La belle aventure du Prix Audiolib

C’est fini ! La belle aventure du Prix Audiolib est terminée pour moi, puisque j’ai écouté et, pour la plupart en tout cas, apprécié les dix titres de la sélection 2021. Mais vient le moment où il faut classer pour le jury final, alors même si j’en aurais bien mis certains ex æquo voici mon classement final.

À partir du vote de l’ensemble des jurés, il restera une sélection de cinq titres, qui sera soumise au jury des lecteurs sur le site Audiolib.

Voici donc mon classement :

  1. Là où chantent les écrevisses (écoute et lecture +++++)
  2. Nickel Boys (écoute ++++ et lecture +++++)
  3. Betty (écoute et lecture +++++)
  4. Le consentement (écoute et lecture +++++)
  5. Le poète (écoute et lecture +++++)
  6.  (ou 5 ex æquo) Taqawan (écoute +++++ et lecture ++++)
  7. La soustraction des possibles (écoute et lecture ++++)
  8. Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs (écoute ++++ et lecture +++)
  9. Rhapsodie des oubliés (écoute ++ et lecture +++)
  10. Du côté des indiens (écoute +++ et lecture ++)

L’écoute de ces dix titres a été une belle expérience, il m’a été difficile de n’en choisir que cinq.

Un fois que l’ensemble des jurés aura donné sa sélection nous connaîtrons les 5 finalistes. Dès l’annonce des 5 finalistes ce sera à vous de voter sur le site Audiolib entre le 22 juin et le 22 août 2021. Le lauréat sera connu en octobre.

La soustraction des possibles, Joseph Incardona

Entre banquiers suisses et mafia corse, les aventures politico-érotico-financières de petits qui rêvent d’entrer dans la cour des grands

Genève, 1989. Aldo Bianchi, toujours célibataire à 38 ans, est un sémillant prof de tennis. Un peu gigolo sur les bords, il profite des avantages que lui offre Odile, sa maîtresse plus si jeune mais si bien pourvue grâce aux revenus très confortables de son mari. En mal d’activité et surtout de sources de revenus, Aldo accepte les missions bien rémunérées que lui confie le mari d’Odile, des aller-retour Lyon-Genève pour transporter discrètement quelques mallettes. Mais accéder au seuil de la cour des grands en faisant rapidement de substantielles économies donne des idées à Aldo qui voudrait en profiter pour faire fructifier la poule aux œufs d’or.

Dans leur entourage évoluent aussi, pour ne citer qu’eux…

Svetlana, une belle et jeune banquière arriviste et amoureuse ;
René, un mari éconduit qui retrouve un semblant de jeunesse au seuil de la retraite ;
Quelques mafieux corses qui ne savent pas s’arrêter de faire leurs affaires pour profiter d’une belle fin de vie sur l’île de beauté, l’ennui est mauvais conseiller ;
Quelques mafieux albanais ou russes pour faire bonne mesure, on n’est pas loin de la chute du régime soviétique, et dont les manières n’ont rien de celles d’enfants de cœur, où l’on apprend le triste parcours de ces prostituées que l’on retrouve déjà à cette époque dans les grandes capitales européennes ;
Quelques petits caïds de banlieue, déjà, qui tombent sur des pigeons à plumer mais s’attaquent aussi à plus malin et expérimenté qu’eux (une autre époque ?) ;
Quelques banquiers suisses qui se protègent et se cooptent, car finalement le pouvoir ça ne se partage pas, même au pays du paradis fiscal ;
Et des femmes amoureuses, de l’amour, du vrai et de celui qui se monnaye.

Ce que j’ai aimé ?

Les détails, sur la société, l’histoire, les personnages, comme les digressions sont érudits et intelligents. le lecteur ne se noie pas dans des circonvolutions alambiquées qui lui feraient perdre le fil mais au contraire retrouve une époque révolue et découvre un milieu pas si clair que ça. Si parfois l’intrigue semble un peu fouillis, beaucoup de monde évolue autour de ces quelques personnages principaux, l’intérêt est toujours habilement relancé et les événements se succèdent pour notre plus grand bonheur.

Un livre brillant et complexe sur l’amour, l’amour de l’argent, l’amour des autres, femmes ou hommes, l’amour de soi aussi, dans ce milieu de la finance où tout est autorisé pour arriver à ses fins.
Un roman noir détonnant, des personnages bien campés, des caractères affirmés et crédibles, une époque pas si lointaine que l’on aurait presque oubliée, celle de tous les possible et de toutes les trahisons.

Et un auteur qui intervient dans son roman pour parler à ses lecteurs, les apostropher avec ironie et à propos, cela surprend et interpelle habilement.

Cette version audio m’a tenue en haleine pendant quelques heures sans que je ne vois passer le temps. La voix du lecteur est bien adaptée aux différents personnages qu’il incarne avec justesse et parfois une pointe d’ironie. Même les accents et les protagonistes très caractéristiques ressortent avec justesse. J’y ai trouvé les intonations qui correspondent à cette critique acerbe et intelligente de la société que nous propose Joseph Incardona.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : Audiolib et Finitude

On est à la fin des années 80, la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les  privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM.
À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en matière d’argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi.
De la Suisse au Mexique, en passant par la Corse, Joseph Incardona brosse une fresque ambitieuse, à la mécanique aussi subtile qu’implacable.
Pour le monde de la finance, l’amour n’a jamais été une valeur refuge.

Un livre audio lu par Damien Witecka

Parution : 16 Septembre 2020 / Durée : 12h07 / Prix public conseillé: 24.90 € / Format: Livre audio 2 CD MP3 / Poids (Mo): 508 / Poids CD 2 (Mo): 491/ EAN Physique: 9791035403621
Finitude : 2020 / 14,5 x 22 cm / 400 pages / ISBN 978-2-36339-122-3 / 23,50 euros

Betty, Tiffany McDaniel

La sublime version audio d’un roman inclassable, aussi émouvant que dérangeant

Elle s’appelle Betty, mais pour son père c’est Petite Indienne, car il se retrouve dans la peau brune, le regard et les cheveux noirs de sa petite fille. Elle est née dans une famille de huit enfants mais ne les connaîtra pas tous du fait de décès précoces dans la fratrie. Issue d’une famille aisée, sa mère Alka est blanche, belle, froide. Landon Carpenter., l’homme qu’elle s’est choisi ne correspond ni aux rêves ni aux exigences de ses parents. Si elle semble éprise de son époux, elle n’exprime que peu d’amour envers ses enfants, encore moins envers Betty, cette petite indienne qui lui ressemble si peu.

Landon Carpenter est un cherokee qui entraîne sa famille à travers les États-Unis, de petits boulots en petits boulots. Jusqu’à leur retour et leur installation dans la petite ville de Breathed en Ohio, où réside la famille d’Alka. Landon est un père aimant et attentif qui aime raconter de belles histoires féeriques et transmettre à ses enfants les mythes du peuple amérindien cherokee. C’est un homme bon qui connaît la nature, les plantes, et les légendes qui émerveillent chaque jour ses enfants.

Elles sont trois sœurs, complices autant que rivales, soudées par une affection sincère. Très différentes l’une de l’autre, chacune rêve d’une vie meilleure. L’une veut devenir actrice, l’autre être enfin libre. Betty écrit des poèmes, mais souvent aussi sur les événements qui surviennent dans la famille. Les moments difficiles, comme ces témoignages de maltraitance à peine soutenables, sont couchés sur le papier. Puis elle les enferme dans des bocaux qu’elle enterre sous la terrasse, comme pour les anéantir, les oublier à jamais. Et qui sait peut-être un jour les retrouver et pouvoir les dévoiler à tous.

Betty, ayant les caractéristiques des indiens cherokee, est inlassablement le souffre douleur de son école. Mais quelle violence également de la mère envers cette fille qui attend et espère un peu d’amour. Elle ne recevra que la douleur et le poids des secrets de sa mère, de sa sœur, de sa famille.

Betty raconte essentiellement les années de l’enfance à l’âge adulte, dans la ruralité de l’Amérique de la moitié du XXe siècle. Ce roman, qui ne laisse pas indifférent, tient à la fois du conte magique et du plus noir et violent roman social. Rien n’est épargné aux femmes de cette famille, inceste, viol, violence, suicide, haine, racisme, mais aussi déni, solitude et silence, sont le lot de chacune. Si l’auteur questionne la place des femmes dans la société américaine, elle nous donne aussi une belle leçon sur la nature, le pouvoir des plantes et des médecines naturelles trop souvent oubliées.

Difficile cependant de comprendre l’attitude des parents, de la fratrie. Il faudrait sans doute se replacer dans le contexte, moins d’échange avec le enfants, plus de secrets, de silences. Mais comment imaginer la violence dont fait preuve cette mère envers ses enfants, en particulier par son silence ou son attitude envers Betty, mais aussi son manque de réaction face au sort de ses filles. Comment imaginer à chaque malheur qui s’abat sur la famille que personne jamais ne brise le silence, que les mots ne soient jamais dits.

L’écriture, le rythme, l’intensité des sentiments déployés, tout m’a émue, embarquée, mais aussi choquée, attristée, parfois aussi fait sourire, comprendre, espérer. L’autrice s’est inspirée de la vie de sa propre mère métisse cherokee pour construire ce roman qui prend aux tripes, sublime et difficile témoignage en particulier sur la place des femmes, fort et puissant, intemporel, aussi beau que dramatiquement triste.Tout au long du roman, je me suis laissée porter par Betty, par les rêves et les histoires magiques de son père, par l’amour que l’on ressent au milieu de tant de haine et de souffrance. Et quel bel hommage au pouvoir de l’écriture.

Cette version audio est vraiment intéressante et passionnante ; la lectrice réussit à nous plonger dans la tête de Betty, mais aussi à incarner chacun des membres de cette famille pour le moins singulière, à faire passer émotions, violence, silence et sentiments. Elle a l’art de prendre plusieurs intonations, plusieurs voix, et de nous faire vivre les nombreux dialogues qui émaillent ce roman, bravo !

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : audiolib et Gallmeister

Un livre audio lu par Audrey D’Hulstère Traduit par François Happe

« Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne. »
La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.
Betty raconte les mystères de l’enfance et la perte de l’innocence. À travers la voix  de sa jeune narratrice, qu’Audrey d’Hulstère incarne à la perfection, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle.

Date de parution : 20 Janvier 2021/ Durée : 16h56 / Prix public conseillé: 28.90 € / Format: Livre audio 2 CD MP3 / Poids (Mo): 593 / Poids CD 2 (Mo): 572 / EAN Physique: 9791035404666

Rhapsodie des oubliés, Sofia Aouine

Grandir dans les rues de la Goutte d’Or, pour le meilleur ou pour le pire

Abad, jeune émigré libanais, est à l’âge de tous les possibles, celui où tout commence. Il a comme les gamins de son âge des envies de sexe et d’amour, de voyages et de découvertes. Mais avec père quasi absent, une mère toujours débordée et soumise, il est facile de se laisser tenter lorsque les copains vous promettent la lune. Et une fois tombé dans le piège, il a affaire à une justice qui n’entend pas ces jeunes qui espèrent, attendent, et parfois tombent.

À partir de ce jour, il doit aller voir Madame Futterman, la dame qui ouvre dedans, celle qui malgré sa vie de petite fille juive triste, sait écouter et parfois rire aux éclats. Il croise la route de Gervaise, la belle prostituée noire qui contrainte par les sorciers ne quittera jamais cette condition avilissante qui l’attendait à Paris, alors qu’on lui avait fait miroiter un vrai métier qui lui aurait permis d’élever sa fille. Puis Odette, la voisine accueillante qui lui offre rêve et douceur au pays des sucreries et de la musique. Il y a enfin Bat-man, la jeune fille voilée tenue enfermée par les hommes de sa famille autant chez elle que sous son voile, celle qui rêve de s’échapper et pour laquelle Abad aura son premier coup de foudre.

Premiers amours, premiers émois, premières grosses bêtises, quitter la rue Léon et la Goutte d’Or, quitter encore une fois ceux qu’on aime, partir encore pour grandir.

L’écriture, vivante et violente, utilise l’argot et le langage des rues pour faire passer les émotions, la vie qui brûle et bouleverse Abad et ses copains. Quelle énergie, quel humour, quel tourment dans ces mots, ces rencontres, ces aventures amères et douloureuses. Il se dégage de ce roman une rage de vivre, d’être, d’exister, qui prend le lecteur et ne le lâche pas. Abad m’a fait penser au petit Momo de Romain Gary, d’ailleurs présent en exergue d’un chapitre. L’auteur fait vivre par ses mots, son rythme, cette ville qui perd ses jeunes dans les quartiers où la violence, la drogue et la misère ne sont jamais loin, malgré leur rage de vivre, leurs rêves et leur droit au bonheur. Et où l’on constate une fois de plus que la volonté et l’intelligence ne favorisent pas toujours l’intégration des émigrés jeunes ou moins jeunes. J’ai apprécié aussi les rôles et les personnalités des personnages secondaires qui donnent rythme et vie au roman.

Si j’ai apprécié écouter ce roman que j’avais déjà aimé lors de sa sortie, la voix d’Ariane Ascaride ne m’a pas convaincue lorsqu’elle incarne Abad. Il m’apparaît difficile d’être à la fois ce gamin des rues et toutes les femmes qui gravitent autour de lui. Dès qu’elle aborde les autres personnages par contre, elle les incarne avec une émotion que le lecteur ne peut que ressentir à son tour. Mais malgré ce bémol, l’écoute de ce roman m’a fait passer un excellent moment, j’ai aimé en retrouver tous les personnages et la belle écriture de l’autrice.

Roman lu dans le cadre de ma participation au Jury Audiolib 2021

Catalogue éditeur : Audiolib, Éditions de la Martinière

« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans. »
Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le cœur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. À la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.
Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.
Dans une langue explosive, influencée par le roman noir, la littérature naturaliste, le hip-hop et la soul music, Sofia Aouine nous livre un premier roman éblouissant.
Il fallait le talent d’Ariane Ascaride pour incarner avec autant de justesse cette écriture qui allie humour et drame, et ces « oubliés » que sa lecture nous rend inoubliables.


Avec la participation de l’auteur pour la lecture du chapitre 9.

Suivi d’un entretien avec l’auteur

Date de parution : 16 Septembre 2020 / Durée : 4h43 / Prix public conseillé: 21.50 € / Format: Livre audio 1 CD MP3 / Poids (Mo): 647 / EAN Physique : 9791035403645