Eiffel, Nicolas d’Estienne d’Orves

Le monument le plus visité de Paris est-il une belle déclaration d’amour ?

Alors qu’il est déjà célèbre et vient de finir l’ossature de celle qui représente à jamais la porte du nouveau monde, cette statue de la liberté qu’il construit en collaboration avec le sculpteur Bartoli, Eiffel rêve de participer au projet de l’exposition universelle de 1889. Il souhaite réaliser un métro qui transporterait les parisiens d’un bout à l’autre de la capitale. Mais c’est sans compter sur les désirs du gouvernement qui pense à une construction magistrale pour symboliser la grandeur de la France, un siècle après la révolution française.

En se basant sur un projet de ses collaborateurs, Gustave Eiffel propose alors une tour extraordinaire qui devra être implantée en bord de Seine en plein Paris. Prodige architectural en particulier pour sa réalisation dans un terrain meuble qui se rempli d’eau à mesure que sont creusés les emplacements des piliers, l’ingénieur met à profit ses compétences pour finaliser l’œuvre majeure de l’exposition.

Ce que l’on sait moins est sans doute que la création de cette tour s’accompagne de la rencontre totalement imprévue, surtout aussi longtemps après, avec son grand amour de jeunesse. Cette jeune bordelaise qu’il avait imaginé épouser et qui a hanté ses rêves sera sa muse et sa source d’inspiration sur le chantier titanesque de notre éternelle Dame de Fer. Cette tour qui devait être détruite dix ans plus tard et qui étend son ombre majestueuse et incontestée sur la capitale.

N’oublions pas que son édification a été source de nombreux conflits et de violentes contestations. L’auteur met particulièrement bien en situation toutes les contraintes, contestations, railleries dont Eiffel a été victime lors de la construction de son monument éphémère. Nous permettant peut-être d’avoir un peu plus d’indulgence envers ce qui aujourd’hui aussi nous perturbe ou nous choque, qui sait ? Alors si la tour que chacun connaît sous le nom de tour Eiffel a une forme pour le moins étonnante, lisez ce roman ou courez voir le film pour comprendre le pourquoi de ce grand A qui surplombe Paris depuis 1889.

Catalogue éditeur : Michel Lafon

Paris, 1886. Obsédé par « sa » tour de métal, une bagatelle d’acier de 300 mètres de hauteur qu’il s’est lancé le défi de construire en plein Champ-de-Mars, Gustave Eiffel ne quitte plus ses ateliers. Certes, l’Exposition universelle mérite bien ce pari, et la France, de croire à nouveau en sa toute-puissance. Mais est-ce l’unique raison qui pousse celui qu’on surnomme « le magicien du fer  » à griffonner sans relâche des plans pour trouver la forme parfaite ? Depuis ce dîner chez le ministre du Commerce, et cette idée folle qu’il a lancée devant le Tout-Paris, l’ingénieur est comme possédé. Quelles que soient ses esquisses, c’est Adrienne, son amour perdu réapparue ce même soir, qui se dessine, la magnifique cambrure de son dos qui cascade depuis la nuque jusqu’à la taille. L’illumination le frappe : ce n’est pas une ligne droite qui doit mener du pilier au sommet, mais une courbe, incarnée, vivante. « Nous allons construire un rêve ! » Désormais la vie de Gustave ne tient plus qu’à un A majuscule, celui de sa tour qui s’élance dans le ciel de Paris, prête à le transpercer et le conquérir…

Écrivain et journaliste né en 1974, Nicolas d’Estienne d’Orves est l’auteur d’une trentaine d’essais et de romans salués par la critique, notamment son Dictionnaire amoureux de Paris.

Parution : 23 septembre 2021 / prix : 19,95€ ISBN : 9782749945866

A la ligne, Joseph Ponthus

A la ligne, le premier roman captivant de Joseph Ponthus met en scène le quotidien de l’usine, expérience éprouvante qu’il transcende avec poésie et talent.

Ouvrir ce roman et comprendre qu’il n’ira pas, à la ligne, en tout cas pas de façon classique, avec des points et des virgules… Non, même pas à la ligne pour respirer, car le souffle indispensable pour lire ce roman est à puiser au plus profond de soi. Ce n’est pas un récit ordinaire, mais celui du travail à l’usine, à l’abattoir, difficile, sanglant, violent.

Passées les premières pages, où l’œil et l’esprit s’habituent à la forme atypique, le récit est comme scandé et le lecteur est happé…

J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne.

C’est un homme instruit, lettré, qui a quitté son travail en région parisienne pour suivre sa femme en Bretagne. Mais là, il y a trop peu d’emploi, aussi est-il prêt à accepter tout ce qu’on lui propose. Travailler à l’usine de poisson, plats cuisinés, cuisson de bulots à la chaine, tofu à égoutter, rien ne le rebute, même si tout cela lui parait bien difficile. Mais ça c’était avant de connaitre le travail qui l’attend, à l’abattoir. Car lorsque vous êtes intérimaire, pas possible de dire non, sinon le prochain poste disponible ne sera pas pour vous. Et des sous, il faut en gagner pour vivre. Alors on bosse, on se fatigue, on pleure même de douleur et d’épuisement la nuit en rentrant, quand il faut encore sortir le chien qui vous attend en vous faisant la fête, car la pénibilité des postes de l’usine, de l’abattoir, il ne les connait pas. Alors on attrape une vendredite aigüe, mais on s’y fait finalement… Et on essaie de gagner un peu de sommeil, un peu de repos, pour repartir dès lundi matin, ou à pas d’heure, c’est tout le charme du travail à l’usine ces horaires de fou, enfermé sans voir ni le jour, ni la nuit.

Chaque soir, le narrateur inventorie tout, les gestes, les phrases, les répétitions, les problèmes, la douleur, les petits bonheurs, les heures supplémentaires ou les heures gagnées tous ensemble pour finir plus vite, ou moins tard, c’est selon. Mais aussi toutes ces pensées qui l’assaillent, qui peuplent son esprit pendant que son corps fait les gestes mille fois répétés, automatisme salvateur qui permet à l’esprit de s’évader. Il nous fait sentir également cette solidarité et en même temps cette pénibilité que tous doivent subir ensemble. Le courage qu’il faut, le soir, quand il tombe d’épuisement pour continuer à coucher sur le papier les mots qui disent les maux, les gestes, les souffrances quotidiennes.

Étonnant témoignage, qui a la puissance de cet écrit si particulier qu’il vous oblige presque à le lire d’une traite jusqu’au bout. Hypnotique et puissant, rythmé, porté par la poésie qui s’en dégage, il est le témoignage d’une fatigue immense, dévorante. D’un malaise aussi, celui des ouvriers à la peine qui doivent accepter et subir pour continuer à vivre.

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Catalogue éditeur : La Table Ronde

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer.

Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.

Parution : 03-01-2019 / 272 pages, 140 x 205 mm / Achevé d’imprimer : 01-10-2018 / ISBN : 9782710389668 /  Prix : 18,00 €

Glissez, mortels. Charlotte Hellman

Entrer dans l’intimité du peintre Paul Signac, voilà ce que nous propose Charlotte Hellman dans « Glissez, mortels » paru aux éditions Philippe Rey.

Lui, Paul Signac, est un des artistes peintres les plus connus des années 20, précurseur du pointillisme, admirateur de Bonnard et amis de tant d’autres…

Elle, Berthe, qu’il épouse en 1892, celle avec qui il n’aura pas d’enfants, mais qui l’accompagne de Paris à saint Tropez, ce petit port de pêche charmant à la lumière incomparable, pendant plus de vingt-huit ans…

Elle enfin, c’est Jeanne, la voisine de palier qui emménage en 1899 dans ce bel immeuble construit par ce nouveau génie de la décoration qu’est Hector Guimard. Jeanne l’artiste, la femme, la mère, celle qui abandonne mari et enfants pour partir avec lui, qui lui donnera Ginette, cette enfant dont il rêve et qu’il fera finalement adopter par sa femme Berthe. Jeanne avec qui il passera vingt ans.

La relation entre Paul et Berthe est une relation de couple sereine et paisible, installés dans un certain confort. L’homme sait gérer son budget et l’artiste vend bien ses productions. Ils vivent à Paris, puis à Saint-Tropez, une vie facile et mondaine. Mais aucun enfant ne vient, au grand désespoir de l’un comme de l’autre.

Puis apparaissent les Selmersheim, ces voisins si charmants. Jeanne est artiste peintre, mère de trois enfants, femme comblée par un mari très conciliant. L’amitié entre les deux couples est quasi immédiate, ils se reçoivent, s’apprécient. Jusqu’au jour où les Selmersheim déménagent. Est-ce l’absence qui a créé le manque ? Toujours est-il que Paul et Jeanne vivent une relation adultérine intense, puis Jeanne quitte mari et enfants pour vivre avec Paul. Cette femme libre avant l’heure devra supporter toute sa vie le fait d’être celle qui a volé le mari d’une autre. Et comme Paul ne divorcera jamais, il ne pourra jamais l’épouser. La rupture sera douloureuse pour Berthe, mais son mari ne l’abandonnera jamais, il lui écrira sans relâche chaque jour de sa vie…

Vaudeville ? Trio infernal ? Relation croisée à trois ? Ou tout simplement l’amour, quand il vous prend, vous garde, vous emporte, vous transporte à tel point que l’on peut même accepter l’autre, comprendre le mari, continuer à aimer la femme que l’on a abandonnée, vouloir l’une et l’autre.

Voilà donc une histoire bien singulière que je découvre ici. J’aime beaucoup découvrir des pans de la vie d’artistes que l’on admire pour leur œuvre sans pour autant connaitre leur vie, leur intimité. Là le lecteur est servi, c’est touchant, intime, étrange, fort… J’ai apprécié –sans forcément toujours le comprendre !- cet homme chez qui l’amour est primordial et va de pair avec la recherche du bonheur, mais aussi la créativité et le foisonnement avant-gardiste de l’artiste, son goût pour la nouveauté, ses amitiés et ses passions, politiques autant qu’artistiques…

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Catalogue éditeur : Philippe Rey

« Paul, Berthe et Jeanne : je suis issue d’une triple histoire d’amour. Un homme, peintre célèbre, deux femmes et une enfant illégitime – ma grand-mère. Cette histoire m’a été racontée depuis mon enfance. Mais j’ai voulu savoir ce qui s’était vraiment passé.

Les faits bruts, je les connaissais. En 1912, Paul Signac quitte sa femme Berthe pour une amie du couple, l’artiste Jeanne Desgrange. Pour lui, celle-ci divorce et abandonne ses enfants. Paul, de son côté, ne divorcera jamais, et parviendra à faire adopter par Berthe l’enfant qu’il aura de Jeanne. Quelle était la nature de cet amour, si vertigineux, qui leur a permis de repousser l’égoïsme, la souffrance, le doute, pour tenir bon, à trois ? » Ch. H.

D’une écriture élégante, sans concession, Charlotte Hellman nous plonge dans la vie amoureuse et dans l’ardeur créatrice du grand peintre qu’était Paul Signac, un homme travailleur, sportif, passionné, engagé politiquement et artistiquement aux côtés des avant-gardes, ami de Van Gogh, Monet, Seurat, Fénéon, Bonnard… La fin de siècle, la Première Guerre mondiale et sa tragédie, l’effervescence artistique de l’époque forment la toile de fond de cette histoire d’amour et de tolérance. Les interrogations de l’auteure permettent de déployer le destin de ces trois êtres, en s’appuyant sur les souvenirs familiaux mais aussi sur une abondante correspondance.

Fascinante immersion dans l’intimité d’un homme et de deux femmes hors normes, qui surent conquérir leur liberté face aux rigidités de leur temps. Trois êtres étincelants, résolument modernes.

Date de parution : 03/01/2019 / ISBN : 978-2-84876-714-7 / Format : 14,5 x 22 cm / Pages : 208 / Prix : 18.00 €

Le plus courageux des peureux. Guylaine Kasza

Lire « Le plus courageux des peureux » de Guylaine Kasza, mettre ses peurs dans un mouchoir au fond de sa poche et … rêver ! Pour les 8/10 ans.

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Inspirée d’un conte afghan que l’on raconte là-bas dans les maisons ou à l’ombre d’un grand arbre, l’histoire d’un homme qui a peur de tout a retenu l’attention de l’auteur. Elle a décidé de l’écrire à son tour, pour la faire lire au plus grand nombre.

A lire à partir de 8 ans, pour vaincre ses peurs… Ces peurs qui habitent chacun de nous ou de nos enfants, irraisonnées, incomprises parfois, moquées souvent, qui peuvent paralyser et handicaper aussi bien les enfants que les adultes.

Abdul est de ceux-là, car tout le terrorise, la nuit, les bruits, l’inconnu… Sa femme est lasse de ce mari qui lui fait parfois honte lorsqu’elle entend les ragots colportés par tout le village. Avec une ancienne du village, elle décide de lui jouer un tour, pour l’aider à vaincre ses peurs. Cela ne va pas se passer comme prévu, mais chut, je n’en dis pas plus…

L’histoire alterne avec quelques illustrations qui mettent en images les scènes du conte, c’est vivant, rythmé, agréable à lire, et interroge sur les peurs, leur réalité, et nos réactions dans certaines situations.

A votre tour, découvrez et faites découvrir à vos enfants cette série de contes parus dans la collection Kilim des éditions Syros.

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Catalogue éditeur : Syros

Une histoire pour prendre son courage à deux mains et dépasser ses peurs. 

Abdul est si peureux que le plus léger battement d’ailes d’un papillon le fait sursauter. Même les voyageurs qui viennent de loin ont entendu parler d’Abdul-le-peureux. Alors sa femme décide de tenter le tout pour le tout pour le guérir de sa frousse légendaire. Le pauvre Abdul est poussé hors de chez lui en pleine nuit… mais cette nuit-là, le redoutable géant Barzangui est de sortie !

Texte : Guylaine Kasza / Illustrations : Krzysztof Sukiennik.
8 ans – 10 ans / Date de publication : 05/09/2018 / ISBN : 9782748525809 / Prix : 6,40 €

L’ordre du jour. Eric Vuillard

Découvrir le roman d’Éric Vuillard « L’ordre du jour » Prix Goncourt 2017. Alors qu’on se méfie parfois du choix de ce prix prestigieux, céder aux conseils avisés des lecteurs et une fois de plus apprécier cet auteur.

Domi_C_Lire_l_ordre_du_jour_eric_vuillard.jpgLe 20 février 1933, Goering s’adresse à 24 des plus grands industriels et banquiers d’Allemagne, convoqués pour un ordre du jour étonnant : financer les projets du chancelier Hitler, le soutenir pour qu’il gagne les élections qui lui permettront de prendre le pouvoir… et par là même fermer les yeux sur ses projets d’annexions des principaux pays d’Europe, à savoir l’Autriche puis pourquoi pas le reste de l’Europe.

Car lorsque Hitler demande à Goering  de convoquer les plus grandes familles des industriels, banquiers ou assureurs, c’est à la fois pour leur soutirer les deutschemark qui financeront la folie du chancelier, mais également pour les rendre redevables à son égard. Et si ces familles, les Krupp, Siemens, Telefunken, Bayer, Opel, IG Farben, et autres BASF règnent encore aujourd’hui c’est bien grâce à leur compromission et leur aveuglement face à la suprématie meurtrière des nazis.

L’auteur nous régale des détails et des accommodements, des marchandages et des transactions qui mèneront à l’annexion de l’Autriche sans qu’aucun pays voisin, ni même l’Autriche elle-même ne se rebelle, et cela juste parce que Hitler l’a décidé ! Dès 1938, soutenu par les nazis autrichiens qu’il avait pris soin de mettre en place, Hitler obtient un accord du chancelier, puis le remplace par un Arthur Seyss-Inquart entièrement à sa botte. L’annexion de l’Autriche n’est plus qu’une question d’heures. Le parti nazi autrichien fait son coup d’état et Hitler réussi l’Anschluss dans le calme, nous sommes au printemps de 1938.

Le lecteur assiste alors à une évocation absolument surréaliste de cet épisode (ah, les Panzer, ces machines de guerre irréprochables) qui serait particulièrement risible si les conséquences n’en avaient pas été aussi tragiques. Et pendant ce temps, français et britanniques ferment les yeux, abusés par les discours légers de l’ambassadeur d’Allemagne. On a presque du mal à y croire, et pourtant !

L’écriture est superbe en particulier par ces détails à priori anodins mais qui font tout le sel des échanges, des conciliations, des lâchetés qui ont eu lieu à plus haut niveau, y compris dans le domaine de la diplomatie. Chacun tente de sortir son épingle du jeu, tout comme ces industriels qui ayant commencé par payer, ne pourront que poursuivre dans la compromission et le silence, et qui en sortiront les grands vainqueurs même après la défaite. Car de quoi a-ton besoin lorsqu’il est question de reconstruire un pays si ce n’est de ceux qui produisent et qui emploient, de ces forces vives qui sont prêtes à relever le défi pour le bien de la nation.

Mais alors, de quoi sont-ils coupables, d’entente avec le diable ou de lâcheté ? D’ignorance ou d’avoir fait silence ? D’avoir choisi leur profit ou d’aveuglement ? Quel étonnant roman-récit, qui en peu de pages, peu de mots au final, évoque sans en avoir l’air un pan entier des prémices de la seconde guerre mondiale. Mais aussi les aveuglements, les illusions, de bien des grands de ce monde, et qui au final n’auront pas payé aussi cher que la plupart des peuples qu’ils n’auront pas su protéger. Eric Vuillard nous a habitué à ces contrepieds à l’histoire, avec 14 juillet par exemple, où il faisait parler les oubliés, les sans grade. Ou en contant l’Histoire par son côté plus obscur comme dans Tristesse de la terre. Ici, en utilisant la réunion des industriels et l’ordre du jour, pour évoquer l’Anschluss et Hitler, alors chapeau bas, car on ne sort pas tout à fait indemne de cette lecture , même si, allez, on en aurait peut-être souhaité un peu plus.

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N’hésitez pas à lire également la chronique de Joëlle du blog Les livres de Joëlle ou celle d’Anthony Les livres de K79.


Catalogue éditeur : Actes Sud

L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet.

Mai, 2017 / 10,0 x 19,0 / 160 pages / ISBN 978-2-330-07897-3 / prix indicatif : 16, 00€

Prix Goncourt – 2017

Une jeunesse de Marcel Proust. Evelyne Bloch-Dano

Dans « Une jeunesse de Marcel Proust » Evelyne Bloch-Dano nous invite à revisiter la vie et l’entourage de Marcel Proust, pour comprendre ce qui a fait de cet auteur un écrivain aussi singulier.

Domi_C_Lire_une_jeunese_de_marcel_proust_blochdano.jpgTout un chacun, ou presque, connait ou a entendu parler du questionnaire de Proust, rendu célèbre dans les années 90 par Bernard Pivot qui terminait ses émissions Bouillon de culture en posant à ses invités quelques questions légèrement remaniées. C’est André Maurois qui évoque le premier ce document et qui suggère à l’éditeur Léonce Peillard de le soumettre à quelques auteurs. Fort de ce nouveau succès, l’éditeur publie « Cent écrivains répondent au questionnaire de Marcel Proust » à la fin des années 60.

Alors direz-vous, pourquoi Proust a-t-il inventé ce questionnaire et dans quel but ? Eh bien tout simplement il ne l’a jamais inventé ! Il est avant tout l’un des multiples répondants au questionnaire qui arrive de Grande Bretagne et qui sert à dévoiler sa personnalité et ses aspirations, questionnaire que posait Antoinette Faure, la dernière des filles du président Félix Faure à son entourage. Cette dernière compile dans son cahier les réponses de ses divers amis et relations.

La première fois qu’il y répond, le jeune Marcel est âgé de 16 ans environ, il se pliera à l’exercice une nouvelle fois quelques années plus tard, sans doute âgé alors de 23 ans. Point de départ pour Evelyne Bloch-Dano à l’écriture de ce livre – car il ne s’agit pas ici un roman, mais bien une étude – autour de la personnalité et étude sociologique de l’époque, de l’entourage, de l’auteur d’à la recherche du temps perdu.
A partir des réponses et des personnalités diverses des répondants, Évelyne Bloch-Dano va faire une étude sociologique de la société de l’époque. La famille Faure, ses relations avec les parents et le jeune Marcel. Partagée entre Paris et le Havre, ces jeunes gens vont connaitre les enfances heureuses de nantis, dans cette bourgeoisie élitiste de la société française de la fin des années 1880.

L’auteur analyse les différentes réponses, prétexte à mieux comprendre cette éducation, si différente selon qu’elle s’adresse aux filles ou aux garçons. L’éducation des filles n’a qu’un but, les préparer au mariage, celle des garçons d’en faire des hommes soutien de famille. Tout cela transparait dans les réponses. Mais émergent également les éléments de la mémoire d’un pays, car la guerre de 70 n’est pas loin. Image d’une société, d’habitudes, de culture entre autre, par les noms cités, artistes, écrivains, personnages mythiques ou réels auxquels on souhaite s’identifier, envie forte pour les filles de devenir des hommes, démontrent ces différences et ces attentes.
Mais également, et peut-être un peu tard, ou du moins par rapport au titre du livre qui m’a fait attendre plus d’informations de ce côté-là, l’auteur étudie la personnalité de Marcel Proust, sa relation à sa mère, à l’école, à l’écriture, aux jeunes garçons qui l’entourent et dont il se sent proche.

S’il est un peu trop long et parfois dense à mon goût, ce livre a cependant l’immense avantage de décortiquer la société française de la fin des années1880. Dense, documenté, éclectique l’auteur nous présente un instantané qui dépeint la société avec une vision large, enfants ou parents, bourgeois ou politiques, parisiens ou provinciaux, dans les écoles ou pendant les loisirs, tout est analysé et détaillé avec une érudition qui comblera les plus exigeants.

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Catalogue éditeur : Stock

Qui n’a jamais entendu parler du questionnaire de Proust ?
Les réponses de l’écrivain ont traversé le temps et fait le tour  du monde. On a oublié qu’elles provenaient d’un album  intitulé Confessions, appartenant à Antoinette Faure, la fille  du futur président de la République.
En participant à ce jeu de société à la mode, Marcel Proust  ne se doutait pas qu’il livrerait des indices sur l’adolescent  qu’il était. Ses réponses ont été commentées. Mais jamais  contextualisées ou comparées. Jamais datées avec exactitude.
De Gilberte aux Champs-Élysées à la petite bande d’Albertine  et des jeunes filles en fleurs, quelles traces ont-elles laissées  dans son œuvre ?
Évelyne Bloch-Dano a mené l’enquête. Elle est parvenue  à identifier les autres amis de l’album d’Antoinette. C’est  alors tout un monde qui a surgi, celui des jeunes filles de la  bourgeoisie de la Belle Époque. Quelques garçons aussi. À travers leurs goûts, leurs rêves, s’est dégagé le portrait d’une  génération. Celle de Marcel Proust.

Parution : 20/09/2017 / 304 pages / Format : 135 x 215 mm / EAN : 9782234075696 /  Prix : 19.50 €

 

Arrête avec tes mensonges. Philippe Besson

« Arrête avec tes mensonges » est une surprise, un beau roman-récit, sur la vie d’un homme qui se dévoile sans pudeur mais avec une certaine retenue malgré tout.

DomiCLire_arrete_avec_tes_mensongesRoman qui pose une question essentielle : comment accepte-t-on ce que l’on est, homosexuel, dans une ville de province, dans la campagne dans les années 80…

Philippe Besson vient de Barbezieux, cette ville de Charente un peu oubliée des Dieux, car si elle est située sur une route, entre Bordeaux et Paris, rien, mais absolument rien, ne peut lui donner de  charme, ni l’océan pourtant proche, ni la montagne. Une ville de province, avec ses écoles, sa mairie, et ses jeunes qui s’ennuient au collège, où ils espèrent un ailleurs et une vie plus belle, ou même pas forcément, puisque leur chemin est tout tracé et sera de suivre et de reprendre la propriété des parents, surtout dans ces années 80 où Philippe a 17 ans.

C’est à Barbezieux que Philippe s’éveille aux amours adolescentes. Il a su très vite qu’il préfère les garçons. Il comprend aussi qu’il faut parfois cacher que l’on aime, car la morale, le qu’en dira-t-on, peuvent faire des dégâts terribles.

C’est pourtant là aussi que Thomas, celui qu’il admire et dont il rêve en secret, va venir vers lui pour une relation secrète et passionnée. Mais le poids du silence, des autres, feront de cette histoire d’amour une histoire sans avenir.  Jusqu’au jour où, des années après, Philippe va comprendre, savoir ce qu’est devenu celui qu’il a aimé si intensément.

Il n’y a pas de complaisance dans ces lignes, il y a un regard lucide sur le passé. Regard sur une vie, sur des regrets sans doute, des incompréhensions, sur le poids et le mal que peuvent faire cette conscience que l’on a des autres, de la famille, quand on n’assume pas de vivre ce que l’on est au fond de soi. Mais également sur la douleur de l’abandon, de l’absence, que l’on retrouvera dans les livres de l’auteur, comme des graines de cet amour-là dispersées au fil du temps. Peut-être un peu de lâcheté aussi, dans le silence et la fuite, des années après…

C’est néanmoins une belle et émouvante leçon de vie.

Criant de vérité, de justesse et de réalisme, voilà un récit autobiographique, encore, mais un récit poignant, mélancolique et douloureux parfois. L’auteur pose un regard juste et sans complaisance ni mélo sur une vie, sur un échec sans doute aussi. Une belle surprise assurément.


Catalogue éditeur : Julliard        

Quand j’étais enfant, ma mère ne cessait de me répéter : « Arrête avec tes mensonges. » J’inventais si bien les histoires, paraît-il, qu’elle ne savait plus démêler le vrai du faux. J’ai fini par en faire un métier, je suis devenu romancier.
Aujourd’hui, voilà que j’obéis enfin à ma mère : je dis la vérité. Pour la première fois. Dans ce livre.
Autant prévenir d’emblée : pas de règlement de comptes, pas de violence, pas de névrose familiale.
Mais un amour, quand même.
Un amour immense et tenu secret.
Qui a fini par me rattraper.

Parution : 5 Janvier 2017 / Format : 130 x 205 mm / Nombre de pages : 198 / Prix : 18,00 € / ISBN : 2260029884

 

Mémé. Philippe Torreton

Il y a beaucoup de charme, en même temps qu’une grande nostalgie dans ce livre écrit par le comédien et auteur, Philippe Torreton.

DomiCLire_meme_philippe_torretonVoilà un bien joli livre qui vient de paraitre chez j’ai Lu, pas un roman, pas vraiment un récit, peut-être d’avantage un recueil de souvenirs, de réflexions, de regrets ou de petits bonheurs. Hymne à Mémé, (celle de Philippe Torreton, mais peut-être aussi un peu la nôtre !) mais également reflet du temps qui passe, coups de pieds et coups de cœur donnés aux souvenirs d’enfance que l’on tient bien au chaud dans sa mémoire.

J’ai bien aimé, alors que j’étais un peu réticente à l’idée de ce livre écrit par un acteur, oui, je sais, c’est stupide ! Et bien évidement j’ai retrouvé mes propres souvenirs d’enfance, la vie qui passe, les personnes aimées qui ne sont plus, mais aussi une l’image d’une France rurale qu’on a l’impression d’avoir perdue. Toute une époque où ce n’était ni mieux ni moins bien mais juste différent d’aujourd’hui !

A lire, certainement avec beaucoup de plaisir et un brin de nostalgie.


Catalogue éditeur : J’ai Lu

Philippe Torreton dresse le portrait de celle qui fut le personnage central de son enfance. Dans les années 1970 et 1980, sa grand-mère vivait en Normandie. Il lui revient en mémoire les meubles en formica, les parties de dominos, la tendresse et la vie simple.

Collection : Littérature / Prix : 6,50 € / EAN : 9782290138892 / Date de parution : 15/02/2017

L’opticien de Lampedusa. Emma-Jane Kirby

Parce qu’il est des romans indispensables pour comprendre, ou du moins essayer,
Parce qu’il est des romans qui ne font ni rire, ni sourire, mais qu’il faut lire,
Parce qu’il est des causes qu’on embrasse ou qu’on rejette, mais qui ne laissent jamais indifférent,
« L’opticien de Lampedusa » d’Emma-Jane Kirby est de ceux-là.

Éditions des Équateurs - L'opticien de Lampedusa - Emma-Jane KirbyA l’origine, une aventure, un témoignage, une expérience dont un groupe de huit personnes se souviendra toute sa vie.
Sur l’ile de Lampedusa, l’opticien et ses amis ont pour habitude de partir en bateau ensemble, se divertir, pêcher, se relaxer et oublier les tracas du quotidien.
Sur l’ile de Lampedusa, des migrants par milliers, souvent abusés par des passeurs malhonnêtes, bravent les flots sur des embarcations de fortune pour venir chercher en Europe un hypothétique eldorado au risque d’y perdre la vie.
Sur l’ile de Lampedusa, un jour, les premiers ont croisé la route des seconds, par hasard, cris de mouette ou cris humains, les hommes, les femmes, les enfants, sont des naufragés qu’il faut sauver, des mains tendues, des corps qui souffrent, des corps qui sombrent. Et après, forcément, la vie n’est plus la même, n’a plus la même saveur tranquille pour ceux qui ne voulaient pas voir, pas comprendre, pas aider.

Emma-Jane Kirby a recueilli les témoignages de ces hommes-là, ceux qui ont vu et vécu, tenté de sauver, et de retrouver cette étincelle d’humanité qui s’allume quand les chiffres deviennent des hommes, des vrais, à qui on a tenu la main et qu’on extrait de flots où ils se perdent. Ce roman, qui est aussi avant tout un récit, m’a fait penser au très beau premier roman de Pascal Manoukian Les échoués. Problème insoluble de l’émigration, de ces pays en guerre qu’il faut fuir, mais pour aller où, s’intégrer comment, et pour y trouver quoi ? Beaucoup de questions, et bien peu de réponses satisfaisantes.

 #rl2016


Catalogue éditeur : éditions des équateurs

« Là, là-bas, des centaines. Les bras tendus, ils crachent, hoquettent, s’ébrouent comme une meute suppliante. Ils se noient sous mes yeux et je n’ai qu’une question en tête : comment les sauver tous ? »
La cinquantaine, l’opticien de Lampedusa est un homme ordinaire. Avec sa femme, il tient l’unique magasin d’optique de l’île. Ils aiment les sardines grillées, les apéros en terrasse et les sorties en bateau sur les eaux calmes autour de leur petite île paradisiaque.
Il nous ressemble. Il est consciencieux, s’inquiète pour l’avenir de ses deux fils, la survie de son petit commerce. Ce n’est pas un héros. Et son histoire n’est pas un conte de fées mais une tragédie : la découverte d’hommes, de femmes, d’enfants se débattant dans l’eau, les visages happés par les vagues, parce qu’ils fuient leur pays, les persécutions et la tyrannie.
L’opticien de Lampedusa raconte le destin de celui qui ne voulait pas voir. Cette parabole nous parle de l’éveil d’une conscience. Au plus près de la réalité, d’une plume lumineuse et concise, Emma-Jane Kirby écrit une ode à l’humanité.

160 pages / 15.00 € / paru le 1 septembre 2016 / ISBN 978-2-84990-458-9

Cellule. Lou Marcouly-Bohringer

Avec cellule, Lou Marcouly-Bohringer nous fait pénétrer dans ce monde en marge, celui de la maladie, celle qui détruit autant le malade que ses proches et dont l’issue est le plus souvent fatale.

domiclire_celluleLe coup de fil comme départ et comme fin, celui qui annonce la maladie, qui détruit le monde d’avant, ce monde dans lequel on peut vivre tranquille, serein, car tout est encore possible, et qui nous dépose sur une autre berge, un autre continent, celui de la maladie et la peur qui ne nous quittera plus jamais.

La narratrice vit un quotidien dans lequel elle est plutôt passive et peu motivée pour le succès et la réussite, et elle s’en contente avec bonheur et délectation. Au chômage et même pas demandeur ou plutôt chercheur d’emploi, elle vivote sans trop se poser de questions. Jusqu’au jour où…

… ce jour-là, un appel vient bouleverser sa vie et lui apprendre, lui dire les tâches au cerveau, la maladie, celle dont personne ne veut entendre parler et qui fait mal, qui fait peur, qui signifie la mort, et que chacun refuse obstinément d’envisager. Et voilà la narratrice engagée avec sa mère dans une lutte contre la tumeur, contre ces cellules qui prolifèrent obstinément, irréversiblement. L’hôpital, les nuits sur le lit pliant pour ne pas laisser, ne pas abandonner l’autre, le ou la malade, celui ou celle à qui on tient tant, pour quelques heures de plus volées à l’absence qui se profile ; puis les attentes, les traitements, le personnel hospitalier, bourru, ému, empathique, brusque parfois par résistance ou résilience ; les voisins de chambre et leurs familles, au bord du précipice eux aussi, alors il est si difficile de communiquer et de vouloir les entendre ; la faiblesse enfin, la perte de poids, la douleur, l’étincelle de dignité qui s’éteint face à la souffrance, la maladie qui transforme les êtres que l’on aime plus que tout, l’idée que l’on se fait du partage, de l’échange, de la solidarité et de l’amour qu’on donne et qu’on est capable de montrer ou pas devant une épreuve aussi terrible.

Ce court texte vous envoi à terre aussi efficacement qu’un uppercut en plein estomac, et tous ceux qui ont vécu ces moments s’y retrouvent, dans l’avant mais surtout dans cet après, quand tout a basculé et qu’on est confronté à la maladie et à la mort d’un proche sans retour arrière possible vers la vie d’avant, celle de l’insouciance et du bonheur sans tâche.

Extrait :

Trente minutes, c’est ce qu’il faut pour expliquer sans trop de détails mais de manière clairement définitive que la maladie a débarqué dans ta vie.
Et qu’elle va tout défoncer.
Poussez-vous, faites de la place, la voilà.
Ah, vous ne l’attendiez pas ?
Tant pis.

 #RL2016


Catalogue éditeur : Flammarion

Dans ce court récit vif et percutant, Lou Marcouly-Bohringer nous plonge dans le quotidien d’une famille confrontée à la maladie. Sur un rythme implacable, elle scande les sentiments comme autant de cris d’amour.

Thème : Littérature française / Collection : Littérature française / Parution : 28/09/2016 / Format : 11.5×18.5×0 cm / Prix : 12,00 € / EAN : 9782081388000