qui aime tant manger son sandwich et sa banane sur les tombes, qui répugne à se déshabiller et adore les vases de nuit, ressasse-t-il sans fin son histoire d’amour ? Un voyage dans les méandres doux-amers, tragi-comiques d’une vie ratée.

Où : Théâtre de la Croisée des chemins, La Salle Paris-Belleville : 120 bis, rue Haxo, 75019 Paris – Métro : Télégraphe. C’est une salle intimiste où le spectateur est placé à quelques mètres à peine des comédiens

Quand : Les mercredis et jeudis à 21h jusqu’au 28 oct. 2021

Battling le ténébreux, Alexandre Vialatte

Battling, Battling, tu n’invectiveras plus jamais Victor Hugo dans la cour qui sent le tilleul

Alexandre Vialatte (1901-1971) est romancier et traducteur. Il est connu pour avoir fait découvrir aux français dès 1928 les œuvres de Kafka par sa traduction de La métamorphose. Puis quasiment toute l’œuvre de Kafka. Il a publié seulement trois romans de son vivant, dont Battling le ténébreux. Lorsqu’on plonge dans ce texte, on part immédiatement en 1928, dans l’ambiance de l’entre deux-guerres.

Le narrateur se souvient, ils sont seize ans dans ce lycée de province, sur ces pupitres où la génération précédente avait sculpté son nom avant de partir mourir à la guerre. Les garçons encore jeunes mais déjà hommes se voient pousser des ailes face aux jeunes femmes mystérieuses ou aguicheuses. Quelques rivalités éclatent, avouées ou contenues, à cet âge, on se croit devenu poète, mais on est aussi bagarreur et soucieux de plaire, l’amitié prend de curieux détours, entre rivalité et cohésion, confiance et jalousie.

Fernand Larache est Battling, un adolescent au tempérament fougueux et parfois mélancolique qui aime Victor Hugo. Au lycée, il va découvrir les émois des corps qui se réveillent, la rencontre avec Erna ou Céline, deux jeunes femmes fort différentes, mais aussi la confrontation avec les autres hommes, en particulier avec Manuel dont il se sent à la fois proche et distant.

Il se dégage de ces pages une grande mélancolie, comme une forme de tristesse latente dont Battling n’arrive pas à se débarrasser pour se donner envie de vivre. Une adolescence classique, si ce n’est qu’ici, elle se termine en tragédie grecque. L’écriture est belle, sombre, poétique parfois, expressive et nostalgique.

Je découvre avec ce roman cette collection L’imaginaire de Gallimard, aux nombreux titres et au concept intéressant : Réédition d’œuvres littéraires, tantôt oubliées, marginales ou expérimentales d’auteurs reconnus, tantôt estimées par le passé mais que le temps a pu éclipser.

Une collection de chefs-d’œuvre méconnus. Une collection de plus de 700 perles rares de la littérature mondiale et 300 auteurs majeurs du XXe siècle… Imaginez « L’Imaginaire »

Roman lu dans le cadre des 68 premières fois, session anniversaire 2020

Catalogue éditeur : Gallimard

Première parution en 1928. Préface d’Angelo Rinaldi

Il n’est pas facile d’être jeune. Sans doute, Erna Schnorr se marie et devient la mère de douze enfants roses, Manuel s’en va chez les soldats et chez les femmes, mais la destinée de Battling est plus singulière. Sans doute était-elle appelée par une âme plus acide et une pudeur plus hargneuse, par un goût prononcé pour la vraie musique militaire et pour Victor Hugo, par des cheveux rouges et des muscles d’homme, par les conseils du vent de cinq heures, le café-bar Mexico, et l’influence de l’art moderne, qui peut agir si gravement sur les pensées et la conduite d’un élève de rhétorique, qui ne s’appelle d’ailleurs pas en réalité Battling, mais Fernand Larache.

252 pages, 125 x 190 mm / ISBN : 9782070213627 / Parution : 21-09-1982 / Collection L’Imaginaire (n° 101)

Ma part de gaulois, Magyd Cherfi

Une lecture réjouissante et grave

Dans la cité nord de Toulouse, dans les années 80, il ne fait pas bon vouloir lire des romans pour une fille, avoir des rêves de diplôme pour un garçon, et pourtant, avec opiniâtreté on y arrive doucement et sûrement.

C’est là que le jeune Magyd va au lycée pour passer son bac. Là qu’il va le réussir, contre toute attente. Et Magyd sera le premier lauréat de sa cité à posséder ce sésame. Diplôme en poche, il s’embarquera non pas pour des études de droit ou pour devenir ingénieur, comme l’auraient rêvé ses parents, mais bien pour faire de la musique, puisqu’il a également remporté avec son copain un concours qui sera déterminant pour sa carrière.

Mais tout l’intérêt de ce livre tient davantage dans le ton, les situations, les moments de vie de Magyd et sa bande de copains de la cité. Quand le jeune Magyd prend un livre, il se fait toujours traiter de pédale par les autres gamins, quand une fille prend un livre, elle se fait tabasser par père et frère, car une femme doit rester humble, soumise, à la maison, pas besoin de se polluer la tête avec des romans à l’eau de rose ou des choses top intellectuelles. Bien sûr, impossible de porter plainte, car c’est la honte pour elle, pour la famille, reflet de la condition des femmes et des filles de toute une époque.

Alors il y a la mère, qui veut le succès de son fil, le père, les copains, les filles et les française, ce ne sont pas les mêmes bien sûr, car celles de la cité, on n’y touche pas. Il y a aussi la violence faite aux femmes, éternellement présente, évidement cachée, jamais dénoncée, même si ces jeunes là en sont le plus souvent témoins. Il y a les bagarres, les ruptures avec ceux qui ne comprennent pas l’envie de lire, que l’on ose cette trahison qui est d’apprendre, de vouloir maîtriser la langue de Flaubert.

L’écriture est superbe, taillée à la serpe dans les expressions de cette banlieue à la fois déroutante et attachante. Les mots sont justes, posés sur les sentiments, les événements, les situations cocasses ou dramatiques. Et surtout, il y a ce double niveau de langage que l’on retrouve tout au long du texte – et ici avec encore plus d’acuité car dit avec le bel accent de Toulouse par l’auteur-, celui des bandes de la cité, vulgaire, simple, éventuellement étant un mot bien trop compliqué pour être employé, et puis le bonheur que l’on sent à manier la langue, la belle, celle de Brassens ou des auteurs classiques, celle qui rend heureux celui qui l’emploie pour écrire ou pour déclamer.

De ce roman en grande partie autobiographique, dit par Magyd Cherfi, je retiens surtout une ambiance qui exhale dans toutes ces phrases, qui laisse entrevoir à la fois révolte et acceptation de ce qui est et que l’on ne peut changer, nostalgie de cette période malgré ses difficultés, et tout au long, cette pugnacité qui l’a mené au bout de ses rêves, sans jamais abandonner les copains, la famille, et toujours présente, la cité.
Celui qui nous avait fait « Tomber la chemise », puisque parolier et chanteur du groupe Zebda, est ici poète des mots et artisan de son enfance, de son adolescence, de sa vie future. Cette vie qu’il réussira à construire en trouvant avec sa part de Gaulois, sa véritable identité, lui qui possède une double culture, originaire d’Algérie et cependant tout à fait français.

Catalogue éditeur : Audiolib

Printemps 1980, l’avènement de Mitterrand est proche. Pour Magyd – lycéen beur d’une cité de Toulouse – c’est le bac. Il sera le premier lauréat de sa cité, après un long chemin parcouru entre la pression de sa mère et les vannes des copains. Ce récit intime, unique et singulier, éclaire la question de l’intégration et les raisons de certains renoncements. 
Avec gravité et autodérision, Ma part de Gaulois raconte les chantiers permanents de l’identité et les impasses de la république. Souvenir vif et brûlant d’une réalité qui persiste, boite, bégaie, incarné par une voix unique, énergie et lucidité intactes. Mix solaire de rage et de jubilation, Magyd Cherfi est ce produit made in France authentique et hors normes : nos quatre vérités à lui tout seul ! 

Date de parution : 19 Avril 2017 / Durée : 6h14 / Éditeur d’origine : Actes Sud / Date de parution : 17/08/2016 / EAN : 9782330066529

Les Polaroïds, Eric Neuhoff

Un recueil de nouvelles nostalgique à souhait, comme on aime

Vous vous souvenez vous aussi de ces polaroids que l’on prenait, que l’on s’échangeait,  puis que l’on conservait, lors de rencontres de familles, de fêtes, de soirées, de vacances… Photos éphémères vite oubliées, aux couleurs qui passent en nous rappelant qu’hier est déjà loin ? En lisant ces dix-sept nouvelles d’Éric Neuhoff j’ai eu l’impression de plonger dans quelque boite à souvenir un peu désuète, oubliée, fanée…

Il a l’art de faire revivre par ses mots et ses émotions ceux qui ne sont plus, de faire disparaître ceux qui sont toujours là, d’une Jean Seberg toujours belle et secrète à un Patrick Dewaere en acteur vieillissant sur le retour, mais aussi de nous permettre de nous glisser du côté de Hyannis Port pour assister à une rencontre improbable entre Jacky, John et Salinger… Il nous parle de villes et de rencontres, de Toulouse la rose à Paris où tout va si vite, de personnages réels ou inventés, d’émotions, de joies ou de peines, de la vie…

 Ces souvenirs qui émaillent ces pages sont personnels peut-être, familiaux sans doute, inventés qui sait, mais tellement probables, tellement intimes, tellement les miens, les tiens, les nôtres que je me les suis appropriés sans difficulté. J’ai aimé tourner ces pages qui m’ont ramenée quelques décennies en arrière avec un grand plaisir, une nostalgie et une tendresse certaines.

Catalogue éditeur : éditions du Rocher

Chez Éric Neuhoff, la vie ressemble à une dolce vita permanente : hôtels, plages et gins pamplemousse dégustés les pieds dans le sable. Mais la mélancolie et l’ironie ne sont jamais loin. Dans Les Polaroïds,son premier recueil de nouvelles, tout est imaginable. Jean Seberg et Patrick Dewaere sont toujours vivants. Un jeune homme, de retour dans la ville de son adolescence, s’ennuie. Jackie Kennedy et J. D. Salinger passent une journée ensemble. À Canet-Plage, les villas en bord de mer sont le théâtre de drames intimes. Les filles se prénomment Maud, Chloé ou Raphaëlle. Elles sont snobs,bronzées, parfois menteuses. Faut-il préférer l’Irlande ou la Costa Brava pour fuguer en leur compagnie ? Sur la route de Saint-Tropez à Paris, l’esprit divague à grande vitesse. Et, en sourdine, la petite musique du cœur se fait entendre.

Journaliste au Figaro et au Masque et la Plume, Éric Neuhoff a publié une vingtaine d’ouvrages dont La Petite Française (prix Interallié 1997), Un bien fou (Grand Prix du roman de l’Académie française 2001) et Costa Brava (prix Lipp-Cazes2017).

Date de parution : 03.10.2018 / EAN : 9782268100944 / Nombre de pages : 176 / Prix : 16€


Des mirages plein les poches, Gilles Marchand

Après l’inaccessible étoile, voici l’inaccessible rêve. Lisez, rêvez, et emportez Des mirages plein les poches, un recueil de nouvelles à découvrir d’urgence

Domi_C_Lire_des_mirages_plein_les_poches_gilles_marchand_aux_forges_de_vulcain_

Si la nouvelle est déjà un genre littéraire que j’affectionne, Gilles Marchand lui apporte ce brin de folie et de nostalgie, de douceur et de tendresse qui ne pouvait que me le faire apprécier encore d’avantage !

Bravo, mille fois bravo, de nous avoir embarqués au bout d’un fil qui se détricote et se retricote ; d’une soirée de noël en tous points semblable aux plus grands films, enfin, plutôt totalement dissemblable ; dans la tête d’un homme qui accumule les objets laissés par tous au bord du chemin ; dans celle de ces portions de truite, ou de demi-truite c’est selon ; dans la tête de ces enfants qui cherchent le vrai, le seul super-héros auquel s’identifier ; de ces rangements qui indiscutablement placent les Beach-Boys à côté des Beatles ; mais aussi dans le comment être bon en foot avec les bonnes chaussures, et comment être doué pour faire l’amour avec… Ah mais là je vous laisse découvrir la suite par vous-même !

Lisez Des mirages plein les poches pour savoir, comprendre, sourire, aimer, rire aux éclats ou avoir la larme à l’œil, devant tant de nostalgie déjantée, d’humour magique, de bonheur simple, d’humanité du quotidien, de fantaisie bouleversante comme sait si bien les écrire et les faire passer Gilles Marchand.

Ce recueil rassemble une dizaine de nouvelles écrites entre 2011 et 2017, d’abord publiées chez différents éditeurs ou dans des revues, et enfin rassemblées ici grâce à David Meulmans, éditeur des Forges de Vulcain. On y retrouve une belle unité malgré le temps qui est passé entre l’écriture des différents textes. Et surtout elles ont un point commun, le désenchantement et les rêves inaccessibles, qu’il nous parle de paternité, d’aventure, de football, d’un marin au long court ou d’amour, chacun de ses héros s’accroche à son rêve jusqu’au bout.

Retrouvez mon avis sur le premier roman de Gilles Marchand Une bouche sans personne.

Lecture par Gilles Marchand lors du lancement à la librairie L’attrape Cœur

Gilles Marchand est né en 1976 à Bordeaux. Il a notamment écrit « Dans l’attente d’une réponse favorable » (24 lettres de motivation) et coécrit « Le Roman de Bolaño » avec Eric Bonnargent. « Une bouche sans personne » est son premier roman.

Catalogue éditeur : Aux Forges De Vulcain

Un musicien de rue, un homme qui retrouve sa vie au fond d’une brocante, des chaussures qui courent vite, deux demi-truites, une petite lampe dans un couffin, le capitaine d’un bateau qui coule, la phobie d’un père pour les manèges, un matelas pneumatique… On ne sait jamais qui sont les héros des histoires de Gilles Marchand : objets et personnages se fondent, se confondent et se répondent chez cet auteur qui sait, comme nul autre, exprimer la magie du réel. Sous ses airs de fantaisiste, il raconte la profondeur de l’expérience humaine.

EAN 9782373050448 / Paru le 19 Octobre 2018

Les mains dans les poches, Bernard Chenez

Partir en balade le temps de quelques chapitres, quelques mots et retracer des instants, des rencontres, une vie

Domi_C_Lire_les_mains_dans_les_poches_bernard_chenez.jpg

Bernard Chenez se promène Les mains dans les poches et pense à son enfance, à sa vie, à son passé. Il  relate des événements posés çà et là, pas forcément de façon chronologique, mais qui semblent arriver au hasard des rencontres, des envies, des souvenirs.

Du gamin qui se lève tôt pour tenter de gagner quelques sous à l’homme d’aujourd’hui, de l’adolescent qui découvre l’amour sombre, romantique, clandestin, à celui qui découvre l’anarchie, la vraie, de l’étudiant sérieux à celui qui manifeste, une vie défile. Heureuse parfois, nostalgique parfois, belle souvent.

Il y a les souvenirs, il y a les parents, la famille et la vie, les batailles d’indiens,  imaginaires, le bord de mer, les barricades et les révoltes, le bleu de travail que l’on porte à l’usine, les chagrins et les amours. Mais il y a également une certaine nostalgie à se remémorer ceux qui ne sont plus, amis, amantes, parents. Et tout au long des pages une dose de tendresse pour l’enfant ou l’adolescent que l’homme a été un jour, pour celui qui n’est plus mais qui continue à vivre dans les réminiscences de ces instants de vie. Comme tout un chacun en somme, mais ici c’est joliment dit, avec une vraie poésie.

Car ce livre, qui n’est ni tout à fait un roman, ni vraiment un récit, est à lire au hasard. Juste ouvrir un chapitre, vivre avec l’auteur quelques instants, se souvenir de l’enfant, de l’adolescent puis de l’homme qu’il a été, comprendre et aimer, la vie, la mort peut-être aussi…

J’ai aimé l’image de ce train que l’on prendrait à l’envers, comme pour remonter le temps de la vie… mais en partant dans tous les sens à la fois. Alors même si je ne me suis jamais vraiment attachée au personnage, j’ai aimé découvrir ses souvenirs et le témoignage qu’il nous donne d’une époque qui semble parfois révolue.

Quelques citations…

Ma mère n’est morte ni le jour, ni l’heure, ni même à  la seconde de son dernier souffle…
Les mères choisissent le moment. Elles nous ont donné le premier souffle de vie, elles nous confient le première heure de leur mort.

Les pères ne meurent pas, ils disparaissent de la mémoire en mer, fût-elle faite de tubes de couleur et de toile.

Être anarchiste, ce n’est pas être adhérent d’un parti, c’est un état d’esprit.

C’est la main qui voit, et l’œil qui dessine.

Catalogue éditeur : Héloïse d’Ormesson

Pour percevoir à nouveau l’odeur de l’encre et du plomb, pour sentir frémir le crayon sur le papier de son premier dessin, pour entendre ces rifs de guitare protestataires qui ont rythmé ses combats, il fallait partir à l’autre bout du monde et embrasser sa mémoire…  Les mains dans les poches est une promenade nostalgique et poétique qui accepte et dépose enfin ses fantômes.

Paru le 16 août 2018 / ISBN : 978-2-35087-464-7 / Photo de couverture © Édouard Boubat/Rapho

 

Diên Biên Phu, Marc Alexandre Oho Bambe

Un beau roman sur l’Indochine et la guerre, la force de l’amour et celle de l’amitié

Domi_C_Lire_dien_bien_phu_marc_alexandre_oho_bambe

A Ðiện Biên Phủ, en mai 1954, Alexandre et tant d’autres combattent sans merci le vietminh. Mais malgré l’enthousiasme de milliers d’hommes venus de métropole ou des colonies pour reprendre le Tonkin, les mois de combats dans la cuvette de Diên Biên Phu ne suffiront pas pour sauver le bastion français d’Indochine. Le général Giap gagne son pari, c’est la fin du combat du tigre contre l’éléphant…La guerre est toujours tellement absurde quant au final il n’y a plus de combattants mais seulement des frères d’armes, des frères de batailles perdues, car dans un combat, longtemps après, il ne reste que des perdants…

Pourtant, Alexandre le mal marié à la douce Mireille, parti au front sans trop d’espoir si ce n’est celui de sauver l’honneur de la France, va rencontrer à Hanoï une amitié indéfectible et l’amour absolu en la personne de Maï lan. Alexandre a fait la guerre, Alexandre a rencontré l’amour… C’est comme un raz de marée balayant tout sur son passage et l’homme qui revient ne sera plus jamais comme avant.

Malgré une vie rangée auprès de sa femme, des enfants, un métier, vingt ans après Alexandre quitte tout. Il revient à Hanoi pour retrouver Mai Lan, celle qui lui a fait découvrir l’amour, supporter la vie, la mort, la guerre, les batailles et les conflits, par son regard, sa douceur, son visage de lune. Mais est-ce aussi simple de tout quitter et de retrouver celle dont il ne possède qu’un prénom, un souvenir, une unique photo ? Qu’importe, il part, sachant au fond de lui que c’est pour un voyage sans retour.

Même s’il se passe en partie en temps de guerre, il y a beaucoup de délicatesse dans ce roman étonnant ponctué de poèmes à Maï Lan, l’aimée, de lettres à Alassane Diop, le camarade de régiment, le sauveur. Vingt ans d’une vie qui se déroule sous nos yeux et dans les souvenirs et les regrets d’Alexandre. Il y a surtout la force de l’amour, la beauté des sentiments partagés, la sollicitude et l’oubli de soi d’une épouse amoureuse, la tristesse de plusieurs vies gâchées par des années de guerre, par le bal des puissants qui se partagent le monde sans trop se soucier des conséquences humaines de leurs choix.

Catalogue éditeur : Sabine Wespieser

Étrangement, j’avais le sentiment de devoir quelque chose à cette guerre : l’homme que j’étais devenu et quelques-unes des rencontres les plus déterminantes de ma vie.
Étrangement, j’avais trouvé la clé de mon existence, l’amour grand et l’amitié inconditionnelle.
En temps de guerre.
Au milieu de tant de morts, tant de destins brisés.

Vingt ans après Diên Biên Phù, Alexandre, un ancien soldat français, revient au Viêtnam sur les traces de la « fille au visage lune » qu’il a follement aimée. L’horreur et l’absurdité de la guerre étaient vite apparues à l’engagé mal marié et désorienté qui avait cédé à la propagande du ministère. Au cœur de l’enfer, il rencontra les deux êtres qui le révélèrent à lui-même et modelèrent l’homme épris de justice et le journaliste militant pour les indépendances qu’il allait devenir : Maï Lan, qu’il n’oubliera jamais, et Alassane Diop, son camarade de régiment sénégalais, qui lui sauva la vie.

Avec ce roman vibrant, intense, rythmé par les poèmes qu’Alexandre a pendant vingt ans écrits à l’absente, Marc Alexandre Oho Bambe nous embarque dans une histoire d’amour et d’amitié éperdus, qui est aussi celle d’une quête de vérité.

Premier roman / Disponible en librairie au prix de 19 €, 232 p. environ / ISBN : 978-2-84805-282-3 / Date de parution : Février 2018

La maison à droite de celle de ma grand-mère, Michaël Uras

Un roman chaleureux comme l’amitié, frais, tendre et parfois triste comme la famille, un bonheur à savourer

Domi_C_Lire_la_maison_a_droite_de_celle_de_ma_grandmere_michale_uras.jpg

C’est en Sardaigne que se situe La maison à droite de celle de ma grand-mère, et Giacomo y revient car sa grand-mère va mourir, il va l’accompagner dans ses derniers instants, car en Sardaigne comme ailleurs, une grand-mère, et la famille, c’est sacré.

Depuis son départ, lui le « français » – comprenez le traître, celui qui est parti vivre en France !- est chaleureusement accueilli par tous chaque fois qu’il revient au pays, même par ceux qui pensent que ses retours sont un peu trop rapides, comme en coup de vent. Parce qu’il sait que revenir est indispensable, mais que partir l’est tout autant.

Pourtant, là, il quitte tout, le roman inédit qu’il doit traduire en urgence, son quotidien à Marseille, les exigences et les attentes de son boss, pour accourir au chevet de la figure tutélaire de cette étrange famille. Car dans la famille de Giacomo, chaque personne compte. Il y a cette mère qui a encore ses crises et part « chez maman » quand elle se fâche avec son mari (facile, c’est à côté !) un mari plus que taiseux, qui est peintre en bâtiment, sans doute parce qu’il n’a jamais cru qu’il pourrait être plus artiste que peintre, lui qui barbouille comme tous les autres les murs des maisons du village avec de grandes fresques qui racontent la vie, qui colorent la vie, qui étonnent les touristes autant que les habitants par leur luminosité et les sujets variés abordés. Il y a aussi Manuella, l’épicière, qui a accompagné l’enfance des gamins du village lors des déplacements de l’équipe de foot, cette troupe de garçons absolument pas doués, Giacomo en tête, qui perdaient chaque match mais revenaient sourire aux lèvres de leur sortie du dimanche. Fabrizio, le copain d’école, de foot, d’enfance, resté sur le bas-côté, affaibli par cette maladie qui le vieillit avant l’heure et qui éloigne les possibles dulcinées qui auraient pu ensoleiller son quotidien. Enfin, le capitaine, revenu vainqueur et auréolé de gloire de la guerre, mais vite oublié tant par l’état que par les hommes, car le poids de médailles, s’il brille et fait le vainqueur, rappelle aussi sans doute de bien mauvais souvenirs à ceux qui sont revenus, ou jamais partis.

Alors Giacomo chaque jour va à l’hôpital, et raconte sa vie à Nonna, sa grand-mère. Il nous entraîne dans son enfance, ses souvenirs, son présent pas aussi limpide ni heureux qu’il veut bien l’avouer. Le lecteur découvre des îliens particulièrement attachants et pittoresques. Quel plaisir de voir autrement cette île à travers les habitudes, les douceurs, car entre deux bouchées de formagelle fait maison – ou pas ! – les langues se délient, les amitiés se retrouvent, les espoirs se fondent. L’avenir comme le passé trouvent leur place dans les vies ordinaires mais tellement touchantes des différents personnages. Ici, il faut dire que principal ou secondaire, tous ont leur place.

Une grande humanité se dégage de ces lignes, une belle dose d’amour et d’espoir aussi. La vie n’est pas toujours un beau cadeau entouré d’un joli ruban, les relations entre les humains ne sont pas toujours évidentes au quotidien, mais le seul fait d’en parler les rend vivantes, présentes, émouvantes. Et surtout, ce roman nous permet d’envisager la Sardaigne autrement. Je ne sais pas vous, mais moi ça m’a donné envie de découvrir les Domo de Jana, les criques ensoleillées et les fresques colorées sur les murs !

Lire également la chronique enthousiaste de Nath du blog Eirenamg

Catalogue éditeur : Préludes

« Giacomo, ne tarde pas. Les médecins sont formels, la fin est proche. »
C’est ainsi que notre héros, un jeune traducteur espiègle et rêveur, retourne sur l’île de son enfance, où sa grand-mère est au plus mal. Et alors qu’il doit rendre un travail sans tarder, soudain, c’est toute la Sardaigne qui le retient : Maria, sa mère, qui n’a jamais vraiment compris pourquoi son fils adoré l’avait quitté, Mario le père taiseux, l’envahissant oncle Gavino, Manuella l’épicière du village, dont Giacomo était secrètement amoureux quand il était enfant, la jolie dottoresse Alessandra, qui s’occupe de la nonna à l’hôpital, Fabrizio, l’ami d’enfance au corps cabossé et au grand cœur, et, surtout, le mystérieux Capitaine, figure tutélaire et énigmatique…
D’une crique perdue aux ruelles pittoresques que bordent les maisons de couleur, entre une bouchée de dolci et les pastilles miraculeuses du docteur Ignazio, pas de doute, la maison de Giacomo est une île. Mais pourra-t-il en repartir ?

Parution : 28/02/2018 / Format : 130 x 200 mm / Nombre de pages : 320 / EAN : 9782253107903  / Livre 15.90 €

Mémé. Philippe Torreton

Il y a beaucoup de charme, en même temps qu’une grande nostalgie dans ce livre écrit par le comédien et auteur, Philippe Torreton.

DomiCLire_meme_philippe_torretonVoilà un bien joli livre qui vient de paraitre chez j’ai Lu, pas un roman, pas vraiment un récit, peut-être d’avantage un recueil de souvenirs, de réflexions, de regrets ou de petits bonheurs. Hymne à Mémé, (celle de Philippe Torreton, mais peut-être aussi un peu la nôtre !) mais également reflet du temps qui passe, coups de pieds et coups de cœur donnés aux souvenirs d’enfance que l’on tient bien au chaud dans sa mémoire.

J’ai bien aimé, alors que j’étais un peu réticente à l’idée de ce livre écrit par un acteur, oui, je sais, c’est stupide ! Et bien évidement j’ai retrouvé mes propres souvenirs d’enfance, la vie qui passe, les personnes aimées qui ne sont plus, mais aussi une l’image d’une France rurale qu’on a l’impression d’avoir perdue. Toute une époque où ce n’était ni mieux ni moins bien mais juste différent d’aujourd’hui !

A lire, certainement avec beaucoup de plaisir et un brin de nostalgie.


Catalogue éditeur : J’ai Lu

Philippe Torreton dresse le portrait de celle qui fut le personnage central de son enfance. Dans les années 1970 et 1980, sa grand-mère vivait en Normandie. Il lui revient en mémoire les meubles en formica, les parties de dominos, la tendresse et la vie simple.

Collection : Littérature / Prix : 6,50 € / EAN : 9782290138892 / Date de parution : 15/02/2017